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Arrêt De La Cour Constitutionelle
publié le 26 juin 1997

Arrêt n° 25/97 du 30 avril 1997 Numéro du rôle : 985 En cause : la question préjudicielle concernant les articles 43 et 44 du décret de la Communauté flamande du27 juin 1990 portant création d'un Fonds flamand pour l'intégration sociale de La Cour d'arbitrage, composée des présidents L. De Grève et M. Melchior, et des juges H. Boel, G(...)

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Arrêt n° 25/97 du 30 avril 1997 Numéro du rôle : 985 En cause : la question préjudicielle concernant les articles 43 et 44 du décret de la Communauté flamande du27 juin 1990 portant création d'un Fonds flamand pour l'intégration sociale des personnes handicapées, posée par le tribunal du travail d'Anvers.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents L. De Grève et M. Melchior, et des juges H. Boel, G. De Baets, E. Cerexhe, A. Arts et R. Henneuse, assistée du greffier L. Potoms, présidée par le président L. De Grève, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle Par jugement du 24 septembre 1996 en cause de F. Van Aelst contre le Fonds flamand pour l'intégration sociale des personnes handicapées, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 30 septembre 1996, le tribunal du travail d'Anvers a posé la question préjudicielle suivante : " En créant une commission d'appel, les articles 43 et 44 du décret de la Communauté flamande du 27 juin 1990 [portant création d'un Fonds flamand pour l'intégration sociale des personnes handicapées] violent-ils les règles qui sont établies par la Constitution ou en vertu de celle-ci pour déterminer les compétences respectives de l'Etat, des communautés et des régions ? " II. Les faits et la procédure antérieure 1. Le 3 septembre 1992, F.Van Aelst introduisit une demande d'obtention d'une assistance à l'intégration sociale. La demande visait notamment à obtenir une intervention dans l'achat d'un micro-ordinateur.

La demande fut soumise à la commission provinciale d'évaluation le 26 novembre 1992 et un protocole individuel d'intégration fut établi. Une décision défavorable fut prise, au motif que le micro-ordinateur n'est pas nécessaire pour suppléer à la fonction d'écriture et n'entra*ne donc pas un coût supplémentaire basé sur le handicap. Sur la base de cette décision, le Fonds flamand refusa l'intervention. 2. F.Van Aelst, informé de cette décision par lettre recommandée du 5 janvier 1993, introduisit un recours auprès de la commission d'appel par lettre recommandée du 1er février 1993.

Le 8 septembre 1993, la commission d'appel déclara le recours non fondé. 3. Faisant usage du droit de demander une révision de la décision de la commission d'appel, F.Van Aelst introduisit un nouveau certificat médical.

Le 17 mai 1995, la commission d'appel décida que le certificat médical susmentionné ne constituait pas un fait nouveau au sens de l'article 54 de l'arrêté du 24 juillet 1991 relatif à l'enregistrement. Elle décida dès lors de rejeter la demande de révision comme irrecevable. 4. F.Van Aelst introduisit un recours contre cette décision auprès du tribunal du travail d'Anvers par requête déposée au greffe le 13 juillet 1995. 5. Dans son jugement du 24 septembre 1996, le tribunal du travail a considéré qu'il convenait de vérifier tout d'abord la compétence du tribunal.La partie demanderesse estime que le tribunal du travail est compétent, sur la base de l'article 582, 2°, du Code judiciaire, tandis que la partie défenderesse considère que le recours est irrecevable, au motif que la décision de la commission d'appel, qui est une juridiction administrative, ne peut être attaquée que devant le Conseil d'Etat. L'auditeur du travail estime que le tribunal du travail est compétent et se réfère à cet égard à l'arrêt n° 49/93 de la Cour.

Sur la base de cet arrêt et de la violation de la Constitution par la Communauté flamande qu'il en déduit par analogie, le tribunal du travail d'Anvers a conclu, dans un jugement du 23 novembre 1993, que la Communauté flamande n'était pas compétente pour abroger l'article 26, alinéa 1er, de la loi du 17 avril 1963, de sorte que la compétence du tribunal du travail reste intacte en cette matière.

Les tribunaux du travail demeurent compétents pour conna*tre des contestations concernant les décisions du Fonds flamand; ils restent compétents pour l'intégration sociale des handicapés. Lorsqu'un justiciable se voit notifier une décision du Fonds flamand, il peut introduire un recours soit auprès de la commission d'appel, soit auprès du tribunal du travail. Pour savoir si le tribunal du travail peut également conna*tre des recours intentés contre les décisions de la commission d'appel, il y a lieu de déterminer si cette commission est ou non une juridiction administrative. Compte tenu de l'article 146 de la Constitution et de l'article 19, 1er, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, il est douteux que la Communauté flamande soit compétente pour ériger une commission d'appel en juridiction administrative.

Par ces motifs, le tribunal du travail pose la question préjudicielle susmentionnée.

III. La procédure devant la Cour Par ordonnance du 30 septembre 1996, le président en exercice a désigné les juges du siège conformément aux articles 58 et 59 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage.

Les juges-rapporteurs ont estimé n'y avoir lieu de faire application des articles 71 ou 72 de la loi organique.

La décision de renvoi a été notifiée conformément à l'article 77 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 15 octobre 1996.

L'avis prescrit par l'article 74 de la loi organique a été publié au Moniteur belge du 19 octobre 1996.

Des mémoires ont été introduits par : le Fonds flamand pour l'intégration sociale des personnes handicapées, avenue de l'Astronomie 30, 1030 Bruxelles, par lettre recommandée à la poste le 28 novembre 1996; le Gouvernement flamand, place des Martyrs 19, 1000 Bruxelles, par lettre recommandée à la poste le 29 novembre 1996; le Gouvernement wallon, rue Mazy 25-27, 5100 Namur, par lettre recommandée à la poste le 29 novembre 1996; le Conseil des ministres, rue de la Loi 16, 1000 Bruxelles, par lettre recommandée à la poste le 2 décembre 1996;

F. Van Aelst, Korte Klarenstraat 11, bo*te 3, 2000 Anvers, par lettre ordinaire.

Par ordonnance du 5 décembre 1996, la Cour a déclaré irrecevable le mémoire introduit par lettre ordinaire par F. Van Aelst, l'a écarté des débats et a dit que l'intéressé n'est dès lors pas partie devant la Cour dans la présente affaire.

Cette ordonnance a été notifiée à F. Van Aelst ainsi qu'à son avocat, par lettre recommandée à la poste le 9 décem-bre 1996.

Les autres mémoires ont été notifiés conformément à l'article 89 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 9 janvier 1997.

Des mémoires en réponse ont été introduits par : le Conseil des ministres, par lettre recommandée à la poste le 6 février 1997; le Gouvernement flamand, par lettre recommandée à la poste le 10 février 1997; le Gouvernement wallon, par lettre recommandée à la poste le 10 février 1997.

Par ordonnance du 26 février 1997, la Cour a prorogé jusqu'au 30 septembre 1997 le délai dans lequel l'arrêt doit être rendu.

Par ordonnance du 5 mars 1997, la Cour a déclaré l'affaire en état et fixé l'audience au 25 mars 1997.

Cette ordonnance a été notifiée aux parties ainsi qu'à leurs avocats, par lettres recommandées à la poste le6 mars 1997.

A l'audience publique du 25 mars 1997 : ont comparu : . Me D. D'Hooghe, loco Me P. Van Orshoven, avocats au barreau de Bruxelles, pour le Gouvernement flamand; . Me V. Thiry, avocat au barreau de Liège, pour le Gouvernement wallon; . Me P. Lefranc, avocat au barreau de Gand, pour le Conseil des ministres; les juges-rapporteurs H. Boel et E. Cerexhe ont fait rapport; les avocats précités ont été entendus; l'affaire a été mise en délibéré.

La procédure s'est déroulée conformément aux articles 62 et suivants de la loi organique, relatifs à l'emploi des langues devant la Cour.

IV. En droit A Mémoire du Fonds flamand pour l'intégration sociale des personnes handicapées A.1. Dans ses conclusions additionnelles, le Fonds flamand s'est borné à mentionner les différents points de vue et à faire savoir que sa pratique administrative a toujours considéré la commission d'appel comme une juridiction administrative et qu'elle continuera de le faire jusqu'à ce que les juridictions compétentes auront rendu un jugement définitif à cet égard. C'est du reste le Fonds qui a demandé au tribunal du travail de poser à la Cour une question préjudicielle à ce propos.

Le Fonds flamand souhaite s'en remettre à la sagesse de la Cour.

Mémoire du Gouvernement flamand A.2.1. Il est exact que les communautés et les régions ne sont, en principe, pas compétentes pour régler l'exercice de la fonction judiciaire et pour instituer des juridictions ordinaires ou administratives. Aux termes des articles 13, 145, 146 et 161 de la Constitution, une juridiction, administrative ou non, ne peut en effet être établie et la procédure juridictionnelle ne peut être réglée que par" la loi " ou en vertu de celle-ci. La Cour a déduit de l'article 19, 1er, in fine, de la loi spéciale du 8 août 1980, telle que cette disposition était libellée au moment o· les dispositions décrétales en cause ont été édictées, que ces" principes de légalité " constitutionnels impliquent une compétence réservée du législateur fédéral, y compris à l'égard des législateurs communautaires et régionaux, sauf pour les cas que le législateur fédéral excepte.

En l'espèce, l'incompétence du tribunal du travail, qui se déduirait de la circonstance que la commission d'appel serait une juridiction administrative, en sorte que ses décisions seraient uniquement susceptibles d'un recours en cassation auprès du Conseil d'Etat, aurait par ailleurs également pour effet qu'il serait porté atteinte au pouvoir, réservé à la loi par l'article 157, alinéa 3, de la Constitution, de régler la compétence des juridictions du travail.

A.2.2. Le recours auprès de la commission d'appel du Fonds flamand n'est cependant pas un recours juridictionnel, mais bien un recours administratif organisé, en sorte que cette commission d'appel n'est pas une juridiction et que ses décisions ne sont pas des actes juridictionnels, mais des actes administratifs.

Si la commission d'appel était effectivement une juridiction administrative, quod non, cette circonstance ne porterait pas atteinte à la compétence du tribunal du travail pour conna*tre d'un litige concernant une décision de la commission d'appel. L'article 582, 2°, du Code judiciaire rend le tribunal du travail compétent pour" les contestations concernant les droits et obligations résultant de la législation relative au reclassement social des handicapés ", indépendamment de ce qui précède l'intentement d'un recours auprès du tribunal du travail. La référence à la" législation relative au reclassement social des handicapés " doit s'entendre ici dans un sens matériel et vise également la législation communautaire en la matière.

La compétence du tribunal du travail exclut celle du Conseil d'Etat.

A.2.3. Pour déterminer si une instance est une juridiction, il faut examiner si ses décisions répondent aux caractéristiques essentielles de l'acte juridictionnel, qui sont amplement décrites dans la doctrine.

La mission naturelle du juge est de trancher des litiges. Les litiges sont des revendications contradictoires émanant de sujets de droit. Le juge n'en conna*t pas d'office, mais dès qu'il a été saisi par une partie concernée, il est obligé de prendre une décision, sous peine de déni de justice. Le litige qui lui est soumis doit être un conflit juridique, c'est-à-dire une contestation concernant l'application du droit ou concernant des droits subjectifs. Le juge ne conna*t donc pas des conflits de politiques ou d'intérêts. Il dit le droit et n'exerce aucun contrôle d'efficacité ou d'opportunité. Enfin, le juge tranche le litige dont il est saisi, en sorte que sa décision a l'autorité de la chose jugée.

A.2.4. Le texte du décret du 27 juin 1990 n'apporte pas une réponse immédiate à la question de savoir si le recours auprès de la commission d'appel, cette commission elle-même et ses décisions sont ou non de nature juridictionnelle. Il ne se déduit pas du texte du décret que la commission d'appel serait une juridiction, ni qu'il aurait été porté atteinte à la compétence du tribunal du travail.

Certes, le décret a abrogé les articles 26 et 27 de la loi du 16 avril 1963Documents pertinents retrouvés type loi prom. 16/04/1963 pub. 23/11/2009 numac 2009000724 source service public federal interieur Loi relative au reclassement social des handicapés. - Coordination officieuse en langue allemande fermer relative au reclassement social des handicapés, qui confiaient aux tribunaux du travail les contestations relatives aux décisions du Fonds national de reclassement social des handicapés de l'époque et aux accords concernant la formation, la reconversion et la rééducation professionnelles. Ces dispositions allaient évidemment perdre petit à petit leur objet. La section de législation du Conseil d'Etat considérait qu'elles ne trouveraient pas à s'appliquer aux contestations concernant les décisions prises par le Fonds flamand nouvellement institué ou concernant les accords conclus avec ce Fonds.

C'est assurément pour cette raison que le Conseil d'Etat n'a formulé aucune observation à propos de cette abrogation.

Celle-ci n'implique pas nécessairement que le recours auprès de la commission d'appel soit substitué au recours auprès du tribunal du travail qu'organisaient les articles 26 et 27 de la loi de 1963 ni, quand bien même il en serait ainsi, que le recours auprès de la commission d'appel soit de nature juridictionnelle. De surcro*t, cette abrogation demeure sans effet, eu égard à ce que la Cour a dit, dans son arrêt n° 49/93, à propos de l'abrogation de ces mêmes dispositions par la Communauté française, précisément parce qu'il était ainsi attribué une compétence que la Constitution réserve au législateur fédéral. Le décret du 27 juin 1990 n'a pas porté atteinte à la compétence plus générale des tribunaux du travail qui trouve sa source dans l'article 582, 2°, du Code judiciaire.

A.2.5. L'arrêté du Gouvernement flamand du 24 juillet 1991, qui a fixé les conditions de nomination des membres de la commission d'appel et réglé le fonctionnement de cette commission, n'apporte lui non plus aucune réponse. Il met certes l'accent sur l'indépendance de la commission d'appel et prévoit une procédure ressemblant fort aux procédures juridictionnelles bien que le demandeur ne puisse pas se faire assister par un avocat et que les séances et les prononciations de la commission d'appel ne soient pas publiques , mais on ne saurait davantage conclure de là à la nature juridictionnelle du recours, de l'instance de recours et de ses décisions.

Tout d'abord, le pouvoir exécutif ne peut décider du caractère juridictionnel d'un recours. Ensuite, bon nombre de procédures administratives sont exécutées par application de procédures quasi juridictionnelles. Enfin et surtout, les aspects organiques d'une instance de recours ou les aspects formels de la procédure à appliquer devant elle peuvent difficilement servir de critère à cet égard, a fortiori de critère décisif, étant donné qu'ils sont un effet et non une cause.

De même, le fait que l'arrêté du Gouvernement flamand du 24 juillet 1991 dispose que l'expédition de la décision de la commission d'appel doit mentionner que la décision est susceptible d'appel auprès du Conseil d'Etat ne permet pas non plus de conclure que les décisions de la commission seraient de nature juridictionnelle. En effet, cette disposition n'accorde pas un droit d'appel mais constate seulement l'existence de cette forme de protection juridique et impose d'en faire mention. La constatation d'une faculté de recours devant le Conseil d'Etat qui repose de surcro*t sur une erreur, étant donné que le tribunal du travail est compétent n'implique d'ailleurs pas que la décision contre laquelle le recours est intenté soit de nature juridictionnelle, puisque le recours visé à l'article 14, alinéa 1er, des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat porte en premier lieu sur des actes administratifs. Le recours en annulation introduit auprès du Conseil d'Etat contre des actes juridictionnels n'est quant à lui pas un appel mais un pourvoi en cassation.

A.2.6. En revanche, le décret du 27 juin 1990 contient d'importantes indications de ce que le recours auprès de la commission d'appel n'est pas un recours juridictionnel, mais un recours administratif. En effet, il est incontestable que la commission d'appel peut réformer la décision originaire du Fonds flamand et la remplacer par une décision nouvelle, dans tous ses aspects, de sorte que la commission d'appel dispose du même pouvoir d'appréciation. Cette appréciation est largement, sinon totalement discrétionnaire et ne porte qu'accessoirement sur le bien-fondé juridique d'une demande. La contestation dont est saisie la commission d'appel ne concerne qu'exceptionnellement un conflit juridique et consiste généralement en un simple conflit d'intérêts ou un conflit portant sur la politique suivie. La commission d'appel soumet la décision originaire du Fonds flamand avant tout à un contrôle d'efficacité ou d'opportunité. Ceci exclut une compétence juridictionnelle de la commission d'appel. Tant le pouvoir discrétionnaire que le contrôle d'opportunité sont incompatibles avec la mission d'une instance juridictionnelle, qui ne peut contrôler le choix d'une politique que de manière marginale.

Le fait que la commission d'appel doive recommencer le jugement d'opportunité du Fonds flamand est confirmé par l'arrêté du Gouvernement flamand du 24 juillet 1991 relatif à l'enregistrement au Fonds flamand pour l'intégration sociale des personnes handicapées. La composition de la commission d'appel montre bien que celle-ci ne tranche en aucune façon des conflits juridiques, mais répond principalement à des questions d'opportunité. Ceci implique que la commission d'appel est, certes, une instance de recours, mais qu'elle est saisie, non de recours juridictionnels, mais de recours purement administratifs.

A.2.7. La genèse du décret révèle à son tour qu'il s'agit de l'organisation d'un recours administratif. Initialement, les contestations relatives aux décisions prises par le Fonds flamand auraient été confiées aux tribunaux du travail, par analogie avec la réglementation nationale antérieure. La section de législation du Conseil d'Etat, se référant à l'arrêt n° 66 de la Cour, a toutefois estimé qu'il s'agissait là d'une compétence nationale et que les dispositions en cause devaient être supprimées dans le projet. Suite à cela, la procédure devant la commission d'appel a été prévue. On ne saurait déduire de la justification de ce fait que la commission d'appel est, tout comme le tribunal du travail, une juridiction, ni qu'elle est chargée d'une tâche juridictionnelle.

A.2.8. Le recours auprès de la commission d'appel du Fonds flamand n'est rien d'autre qu'un recours administratif et n'est pas un recours juridictionnel. La commission d'appel est une instance administrative et non une instance juridictionnelle et ses décisions sont des actes administratifs et non des actes juridictionnels.

Une interprétation juridictionnelle de la commission d'appel, de sa compétence ou de ses décisions est hautement contestable. Etant donné que cette interprétation ferait surgir un problème de constitutionnalité, alors qu'une interprétation conforme à la Constitution est assurément possible, c'est cette dernière qui doit être retenue.

Mémoire du Gouvernement wallon A.3.1. Pour déterminer si la commission d'appel visée dans le décret a le caractère d'autorité administrative ou au contraire de juridiction administrative, il convient de se référer aux critères habituellement retenus par la doctrine et la jurisprudence.

La commission a été instituée par et à l'initiative d'un pouvoir public. La circonstance que la commission elle-même soit dépourvue de la personnalité juridique n'est pas déterminante pour lui retirer le caractère d'autorité administrative. Elle fait partie du Fonds flamand, dont elle est en quelque sorte un organe.

Chargée de prendre des décisions dans le cadre d'un recours organisé, la commission participe aux missions d'intérêt public ou général dévolues par le décret au Fonds auprès duquel elle est instituée.

La commission est nécessairement sous le contrôle des pouvoirs publics. Ses missions et sa composition, comme du reste les principales règles de la procédure, sont fixées par décret. Le Gouvernement flamand est désigné pour fixer ses règles de fonctionnement, ainsi que les conditions de nomination de ses membres, et pour désigner ceux-ci. La Communauté flamande peut à tout moment modifier ces règles. Dans les dispositions décrétales litigieuses, on ne découvre aucun indice tendant à assurer à la commission un statut spécial d'indépendance.

La composition multidisciplinaire de la commission est également un indice tendant à démontrer le caractère d'autorité administrative; la circonstance qu'elle soit présidée par un magistrat n'est pas en soi déterminante. Les éléments essentiels de la procédure fixés à l'article 43 du décret renforcent l'idée que la commission n'a pas le caractère de juridiction administrative. Le débat contradictoire n'est nullement organisé et l'intervention d'un avocat n'est pas prévue. Les dispositions décrétales en cause n'imposent pas une procédure d'instruction rigoureuse. La publicité des audiences de la commission et même la publicité du prononcé de la décision ne sont nullement garanties.

La commission dispose manifestement d'un important pouvoir d'appréciation en matière d'opportunité lorsque, sur recours, elle prend une décision relative à la prise en charge d'une mesure d'assistance à l'intégration sociale.

La décision de la commission est un acte qui relève de la fonction administrative et qui se distingue fondamentalement de la fonction juridictionnelle ou de la fonction législative. Il n'est notamment pas précisé que cette décision est revêtue de l'autorité de la chose jugée qui s'attache en règle à tout acte d'une juridiction administrative.

Ces différents éléments ou indices démontrent à suffisance que la commission d'appel instituée par les articles 43 et 44 du décret litigieux est une autorité administrative appelée à prendre des décisions dans le cadre d'un recours administratif organisé.

A.3.2. En vertu de l'adage tempus regit actum, les dispositions décrétales litigieuses ne peuvent être examinées par la Cour qu'au regard des règles répartitrices de compétences qui étaient en vigueur au moment o· elles ont été prises. La Communauté flamande était compétente, sur la base de l'article 5, 1er, II, 4°, de la loi spéciale du 8 août 1980, pour instituer la commission d'appel précitée ayant les caractéristiques définies plus haut.

Dans la mesure o· la commission d'appel n'a pas le caractère d'une juridiction administrative, la Communauté flamande n'a nullement empiété sur les compétences dévolues à la loi par les articles 145 et 146 de la Constitution. Toutefois, si un doute devait subsister en ce qui concerne le caractère d'autorité administrative de la commission d'appel, il conviendrait néanmoins de lui reconna*tre ce caractère, de manière à donner aux dispositions litigieuses une interprétation qui soit conciliable avec le prescrit constitutionnel.

A.3.3. Depuis la réforme de l'Etat de 1993, il résulte de l'article 161 de la Constitution, combiné avec l'article 19 nouveau de la loi spéciale du 8 août 1980, que les régions et communautés peuvent, au besoin par le biais des pouvoirs implicites, instituer et organiser des juridictions administratives spécifiques liées à leurs compétences.

Mémoire du Conseil des ministres A.4.1. Avant de pouvoir répondre à la question préjudicielle, il s'impose de répondre à la question de savoir si le recours visé aux articles 43 et 44 du décret est un recours juridictionnel, en d'autres termes un recours formé auprès d'une juridiction administrative, d'une juridiction extrajudiciaire ou d'un organe de l'administration active exerçant une compétence juridictionnelle et qui aboutit à une décision à portée spécifique, laquelle, se fondant sur une règle de droit et étant revêtue de l'autorité de la chose jugée, met fin à un litige.

A.4.2. L'avant-projet de décret prévoyait une procédure de recours auprès du tribunal du travail, comme il était prévu dans la législation relative au reclassement social. La section de législation du Conseil d'Etat a formulé une critique fondamentale à l'encontre de cette réglementation, se référant pour la cause à la jurisprudence de la Cour. Faisant suite à l'objection selon laquelle la compétence du tribunal du travail ne pouvait être réglée par décret, le législateur décrétal flamand a choisi de créer une instance d'appel spécifique sous la forme d'une commission d'appel. L'intention du législateur décrétal ressort déjà clairement des travaux préparatoires. Il a voulu prévoir une procédure juridictionnelle de recours contre les décisions du Fonds flamand. Devant admettre qu'il n'était pas compétent pour désigner à cette fin le tribunal du travail, il a installé lui-même un organe juridictionnel. Ce faisant, il n'a manifestement pas tenu compte de la deuxième objection formulée par la section de législation du Conseil d'Etat, selon laquelle il n'appartient pas aux communautés d'instituer des tribunaux.

A.4.3. Le décret a été mis en oeuvre par l'arrêté du Gouvernement flamand du 24 juillet 1991, qui, au motif de l'extrême urgence, n'a pas été soumis à l'avis de la section de législation du Conseil d'Etat. Le chapitre IV de cet arrêté concerne la constitution et la composition de la commission d'appel ainsi que la procédure. La nature juridictionnelle des décisions de la commission d'appel et, partant, la qualification de cette commission en tant que juridiction administrative peuvent se déduire du statut organique de la commission. Le fait que la présidence de la commission soit assumée par un magistrat et qu'il existe une incompatibilité entre la qualité de membre de la commission d'évaluation ou du conseil de gestion et celle de membre de la commission d'appel montre que le législateur décrétal entendait que les membres de celle-ci agissent de manière indépendante et impartiale. Ils bénéficient en effet d'un statut analogue à celui qui est accordé aux membres des cours et tribunaux du pouvoir judiciaire ordinaire. Ils ne sont redevables d'aucune justification envers leurs supérieurs hiérarchiques ni ne se trouvent placés sous une quelconque tutelle administrative. Tout ceci est confirmé par le règlement d'ordre intérieur du 28 octobre 1992. Au regard des critères d'indépendance et d'impartialité, la commission d'appel est donc une juridiction administrative. De même, si l'on prend en compte le critère formel les prescriptions en matière de procédure , la commission d'appel doit être considérée comme une juridiction administrative. Les litiges doivent être portés devant la commission d'appel. Celle-ci ne peut conna*tre d'un litige de sa propre initiative. Le greffier ne peut refuser l'inscription d'une affaire au rôle général. La procédure devant la commission d'appel se déroule en outre contradictoirement et la commission est liée par les règles de procédure du débat contradictoire. La procédure est publique. La commission a l'obligation de décider et ses décisions doivent être motivées, sous peine de nullité. Tous les moyens soulevés doivent être examinés et il doit appara*tre de la motivation de la décision que les moyens étayés par les divers arguments des parties ont été examinés.

La commission d'appel répond aussi au critère matériel applicable aux juridictions administratives, puisqu'elle statue sur des litiges concernant des décisions prises par le Fonds en application des dispositions du décret du27 juin 1990. La commission d'appel vise essentiellement à trancher un litige, c'est-à-dire une contestation portant sur une règle de droit, une situation juridique ou un fait juridique. Elle met fin à un litige existant dont elle est saisie, ce que met en évidence l'autorité de la chose jugée attachée à sa décision. La décision juridictionnelle de la commission d'appel est une décision spécifique dont les effets ne vont pas au-delà du litige sur lequel il est statué. La commission d'appel dit droit sur la base des règles de droit applicables. Elle vérifie l'existence des faits et contrôle ceux-ci au regard des règles de droit applicables aux fins de déterminer si à la suite de ces faits, il n'y a pas eu de violation des règles de droit en cause. La décision de la commission d'appel porte exclusivement sur la légalité de la décision critiquée et ne s'étend pas à un contrôle de la décision entreprise au regard de l'intérêt général ou de la politique défendue par le Fonds. En d'autres termes, la commission d'appel ne peut pas se substituer au Fonds. La volonté du législateur décrétal d'instituer la commission d'appel en tant que juridiction administrative ressort également de l'autorité de la chose jugée attachée aux décisions de cette commission. Les parties l'appelant et le Fonds sont en effet liées par sa décision. La commission d'appel ne peut pas non plus revenir sur une décision prise en la modifiant ou en la révoquant. La décision peut seulement être modifiée ou annulée, dans le respect de formalités rigoureusement déterminées.

La commission d'appel présente toutes les caractéristiques d'une juridiction administrative.

A.4.4. Au regard des règles répartitrices de compétences en vigueur au moment de la création de la commission d'appel, il y a lieu de conclure que les articles 43 et 44 du décret violent ces règles. Les articles 145 et 146 de la Constitution impliquent que toutes les juridictions administratives doivent avoir une base légale. La création de juridictions administratives est une matière que la Constitution réserve au législateur fédéral. Sauf le cas o· une habilitation spéciale et expresse a été donnée par les lois spéciales et ordinaires de réformes institutionnelles (arrêt n° 66 de la Cour), les communautés et les régions ne sont en principe pas compétentes (article 19, 1er, alinéa 1er, de la loi spéciale du 8 août 1980) pour créer ou modifier des organes juridictionnels, même pour les matières qui leur ont été attribuées. Même sur la base de pouvoirs implicites, les communautés et les régions ne sauraient créer des organes juridictionnels.

A.4.5. L'article 128 de la loi spéciale du 16 juillet 1993 visant à achever la structure fédérale de l'Etat ne comporte aucune disposition particulière concernant l'entrée en vigueur de l'article 7 de cette loi qui a remplacé l'article 19, 1er, alinéa 1er, de la loi spéciale du 8 août 1980. La nouvelle disposition est donc entrée en vigueur le 30 juillet 1993. Ce n'est qu'à partir de cette date que les communautés et les régions peuvent se prévaloir des compétences que leur attribue la loi spéciale du 16 juillet 1993.

Le nouvel article 19, 1er, alinéa 1er, de la loi spéciale du 8 août 1980 dispose que, sauf application de l'article 10, le décret règle les matières visées aux articles 4 à 9, sans préjudice des compétences que la Constitution réserve à la loi. Par ailleurs, le 29 juin 1993 ont été insérés dans la Constitution les actuels articles 160 et 161 aux termes desquels" aucune juridiction administrative ne peut être établie qu'en vertu d'une loi ".

La nouvelle disposition constitutionnelle relative à la création de juridictions administratives a été introduite après les premières réformes de l'Etat. Elle doit être considérée comme une règle constitutionnelle répartitrice de compétences entre le législateur fédéral, d'une part, et les communautés et les régions, d'autre part.

Il s'agit donc d'une matière que la Constitution réserve au législateur fédéral.

Si, en vertu du nouvel article 19, 1er, alinéa 1er, de la loi spéciale du 8 août 1980, les communautés et les régions peuvent également empiéter, en application de l'article 10 de la même loi spéciale, sur les matières fédérales, cet empiétement doit répondre aux conditions rigoureuses que la Cour impose sur ce point. Les dispositions adoptées par les communautés et les régions doivent être nécessaires à l'exercice rationnel d'une compétence qui leur est explicitement attribuée; un lien particulièrement étroit est donc exigé entre la compétence communautaire ou régionale explicite et la matière fédérale sur laquelle il est empiété en vertu de l'article 10, en sorte que cette dernière doit être un accessoire nécessaire. La matière fédérale sur laquelle il est ainsi empiété doit se prêter à un règlement différencié et l'incidence sur cette matière fédérale doit être marginale.

La création de la commission d'appel par le législateur décrétal flamand n'est pas un accessoire nécessaire de la politique des communautés en faveur des handicapés. La compétence réservée au législateur fédéral en matière de création de juridictions administratives ne se prête pas à un règlement différencié et l'incidence de la création de cette commission d'appel sur cette matière fédérale n'est pas marginale.

Mémoire en réponse du Conseil des ministres A.5.1. La commission d'appel est une juridiction administrative.

A.5.2. Le Fonds flamand pour l'intégration sociale des personnes handicapées considère la commission d'appel comme une juridiction administrative et a agi en conséquence dans sa pratique administrative.

A.5.3. Le Gouvernement flamand invoque le critère matériel pour affirmer que le recours formé auprès de la commission d'appel n'est pas un recours juridictionnel et que la commission d'appel n'est pas une juridiction administrative. Le critère matériel n'est toutefois pas un critère décisif.

Contrairement à ce que soutient le Gouvernement flamand, les dispositions décrétales contiennent des indications claires sur l'intention du législateur décrétal, à savoir la création d'une juridiction administrative. La présidence est assumée par un magistrat, il existe, en vue de garantir l'indépendance et l'impartialité, une incompatibilité entre la qualité de membre de la commission d'évaluation ou du conseil de gestion et celle de membre de la commission d'appel et le litige doit être porté devant la commission d'appel, qui ne peut donc agir d'office.

Cela ressort par ailleurs également de l'article 73 du décret, qui abroge les articles 26 et 27 de la loi du 16 avril 1963Documents pertinents retrouvés type loi prom. 16/04/1963 pub. 23/11/2009 numac 2009000724 source service public federal interieur Loi relative au reclassement social des handicapés. - Coordination officieuse en langue allemande fermer relative au reclassement social des handicapés. Ces dispositions confirmaient la compétence du tribunal du travail pour conna*tre de certaines décisions prises par le Fonds national de reclassement social des handicapés. En dépit du prescrit de l'article 582, 2°, du Code judiciaire, la Cour a considéré (arrêt n° 49/93) que l'abrogation de l'article 26 précité par le législateur communautaire français violait les règles répartitrices de compétences.

L'arrêté du Gouvernement flamand du 24 juillet 1991 donne exécution au décret; il ne décide rien quant au caractère juridictionnel du recours.

Le caractère non public des audiences et des prononcés de la commission d'appel ne ressort pas explicitement du décret ou de l'arrêté du Gouvernement flamand du 24 juillet 1991. Le caractère public ou non de l'audience et du prononcé ne constitue pas un critère permettant de conclure qu'il s'agit d'une juridiction (voy. l'arrêt n° 65/96). La possibilité d'être assisté par un avocat résulte de l'article 439 du Code judiciaire. Ceci n'est pas non plus un critère permettant d'établir la nature de la commission d'appel (même arrêt).

Les aspects organiques de la commission d'appel et les aspects formels de la procédure trouvent leur fondement dans le décret, dont l'arrêté du 24 juillet 1991 est l'exécution.

La possibilité d'un recours en cassation auprès du Conseil d'Etat est un critère permettant de considérer la commission d'appel comme une juridiction (même arrêt). Bien que la terminologie utilisée dans l'article 49 de l'arrêté du 24 juillet 1991 ne soit pas tout à fait précise, le législateur décrétal visait le recours en cassation administrative prévu à l'article 14, in fine, des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat.

La possibilité de porter un jugement d'opportunité n'exclut pas qu'il s'agisse d'une juridiction. Il en va de même pour la composition multidisciplinaire de la commission.

Il ressort des travaux préparatoires que le législateur décrétal entendait conférer à une juridiction la compétence de trancher les litiges concernant les décisions du Fonds flamand relatives à la prise en charge. Le fait que l'article 582, 2°, du Code judiciaire n'ait pas été abrogé n'affecte en rien l'abrogation des articles 26 et 27 de la loi précitée du16 avril 1963.

Le Gouvernement flamand ne conteste pas que les décisions de la commission d'appel soient revêtues de l'autorité de la chose jugée. Il s'agit cependant là d'un critère décisif. La commission d'appel ne peut rapporter sa décision, contrairement à une autorité administrative.

A.5.4. Le point de vue du Gouvernement wallon ne peut pas non plus être suivi. La création de la commission d'appel par le législateur décrétal flamand ne peut évidemment en soi conférer le caractère d'autorité administrative à cette commission d'appel. La participation à des missions d'intérêt public ou général ne confère pas le caractère d'autorité administrative à la commission d'appel. Le fait que les conditions de nomination, les nominations des membres et les règles de fonctionnement relèvent du Gouvernement flamand ne saurait faire dispara*tre le caractère de juridiction qui s'attache à la commission d'appel. Un débat contradictoire est bel et bien prévu et l'intervention d'un avocat résulte de l'article 439 du Code judiciaire.

A.5.5. Dans son arrêt n° 65/96, la Cour a déduit la nature juridictionnelle de la Commission permanente de recours des réfugiés des critères suivants : a) la composition et la façon dont ses membres sont désignés; b) la façon dont leur indépendance par rapport à l'administration est garantie; c) les compétences qui lui sont attribuées en matière de recherche et d'examen; d) le débat contradictoire qui y est organisé; e) l'obligation spéciale de motivation; f) le recours en cassation administrative qui peut être introduit contre ses décisions et g) les travaux préparatoires. Un examen au regard de ces critères oblige inévitablement à conclure qu'il s'agit ici également d'une juridiction.

A.5.6. Les Gouvernements flamand et wallon confirment que le législateur décrétal flamand n'est pas compétent pour régler l'exercice de la fonction judiciaire et pour créer des juridictions ordinaires ou administratives. Contrairement à ce que prétend le Gouvernement wallon, les communautés et les régions demeurent aujourd'hui également incompétentes pour instituer des juridictions administratives.

Mémoire en réponse du Gouvernement flamand A.6. Les arguments invoqués dans le mémoire du Conseil des ministres ont déjà été réfutés dans le mémoire du Gouvernement flamand.

Sur la base de l'examen de l'essence même de la commission d'appel et de ses compétences, c'est-à-dire en faisant application des critères matériels de la fonction juridictionnelle sans se laisser abuser par un certain nombre de contingences organiques ou formelles et, quoi qu'il en soit, non essentielles, qui feraient confondre du reste la cause et l'effet, on ne peut que constater que le recours introduit auprès de la commission d'appel est un recours administratif et non juridictionnel, en sorte que la commission d'appel est une instance administrative et non juridictionnelle et que ses décisions sont des actes administratifs et non des actes juridictionnels.

Comment pourrait-on du reste admettre, comme le soutient le Conseil des ministres, qu'un législateur décrétal qui souhaite explicitement rencontrer l'observation du Conseil d'Etat selon laquelle il est incompétent pour organiser une juridiction ait, précisément en raison de cette incompétence, tout de même organisé une juridiction ? Contrairement à ce qu'affirme le Conseil des ministres, la circonstance que la commission d'appel peut modifier ou remplacer la décision attaquée du Fonds flamand permet seulement de conclure qu'elle prend une décision administrative et non une décision juridictionnelle. En effet, eu égard au principe de la séparation des pouvoirs, c'est une caractéristique du juge de ne pouvoir substituer son appréciation à celle d'une autorité exerçant une fonction administrative.

Quoi qu'il en soit, une qualification juridictionnelle de la commission d'appel, de sa compétence ou de ses décisions est hautement contestable. Etant donné que cette interprétation soulève un problème de constitutionnalité, alors qu'une interprétation conforme à la Constitution est indubitablement possible, il y a lieu d'opter en faveur de cette dernière. Le Gouvernement flamand ne peut que constater que le Conseil des ministres ne formule à l'encontre de la commission d'appel, au cas o· celle-ci serait une instance administrative, aucune objection tirée de la répartition des compétences.

Mémoire en réponse du Gouvernement wallon A.7.1. Pour répondre à la question préjudicielle, il y a lieu de se référer aux règles répartitrices de compétences qui étaient en vigueur au moment de l'adoption des articles 43 et 44 du décret de la Communauté flamande du 27 juin 1990. Contrairement à ce que soutient le Conseil des ministres, il n'y a pas lieu de se référer à l'article 161 de la Constitution combiné avec l'article 19 de la loi spéciale du 8 août 1980, modifié par la loi spéciale du 16 juillet 1993. Il ressort du reste des travaux préparatoires de l'article 161 de la Constitution que les communautés et les régions peuvent actuellement créer des juridictions administratives spécifiques si cela est nécessaire à l'exercice de leurs compétences.

A.7.2. Dans son mémoire, le Conseil des ministres se prévaut essentiellement des dispositions de l'arrêté du Gouvernement flamand du 24 juillet 1991 ainsi que du règlement d'ordre intérieur de la commission d'appel pour conclure que celle-ci présente toutes les caractéristiques d'une juridiction administrative. Cette argumentation ne peut être retenue, parce que la Cour n'est pas saisie de ces dispositions et ne pourrait l'être. Compte tenu de l'article 94 (actuellement 146) de la Constitution, le pouvoir exécutif n'a évidemment pas compétence pour instituer une juridiction ou pour régler l'exercice d'une fonction judiciaire, sans habilitation législative. A fortiori, la commission d'appel n'a pas compétence pour s'ériger en organe juridictionnel dans un règlement d'ordre intérieur.

Le Conseil flamand s'est conformé à l'avis de la section de législation du Conseil d'Etat. Les travaux préparatoires du décret ne permettent pas d'affirmer que tel n'est pas le cas.

Pour le surplus, quelle que soit la nature de la commission d'appel instituée par les dispositions en cause, celles-ci n'ont pas dérogé à la compétence dévolue aux tribunaux du travail par l'article 582, 2°, du Code judiciaire.

B B.1. Les articles 43 et 44 du décret de la Communauté flamande du 27 juin 1990 portant création d'un Fonds flamand pour l'intégration sociale des personnes handicapées sont libellés comme suit : " Art. 43. Dans les trente jours suivant la notification de la décision du Fonds, le demandeur ou son représentant légal peut introduire un recours contre la décision, par lettre recommandée adressée à une commission d'appel.

Art. 44.La commission d'appel comprend cinq membres; elle est composée de façon multidisciplinaire et est présidée par un magistrat.

Le Gouvernement fixe les conditions de nomination des membres de la commission d'appel, nomme ses membres et règle son fonctionnement.

Il y a incompatibilité entre la qualité de membre de la commission d'évaluation ou du conseil de gestion, d'une part, et la qualité de membre de la commission d'appel, d'autre part. " B.2. Ces dispositions doivent être contrôlées au regard des règles établies par la Constitution ou en vertu de celle-ci pour déterminer les compétences respectives de l'Etat, des communautés et des régions, telles qu'elles étaient d'application au moment de l'adoption du décret précité.

B.3. Les articles 3ter (actuellement l'article 38), 59bis (actuellement les articles 127 à 129) et 107quater (actuellement l'article 39) de la Constitution et les articles 4 à 11 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles ont conféré au législateur décrétal le pouvoir de régler par décret un certain nombre de matières. Ainsi, l'article 5, 1er, II, 4°, de la même loi spéciale attribue aux communautés, sous réserve de deux exceptions," la politique des handicapés, en ce compris la formation, la reconversion et le recyclage professionnels des handicapés [...] ".

L'article 19, 1er, alinéa 1er, de la loi spéciale du 8 août 1980, avant sa modification par la loi spéciale du 16 juillet 1993, disposait cependant que" le décret règle les matières visées aux articles 4 à 11, sans préjudice des compétences que la Constitution réserve à la loi ".

Il en résultait que, sauf le cas o· une habilitation spéciale et expresse avait été donnée par les lois de réformes institutionnelles, le législateur décrétal ne pouvait régler les matières qui lui avaient été attribuées qu'à la condition de n'empiéter en aucune façon sur les compétences réservées à la loi par la Constitution.

Antérieurement à la modification de l'article 19, 1er, de la loi spéciale du 8 août 1980 par la loi spéciale du 16 juil-let 1993, la possibilité donnée aux Conseils par l'article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980, modifiée par la loi spéciale du 8 août 1988, d'adopter des dispositions de droit relatives à des matières pour lesquelles ils ne sont pas compétents ne pouvait trouver à s'appliquer à des compétences que la Constitution réserve à la loi.

B.4. L'article 94 (actuellement l'article 146) de la Constitution dispose : " Nul tribunal, nulle juridiction contentieuse ne peut être établi qu'en vertu d'une loi. [...] " Cette disposition réserve au législateur fédéral le soin d'établir des juridictions. A défaut d'une habilitation spéciale et expresse conférée par les lois de réformes institutionnelles, les communautés, aux termes de l'article 19, 1er, précité, de la loi spéciale du 8 août 1980, n'étaient pas compétentes pour établir des juridictions ordinaires ou administratives.

B.5. La question est donc de savoir si le recours organisé par les dispositions en cause revêt ou non un caractère juridictionnel et si la commission d'appel visée par ces dispositions constitue ou non une juridiction administrative.

B.6. L'instauration d'une procédure d'appel spécifique et la création d'une commission d'appel trouvent leur explication, selon les travaux préparatoires du décret, dans la circonstance que l'avis de la section de législation du Conseil d'Etat indiquait que le législateur décrétal n'était pas compétent pour décider que les contestations relatives aux décisions prises par le Fonds flamand et celles relatives aux contrats d'apprentissage ressortissaient à la compétence des tribunaux du travail (Doc., Conseil flamand, 1989-1990, n° 318/1, pp. 44 et 59). Le législateur décrétal considéra alors qu'il était nécessaire de prévoir" une instance d'appel spécifique " (ibid., p. 13; Doc., Conseil flamand, 1989-1990, n° 318/2, p. 15).

Il ressort des travaux préparatoires que le recours visé à l'article 43 du décret se substitue au recours juridictionnel devant le tribunal du travail prévu par les articles 26 et 27 de la loi du 16 avril 1963Documents pertinents retrouvés type loi prom. 16/04/1963 pub. 23/11/2009 numac 2009000724 source service public federal interieur Loi relative au reclassement social des handicapés. - Coordination officieuse en langue allemande fermer relative au reclassement social des handicapés, qui constitue la réglementation antérieure au décret. Ces dispositions ont du reste été abrogées par l'article 73, 1°, de ce décret.

Le fait que le législateur décrétal a manifestement entendu instituer un recours juridictionnel résulte également des dispositions qu'il a adoptées concernant la composition de la commission d'appel et qui tendent à garantir l'indépendance de cette commission. La commission d'appel est présidée par un magistrat et il y a incompatibilité entre la qualité de membre de la commission d'évaluation ou du conseil de gestion du Fonds flamand et celle de membre de la commission d'appel.

Au demeurant, les décisions de la commission sont manifestement revêtues de l'autorité de la chose jugée.

B.7. Le caractère juridictionnel du recours institué par le décret est par ailleurs confirmé par l'arrêté du Gouvernement flamand du 24 juillet 1991 relatif à l'enregistrement au Fonds flamand pour l'intégration sociale des personnes handicapées. Outre un président, il est prévu deux présidents suppléants qui tous doivent être des magistrats ayant au moins cinq ans d'expérience auprès d'un tribunal du travail ou d'une cour du travail (article 31, 1°). La commission d'appel n'est compétente que pour se prononcer sur des appels introduits par écrit et motivés (article 37). Le demandeur peut se faire assister (article 38). Avant la séance, les parties peuvent introduire un mémoire, qui est ajouté au dossier et la commission d'appel doit tenir compte des éléments y apportés (article 42). La décision de la commission d'appel doit être motivée, sous peine de nullité (article 48). Le Fonds flamand est partie au litige, de sorte que la procédure est contradictoire (article 48, 3°).

B.8. Il résulte de ce qui précède que le recours visé à l'article 43 est un recours juridictionnel et que la commission d'appel est, dès lors, une juridiction administrative.

B.9. Etant donné que la commission d'appel est une juridiction administrative statuant sur des recours juridictionnels, les articles 43 et 44 du décret de la Communauté flamande du 27 juin 1990 portant création d'un Fonds flamand pour l'intégration sociale des personnes handicapées violent les règles, telles qu'elles étaient en vigueur à l'époque, déterminant les compétences respectives de l'Etat, des communautés et des régions.

La question préjudicielle appelle une réponse affirmative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : Les articles 43 et 44 du décret de la Communauté flamande du 27 juin 1990 portant création d'un Fonds flamand pour l'intégration sociale des personnes handicapées violent les règles déterminant les compétences respectives de l'Etat, des communautés et des régions.

Ainsi prononcé en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 30 avril 1997, par le siège précité dans lequel le président M. Melchior, légitimement empêché d'assister au prononcé du présdent arrêt, est remplacé par le juge L. François.

Le greffier, Le président, L. Potoms. L. De Grève.

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