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Arrêt De La Cour Constitutionelle
publié le 26 août 1997

Arrêt n° 45/97 du 14 juillet 1997 Numéros du rôle : 959 et 960 En cause : les questions préjudicielles concernant la loi du 30 juin 1971 relative aux amendes administratives applicables en cas d'infraction à certaines lois sociales, posées pa La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et L. De Grève, et des juges H. Boel, P(...)

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COUR D'ARBITRAGE


Arrêt n° 45/97 du 14 juillet 1997 Numéros du rôle : 959 et 960 En cause : les questions préjudicielles concernant la loi du 30 juin 1971Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/06/1971 pub. 12/05/2009 numac 2009000304 source service public federal interieur Loi relative aux amendes administratives applicables en cas d'infraction à certaines lois sociales. - Coordination officieuse en langue allemande fermer relative aux amendes administratives applicables en cas d'infraction à certaines lois sociales, posées par le Tribunal du travail de Mons.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et L. De Grève, et des juges H. Boel, P. Martens, J. Delruelle, G. De Baets, E. Cerexhe, H. Coremans, A. Arts et R. Henneuse, assistée du greffier L. Potoms, présidée par le président M. Melchior, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des questions préjudicielles Par jugement du 20 mai 1996 en cause de R. Baglio contre le ministère de l'Emploi et du Travail, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 29 mai 1996, le Tribunal du travail de Mons a posé la question préjudicielle suivante : « La loi du 30 juin 1971Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/06/1971 pub. 12/05/2009 numac 2009000304 source service public federal interieur Loi relative aux amendes administratives applicables en cas d'infraction à certaines lois sociales. - Coordination officieuse en langue allemande fermer relative aux amendes administratives applicables en cas d'infractions sociales [viole-t-elle] les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'elle ne permet pas au juge du tribunal, à l'instar du juge répressif, de réduire le montant de l'amende administrative en dessous des minima légaux, en raison de circonstances atténuantes dûment motivées ou, à tout le moins, d'octroyer le sursis pour tout ou partie de l'amende prononcée ? » Par jugement du 20 mai 1996 en cause de C. Di Fato contre le ministère de l'Emploi et du Travail, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 29 mai 1996, le Tribunal du travail de Mons a posé la même question préjudicielle.

II. Les faits et la procédure antérieure Les deux affaires opposent, dans le premier cas, R. Baglio et, dans le second cas, C. Di Fato, au ministère de l'Emploi et du Travail.

Les deux parties demanderesses se sont vu infliger une amende administrative, la première de 120.000 francs et la seconde de 40.000 francs, la première pour avoir commis une infraction à l'article 175, 2°, de l'arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage - et donc sur la base de l'article 1erbis, 2°, b), de la loi du 30 juin 1971Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/06/1971 pub. 12/05/2009 numac 2009000304 source service public federal interieur Loi relative aux amendes administratives applicables en cas d'infraction à certaines lois sociales. - Coordination officieuse en langue allemande fermer - et la seconde pour avoir commis des infractions à la loi du 8 avril 1965 instituant les règlements de travail et à l'article 157 de la loi-programme du 22 décembre 1989 - et donc sur la base des articles 1er, 7°, et 1erbis, 6°, a), de la loi du 30 juin 1971Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/06/1971 pub. 12/05/2009 numac 2009000304 source service public federal interieur Loi relative aux amendes administratives applicables en cas d'infraction à certaines lois sociales. - Coordination officieuse en langue allemande fermer.

Dans son avis déposé dans l'une et l'autre affaire, l'auditeur du travail considère que la loi du 30 juin 1971Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/06/1971 pub. 12/05/2009 numac 2009000304 source service public federal interieur Loi relative aux amendes administratives applicables en cas d'infraction à certaines lois sociales. - Coordination officieuse en langue allemande fermer établit un régime qui, alors qu'il s'agit de réprimer des faits passibles d'une sanction pénale, ne réserve pas un traitement identique à ceux qui, par décision du ministère public, sont cités devant le tribunal correctionnel. En effet, dans cette seconde hypothèse, le tribunal peut individualiser la peine et peut également prononcer le sursis à exécution ou la suspension du prononcé de la condamnation. Or, le caractère non pénal de l'amende administrative exclut non seulement l'application de la loi du 5 mars 1952Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/03/1952 pub. 13/01/2010 numac 2009000850 source service public federal interieur Loi relative aux décimes additionnels sur les amendes pénales Coordination officieuse en langue allemande fermer relative aux décimes additionnels sur les amendes pénales, l'exercice du droit de grâce par le Roi, mais aussi celle de la loi du 29 juin 1964Documents pertinents retrouvés type loi prom. 29/06/1964 pub. 27/11/2009 numac 2009000776 source service public federal interieur Loi concernant la suspension, le sursis et la probation. - Coordination officieuse en langue allemande fermer concernant la suspension, le sursis et la probation.

L'auditeur rappelle alors l'arrêt n° 72/92 du 18 novembre 1992 rendu par la Cour. Il estime ensuite que la question de la conformité de la loi du 30 juin 1971Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/06/1971 pub. 12/05/2009 numac 2009000304 source service public federal interieur Loi relative aux amendes administratives applicables en cas d'infraction à certaines lois sociales. - Coordination officieuse en langue allemande fermer aux articles 10 et 11 de la Constitution devrait être posée à la Cour.

Le Tribunal du travail de Mons décide dès lors de poser à la Cour la question préjudicielle rappelée ci-dessus, même s'il relève par ailleurs que la procédure instaurée par la loi du 30 juin 1971Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/06/1971 pub. 12/05/2009 numac 2009000304 source service public federal interieur Loi relative aux amendes administratives applicables en cas d'infraction à certaines lois sociales. - Coordination officieuse en langue allemande fermer évite à la demanderesse les inconvénients d'une comparution devant la justice répressive et le caractère infamant qui peut résulter d'une inscription d'une condamnation au casier judiciaire.

III. La procédure devant la Cour Par ordonnances du 29 mai 1996, le président en exercice a désigné les juges des sièges conformément aux articles 58 et 59 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage.

Les juges-rapporteurs ont estimé n'y avoir lieu de faire application des articles 71 ou 72 de la loi organique.

Par ordonnance du 5 juin 1996, la Cour réunie en séance plénière a joint les affaires.

Les décisions de renvoi ont été notifiées conformément à l'article 77 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 20 juin 1996; l'ordonnance de jonction a été notifiée par les mêmes lettres.

L'avis prescrit par l'article 74 de la loi organique a été publié au Moniteur belge du 25 juin 1996.

Le Conseil des ministres, rue de la Loi 16, 1000 Bruxelles, a introduit un mémoire, par lettre recommandée à la poste le 26 juillet 1996.

Par ordonnances des 22 octobre 1996 et 29 avril 1997, la Cour a prorogé respectivement jusqu'aux 29 mai 1997 et 29 novembre 1997 le délai dans lequel l'arrêt doit être rendu.

Par ordonnance du 26 février 1997, le président M. Melchior a soumis les affaires à la Cour réunie en séance plénière.

Par ordonnance du même jour, la Cour a déclaré les affaires en état et fixé l'audience au 18 mars 1997.

Cette ordonnance a été notifiée au Conseil des ministres ainsi qu'à son avocat par lettres recommandées à la poste le 26 février 1997.

A l'audience publique du 18 mars 1997 : - a comparu : Me R. Ergec loco Me P. Peeters, avocats au barreau de Bruxelles, pour le Conseil des ministres; - les juges-rapporteurs J. Delruelle et A. Arts ont fait rapport; - l'avocat précité a été entendu; - les affaires ont été mises en délibéré.

Le juge L. François, légitimement empêché, et le juge le dernier nommé M. Bossuyt, qui s'est abstenu, n'ont pas participé au délibéré.

La procédure s'est déroulée conformément aux articles 62 et suivants de la loi organique, relatifs à l'emploi des langues devant la Cour.

IV. Quant aux dispositions faisant l'objet des questions préjudicielles La loi du 30 juin 1971Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/06/1971 pub. 12/05/2009 numac 2009000304 source service public federal interieur Loi relative aux amendes administratives applicables en cas d'infraction à certaines lois sociales. - Coordination officieuse en langue allemande fermer permet d'infliger des amendes qu'elle qualifie d'administratives aux employeurs contrevenant aux lois sociales qu'elle définit, pour autant que les faits soient passibles de sanctions pénales (articles 1er et 1erbis).

L'infraction fait l'objet soit de poursuites pénales, soit d'une amende administrative (article 4, alinéa 1er), étant entendu que, « même si un acquittement les clôture », les poursuites pénales excluent l'application d'une amende administrative (article 5, alinéa 2).

Si, compte tenu de la gravité de l'infraction (article 5, alinéa 1er), le ministère public décide de ne pas engager de poursuites pénales, il en fait part au fonctionnaire désigné par le Roi, lequel peut alors - dans un délai de cinq ans après le fait constitutif de l'infraction (article 13) - décider d'infliger une amende administrative à l'employeur; il peut aussi le faire si le ministère public ne lui notifie pas sa décision dans le délai requis (articles 4, alinéa 2, et 7, alinéa 2). L'amende n'est applicable qu'à l'employeur, même si l'infraction a été commise par un préposé ou un mandataire (article 3).

Le fonctionnaire doit au préalable mettre l'employeur en mesure de présenter ses moyens de défense (article 7, alinéa 2). Sa décision est motivée et fixe le montant de l'amende; la notification qui en est faite éteint l'action publique (article 7, alinéas 4 et 5).

L'employeur dispose d'un délai de deux mois à compter de cette notification pour introduire un recours devant le tribunal du travail (article 8, alinéa 1er). Ce recours suspend l'exécution de la décision, sauf si celle-ci est prise en application de l'article 1erbis, 1°.

Les articles 9 à 12ter de la loi déterminent les modalités de calcul et de paiement de l'amende.

V. En droit - A - Mémoire du Conseil des ministres A.1. L'arrêt n° 72/92 du 18 novembre 1992 de la Cour d'arbitrage est rappelé. La Cour prend en compte, dans cet arrêt, les réalités spécifiques au droit pénal social et le souci de ne pas encombrer les tribunaux correctionnels et de confier aux juridictions du travail le contrôle de l'application de la loi.

Par ailleurs, il ressort de l'article 5 de la loi du 30 juin 1971Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/06/1971 pub. 12/05/2009 numac 2009000304 source service public federal interieur Loi relative aux amendes administratives applicables en cas d'infraction à certaines lois sociales. - Coordination officieuse en langue allemande fermer que les infractions graves donnent normalement lieu à des poursuites pénales entraînant l'applicabilité de l'intégralité des principes généraux du droit pénal.

Ce n'est donc qu'en cas d'infractions mineures que le système mis en cause par la juridiction a quo trouve à s'appliquer.

L'arrêt [fv]SDztürk de la Cour européenne des droits de l'homme du 21 février 1984 et l'arrêt Lutz de cette même Cour du 25 août 1987 sont par ailleurs rappelés afin de démontrer que la loi en cause s'inscrit dans le courant d'une tendance moderne commune à l'ensemble des Etats européens.

Il n'en demeure pas moins qu'une telle dépénalisation doit s'entourer d'une série de garanties, comme l'accès à un tribunal doté d'une compétence de pleine juridiction, mais qu'il ne faut pas pour autant étendre aux amendes administratives l'application de l'ensemble des principes généraux du droit pénal.

A cet égard, la recommandation n° R(91)1 du Comité des ministres du Conseil de l'Europe relative aux sanctions administratives « n'énonce comme garanties à respecter que les principes de la légalité, de la non-rétroactivité, le principe non bis in idem, le délai raisonnable de la procédure ainsi que des garanties procédurales équitables (charge de la preuve, droit d'être entendu, motivation de la décision, etc.) ».

La loi du 30 juin 1971Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/06/1971 pub. 12/05/2009 numac 2009000304 source service public federal interieur Loi relative aux amendes administratives applicables en cas d'infraction à certaines lois sociales. - Coordination officieuse en langue allemande fermer répond à toutes ces garanties. On peut d'ailleurs souligner que le projet qui a abouti à cette loi reposait sur l'avis du Conseil d'Etat, lequel avait précisément conçu un système conciliant les amendes administratives avec les principes généraux du droit pénal.

En particulier, il n'est nullement établi que la possibilité pour le juge de réduire le montant des amendes en dessous des minima ou d'accorder le sursis relève des principes généraux du droit pénal.

Même si cela était, il n'en résulte pas pour autant que l'ensemble des principes généraux du droit pénal devrait trouver à s'appliquer aux amendes administratives.

L'application des principes généraux du droit pénal énoncés par le juge a quo reviendrait en effet à remettre en cause le principe même des amendes administratives et à nier les spécificités du droit pénal social.

Il faut d'ailleurs rappeler quelle est la justification du caractère incompressible des minima des amendes et de l'impossibilité d'octroyer le sursis. Le but des amendes administratives n'est pas seulement de combattre efficacement la fraude sociale, mais également de réprimer des infractions purement administratives. L'objectif de lutte contre la fraude sociale serait en outre affaibli si le fraudeur potentiel pouvait invoquer comme circonstance atténuante le fait qu'il a régularisé la situation après la constatation de la fraude sociale.

Il faut aussi relever que l'article 85 du Code pénal, relatif aux circonstances atténuantes, n'est pas toujours d'application en droit pénal social. L'article 100 du Code pénal prévoit en effet que toutes les dispositions du Code sont d'application aux infractions prévues dans les lois et règlements spéciaux, à l'exception toutefois du chapitre VII et de l'article 85. Plusieurs lois et règlements en la matière sont par ailleurs rappelés. « Dans les cas où les circonstances atténuantes sont admises, il faut observer que les amendes administratives ont été introduites, non pas pour sanctionner le fait de ne pas être en règle vis-à-vis des services de la Sécurité Sociale, mais pour sanctionner le fait même d'avoir contourné les lois sociales. Même en cas de régularisation, l'amende administrative resterait due. La régularisation ne fait pas disparaître l'infraction constatée. Cette considération justifie amplement l'incompressibilité des minima des amendes. » A.2. Les amendes administratives n'ont pas seulement un effet dissuasif, mais elles ont aussi une importance économique puisqu'elles tendent à réparer le préjudice causé à la collectivité par la fraude sociale.

Il faut aussi rappeler qu'en cas de transaction pénale, le ministère public doit respecter les « minima » prévus par la loi du 30 juin 1971Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/06/1971 pub. 12/05/2009 numac 2009000304 source service public federal interieur Loi relative aux amendes administratives applicables en cas d'infraction à certaines lois sociales. - Coordination officieuse en langue allemande fermer et les autres lois sociales.

Les minima incompressibles n'excluent pas non plus une individualisation de l'amende administrative par le juge puisque la majorité des amendes administratives prévoient un montant minimum et un montant maximum. L'amende peut donc être fixée de manière souple en tenant compte de l'ampleur du dommage social causé, de l'état d'esprit, des antécédents et des facultés patrimoniales du contrevenant.

Il en résulte que le système visé par la question préjudicielle répond à un but légitime (combattre efficacement la fraude sociale), que les moyens employés reposent sur des critères objectifs et raisonnables et qu'ils sont proportionnés au but légitime poursuivi.

Le Conseil des ministres invite la Cour à procéder à la même appréciation globale que celle qui fit l'objet de l'arrêt précité du 18 novembre 1992 et à avoir égard non seulement aux justifications qui ont été données à l'appui de l'impossibilité de réduction des minima et d'octroi du sursis, mais également aux avantages découlant pour le justiciable du système des amendes administratives. - B - Quant à l'objet des questions préjudicielles B.1. Il ressort des termes des questions préjudicielles qu'est soumise au contrôle de la Cour la loi du 30 juin 1971Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/06/1971 pub. 12/05/2009 numac 2009000304 source service public federal interieur Loi relative aux amendes administratives applicables en cas d'infraction à certaines lois sociales. - Coordination officieuse en langue allemande fermer relative aux amendes administratives applicables en cas d'infraction à certaines lois sociales en ce qu'elle ne permet pas aux juridictions du travail, contrairement aux juridictions pénales, de réduire le montant de l'amende administrative en deçà des minima légaux, en raison de circonstances atténuantes dûment motivées ou à tout le moins d'octroyer le sursis pour tout ou partie de l'amende prononcée.

Quant au fond B.2. Lorsque le législateur estime que certains manquements à des obligations légales doivent faire l'objet d'une répression, il relève de son pouvoir d'appréciation de décider s'il est opportun d'opter pour des sanctions pénales ou pour des sanctions administratives. Le choix de l'une ou l'autre catégorie de sanctions ne peut être considéré comme établissant, en soi, une discrimination.

B.3.1. Lorsqu'un même manquement à des obligations légales fait l'objet, tantôt de sanctions pénales, tantôt de sanctions administratives, la différence de traitement qui pourrait en résulter n'est admissible que si elle est raisonnablement justifiée.

B.3.2. La possibilité de recourir à des sanctions administratives pour réprimer certaines infractions à la législation sociale repose sur un fondement objectif et raisonnable.

En effet, il ressort de l'exposé des motifs de la loi du 30 juin 1971Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/06/1971 pub. 12/05/2009 numac 2009000304 source service public federal interieur Loi relative aux amendes administratives applicables en cas d'infraction à certaines lois sociales. - Coordination officieuse en langue allemande fermer que l'application de la procédure ordinaire à certaines infractions à la législation sociale était inadéquate en ce que l'action répressive était trop lourde dans ses effets, en ce que les sanctions pénales étaient rarement appliquées et en ce que le caractère préventif du droit pénal social s'en trouvait fortement atténué (Doc. parl., Chambre, 1970-1971, n° 939/1). La procédure instaurée par la loi du 30 juin 1971Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/06/1971 pub. 12/05/2009 numac 2009000304 source service public federal interieur Loi relative aux amendes administratives applicables en cas d'infraction à certaines lois sociales. - Coordination officieuse en langue allemande fermer évite à l'intéressé les inconvénients d'une comparution devant une juridiction répressive, lui épargne le caractère infamant qui s'attache aux condamnations pénales et lui permet d'échapper aux conséquences d'une inscription au casier judiciaire (Doc. parl., Sénat, 1970-1971, n° 514, rapport de la Commission, p. 2).

B.4. Il reste cependant à examiner si le choix du législateur n'a pas des effets discriminatoires en ce qu'il conduit aux différences de traitement dénoncées dans les questions préjudicielles.

B.5.1. Alors qu'elle entend réprimer des faits passibles de sanctions pénales, la loi du 30 juin 1971Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/06/1971 pub. 12/05/2009 numac 2009000304 source service public federal interieur Loi relative aux amendes administratives applicables en cas d'infraction à certaines lois sociales. - Coordination officieuse en langue allemande fermer établit un régime qui traite différemment deux catégories de personnes comparables. En effet, contrairement à la personne qui est citée à comparaître devant le tribunal correctionnel, la personne physique qui exerce, devant le tribunal du travail, un recours contre la décision lui infligeant une amende administrative ne peut bénéficier de certaines modalités légales d'individualisation de la peine.

B.5.2. La personne poursuivie devant le tribunal correctionnel par l'auditeur du travail peut, s'il existe des circonstances atténuantes, se voir infliger une peine inférieure au minimum légal, si la loi réprimant l'infraction qu'elle a commise rend applicable l'article 85 du Code pénal. La même personne peut en outre bénéficier de l'application des articles 3 et 8 de la loi du 29 juin 1964Documents pertinents retrouvés type loi prom. 29/06/1964 pub. 27/11/2009 numac 2009000776 source service public federal interieur Loi concernant la suspension, le sursis et la probation. - Coordination officieuse en langue allemande fermer concernant la suspension, le sursis et la probation.

B.5.3. En revanche, la personne qui a commis une infraction à la même disposition, dont le dossier a été classé sans suite par l'auditeur du travail, qui s'est vu infliger une amende administrative et qui a exercé le recours prévu par la loi devant le tribunal du travail ne peut pas bénéficier de mesures comparables : le tribunal ne peut infliger à cette personne une amende inférieure au minimum légal, alors même que, en raison des circonstances, le montant de l'amende lui paraîtrait disproportionné. Il ne peut pas davantage la faire bénéficier d'une mesure de suspension, de sursis ou de probation, ces mesures ne pouvant être ordonnées que par une juridiction pénale.

B.6.1. Les modalités d'individualisation des peines permettent notamment de prendre en considération les circonstances dans lesquelles l'infraction a été commise, d'avoir égard à l'amendement du délinquant, de favoriser sa réintégration, de tenir compte de considérations socio-professionnelles et de proportionner la peine à la gravité des faits.

B.6.2. Les mesures prévues par la loi du 29 juin 1964Documents pertinents retrouvés type loi prom. 29/06/1964 pub. 27/11/2009 numac 2009000776 source service public federal interieur Loi concernant la suspension, le sursis et la probation. - Coordination officieuse en langue allemande fermer ont été conçues comme des mesures étroitement liées aux sanctions pénales. Il s'agit de « permettre au juge de mettre l'auteur d'une infraction à l'épreuve pendant un certain temps, à la suite duquel, si son comportement est satisfaisant, aucune condamnation n'est prononcée, ni aucune peine d'emprisonnement subie » (Ann., Sénat, 1963-1964, n° 5, discussion, séance du 26 novembre 1963, p. 80). Ces mesures ont été prévues dans le but d'éliminer ou d'atténuer les effets infamants qui s'attachent à une condamnation pénale.

Le législateur peut, sans méconnaître le principe d'égalité, estimer qu'une mesure de suspension, de sursis ou de probation n'est pas applicable aux amendes administratives. Celles-ci sont des mesures exclusivement pécuniaires, elles n'ont pas le caractère infamant qui s'attache aux condamnations pénales, elles ne sont pas inscrites au casier judiciaire et elles ne sont pas de nature à compromettre la réintégration de celui auquel elles sont infligées.

En ce qu'elle ne permet pas au tribunal du travail d'accorder le sursis pour tout ou partie de l'amende administrative, seule mesure de la loi du 29 juin 1964Documents pertinents retrouvés type loi prom. 29/06/1964 pub. 27/11/2009 numac 2009000776 source service public federal interieur Loi concernant la suspension, le sursis et la probation. - Coordination officieuse en langue allemande fermer visée par les questions préjudicielles, la loi du 30 juin 1971Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/06/1971 pub. 12/05/2009 numac 2009000304 source service public federal interieur Loi relative aux amendes administratives applicables en cas d'infraction à certaines lois sociales. - Coordination officieuse en langue allemande fermer ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution.

B.7.1. Par contre, les amendes administratives atteignent des montants tels que, même si elles se situent entre un minimum et un maximum, elles peuvent être, dans certains cas, disproportionnées par rapport à la gravité des faits et par rapport au but répressif et préventif poursuivi par la sanction administrative. A cet égard, ni les raisons rappelées en B.3.2, ni aucune autre considération ne permettent de justifier que le tribunal du travail ne puisse descendre en deçà du minimum légal alors que, pour une même infraction à une loi permettant l'application de l'article 85 du Code pénal, le tribunal correctionnel peut infliger une amende inférieure au minimum légal s'il existe des circonstances atténuantes.

B.7.2. La différence de traitement est d'autant moins justifiable que, alors que c'est la loi elle-même (article 5) qui subordonne à la gravité de l'infraction l'option pour la voie pénale, cette différence aboutit à traiter plus favorablement les personnes dont le manquement est, aux yeux du législateur, plus grave puisque l'auditeur du travail a estimé qu'elles ne pouvaient bénéficier d'une mesure de classement.

B.7.3. Sans doute les personnes physiques qui comparaissent devant le tribunal du travail échappent-elles aux inconvénients d'une condamnation pénale, tels que le déshonneur qui s'y attache et l'inscription de la condamnation au casier judiciaire. Mais ces avantages ne suffisent pas, dans une telle matière, à compenser le désavantage de ne pouvoir bénéficier d'une réduction de l'amende au-dessous du minimum légal.

B.8. Les questions préjudicielles appellent une réponse négative en ce qu'elles dénoncent l'impossibilité pour celui qui comparaît devant le tribunal du travail de se voir octroyer le sursis pour tout ou partie de l'amende administrative. Elles appellent une réponse positive en ce que celui qui comparaît devant le tribunal du travail ne peut se voir infliger une amende inférieure au minimum légal alors que, pour une infraction à la même disposition, celui qui comparaît devant le tribunal correctionnel pourrait bénéficier de l'application de l'article 85 du Code pénal.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : - La loi du 30 juin 1971Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/06/1971 pub. 12/05/2009 numac 2009000304 source service public federal interieur Loi relative aux amendes administratives applicables en cas d'infraction à certaines lois sociales. - Coordination officieuse en langue allemande fermer relative aux amendes administratives applicables en cas d'infraction à certaines lois sociales ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'elle ne permet pas aux personnes qui exercent devant le tribunal du travail le recours prévu par l'article 8 de cette loi de bénéficier d'une mesure de sursis. - La loi du 30 juin 1971Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/06/1971 pub. 12/05/2009 numac 2009000304 source service public federal interieur Loi relative aux amendes administratives applicables en cas d'infraction à certaines lois sociales. - Coordination officieuse en langue allemande fermer relative aux amendes administratives applicables en cas d'infraction à certaines lois sociales viole les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'elle ne permet pas aux personnes qui exercent devant le tribunal du travail le recours prévu par l'article 8 de cette loi de bénéficier d'une réduction de l'amende au-dessous des minima légaux lorsque, pour une même infraction, elles peuvent bénéficier, devant le tribunal correctionnel, de l'application de l'article 85 du Code pénal.

Ainsi prononcé en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 14 juillet 1997.

Le greffier, Le président, L. Potoms. M. Melchior.

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