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Arrêt De La Cour Constitutionelle
publié le 25 juin 1997

Arrêt n° 23/97 du 30 avril 1997 Numéro du rôle : 945 En cause : la question préjudicielle concernant certains articles de la loi du 5 août 1991 sur la protection de la concurrence économique, posée par le Conseil de la concurrence. La C composée des présidents M. Melchior et L. De Grève, et des juges H. Boel, L. François, P. Martens, (...)

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COUR D'ARBITRAGE


Arrêt n° 23/97 du 30 avril 1997 Numéro du rôle : 945 En cause : la question préjudicielle concernant certains articles de la loi du 5 août 1991Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/08/1991 pub. 10/08/2010 numac 2010000448 source service public federal interieur Loi relative à l'importation, à l'exportation, au transit et à la lutte contre le trafic d'armes, de munitions et de matériel devant servir spécialement à un usage militaire ou de maintien de l'ordre et de la technologie y afférente. - Coordination officieuse en langue allemande fermer sur la protection de la concurrence économique, posée par le Conseil de la concurrence.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et L. De Grève, et des juges H. Boel, L. François, P. Martens, J. Delruelle, G. De Baets, H. Coremans, A. Arts et R. Henneuse, assistée du greffier L. Potoms, présidée par le président M. Melchior, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle Par décision n° 96-VMP-1 du 19 mars 1996 en cause de R. Tambue contre l'Ordre national des avocats de Belgique et les ordres des différents barreaux, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 25 mars 1996, le Conseil de la concurrence a posé la question préjudicielle suivante : " Les dispositions de la loi du 5 août 1991Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/08/1991 pub. 10/08/2010 numac 2010000448 source service public federal interieur Loi relative à l'importation, à l'exportation, au transit et à la lutte contre le trafic d'armes, de munitions et de matériel devant servir spécialement à un usage militaire ou de maintien de l'ordre et de la technologie y afférente. - Coordination officieuse en langue allemande fermer sur la protection de la concurrence économique relatives à la saisine du Conseil de la concurrence et aux compétences du Conseil de la concurrence à l'égard des entreprises et associations d'entreprises, et notamment les articles 6, 1er, 10, 1er, 12, 5, 16, 23, 1er, 27 à 33, 35, 36 à 41, violent-elles l'article 10 de la Constitution, dans la mesure o· il faudrait déduire de ces dispositions, interprétées à la lumière des articles 468, 469bis, 477, 502, 610, 611 et 1088 du Code judiciaire, qu'échappent à la juridiction du Conseil de la concurrence à supposer qu'ils constituent des pratiques restrictives de concurrence au sens de la loi du 5 août 1991Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/08/1991 pub. 10/08/2010 numac 2010000448 source service public federal interieur Loi relative à l'importation, à l'exportation, au transit et à la lutte contre le trafic d'armes, de munitions et de matériel devant servir spécialement à un usage militaire ou de maintien de l'ordre et de la technologie y afférente. - Coordination officieuse en langue allemande fermer ou des articles 85 et 86 du Traité de Rome les règles et usages de la profession d'avocat arrêtés par voie de règlements du Conseil général de l'Ordre national des avocats, ou résultant des actes des autorités du barreau, en ce compris les résolutions réglementaires que les Conseils de l'Ordre adoptent, et dans la mesure o· il faudrait dès lors constater que la loi du 5 août 1991Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/08/1991 pub. 10/08/2010 numac 2010000448 source service public federal interieur Loi relative à l'importation, à l'exportation, au transit et à la lutte contre le trafic d'armes, de munitions et de matériel devant servir spécialement à un usage militaire ou de maintien de l'ordre et de la technologie y afférente. - Coordination officieuse en langue allemande fermer crée, sur le plan de l'application du droit de la concurrence, entre les titulaires de la profession d'avocat et ceux d'autres professions libérales, un traitement différencié sur base d'un critère de rattachement de leur Ordre respectif à l'ordre administratif ou à l'ordre judiciaire ? " II. Les faits et la procédure antérieure R. Tambue a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques de l'Ordre national des avocats de Belgique et des ordres des différents barreaux, pratiques qu'il estime anticoncurrentielles.

Visé par une procédure d'omission de la liste des stagiaires, entamée à son encontre par l'Ordre des avocats du barreau d'Arlon pour non-accomplissement des obligations du stage, R. Tambue sollicite en outre de la présidente du Conseil le prononcé de mesures provisoires.

L'incompétence du Conseil de la concurrence ayant été soulevée par les parties défenderesses, la présidente pose à la Cour la question ci-dessus.

III. La procédure devant la Cour Par ordonnance du 25 mars 1996, le président en exercice a désigné les juges du siège conformément aux articles 58 et 59 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage.

Le 27 mars 1996, les juges-rapporteurs R. Henneuse et L.P. Suetens ont informé le président, en application de l'article 71, alinéa 1er, de la loi organique, qu'ils pourraient être amenés à proposer à la Cour, siégeant en chambre restreinte, de prononcer un arrêt constatant que la question préjudicielle posée par la présidente du Conseil de la concurrence ne relève manifestement pas de la compétence de la Cour.

Les conclusions des juges-rapporteurs ont été notifiées aux parties conformément à l'article 71, alinéa 2, de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 28 mars 1996 et le 12 avril 1996.

Des mémoires justificatifs ont été introduits par : Me R. Tambue, avocat, demeurant à 6791 Athus, rue Haute 32, bo*te 1, par lettre recommandée à la poste le 10 avril 1996; l'Ordre national des avocats de Belgique, dont le siège est établi à 1060 Bruxelles, avenue de la Toison d'Or 65, et l'Ordre des avocats du barreau d'Arlon, dont le siège est établi à 6700 Arlon, Palais de Justice, place Léopold, par lettre recommandée à la poste le 29 avril 1996.

Par ordonnance du 13 juin 1996, la Cour, chambre restreinte, a constaté que la proposition de rendre un arrêt d'incompétence n'est pas retenue au vu des mémoires justificatifs qui ont été introduits par les parties.

La décision de renvoi a été notifiée conformément à l'article 77 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 17 juin 1996; l'ordonnance mettant fin à la procédure préliminaire (article 71) a été notifiée par les mêmes lettres.

L'avis prescrit par l'article 74 de la loi organique a été publié au Moniteur belge du 26 juin 1996.

Des mémoires ont été introduits par : l'Ordre national des avocats de Belgique, par lettre recommandée à la poste le 25 juillet 1996; l'Ordre des avocats du barreau d'Arlon, par lettre recommandée à la poste le 29 juillet 1996;

R. Tambue, par lettre recommandée à la poste le 2 août 1996; le Conseil des ministres, rue de la Loi 16, 1000 Bruxelles, par lettre recommandée à la poste le 2 août 1996.

Ces mémoires ont été notifiés conformément à l'article 89 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 30 août 1996.

Des mémoires en réponse ont été introduits par : l'Ordre des avocats du barreau d'Arlon, par lettre recommandée à la poste le 26 septembre 1996; l'Ordre national des avocats de Belgique, par lettre recommandée à la poste le 30 septembre 1996;

R. Tambue, par lettre recommandée à la poste le 2 octobre 1996.

Par ordonnances du 17 septembre 1996 et du 26 février 1997, la Cour a prorogé respectivement jusqu'aux 25 mars 1997 et 25 septembre 1997 le délai dans lequel l'arrêt doit être rendu.

Par ordonnance du 29 janvier 1997, le président M. Melchior a soumis l'affaire à la Cour réunie en séance plénière et a constaté que le juge G. De Baets était devenu rapporteur en remplacement du juge L.P. Suetens, décédé le 2 septembre 1996.

Par ordonnance du même jour, la Cour a déclaré l'affaire en état et fixé l'audience au 19 février 1997.

Cette ordonnance a été notifiée aux parties ainsi qu'à leurs avocats par lettres recommandées à la poste le 29 janvier 1997.

Par ordonnance du 19 février 1997, le président en exercice a constaté que les juges E. Cerexhe et M. Bossuyt étaient empêchés.

A l'audience publique du 19 février 1997 : ont comparu : . Me L. Misson et Me S. Bredael, avocats au barreau de Liège, et Me G.-H. Beauthier, avocat au barreau de Bruxelles, loco Me J. Van Drooghenbroeck, avocat au barreau de Nivelles, pour R. Tambue; . Me A. Braun et Me P. Lambert, avocats au barreau de Bruxelles, pour l'Ordre national des avocats de Belgique; . Me Y. Hannequart, avocat au barreau de Liège, pour l'Ordre des avocats du barreau d'Arlon; . Me R. Witmeur, avocat au barreau de Bruxelles, pour le Conseil des ministres; les juges-rapporteurs R. Henneuse et G. De Baets ont fait rapport; les avocats précités ont été entendus; l'affaire a été mise en délibéré.

La procédure s'est déroulée conformément aux articles 62 et suivants de la loi organique, relatifs à l'emploi des langues devant la Cour.

IV. En droit A Mémoire de l'Ordre national des avocats de Belgique A.1.1. A titre principal, la question préjudicielle posée par la présidente du Conseil de la concurrence ne relève pas de la compétence de la Cour d'arbitrage. D'une part, parce que son véritable objet consiste à demander à la Cour d'interpréter, les unes par rapport aux autres, les deux séries de dispositions (de la loi du 5 août 1991Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/08/1991 pub. 10/08/2010 numac 2010000448 source service public federal interieur Loi relative à l'importation, à l'exportation, au transit et à la lutte contre le trafic d'armes, de munitions et de matériel devant servir spécialement à un usage militaire ou de maintien de l'ordre et de la technologie y afférente. - Coordination officieuse en langue allemande fermer et du Code judiciaire) que cite la question et de choisir une interprétation parmi les deux possibles, entre lesquelles le juge a quo, quant à lui, ne choisit pas. D'autre part, la question préjudicielle tend à demander à la Cour de se prononcer sur une question de partage de compétence entre une juridiction administrative (le Conseil de la concurrence) et la juridiction judiciaire suprême : il lui est demandé en réalité de trancher un conflit d'attribution, matière que l'article 158 de la Constitution réserve à la compétence de la Cour de Cassation.

A.1.2. A titre subsidiaire à supposer que la Cour se déclare néanmoins compétente pour conna*tre de la question préjudicielle , le Conseil de la concurrence n'est pas compétent pour conna*tre des règles et actes des différents barreaux. Selon une jurisprudence constante du Conseil d'Etat, l'Ordre national des avocats comme les conseils de l'Ordre des différents barreaux ne peuvent être considérés comme des autorités administratives au sens des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat.

C'est parce qu'un système de recours spécifique est organisé par le Code judiciaire auprès des cours et tribunaux de l'ordre judiciaire que les actes et règles des autorités du barreau échappent au contrôle du juge administratif; ce statut particulier se justifie par le souci de protéger l'indépendance de la profession d'avocat et par sa place dans l'exercice de la fonction judiciaire. Pas plus que le Conseil d'Etat, le Conseil de la concurrence, juridiction administrative, n'est compétent pour conna*tre des recours contre les actes pris par les autorités du barreau, de telle sorte qu'une différence de traitement existe donc entre les avocats et les autres professions libérales par rapport à leurs règles professionnelles.

A.1.3. Cette différence de traitement fait l'objet d'une justification objective et raisonnable. A l'inverse des autres professions libérales, la profession d'avocat joue un rôle clé au sein du pouvoir judiciaire, raison pour laquelle on a voulu soustraire son organisation au contrôle des juridictions relevant du pouvoir exécutif. Comme il ressort des travaux préparatoires du Code judiciaire, le souci a été d'éviter toute immixtion du pouvoir exécutif au sein du pouvoir judiciaire. La Cour d'arbitrage, dans son arrêt n° 33/94 du 26 avril 1994, a déjà justifié, dans le même sens, la différence de traitement faite entre les greffiers des cours et tribunaux et les autres fonctionnaires du pouvoir exécutif.

A.1.4. La différence de traitement n'est pas davantage disproportionnée à l'objectif poursuivi.

En effet, l'incompétence du Conseil de la concurrence à l'égard des actes et règlements des autorités du barreau ne conduit pas à une absence de tout contrôle à leur égard; les dispositions du Code judiciaire visées par la question préjudicielle organisent une série de contrôles au sein du pouvoir judiciaire; ainsi, notamment, la Cour de Cassation peut-elle annuler certains actes et règlements (articles 610 et 611) et les juridictions disciplinaires peuvent-elles refuser d'appliquer des règlements jugés illégaux. Ces mécanismes permettent un contrôle du respect, par les autorités du barreau, des règles en matière de concurrence. Le fait que l'étendue et les modalités de ce contrôle soient différentes des autres professions n'empêche pas qu'existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre la différence de traitement et l'objectif poursuivi par le législateur.

Mémoire du Conseil des ministres A.2. A ce stade de la procédure, le Conseil des ministres s'en réfère à la sagesse de la Cour.

Mémoire de l'Ordre des avocats du barreau d'Arlon A.3. A titre préliminaire, en ce qui concerne l'incompétence de la Cour d'arbitrage à conna*tre de la question préjudicielle, le mémoire s'en réfère expressément au mémoire déposé par l'Ordre national des avocats de Belgique (cf. ci-dessus sub A.1.1).

A.4.1. Tout d'abord, la question préjudicielle est dénuée de pertinence : en effet, ce sont les dispositions de la loi sur la protection de la concurrence elles-mêmes qui entra*nent l'incompétence du Conseil de la concurrence, le Code judiciaire n'exerçant aucune influence sur cette incompétence.

A.4.2. A l'inverse des instituts professionnels, les ordres professionnels (des avocats, des médecins, des architectes, des pharmaciens et des vétérinaires) n'ont pas pour finalité de défendre les intérêts matériels ou moraux de leurs membres, mais ont une finalité d'intérêt public, à savoir celle de veiller à ce que leurs membres se comportent conformément aux exigences propres à la mission confiée à la profession et à ce que les avocats participent de façon adéquate au bon fonctionnement de l'organisation judiciaire.

En ce qui concerne les avocats, ni l'Ordre national ni les ordres locaux ne détiennent, en vertu de la loi, de mission ou de pouvoir; le législateur a confié à certains organes à caractère électif (le conseil général, les conseils de l'Ordre et les bâtonniers) des missions, selon le cas, de nature réglementaire ou disciplinaire.

A.4.3. Les travaux préparatoires de la loi du 5 août 1991Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/08/1991 pub. 10/08/2010 numac 2010000448 source service public federal interieur Loi relative à l'importation, à l'exportation, au transit et à la lutte contre le trafic d'armes, de munitions et de matériel devant servir spécialement à un usage militaire ou de maintien de l'ordre et de la technologie y afférente. - Coordination officieuse en langue allemande fermer imposent d'interpréter celle-ci à la lumière de l'interprétation des articles 85 et 86 du Traité de Rome. Il ressort de la jurisprudence de la Cour de justice, d'une part, que la notion d'entreprise comprend toute entité exerçant une activité économique et que, d'autre part, l'exercice d'une compétence réglementaire étatique sort, sauf exception, du champ d'application des articles 85 et 86 du Traité de Rome.

A.4.4. En tant que juridiction belge, le Conseil de la concurrence doit tenir compte des limites de compétence fixées par la loi belge et ne peut empiéter sur les pouvoirs des autres juridictions. S'il ne lui est pas interdit de recourir à l'article 159 de la Constitution, il lui est interdit par contre de frapper de sanctions ou d'interdictions des règlements de puissance publique, en les traitant comme des pratiques restrictives de concurrence. L'annulation d'un règlement relève de la seule compétence du Conseil d'Etat et de la Cour de Cassation.

A.4.5. La comparaison faite avec la position prise par le Conseil de la concurrence dans l'affaire Roland / Ordre des architectes est irrelevante en ce qu'il s'agissait, d'une part, d'une recommandation et non d'un règlement et, d'autre part, de la fixation d'un tarif d'honoraires, laquelle peut s'apparenter à une pratique généralisée de nature économique et susceptible de restreindre la concurrence.

A.4.6. Les ordres professionnels ne sont, en vertu de leur nature et de leurs statuts, ni des entreprises ni des associations d'entreprises, même si leurs membres, considérés isolément, constituent des opérateurs économiques. En ce qui concerne l'Ordre des avocats, la compétence réglementaire qui lui a été déléguée relève de la poursuite d'objectifs d'intérêt général et du domaine de la moralité sociale, lesquels n'ont rien à voir avec la poursuite d'un but économique. A supposer qu'il faille distinguer l'Ordre des avocats des autres ordres professionnels, c'est cette compétence réglementaire propre qui le distinguerait des autres ordres professionnels, lesquels ne peuvent que proposer au pouvoir exécutif l'adoption de certaines règles.

A.4.7. En ce qui concerne le type de règlement en cause dans la question préjudicielle à savoir les règlements relatifs aux stages , il s'agit d'une matière pour laquelle le législateur a, dans le cadre fixé par lui, délégué aux conseils de l'Ordre une mission réglementaire, le conseil général pouvant intervenir pour les besoins d'une unification. Les règlements de stage relèvent non de la matière de la protection de la concurrence, mais de celle de l'accès à la profession.

A.5. A supposer, à titre subsidiaire, que le Conseil de la concurrence puisse prendre des sanctions vis-à-vis de certaines mesures réglementaires des ordres, il n'en résulterait pas que, hormis dans le cadre de l'article 42 de la loi du 5 août 1991Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/08/1991 pub. 10/08/2010 numac 2010000448 source service public federal interieur Loi relative à l'importation, à l'exportation, au transit et à la lutte contre le trafic d'armes, de munitions et de matériel devant servir spécialement à un usage militaire ou de maintien de l'ordre et de la technologie y afférente. - Coordination officieuse en langue allemande fermer, ces sanctions s'imposeraient aux juridictions disciplinaires de ces ordres amenées à appliquer lesdits règlements. Le Conseil de la concurrence ne peut s'immiscer dans le pouvoir juridictionnel conféré à ces juridictions spécifiques, lesquelles sont soumises au seul contrôle de la Cour de Cassation, en vertu de l'article 614 du Code judiciaire.

A.6.1. A supposer que les articles 502, 610, 611 et 1088 du Code judiciaire enlèvent au Conseil de la concurrence le pouvoir de sanctionner les règlements émanant des ordres des avocats, mais non ceux des autres ordres, il n'en résulterait pas que la loi du 5 août 1991Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/08/1991 pub. 10/08/2010 numac 2010000448 source service public federal interieur Loi relative à l'importation, à l'exportation, au transit et à la lutte contre le trafic d'armes, de munitions et de matériel devant servir spécialement à un usage militaire ou de maintien de l'ordre et de la technologie y afférente. - Coordination officieuse en langue allemande fermer violerait l'article 10 de la Constitution. La différence de traitement résulterait en réalité, non de cette loi qui ne crée en elle-même aucune distinction , mais du Code judiciaire. Il n'y aurait pas pour autant discrimination. D'une part, parce que les ordres professionnels ne sont pas comparables et, d'autre part, parce que, à supposer même qu'ils soient comparables, la différence de traitement, sur le plan de la compétence du Conseil de la concurrence, reposerait sur une justification objective et raisonnable.

A.6.2. Le Code judiciaire, préexistant à la loi du 5 août 1991Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/08/1991 pub. 10/08/2010 numac 2010000448 source service public federal interieur Loi relative à l'importation, à l'exportation, au transit et à la lutte contre le trafic d'armes, de munitions et de matériel devant servir spécialement à un usage militaire ou de maintien de l'ordre et de la technologie y afférente. - Coordination officieuse en langue allemande fermer, a entendu, d'une part, garantir l'indépendance du barreau comme celle des avocats eux-mêmes et, d'autre part, rattacher les ordres des avocats au judiciaire.

S'agissant de ce dernier point, le Conseil d'Etat, juridiction de droit commun pour les recours en annulation en matière d'excès de pouvoir, est cependant incompétent à l'égard de tous les actes émanant du pouvoir judiciaire ou d'organes qui collaborent à l'exercice de ce pouvoir. Les actes réglementaires des ordres des avocats rentrent précisément dans le cadre de cette collaboration. En outre, l'incompétence du Conseil d'Etat pour en conna*tre résulte de la compétence expresse donnée à la Cour de cassation par l'article 611 du Code judiciaire, dont les travaux préparatoires indiquent clairement le souhait d'exclure toute compétence des juridictions administratives.

Cette exclusion de compétence des juridictions administratives est justifiée. Les tiers ne sont pas concernés par la force obligatoire des règlements des ordres professionnels, mais peuvent agir en responsabilité au cas o· ceux-ci leur causeraient préjudice.

L'intervention du juge des référés comme celle des tribunaux de l'ordre judiciaire sont possibles dans le cadre du contrôle judiciaire de la puissance publique. En ce qui concerne les procédures disciplinaires, les avocats peuvent soulever l'illégalité des règlements, sans préjudice du contrôle de la Cour de cassation.

A.6.3. En ce qui concerne la limitation des personnes habilitées à saisir la Cour de cassation, elle est justifiée, d'une part, par la limitation de la force obligatoire des règlements aux seuls avocats et, d'autre part, par l'objet du recours, à savoir la sauvegarde de l'intérêt général.

A.7.1. En ce qui concerne la portée de la question par rapport aux faits de la cause, R. Tambue, de nationalité allemande, a obtenu son diplôme de droit en France; après avoir raté à quatre reprises le certificat d'aptitude à l'exercice de la profession d'avocat, une procédure d'omission a été entamée à son encontre par le Conseil de l'Ordre d'Arlon.

Par ailleurs, il ressort de la décision du Conseil de la concurrence que sont visés tous les règlements du conseil général et des conseils de l'Ordre, toutes les règles et tous les usages, toute décision à prendre dans l'affaire R. Tambue; en bref, tout ce qui aurait pour objet ou pour effet de limiter l'accès à la profession ou son exercice devrait être supprimé, en tant que pratique restrictive de concurrence.

A.7.2. Vu le passé de R. Tambue, l'époque et le lieu de ses études de droit, les difficultés de celui-ci à réussir le certificat d'aptitude sont compréhensibles, raison pour laquelle le barreau d'Arlon a fait preuve de mansuétude à son égard. Cette situation très spécifique ne justifie toutefois pas que soient remis en cause le principe même de l'épreuve et sa sanction par un jury.

A.7.3. La disponibilité limitée des patrons de stage, comme la prise en charge, par eux, de plusieurs stagiaires, ont rendu nécessaire la mise en place d'une formation collective; l'efficacité de celle-ci supposait qu'elle soit réellement suivie par les stagiaires et impliquait le contrôle des aptitudes acquises lors de cette formation.

Par ailleurs, d'autres dispositions ont dû être prises afin de garantir la qualité du patronage. Il s'ensuit que les distorsions en matière de concurrence qui résulteraient des règlements en cause sont inexistantes, et ce d'autant plus qu'ils relèvent non de cette matière, mais des conditions d'accès à la profession.

A.7.4. A supposer que la Cour estime nécessaire une connaissance plus concrète du dossier, il lui appartient de demander la communication du dossier constitué par les services du Conseil de la concurrence.

Mémoire de R. Tambue A.8.1. En ce qui concerne la question de la compétence de la Cour, l'objet de la question préjudicielle n'est pas de poser, en soi et purement et simplement, une question d'interprétation de la loi applicable, celle-ci étant néanmoins un préalable nécessaire à l'appréciation de sa constitutionnalité. Dès lors qu'il appartient à la Cour soit d'interpréter elle-même la norme qui lui est soumise, soit de rectifier l'interprétation proposée par le juge a quo, il ne peut être fait grief à celui-ci d'avoir formulé sous une forme d'interrogation l'interprétation de la loi à propos de laquelle se pose un problème de constitutionnalité.

En réalité, le véritable objet de la question est de savoir si les dispositions du Code judiciaire qu'elle vise violent ou non les articles 10 et 11 de la Constitution, par la différence de traitement qu'elles introduisent entre les avocats et les autres professions libérales quant à la compétence du Conseil de la concurrence.

A.8.2. Sur le fond, à titre principal, les dispositions du Code judiciaire doivent être interprétées comme ne soustrayant pas à la compétence du Conseil de la concurrence les actes et règlements des autorités du barreau, et ce pour les motifs suivants.

Tout d'abord, le Conseil de la concurrence est doté d'un pouvoir d'investigation étendu, d'un pouvoir d'injonction et d'exemption, du pouvoir de modaliser ses ordres de cessation ainsi que d'infliger des amendes : ces caractéristiques propres lui confèrent une souplesse et une efficacité dans la recherche des pratiques restrictives. Ni le texte de la loi du 5 août 1991Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/08/1991 pub. 10/08/2010 numac 2010000448 source service public federal interieur Loi relative à l'importation, à l'exportation, au transit et à la lutte contre le trafic d'armes, de munitions et de matériel devant servir spécialement à un usage militaire ou de maintien de l'ordre et de la technologie y afférente. - Coordination officieuse en langue allemande fermer, ni ses travaux préparatoires n'opèrent de distinction au sein des professions libérales.

Ensuite, le privilège dont bénéficieraient les autorités du barreau appara*t très contestable. Outre le fait que la volonté du législateur de 1991 doit primer sur celle du législateur de 1967 (Code judiciaire), ce privilège ne garantit l'exclusion de la compétence du Conseil d'Etat qu'à l'égard de certains actes des autorités du barreau, parmi lesquels ne figurent pas les actes et règlements des ordres locaux. En toute hypothèse, cette exclusion de compétence du Conseil d'Etat ne peut entra*ner en soi l'incompétence du Conseil de la concurrence du seul fait de la qualité de juridiction administrative : ses décisions sont en effet susceptibles de recours devant des juridictions judiciaires, il n'est pas composé de fonctionnaires, ne relève d'aucune administration, de telle sorte que son indépendance par rapport au pouvoir exécutif est incontestable.

Enfin, l'existence du recours devant la Cour de cassation et le contrôle limité du respect des règles de concurrence qui peut en résulter n'a pas pour effet, en soi, d'exclure la compétence du Conseil de la concurrence : aucune disposition de la loi du 5 août 1991Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/08/1991 pub. 10/08/2010 numac 2010000448 source service public federal interieur Loi relative à l'importation, à l'exportation, au transit et à la lutte contre le trafic d'armes, de munitions et de matériel devant servir spécialement à un usage militaire ou de maintien de l'ordre et de la technologie y afférente. - Coordination officieuse en langue allemande fermer ne limite en effet la compétence de cette juridiction à une compétence uniquement subsidiaire.

Par ailleurs, le Conseil de la concurrence s'est déclaré compétent à l'égard de l'Ordre des architectes tandis que la Commission européenne considère que le droit de la concurrence s'applique également aux ordres des professions libérales.

Enfin, tant la Cour de justice des Communautés européennes que la Cour européenne des droits de l'homme ont rejeté la thèse de la spécificité du barreau et de la profession d'avocat, en les mettant sur le même pied que les autres titulaires de professions libérales.

A.8.3. Pour ce qui est du contrôle de comparabilité, la situation des avocats n'est pas essentiellement différente, sous l'angle du droit de la concurrence, de celle des autres professions libérales dont les membres sont obligatoirement affiliés à un ordre et soumis à son pouvoir réglementaire et disciplinaire. Tout comme les architectes ou les médecins, les avocats poursuivent un objectif économique et se trouvent en situation de concurrence sur un marché. La Cour européenne, dans le cadre de procédures disciplinaires, n'a établi aucune distinction entre les professions libérales.

L'implication du barreau dans le fonctionnement et l'organisation du pouvoir judiciaire est irrelevante lorsqu'il agit dans un but de défense des intérêts économiques de ses membres, lequel est étranger aux missions que lui a confiées le Code judiciaire. Dans ce cas, il devient un intervenant économique susceptible d'entraver la concurrence et se confond avec les autres ordres professionnels.

Enfin, la loi du 5 août 1991Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/08/1991 pub. 10/08/2010 numac 2010000448 source service public federal interieur Loi relative à l'importation, à l'exportation, au transit et à la lutte contre le trafic d'armes, de munitions et de matériel devant servir spécialement à un usage militaire ou de maintien de l'ordre et de la technologie y afférente. - Coordination officieuse en langue allemande fermer ne réserve pas de sort spécifique aux avocats ni aux autorités du barreau; ainsi qu'il a déjà été relevé, la doctrine comme la jurisprudence européenne estiment que les professions libérales sont soumises au droit de la concurrence, tant communautaire que national.

A.8.4. En ce qui concerne l'adéquation de la différence de traitement par rapport au but poursuivi, la compétence du Conseil de la concurrence ne remet pas en cause l'indépendance du barreau lorsque celui-ci exerce les tâches qui le rattachent au pouvoir judiciaire, à savoir celles précisées aux articles 456, 493 et 494 du Code judiciaire. Cette compétence ne concerne que les actes et règlements que posent les autorités du barreau pour protéger les intérêts économiques de ses membres, lesquels actes et règlements ne s'inscrivent plus dans la participation à l'exercice du pouvoir judiciaire.

Par ailleurs, la compétence du Conseil de la concurrence n'implique aucune sujétion au pouvoir exécutif. D'une part, la qualité de juridiction administrative du Conseil ne l'empêche pas d'être pleinement indépendant vis-à-vis du pouvoir exécutif. D'autre part, l'exclusion, par la volonté du législateur, du Conseil d'Etat, juridiction administrative, n'est certaine qu'à l'égard de certains actes et règlements du barreau.

Dès lors l'exclusion de la compétence du Conseil de la concurrence vis-à-vis des actes des autorités du barreau ne se justifie pas au regard du but poursuivi.

A.8.5. A supposer même que la différence de traitement soit adéquate au but poursuivi, elle doit être déclarée disproportionnée. En effet, l'exclusion de compétence du Conseil de la concurrence n'est contrebalancée par" aucun recours satisfaisant permettant de sanctionner les atteintes au droit de la concurrence, spécialement lorsque celles-ci menacent le droit civil d'exercer la profession d'avocat ".

Mémoire en réponse de l'Ordre des avocats du barreau d'Arlon A.9.1. Contrairement à ce que soutient R. Tambue, la thèse principale consiste à soutenir que le Conseil de la concurrence est incompétent, en vertu même de sa loi organique, pour conna*tre de règlements pris par les ordres professionnels dans le cadre de leurs prérogatives de puissance publique.

Si différence il y a à faire entre l'Ordre des avocats et les autres ordres, seul le premier détenant une compétence réglementaire, elle résulte de dispositions du Code judiciaire autres que celles visées par la question préjudicielle, qui organisent une délégation limitée de compétence réglementaire par le législateur au bénéfice des ordres des avocats. Cette différence se justifie par le rattachement des ordres des avocats à l'organisation judiciaire, alors que les autres ordres professionnels ont seulement pour tâche d'assurer certaines garanties particulières relatives à certaines professions.

A.9.2. En ce qui concerne l'argument tiré de l'abrogation tacite du Code judiciaire par la loi du 5 août 1991Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/08/1991 pub. 10/08/2010 numac 2010000448 source service public federal interieur Loi relative à l'importation, à l'exportation, au transit et à la lutte contre le trafic d'armes, de munitions et de matériel devant servir spécialement à un usage militaire ou de maintien de l'ordre et de la technologie y afférente. - Coordination officieuse en langue allemande fermer, celle-ci est contraire au principe selon lequel il n'y a d'abrogation tacite que si la volonté, non exprimée, du législateur est certaine. Le niveau, dans la hiérarchie des normes, des principes qui régissent le partage de compétences entre juridictions administratives et judiciaires, la séparation des pouvoirs, l'indépendance du pouvoir judiciaire, la compétence du Conseil d'Etat, imposent, en cas de conflit entre la loi du 5 août 1991Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/08/1991 pub. 10/08/2010 numac 2010000448 source service public federal interieur Loi relative à l'importation, à l'exportation, au transit et à la lutte contre le trafic d'armes, de munitions et de matériel devant servir spécialement à un usage militaire ou de maintien de l'ordre et de la technologie y afférente. - Coordination officieuse en langue allemande fermer et les lois antérieures et lorsque la conciliation est possible, de donner à la loi précitée la portée qui respecte ces lois antérieures, en particulier le Code judiciaire.

A.9.3. En ce qui concerne l'argument tiré du détournement de pouvoirs, en ce que les règlements en cause poursuivraient, non un objectif d'intérêt général, mais l'avantage économique d'être moins nombreux, d'une part cette appréciation échappe à la compétence de la Cour, d'autre part, cet argument est dénué de tout fondement.

Le législateur lui-même, en prévoyant l'exigence de la réussite du stage, a indiqué que le sérieux de la formation professionnelle était essentiel; cet objectif postulait une organisation des barreaux de nature à assurer cette formation. Le souci de garantir la qualité des stages, celui d'éviter des stages fictifs et de rencontrer la complexification de la profession ont incité les autorités du barreau à renforcer la sévérité du système de stage et à en garantir l'efficacité par des contrôles. Que ces mesures puissent avoir pour effet de limiter l'accès à la profession n'implique pas qu'elles aient pour objet la poursuite d'un intérêt économique particulier, et non l'intérêt général.

En toute hypothèse, il n'y a pas de raison d'admettre la compétence du Conseil de la concurrence en cas de détournement de pouvoirs et de l'exclure en cas d'excès de pouvoir : or, lui reconna*tre compétence pour conna*tre des excès de pouvoir violerait de front tant la loi du 5 août 1991Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/08/1991 pub. 10/08/2010 numac 2010000448 source service public federal interieur Loi relative à l'importation, à l'exportation, au transit et à la lutte contre le trafic d'armes, de munitions et de matériel devant servir spécialement à un usage militaire ou de maintien de l'ordre et de la technologie y afférente. - Coordination officieuse en langue allemande fermer que l'ensemble de la législation fixant la compétence des diverses juridictions belges. C'est le Conseil d'Etat, et dans certains cas la Cour de cassation qui est le juge de l'excès et du détournement de pouvoir.

Les dispositions de la loi du 5 août 1991Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/08/1991 pub. 10/08/2010 numac 2010000448 source service public federal interieur Loi relative à l'importation, à l'exportation, au transit et à la lutte contre le trafic d'armes, de munitions et de matériel devant servir spécialement à un usage militaire ou de maintien de l'ordre et de la technologie y afférente. - Coordination officieuse en langue allemande fermer peuvent d'ailleurs être interprétées dans le respect des compétences juridictionnelles précitées. Le Conseil de la concurrence est uniquement compétent pour constater l'existence d'une pratique restrictive, ordonner la cessation de celle-ci, prononcer éventuellement des amendes ou astreintes, mais non pour annuler; la nullité de droit, visée à l'article 2, peut être constatée mais pas prononcée et ne vise pas des mesures réglementaires, mais bien des accords entre entreprises, des décisions d'associations d'entreprises ou des pratiques concertées. Ne constituent pas des entreprises, les personnes morales de droit public chargées d'exercer des prérogatives de puissance publique en vue de l'intérêt général.

A.9.4. L'argument selon lequel les règlements en cause seraient étrangers à la délégation conférée par le législateur à l'Ordre des avocats est, par ailleurs, non fondé, dès lors qu'ils ont pour objet l'organisation du stage, la définition des obligations des stagiaires et celles, corrélatives, des patrons. Or, au vu du Code judiciaire, le domaine du stage relève incontestablement de la compétence réglementaire des ordres.

A.10.1. Diverses références faites par R. Tambue sont irrelevantes.

Sont irrelevantes, les références aux décisions de la Cour de justice qui reconnaissent aux ordres professionnels la qualité de parties aux litiges en matière de libre circulation des services ou de libre établissement, la référence faite à la décision rendue à l'encontre de l'Ordre des architectes, la référence aux arrêts Reynders et Sabam, celle faite aux arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme relatifs au droit civil d'exercer la profession d'avocat.

A.10.2. Par ailleurs, diverses confusions entachent le raisonnement de R. Tambue. Celle faite, d'une part, entre les avocats et les organes du barreau et, d'autre part, entre ces organes et des personnes morales qui, comme dans l'affaire Coapi, poursuivent un intérêt économique dans l'intérêt de leurs membres. En outre, la Cour de justice se trouve investie d'un pouvoir juridictionnel différent de celui des juridictions nationales et les arguments tirés du droit européen sont irrelevants.

Mémoire en réponse de l'Ordre national des avocats de Belgique A.11.1. A titre subsidiaire, pour autant que la Cour ne se déclare pas incompétente, les arguments avancés par R. Tambue en faveur d'une interprétation conciliante des dispositions en cause sont non fondés.

A.11.2. En ce qui concerne l'absence de distinction faite dans la loi du 5 août 1991Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/08/1991 pub. 10/08/2010 numac 2010000448 source service public federal interieur Loi relative à l'importation, à l'exportation, au transit et à la lutte contre le trafic d'armes, de munitions et de matériel devant servir spécialement à un usage militaire ou de maintien de l'ordre et de la technologie y afférente. - Coordination officieuse en langue allemande fermer entre les professions libérales, d'une part, le fait que les recours auprès d'autorités judiciaires n'adoptent pas les mêmes formes et n'aboutissent pas aux mêmes résultats que la procédure devant le Conseil de la concurrence ne permet en rien de justifier la compétence de celui-ci. D'autre part, l'incompétence du Conseil de la concurrence pour conna*tre des actes des autorités du barreau ne nécessitait pas une disposition expresse dans la loi du 5 août 1991Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/08/1991 pub. 10/08/2010 numac 2010000448 source service public federal interieur Loi relative à l'importation, à l'exportation, au transit et à la lutte contre le trafic d'armes, de munitions et de matériel devant servir spécialement à un usage militaire ou de maintien de l'ordre et de la technologie y afférente. - Coordination officieuse en langue allemande fermer, puisqu'elle résulte du principe même de la séparation des pouvoirs, dont les dispositions en cause du Code judiciaire ne sont qu'une application.

A.11.3. L'incompétence du Conseil de la concurrence pour conna*tre des actes du barreau s'explique également, sur le plan constitutionnel, en vertu du principe constitutionnel précité de la séparation des pouvoirs. Les actes des autorités du barreau émanent d'autorités qui ont un lien intime avec l'exercice du pouvoir judiciaire. Il n'y a pas lieu de distinguer entre les juridictions administratives auxquelles, du fait de leur rattachement au pouvoir exécutif, le barreau échappe.

A cet égard, il n'y a pas lieu de reconna*tre de caractère particulier au Conseil de la concurrence, sa compétence juridictionnelle n'éludant pas son rattachement au pouvoir exécutif. L'indépendance organique des autorités du barreau par rapport à ce pouvoir a été rappelée récemment par le Conseil d'Etat, section de législation, dans un avis du 26 juin 1996.

A.12.1. En ce qui concerne la seconde interprétation excluant la compétence du Conseil de la concurrence vis-à-vis des actes du barreau proposée par le juge a quo, elle ne viole pas l'article 10 de la Constitution.

A.12.2. La justification objective et raisonnable avancée l'indépendance du barreau par rapport au pouvoir exécutif, liée à sa participation au pouvoir judiciaire n'est pas contestée par R. Tambue, puisqu'il limite la compétence du Conseil de la concurrence au seul cas o· les autorités du barreau poseraient des actes qui affectent la concurrence économique, et donc ne pourraient plus être considérées comme participant à l'organisation judiciaire. Un tel critère pragmatique n'est toutefois pas admissible, en ce qu'il implique le risque d'une interprétation extensive de nature à mettre en péril l'indépendance du pouvoir judiciaire par rapport au pouvoir exécutif.

A.12.3. S'agissant du rapport de proportionnalité, il faut distinguer proportionnalité et équivalence. Contrairement aux conséquences que R. Tambue en tire, l'arrêt de la Cour n° 37/96, relatif à l'incompétence du Conseil d'Etat vis-à-vis des conventions collectives de travail, établit que, bien que les recours de substitution qui concernent ces conventions ne soient pas équivalents au recours en annulation devant le Conseil d'Etat, il n'y a pas violation des articles 10 et 11 de la Constitution.

A.13. En ce qui concerne la question de savoir si, par les règlements ayant suscité la plainte, les ordres du barreau sont restés dans les limites de leurs attributs d'autorité publique, celles-ci sont déterminées par un texte législatif, le Code judiciaire, lequel confère en ses articles 494 et 435 à l'Ordre national une compétence réglementaire en matière d'obligations de stage. En exerçant ces compétences, l'Ordre national participe à l'organisation judiciaire, sans poursuivre de manière durable un but économique. En outre, à supposer que s'applique l'adage" lex posterior priori derogat ", il ressort de l'arrêté royal du 2 mai 1996, postérieur à la loi de 1991, que l'Ordre national est bien compétent pour organiser les épreuves de stage et faire subir des examens à ce sujet.

Mémoire en réponse de R. Tambue A.14.1. Les ordres du barreau, en ce qu'ils regroupent en leur sein des entreprises, constituent bien des associations d'entreprises au sens du droit belge et européen de la concurrence. L'Ordre des architectes a été considéré comme tel par le Conseil de la concurrence. La décision Coapi de la Commission des Communautés européennes du 30 janvier 1995 a appliqué le droit européen de la concurrence à un ordre professionnel, le fait qu'il y ait eu délégation de pouvoir par les autorités publiques n'ayant pas abouti à éluder la qualification d'association d'entreprises.

A.14.2. Le caractère réglementaire des actes en cause n'empêche pas l'application du droit de la concurrence et ne justifie pas que soit réservé un sort spécifique à l'Ordre des avocats, dès lors que ces règlements émanent bien d'une association d'entreprises au sens de l'article 85 du Traité.

A.14.3. L'incompétence du Conseil de la concurrence ne peut dès lors être justifiée par la loi du 5 août 1991Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/08/1991 pub. 10/08/2010 numac 2010000448 source service public federal interieur Loi relative à l'importation, à l'exportation, au transit et à la lutte contre le trafic d'armes, de munitions et de matériel devant servir spécialement à un usage militaire ou de maintien de l'ordre et de la technologie y afférente. - Coordination officieuse en langue allemande fermer puisque les conditions mêmes de son application sont réunies , mais seulement par le Code judiciaire.

A.15. En ce qui concerne la compétence de la Cour, la question qui lui est posée n'a rien à voir avec" un véritable conflit d'attribution, qui suppose pour surgir que deux juridictions, l'une de l'Ordre judiciaire et l'autre de l'Ordre administratif, se déclarent simultanément compétentes ou incompétentes pour conna*tre d'un même litige (conflit positif ou négatif d'attribution) ".

A.16. En ce qui concerne le rapport raisonnable de proportionnalité, les voies de recours avancées sont soit aléatoires, soit insuffisantes en comparaison des compétences du Conseil de la concurrence.

A.17. Dès lors que la compétence du Conseil de la concurrence ne concernerait que ceux des actes posés par les autorités du barreau qui affectent la concurrence économique, leur attribut d'autorités publiques et leur participation à l'exercice du pouvoir judiciaire ne seraient pas affectés par le contrôle opéré par cette juridiction. Par ailleurs, l'absence de voies de recours à la disposition des avocats eux-mêmes est disproportionnée par rapport à l'objectif poursuivi, l'arrêt de la Cour n° 31/96 du 15 mai 1996 étant transposable en l'espèce.

A.18. En ce qui concerne l'argument tiré de l'incompétence du Conseil d'Etat, cette juridiction s'est jusqu'à présent déclaré incompétente non pas en raison de sa qualité d'autorité administrative, mais en vertu de l'article 14 des lois coordonnées, qui limite sa compétence aux actes émanant des autorités administratives. Cette notion faisant l'objet d'une interprétation extensive, il n'est dès lors pas exclu que le Conseil d'Etat étende sa compétence en la matière, à tout le moins à l'égard des ordres locaux. La seule circonstance que le Conseil de la concurrence soit une juridiction administrative n'implique pas son incompétence à l'égard des autorités du barreau.

A.19. Compte tenu de sa composition, de sa présidence par un magistrat, de ses règles de fonctionnement et de l'absence de tout pouvoir d'immixtion du ministre des Affaires économiques, la qualité de juridiction administrative du Conseil de la concurrence n'est pas de nature à compromettre l'indépendance des autorités du barreau. Par ailleurs, l'appel devant la Cour d'appel, sous le contrôle de la Cour de cassation, entra*ne que, in fine, la matière de la concurrence est dévolue aux juridictions de l'ordre judiciaire. Enfin, la reconnaissance de la compétence du Conseil de la concurrence s'inscrit dans la tendance à prendre en considération les normes issues des ordres professionnels, notamment comme moyens de cassation, ce qui implique de les soumettre dans la mesure du possible aux contrôles juridictionnels de droit commun.

B B.1. Les dispositions du Code judiciaire mentionnées dans la question préjudicielle figurent dans la deuxième partie du Code, qui traite de l'organisation judiciaire. Elles organisent les recours contre les décisions et règlements des autorités du barreau. Les unes attribuent aux conseils de discipline d'appel la connaissance des recours dirigés contre les sentences disciplinaires rendues par les conseils de l'Ordre et contre les décisions prises par ces conseils en matière d'inscription au tableau et d'admission au stage. Les autres traitent des recours en annulation qui peuvent être exercés pour excès de pouvoir, notamment contre les actes des conseils de l'Ordre et contre les règlements du conseil général de l'Ordre national des avocats.

Elles en attribuent la connaissance à la Cour de cassation.

B.2. Les dispositions de la loi du 5 août 1991Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/08/1991 pub. 10/08/2010 numac 2010000448 source service public federal interieur Loi relative à l'importation, à l'exportation, au transit et à la lutte contre le trafic d'armes, de munitions et de matériel devant servir spécialement à un usage militaire ou de maintien de l'ordre et de la technologie y afférente. - Coordination officieuse en langue allemande fermer sur la protection de la concurrence économique mentionnées dans la question préjudicielle ont trait aux attributions du Conseil et du Service de la concurrence et aux règles de fonctionnement qu'ils sont tenus d'observer. Elles confèrent au Conseil de la concurrence la qualité de juridiction administrative et lui confient une compétence de décision, de proposition et d'avis. Elles déterminent sa compétence à l'égard de pratiques restrictives de concurrence et de concentrations entre deux ou plusieurs entreprises.

B.3. Les contestations auxquelles donnent lieu les dispositions réglementaires arrêtées par les ordres des avocats sont attribuées, par le Code judiciaire, tantôt aux autorités disciplinaires du barreau, tantôt à la Cour de cassation.

A supposer que le Code judiciaire ait ainsi pour effet de faire échapper ces contestations à la compétence du Conseil de la concurrence et que de telles contestations, lorsqu'elles concernent les titulaires d'autres professions libérales, y soient au contraire soumises, une différence de traitement serait opérée par le législateur, dont il est demandé à la Cour d'apprécier l'éventuel caractère discriminatoire.

La Cour limite son examen à la seule différence de traitement mentionnée dans la question préjudicielle. Elle n'examinera pas si, d'une manière générale, des accords, des associations, des pratiques concertées ou des concentrations entre cabinets d'avocats sont soumis aux dispositions de la loi sur la protection de la concurrence économique. Elle n'examinera pas non plus si certains actes des autorités des barreaux peuvent constituer des pratiques restrictives de concurrence. Elle n'a pas davantage à vérifier si, comme le suppose le juge a quo, les règlements arrêtés par les autorités d'autres professions libérales sont soumis aux dispositions de la loi du 5 août 1991Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/08/1991 pub. 10/08/2010 numac 2010000448 source service public federal interieur Loi relative à l'importation, à l'exportation, au transit et à la lutte contre le trafic d'armes, de munitions et de matériel devant servir spécialement à un usage militaire ou de maintien de l'ordre et de la technologie y afférente. - Coordination officieuse en langue allemande fermer.

B.4. En ce qu'elles établissent des règlements qui ont notamment pour objet de déterminer les conditions auxquelles est subordonnée l'inscription au tableau ou l'admission au stage, les autorités des barreaux sont comparables aux autorités d'autres professions libérales.

B.5. Le traitement différent réservé aux conseils de l'Ordre des avocats repose cependant sur divers éléments dont l'ensemble constitue un critère objectif.

En vertu de l'article 444, alinéa 1er, du Code judiciaire, les avocats doivent exercer librement leur ministère pour la défense de la justice et de la vérité. Ils peuvent être appelés à suppléer les juges et officiers du ministère public (article 442). Ils peuvent être désignés d'office (articles 446 et 455bis, 1er). Ils doivent pourvoir à l'assistance des personnes dont les revenus sont insuffisants (article 455, 1er).

Ces règles et principes, qui sont propres à la profession d'avocat, établissent une différence objective par rapport à l'ensemble des professions libérales.

B.6. Les actes des conseils de l'Ordre ont pour but d'assurer la qualité des services de l'avocat et de garantir son indépendance. Le législateur a directement associé la profession d'avocat au service public de la justice et elle se rattache à ce titre à l'ordre judiciaire. En attribuant les contestations relatives aux actes et règlements des barreaux à des autorités et à une juridiction qui relèvent elles-mêmes de l'ordre judiciaire, le législateur a pris une mesure qui est en rapport avec l'objectif qu'il poursuit.

B.7.1. Ces attributions de compétence seraient disproportionnées par rapport à l'objectif poursuivi si elles aboutissaient à faire échapper les activités professionnelles des avocats aux règles de concurrence qui sont compatibles avec les règles essentielles du barreau.

Les dispositions du Code judiciaire mentionnées dans la question préjudicielle n'impliquent pas de telles conséquences.

B.7.2. Les autorités du barreau ne pourraient organiser ou favoriser des pratiques restrictives de concurrence sans que ces restrictions soient justifiées par la nécessité de garantir l'indépendance des avocats, d'assurer la qualité de leurs services, ou de faire respecter leur déontologie. Mais c'est aux juridictions désignées par la loi qu'il appartiendrait d'annuler ou de refuser d'appliquer les règlements qui porteraient aux règles de concurrence une atteinte injustifiée.

B.8. Par ailleurs, il va de soi que, dans les contestations relatives aux règlements des autorités du barreau, les avocats doivent bénéficier de la protection juridictionnelle qui ne peut être refusée à personne.

B.9. La question préjudicielle appelle une réponse négative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 10 de la Constitution n'est pas violé par les dispositions de la loi du 5 août 1991Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/08/1991 pub. 10/08/2010 numac 2010000448 source service public federal interieur Loi relative à l'importation, à l'exportation, au transit et à la lutte contre le trafic d'armes, de munitions et de matériel devant servir spécialement à un usage militaire ou de maintien de l'ordre et de la technologie y afférente. - Coordination officieuse en langue allemande fermer sur la protection de la concurrence économique relatives à la saisine du Conseil de la concurrence et aux compétences du Conseil de la concurrence à l'égard des entreprises et associations d'entreprises, et notamment les articles 6, 1er, 10, 1er, 12, 5, 16, 23, 1er, 27 à 33, 35, 36 à 41, en ce que ces dispositions, interprétées à la lumière des articles 468, 469bis, 477, 502, 610, 611 et 1088 du Code judiciaire, font échapper à la juridiction du Conseil de la concurrence à supposer qu'ils constituent des pratiques restrictives de concurrence au sens de la loi du 5 août 1991Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/08/1991 pub. 10/08/2010 numac 2010000448 source service public federal interieur Loi relative à l'importation, à l'exportation, au transit et à la lutte contre le trafic d'armes, de munitions et de matériel devant servir spécialement à un usage militaire ou de maintien de l'ordre et de la technologie y afférente. - Coordination officieuse en langue allemande fermer ou des articles 85 et 86 du Traité de Rome les règles et usages de la profession d'avocat arrêtés par voie de règlements du conseil général de l'Ordre national des avocats, ou résultant des actes des autorités du barreau, en ce compris les résolutions réglementaires que les conseils de l'Ordre adoptent.

Ainsi prononcé en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 30 avril 1997, complété par le juge E. Cerexhe, le président M. Melchior étant légitimement empêché d'assister au prononcé du présent arrêt.

Le greffier, Le président f.f., L. Potoms. L. François.

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