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Arrêt De La Cour Constitutionelle
publié le 06 juin 1998

Arrêt n° 39/98 du 1 er avril 1998 Numéro du rôle : 1290 En cause : la demande de suspension de l'article 10, 2°, de la loi du 12 décembre 1997 « portant co(...)

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1998021218
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COUR D'ARBITRAGE


Arrêt n° 39/98 du 1er avril 1998 Numéro du rôle : 1290 En cause : la demande de suspension de l'article 10, 2°, de la loi du 12 décembre 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 12/12/1997 pub. 18/12/1997 numac 1997021409 source services du premier ministre Loi portant confirmation des arrêtés royaux pris en application de la loi du 26 juillet 1996 visant à réaliser les conditions budgétaires de la participation de la Belgique à l'Union économique et monétaire européenne, et de la loi du 26 juillet 1996 portant modernisation de la sécurité sociale et assurant la viabilité des régimes légaux des pensions type loi prom. 12/12/1997 pub. 18/12/1997 numac 1997021408 source services du premier ministre Loi portant confirmation des arrêtés royaux pris en application de la loi du 26 juillet 1996 portant modernisation de la sécurité sociale et assurant la viabilité des régimes légaux des pensions, et la loi du 26 juillet 1996 visant à réaliser les conditions budgétaires de la participation de la Belgique à l'Union économique et monétaire européenne fermer « portant confirmation des arrêtés royaux pris en application de la loi du 26 juillet 1996Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/07/1996 pub. 05/10/2012 numac 2012205395 source service public federal interieur Loi relative à la promotion de l'emploi et à la sauvegarde préventive de la compétitivité. - Coordination officieuse en langue allemande fermer visant à réaliser les conditions budgétaires de la participation de la Belgique à l'Union économique et monétaire européenne, et de la loi du 26 juillet 1996Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/07/1996 pub. 05/10/2012 numac 2012205395 source service public federal interieur Loi relative à la promotion de l'emploi et à la sauvegarde préventive de la compétitivité. - Coordination officieuse en langue allemande fermer portant modernisation de la sécurité sociale et assurant la viabilité des régimes légaux des pensions » et de l'article 11 de l'arrêté royal du 24 juillet 1997, confirmé par cette disposition, « relatif à la mise en disponibilité de certains militaires du cadre actif des forces armées, en application de l'article 3, § 1er, 1°, de la loi du 26 juillet 1996Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/07/1996 pub. 05/10/2012 numac 2012205395 source service public federal interieur Loi relative à la promotion de l'emploi et à la sauvegarde préventive de la compétitivité. - Coordination officieuse en langue allemande fermer visant à réaliser les conditions budgétaires de la participation de la Belgique à l'Union économique et monétaire européenne », introduite par R. Van Hoof et l'a.s.b.l. Association des officiers du service actif.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents L. De Grève et M. Melchior, et des juges P. Martens, J. Delruelle, E. Cerexhe, H. Coremans et A. Arts, assistée du greffier L. Potoms, présidée par le président L. De Grève, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la demande Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 6 février 1998 et parvenue au greffe le 9 février 1998, R. Van Hoof, demeurant à 2811 Hombeek-Malines, Kapelseweg 144, et l'a.s.b.l.

Association des officiers du service actif, dont le siège social est établi à 1030 Bruxelles, avenue Milcamps 77, ont introduit une demande de suspension de l'article 10, 2°, de la loi du 12 décembre 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 12/12/1997 pub. 18/12/1997 numac 1997021409 source services du premier ministre Loi portant confirmation des arrêtés royaux pris en application de la loi du 26 juillet 1996 visant à réaliser les conditions budgétaires de la participation de la Belgique à l'Union économique et monétaire européenne, et de la loi du 26 juillet 1996 portant modernisation de la sécurité sociale et assurant la viabilité des régimes légaux des pensions type loi prom. 12/12/1997 pub. 18/12/1997 numac 1997021408 source services du premier ministre Loi portant confirmation des arrêtés royaux pris en application de la loi du 26 juillet 1996 portant modernisation de la sécurité sociale et assurant la viabilité des régimes légaux des pensions, et la loi du 26 juillet 1996 visant à réaliser les conditions budgétaires de la participation de la Belgique à l'Union économique et monétaire européenne fermer portant confirmation des arrêtés royaux pris en application de la loi du 26 juillet 1996Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/07/1996 pub. 05/10/2012 numac 2012205395 source service public federal interieur Loi relative à la promotion de l'emploi et à la sauvegarde préventive de la compétitivité. - Coordination officieuse en langue allemande fermer visant à réaliser les conditions budgétaires de la participation de la Belgique à l'Union économique et monétaire européenne, et de la loi du 26 juillet 1996Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/07/1996 pub. 05/10/2012 numac 2012205395 source service public federal interieur Loi relative à la promotion de l'emploi et à la sauvegarde préventive de la compétitivité. - Coordination officieuse en langue allemande fermer portant modernisation de la sécurité sociale et assurant la viabilité des régimes légaux des pensions (publiée au Moniteur belge du 18 décembre 1997), en tant qu'il confirme l'article 11 de l'arrêté royal du 24 juillet 1997 relatif à la mise en disponibilité de certains militaires du cadre actif des forces armées, en application de l'article 3, § 1er, 1°, de la loi du 26 juillet 1996Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/07/1996 pub. 05/10/2012 numac 2012205395 source service public federal interieur Loi relative à la promotion de l'emploi et à la sauvegarde préventive de la compétitivité. - Coordination officieuse en langue allemande fermer visant à réaliser les conditions budgétaires de la participation de la Belgique à l'Union économique et monétaire européenne.

Par la même requête, les parties requérantes demandent également l'annulation des mêmes dispositions.

II. La procédure Par ordonnance du 9 février 1998, le président en exercice a désigné les juges du siège conformément aux articles 58 et 59 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage.

Les juges-rapporteurs ont estimé n'y avoir lieu de faire application des articles 71 ou 72 de la loi organique.

Par ordonnance du 25 février 1998, la Cour a fixé l'audience au 18 mars 1998.

Cette ordonnance a été notifiée aux autorités mentionnées à l'article 76 de la loi organique ainsi qu'aux parties requérantes et à leur avocat, par lettres recommandées à la poste le 26 février 1998.

A l'audience publique du 18 mars 1998 : - ont comparu : . Me P. Vande Casteele, avocat au barreau de Bruxelles, pour les parties requérantes; . le lieutenant-colonel J. Govaert et le major R. Gerits, pour le Conseil des ministres; - les juges-rapporteurs A. Arts et J. Delruelle ont fait rapport; - les parties précitées ont été entendues; - l'affaire a été mise en délibéré.

La procédure s'est déroulée conformément aux articles 62 et suivants de la loi organique, relatifs à l'emploi des langues devant la Cour.

III. Objet des dispositions entreprises L'article 10, 2°, de la loi précitée du 12 décembre 1997 dispose : « Sont confirmés avec effet à la date de leur entrée en vigueur : 2° l'arrêté royal du 24 juillet 1997 relatif à la mise en disponibilité de certains militaires du cadre actif des Forces armées, en application de l'article 3, § 1er, 1°, de la loi du 26 juillet 1996Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/07/1996 pub. 05/10/2012 numac 2012205395 source service public federal interieur Loi relative à la promotion de l'emploi et à la sauvegarde préventive de la compétitivité. - Coordination officieuse en langue allemande fermer visant à réaliser les conditions budgétaires de la participation de la Belgique à l'Union économique et monétaire européenne;» Les chapitres Ier (article 1er à 11) et II (articles 12 à 14) de l'arrêté royal précité du 24 juillet 1997 prévoient respectivement un régime de mise en disponibilité volontaire et un régime de mise en disponibilité obligatoire.

Les militaires qui se trouvent dans une des situations visées à l'article 1er de l'arrêté royal du 24 juillet 1997 (en particulier ceux qui sont proches de la mise à la retraite) peuvent introduire une demande de mise en disponibilité (article 1er). La demande est irrévocable (article 2).

Le militaire mis en disponibilité reçoit un traitement correspondant à quatre-vingt pour cent de son traitement normal, majoré de quatre-vingt pour cent du pécule de vacances et des allocations de fin d'année, ou correspondant à septante-cinq pour cent de ce traitement s'il exerce une activité professionnelle visée à l'article 2, 1°, de la loi du 5 avril 1994Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/04/1994 pub. 10/08/2011 numac 2011000519 source service public federal interieur Loi régissant le cumul des pensions du secteur public avec des revenus provenant de l'exercice d'une activité professionnelle ou avec un revenu de remplacement. - Coordination officieuse en langue allemande fermer (articles 7 et 10).

Pendant la mise en disponibilité, le militaire ne participe plus à l'avancement (article 5). La période de mise en disponibilité est assimilée à une période de service actif pour l'application de la législation sur la sécurité sociale et l'impôt sur les revenus (article 8) et pour le calcul de la pension de retraite ou de survie (article 9).

L'article 11 attaqué de l'arrêté royal du 24 juillet 1997, confirmé par l'article 10, 2°, précité de la loi du 12 décembre 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 12/12/1997 pub. 18/12/1997 numac 1997021409 source services du premier ministre Loi portant confirmation des arrêtés royaux pris en application de la loi du 26 juillet 1996 visant à réaliser les conditions budgétaires de la participation de la Belgique à l'Union économique et monétaire européenne, et de la loi du 26 juillet 1996 portant modernisation de la sécurité sociale et assurant la viabilité des régimes légaux des pensions type loi prom. 12/12/1997 pub. 18/12/1997 numac 1997021408 source services du premier ministre Loi portant confirmation des arrêtés royaux pris en application de la loi du 26 juillet 1996 portant modernisation de la sécurité sociale et assurant la viabilité des régimes légaux des pensions, et la loi du 26 juillet 1996 visant à réaliser les conditions budgétaires de la participation de la Belgique à l'Union économique et monétaire européenne fermer, dispose : « § 1er. Le militaire qui satisfait aux conditions fixées à l'article 1er, alinéa 1er, 2° et 3°, mais qui n'introduit pas de demande d'obtention d'une mise en disponibilité, ne peut bénéficier des dérogations particulières fixées à l'article 19 de la loi du 14 janvier 1975Documents pertinents retrouvés type loi prom. 14/01/1975 pub. 07/02/2014 numac 2014000071 source service public federal interieur Loi portant le règlement de discipline des Forces armées. - Coordination officieuse en langue allemande fermer portant le règlement de discipline des forces armées.

Toute autorisation antérieurement accordée d'exercer une activité professionnelle, dont bénéficiait le militaire visé à l'alinéa 1er, est automatiquement retirée au 1er janvier 1998. § 2. L'exercice d'une activité professionnelle par le militaire visé au § 1er, alinéa 1er, constitue un fait grave incompatible avec son état de militaire visé à l'article 23 de la loi du 1er mars 1958 relative au statut des officiers de carrière des forces terrestre, aérienne et navale et du service médical, ainsi que des officiers de réserve de toutes les forces armées et du service médical, à l'article 25 de la loi du 27 décembre 1961 portant statut des sous-officiers du cadre actif des forces terrestre, aérienne et navale et du service médical, et à l'article 18bis de la loi du 12 juillet 1973 portant statut des volontaires du cadre actif des forces terrestre, aérienne et navale et du service médical. » IV. En droit - A - Quant à la recevabilité A.1.1. R. Van Hoof est officier médecin depuis 1972 et est actuellement directeur de l'hôpital militaire de Neder-over-Heembeek.

Il est autorisé à exercer une activité professionnelle accessoire dans le secteur privé.

Compte tenu de son grade actuel, le premier requérant entre en ligne de compte, à partir du 1er avril 1998, pour la mise en disponibilité volontaire prévue par l'arrêté royal litigieux du 24 juillet 1997.

Conformément à l'article 3, § 3, de l'arrêté royal du 29 juillet 1997 relatif à la procédure de mise en disponibilité de certains militaires du cadre actif des forces armées, il peut introduire sa demande à cet effet « à tout moment ».

Il souhaite participer à l'avancement après le 1er octobre 1997 et n'entre donc pas encore en ligne de compte pour une mise en disponibilité obligatoire, telle qu'elle est prévue par l'article 12, alinéa 2, 2°, de l'arrêté royal du 24 juillet 1997.

A.1.2. L'a.s.b.l. Association des officiers du service actif (ci-après A.O.S.A.) défend les intérêts des officiers conformément à l'article 3 de ses statuts.

Le conseil d'administration a décidé le 5 septembre 1997 d'introduire auprès du Conseil d'Etat un recours en annulation et une demande de suspension de l'arrêté royal du 24 juillet 1997. Cette décision suffit pour demander à présent aussi l'annulation auprès de la Cour.

A.1.3. L'autorisation existante d'exercer une activité professionnelle accessoire est automatiquement, à partir du 1er janvier 1998, retirée à tous les officiers qui remplissent les conditions en vue de la mise en disponibilité, mais ne la demandent pas; la poursuite d'une activité professionnelle complémentaire est interdite sous peine de démission d'office. L'interdiction frappe même des personnes qui peuvent reporter leur demande de mise en disponibilité conformément à l'article 3, § 3, de l'arrêté royal du 29 juillet 1997.

A.1.4. » L'intérêt des parties requérantes à l'annulation de l'interdiction est évident, aussi bien pour le demandeur Van Hoof - titulaire d'une autorisation - que pour l'a.s.b.l. A.O.S.A., qui défend les intérêts légitimes des membres du personnel de tous les membres et services des forces armées. » Quant aux moyens A.2.1. Le premier moyen est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, lus séparément et combinés avec les articles 13, 16, 23 et 182 de la Constitution et avec l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme.

A.2.2. L'intervention rétroactive du législateur, au moment où les arrêtés de pouvoirs spéciaux sont pendants auprès du Conseil d'Etat, est difficilement compatible avec les principes de base de notre droit public que sont la séparation des pouvoirs et l'indépendance du juge dans l'exercice de sa fonction.

A.2.3. Lorsque la Constitution confie la réglementation d'une matière déterminée au pouvoir législatif, il naît dans le chef de chaque intéressé un droit individuel à voir dès lors régler et fixer cette matière exclusivement par le pouvoir législatif.

A.2.4. Bien que l'article 6 de la loi du 26 juillet 1996Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/07/1996 pub. 05/10/2012 numac 2012205395 source service public federal interieur Loi relative à la promotion de l'emploi et à la sauvegarde préventive de la compétitivité. - Coordination officieuse en langue allemande fermer exige une simple confirmation « ex nunc » pour prolonger la durée de validité des arrêtés, la loi de confirmation a néanmoins instauré un effet rétroactif qui rend désormais le Conseil d'Etat incompétent pour se prononcer sur les litiges en cours. L'article 13 de la Constitution est donc violé.

A.2.5. Etant donné que les revenus éventuels de l'exercice d'une profession accessoire concernent des intérêts patrimoniaux, ils bénéficient de la garantie de l'article 16 de la Constitution et de l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, qui confient au législateur la limitation de l'exercice du droit de propriété. L'intervention du législateur se limite en l'espèce, d'une part, à confirmer les règles fixées par le Roi et, d'autre part, à conférer une rétroactivité à cette confirmation. Ce procédé ne répond pas aux exigences de l'article 16 de la Constitution et de l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, d'autant qu'il s'agit d'arrêtés royaux qui ne trouvent pas leur fondement légal dans la loi d'habilitation. Ces dispositions sont violées.

A.2.6. L'article 23 de la Constitution garantit que seule une assemblée délibérante puisse fixer elle-même les règles relatives à l'exercice du travail. Etant donné que les dispositions attaquées portent sur l'exercice d'une activité professionnelle accessoire par un militaire, matière dont seul le Roi a fixé le contenu, l'article 23 de la Constitution est violé.

A.2.7. Est également violé, l'article 182 de la Constitution, lequel garantit à chaque militaire de ne pas être soumis à des obligations qui n'auraient pas été fixées par une assemblée délibérante démocratiquement élue.

Le législateur n'a pas fixé lui-même les règles des arrêtés confirmés, mais a exclusivement disposé qu'elles continueraient à produire leurs effets après le 31 décembre 1997. De cette manière, les prérogatives exclusives du législateur sont vidées de leur substance, ce qui est d'autant moins acceptable que les arrêtés royaux confirmés ne peuvent même pas trouver leur fondement dans la loi d'habilitation.

A.3.1. Le deuxième moyen, qui est dirigé contre les termes « avec effet à la date de leur entrée en vigueur », est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, lus séparément et combinés avec le principe de la sécurité juridique, juncto le principe de la confiance légitime, avec l'interdiction de rétroactivité et avec les articles 6 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme.

A.3.2. L'intervention rétroactive du législateur a pour conséquence que la poursuite de la procédure devant le Conseil d'Etat - devenu entre-temps incompétent avec effet rétroactif -n'a plus de sens. Il y a là une atteinte aux attentes légitimes des requérants qui ne saurait se justifier. L'article 6 de la loi du 26 juillet 1996Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/07/1996 pub. 05/10/2012 numac 2012205395 source service public federal interieur Loi relative à la promotion de l'emploi et à la sauvegarde préventive de la compétitivité. - Coordination officieuse en langue allemande fermer exige d'ailleurs uniquement une confirmation « ex nunc » pour prolonger la durée de validité des arrêtés. L'intervention rétroactive est inutile et injustifiée, compte tenu également du principe, applicable en l'espèce, de la confiance légitime et des fondements de l'Etat de droit démocratique.

Les requérants font observer aussi à cet égard que la suppression du contrôle juridictionnel du Conseil d'Etat, pendant le procès, affaiblit de manière essentielle leur protection juridique effective.

La compétence de contrôle de la Cour se limite en effet aux dispositions mentionnées dans la Constitution et dans la loi spéciale; il n'y a devant la Cour (pour le moment) aucun contrôle direct au regard de conventions internationales à effet direct.

Enfin, le procédé de cette confirmation « rétroactive » est d'autant moins justifiable que les arrêtés confirmés ne peuvent trouver leur fondement dans la loi d'habilitation, ce que soulèveraient d'office le Conseil d'Etat et le juge.

A.4.1. Le troisième moyen est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution en ce que les dispositions entreprises privent les requérants de leurs droits et acquis, contrairement à tous les autres militaires dont la situation statutaire reste inchangée.

Sans la moindre justification admissible en droit, les autorisations existantes d'exercer des activités accessoires sont automatiquement retirées et il est imposé une interdiction générale de cumul à tous les officiers concernés qui ne demandent pas de mise en disponibilité.

A.4.2. Le but était d'inciter les militaires à demander une mise en disponibilité volontaire pour ne pas devoir instaurer une mise en disponibilité obligatoire. Dans l'intervalle, il s'est avéré, d'une part, que le Roi, en date du 1er décembre 1997, pouvait faire certaines constatations pour opérer des mises en disponibilité obligatoires (article 12, § 1er, de l'arrêté royal du 24 juillet 1997), et, d'autre part, qu'il n'a, concrètement, pas été procédé à cette mesure.

Dans ces circonstances, il est inacceptable que les autorisations existantes d'exercer une activité accessoire soient automatiquement retirées le 1er janvier 1998 et que les militaires concernés fassent toujours l'objet de pressions soit pour quitter le cadre actif, soit pour ne plus exercer d'activité accessoire.

A.4.3. Pour le surplus, la mesure entreprise est manifestement déraisonnable parce qu'il est mis fin de façon abrupte et automatique aux activités accessoires, régulièrement exercées, des militaires concernés.

Enfin, les chances de promotion des militaires qui remplissent les conditions en vue de la mise en disponibilité sont affectées de façon illicite. Les arrêtés royaux du 24 juillet 1997 avaient sauvegardé leurs chances en prévoyant qu'ils ne pouvaient être mis en disponibilité tant qu'ils peuvent participer à la promotion. Il est déraisonnable d'appliquer aussi à ces militaires les interdictions litigieuses, et certainement sous la menace d'une démission d'office.

Il faut retourner au système du choix volontaire de la mise en disponibilité, sans y attacher une interdiction collective d'exercer des activités accessoires.

Quant au préjudice grave difficilement réparable A.5.1. « Les mesures attaquées ont pour effet que, par une mesure collective, les autorisations existantes d'exercer une activité accessoire sont automatiquement retirées à partir du 1er janvier 1998 pour tous les officiers intéressés qui remplissent les conditions de mise en disponibilité mais qui ne demandent pas cette mesure; de plus, la poursuite d'une activité professionnelle complémentaire est interdite à peine de démission d'office automatique. Cette mesure frappe même les personnes qui, en vertu de l'article 3.3 de l'A.R. (I) du 29 juillet 1997, peuvent reporter leur demande volontaire sur la base de leurs possibilités d'avancement actuelles. » L'exécution de toutes ces dispositions cause, ou tout au moins risque manifestement de causer, un préjudice grave difficilement réparable.

L'a.s.b.l. A.O.S.A. peut à juste titre souligner pareil préjudice, que de nombreux militaires peuvent subir.

A.5.2. En Belgique, il existe un droit intangible au libre choix du médecin, qui repose sur la protection de la vie privée.

D'un point de vue déontologique, il est interdit de travailler en deçà des tarifs minimaux de l'assurance maladie-invalidité. L'argument prévisible selon lequel « les requérants n'ont qu'à continuer à travailler sans rémunération » est dès lors totalement défectueux.

Il existe donc tout d'abord un risque substantiel de préjudice grave difficilement réparable pour les personnes qui doivent s'adresser aux services d'un médecin librement choisi. Ce préjudice, partagé par des tiers, peut être pris en compte.

On observera ensuite que la cessation des activités accessoires sème le doute quant aux capacités professionnelles du prestataire de services.

A.5.3. La mesure collective entreprise cause un préjudice grave difficilement réparable au médecin, qui est obligé de mettre fin à ses activités accessoires. L'on ne voit pas comment celui-ci pourrait efficacement reprendre son travail.

A.5.4. Les dispositions entreprises empêchent les officiers concernés qui restent en service et peuvent même, le cas échéant, participer à la promotion, d'exercer des activités accessoires. Le service lui-même subit donc un préjudice grave difficilement réparable. « L'exercice d'activités accessoires se traduit par une augmentation de la qualité du travail fourni, une meilleure connaissance professionnelle, un meilleur signalement et une qualité accrue des candidats aux avancements. L'impossibilité automatique d'exercer des activités accessoires affecte donc de manière préjudiciable aussi bien le service que les militaires concernés. » A.5.5. Dans le cas du requérant Van Hoof, par exemple, ce risque est encore plus manifeste : « L'activité accessoire qu'il exerce - depuis plusieurs années - lui donnait précisément l'occasion de rester au courant - également dans l'intérêt du service lui-même - des progrès scientifiques et de se distinguer parmi le corps des officiers grâce à cette connaissance professionnelle accrue. Il pouvait également - comme lecteur des ouvrages de fin d'études des candidats majors médecins - se former un jugement précis, précisément parce qu'il était up to date grâce à l'exercice d'une activité professionnelle accessoire. Cela est désormais impossible; un simple arrêt d'annulation ne saurait réparer valablement ce préjudice.

Enfin, le requérant Van Hoof est pénalisé par rapport aux colonels médecins plus jeunes qui ne tombent pas dans le champ d'application de l'article 11, qui peuvent conserver une activité de cumul et qui peuvent de ce fait augmenter ou tout au moins conserver leurs chances de promotion. » A.5.6. Si les militaires concernés continuent d'exercer leurs activités accessoires après le 1er janvier 1998, ils sont automatiquement démis d'office, ce qui est ou tout au moins risque d'être un préjudice grave difficilement réparable.

Certes, la démission pourrait être formellement attaquée, mais la violation de l'interdiction est un « fait grave » devant conduire à une démission d'office.

A.5.7. « Tous ces préjudices considérés ensemble permettent aux requérants de conclure à la présence d'un préjudice grave difficilement réparable ou tout au moins d'un risque de préjudice grave difficilement réparable. » - B - Quant à la demande de suspension B.1. Aux termes de l'article 20, 1°, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, deux conditions de fond doivent être remplies pour que la suspension puisse être décidée : - des moyens sérieux doivent être invoqués; - l'exécution immédiate de la règle attaquée doit risquer de causer un préjudice grave difficilement réparable.

Les deux conditions étant cumulatives, la constatation que l'une de ces deux conditions n'est pas remplie entraîne le rejet de la demande de suspension.

Quant au préjudice grave difficilement réparable B.2. Sans qu'il soit besoin, au stade actuel de la procédure, d'examiner si le recours de l'a.s.b.l. A.O.S.A. est ou non recevable, la Cour constate que le préjudice que cette association est susceptible de subir est un préjudice purement moral qui découle de l'adoption ou de l'application de dispositions légales qui peuvent affecter les intérêts de ses membres. Semblable préjudice disparaît par l'éventuelle annulation des dispositions entreprises et n'est donc pas difficilement réparable.

B.3. La Constitution et la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage exigent que toute personne physique ou morale qui introduit un recours justifie d'un intérêt, ce dont il résulte que l'action populaire n'est pas admissible. Il est exigé dans le même esprit que la demande de suspension soit fondée sur un risque de préjudice grave difficilement réparable touchant la partie requérante elle-même.

En l'espèce, la Cour ne saurait prendre en compte le préjudice allégué qui ne se rapporte pas à la situation personnelle de la partie requérante en sa qualité d'officier médecin mais affecterait les patients qui consulteraient celui-ci dans le cadre de sa pratique privée (A.5.2) ou au sein du service dans lequel il est actif en qualité de militaire (A.5.4).

B.4.1. Le requérant Van Hoof se plaint de ce qu'il risque de se voir retirer l'autorisation d'exercer une activité accessoire s'il ne demande pas à partir du 1er avril 1998 sa mise en disponibilité et il soutient que s'il poursuivait cette activité, il risquerait la démission d'office.

B.4.2. La Cour observe que le requérant, en cas de mise en disponibilité, peut, sur la base des articles 7, § 4, et 10, § 1er, de l'arrêté royal du 24 juillet 1997, être autorisé à exercer une activité professionnelle visée à l'article 2, 1°, de la loi du 5 avril 1994Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/04/1994 pub. 10/08/2011 numac 2011000519 source service public federal interieur Loi régissant le cumul des pensions du secteur public avec des revenus provenant de l'exercice d'une activité professionnelle ou avec un revenu de remplacement. - Coordination officieuse en langue allemande fermer « régissant le cumul des pensions du secteur public avec des revenus provenant de l'exercice d'une activité professionnelle ou avec un revenu de remplacement », en conservant un traitement correspondant à 75 p.c. de la rémunération et des allocations visées à l'article 7, §§ 1er et 3.

B.4.3. Conformément à l'article 11, § 1er, de l'arrêté royal précité du 24 juillet 1997 confirmé par la loi attaquée du 12 décembre 1997, le militaire qui satisfait aux conditions fixées à l'article 1er, alinéa 1er, 2° et 3°, - ce qui est le cas du requérant - mais qui n'introduit pas de demande de mise en disponibilité ne peut bénéficier des dérogations particulières fixées à l'article 19 de la loi du 14 janvier 1975Documents pertinents retrouvés type loi prom. 14/01/1975 pub. 07/02/2014 numac 2014000071 source service public federal interieur Loi portant le règlement de discipline des Forces armées. - Coordination officieuse en langue allemande fermer portant le règlement de discipline des forces armées. En outre, aux termes de l'article 11, § 1er, alinéa 2, toute autorisation antérieurement accordée d'exercer une activité professionnelle, dont bénéficiait le militaire visé à l'alinéa 1er, est « automatiquement retirée au 1er janvier 1998 ».

B.5.1. L'article 18, alinéa 1er, de la loi du 14 janvier 1975Documents pertinents retrouvés type loi prom. 14/01/1975 pub. 07/02/2014 numac 2014000071 source service public federal interieur Loi portant le règlement de discipline des Forces armées. - Coordination officieuse en langue allemande fermer portant le règlement de discipline des forces armées dispose : « Sans préjudice des incompatibilités prévues par les lois particulières, les militaires des cadres actifs ne peuvent exercer ni par eux-mêmes ni par personnes interposées, d'autres emploi, profession ou occupation publics ou privés, sauf s'ils les exercent gratuitement. » L'article 19 de cette même loi dispose : « Des dérogations particulières peuvent être accordées par le Ministre de la Défense nationale : 1° dans les cas d'emplois, professions ou occupations accessoires d'intérêt public se rapportant à l'enseignement ou exigeant des aptitudes ou des connaissances spéciales;2° dans les cas d'emplois, professions ou occupations accessoires ne compromettant pas l'intérêt général du service. L'autorisation doit être préalable. Elle est toujours révocable. » Il ressort de l'autorisation produite par le requérant qu'il est, suivant la décision du ministre de la Défense nationale du 22 février 1995, « autorisé à exercer la profession accessoire de médecin après et, exceptionnellement, pendant les heures normales de service, pour autant que les obligations et missions militaires priment ».

B.5.2. Le préjudice allégué consiste donc dans le fait que, s'il n'opte pas pour une mise en disponibilité volontaire, l'intéressé perd le bénéfice de l'autorisation d'exercer la profession accessoire de médecin.

B.6. Les dispositions attaquées placent certes le requérant devant un choix entre deux possibilités qui présentent chacune des avantages et des inconvénients, mais ni l'une ni l'autre de ces possibilités n'entraîne pour le requérant - compte tenu des avantages et des inconvénients respectifs qu'il peut évaluer lui-même - un préjudice qui doive être considéré comme étant à ce point grave qu'il pourrait justifier la suspension des dispositions attaquées.

B.7. Il ressort de ce qui précède qu'il n'est pas satisfait à l'article 20, 1°, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage.

Par ces motifs, la Cour rejette la demande de suspension.

Ainsi prononcé en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 1er avril 1998.

Le greffier, L. Potoms.

Le président, L. De Grève.

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