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Arrêt De La Cour Constitutionelle
publié le 05 août 1998

Arrêt n° 83/98 du 15 juillet 1998 Numéros du rôle : 1100 et 1160. En cause : les recours en annulation du décret de la Communauté flamande du 25 février 1997 relatif à la gestion totale de la qualité dans les établissements de soins, introdui La Cour d'arbitrage, composée des présidents L. De Grève et M. Melchior, et des juges H. Boel, G(...)

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05/08/1998
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COUR D'ARBITRAGE


Arrêt n° 83/98 du 15 juillet 1998 Numéros du rôle : 1100 et 1160.

En cause : les recours en annulation du décret de la Communauté flamande du 25 février 1997 relatif à la gestion totale de la qualité dans les établissements de soins, introduits par le conseil des ministres et l'a.s.b.l. Vlaams Artsensyndicaat.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents L. De Grève et M. Melchior, et des juges H. Boel, G. De Baets, E. Cerexhe, A. Arts et R. Henneuse, assistée du greffier L. Potoms, présidée par le président L. De Grève, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des recours a. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 11 juin 1997 et parvenue au greffe le 12 juin 1997, un recours en annulation du décret de la Communauté flamande du 25 février 1997 relatif à la gestion totale de la qualité dans les établissements de soins (publié au Moniteur belge du 9 avril 1997) a été introduit par le Conseil des ministres, rue de la Loi 16, 1000 Bruxelles. Cette affaire est inscrite sous le numéro 1100 du rôle de la Cour. b. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 8 octobre 1997 et parvenue au greffe le 9 octobre 1997, l'a.s.b.l.

Vlaams Artsensyndikaat, dont le siège social est établi à 2018 Anvers, Jan Van Rijswijcklaan 80, a introduit un recours en annulation du décret de la Communauté flamande du 25 février 1997 relatif à la gestion totale de la qualité dans les établissements de soins (publié au Moniteur belge du 9 avril 1997).

Cette affaire est inscrite sous le numéro 1160 du rôle de la Cour.

II. La procédure a. L'affaire portant le numéro 1100 du rôle Par ordonnance du 12 juin 1997, le président en exercice a désigné les juges du siège conformément aux articles 58 et 59 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage. Les juges-rapporteurs ont estimé n'y avoir lieu de faire application des articles 71 ou 72 de la loi organique.

Le recours a été notifié conformément à l'article 76 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 14 août 1997.

L'avis prescrit par l'article 74 de la loi organique a été publié au Moniteur belge du 19 août 1997.

Des mémoires ont été introduits par : - le Gouvernement de la Communauté française, place Surlet de Chokier 15-17, 1000 Bruxelles, par lettre recommandée à la poste le 1er octobre 1997; - le Gouvernement flamand, place des Martyrs 19, 1000 Bruxelles, par lettre recommandée à la poste le 2 octobre 1997; - le Gouvernement wallon, rue Mazy 25-27, 5100 Namur, par lettre recommandée à la poste le 2 octobre 1997. b. L'affaire portant le numéro 1160 du rôle Par ordonnance du 9 octobre 1997, le président en exercice a désigné les juges du siège conformément aux articles 58 et 59 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage. Les juges-rapporteurs ont estimé n'y avoir lieu de faire application des articles 71 ou 72 de la loi organique.

Le recours a été notifié conformément à l'article 76 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 12 novembre 1997.

L'avis prescrit par l'article 74 de la loi organique a été publié au Moniteur belge du 8 novembre 1997.

Des mémoires ont été introduits par : - le Gouvernement de la Communauté française, place Surlet de Chokier, 15-17, 1000 Bruxelles, par lettre recommandée à la poste le 26 décembre 1997; - le Gouvernement wallon, rue Mazy 25-27, 5100 Namur, par lettre recommandée à la poste le 26 décembre 1997; - le Gouvernement flamand, place des Martyrs 19, 1000 Bruxelles, par lettre recommandée à la poste le 29 décembre 1997. c. Les affaires jointes portant les numéros 1100 et 1160 du rôle Par ordonnance du 14 octobre 1997, la Cour a joint les affaires. Les mémoires ont été notifiés conformément à l'article 89 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 27 février 1998 et le 13 mars 1998.

Des mémoires en réponse ont été introduits par : - le Conseil des ministres, par lettre recommandée à la poste le 30 mars 1998, dans l'affaire portant le numéro 1100 du rôle; - le Gouvernement flamand, par lettre recommandée à la poste le 31 mars 1998, dans les affaires portant les numéros 1100 et 1160 du rôle; - le Gouvernement wallon, par lettre recommandée à la poste le 1er avril 1998, dans les affaires portant les numéros 1100 et 1160 du rôle; - l'a.s.b.l. Vlaams Artsensyndicaat, par lettre recommandée à la poste le 1er avril 1998, dans l'affaire portant le numéro 1160 du rôle; - le Gouvernement de la Communauté française, par lettres recommandées à la poste le 10 avril 1998, dans les affaires portant les numéros 1100 et 1160 du rôle.

Par ordonnances des 25 novembre 1997 et 27 mai 1998, la Cour a prorogé respectivement jusqu'aux 11 juin 1998 et 11 décembre 1998 le délai dans lequel l'arrêt doit être rendu.

Par ordonnance du 29 avril 1998, la Cour a déclaré les affaires en état et fixé l'audience au 20 mai 1998.

Cette ordonnance a été notifiée aux parties ainsi qu'à leurs avocats, par lettres recommandées à la poste le 30 avril 1998.

A l'audience publique du 20 mai 1998 : - ont comparu : . Me T. Balthazar, avocat au barreau de Gand, pour le Conseil des ministres; . Me L. Wynant, avocat au barreau de Bruxelles, pour l'a.s.b.l. Vlaams Artsensyndicaat; . Me P. Van Orshoven, avocat au barreau de Bruxelles, pour le Gouvernement flamand; . Me V. Thiry, avocat au barreau de Liège, pour le Gouvernement wallon; . Me S. Depré, avocat au barreau de Bruxelles, pour le Gouvernement de la Communauté française; - les juges-rapporteurs H. Boel et E. Cerexhe ont fait rapport; - les avocats précités ont été entendus; - les affaires ont été mises en délibéré.

La procédure s'est déroulée conformément aux articles 62 et suivants de la loi organique, relatifs à l'emploi des langues devant la Cour.

III. En droit - A - Affaire portant le numéro 1100 du rôle Requête A.1.1. Le Conseil des ministres demande l'annulation de la totalité du décret, ou pour le moins de son article 2, 1°, en tant qu'il peut en être déduit, en connexité avec les autres dispositions du décret, que le décret est également applicable aux organisations et établissements qui exercent des activités dans le domaine de la dispensation de soins dans les institutions de soins et en dehors de celles-ci.

A.1.2. Le Conseil des ministres invoque un seul moyen, pris de la violation de l'article 5, § 1er, I, 1°, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles.

Le décret attaqué viole la règle de compétence de l'article 5, § 1er, I, 1°, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles en ce que, première branche, le décret entrepris doit être considéré comme une législation organique ayant des conséquences financières pour les établissements concernés et viole ainsi l'exception du littera a) de l'article 5, § 1er, I, 1°, en ce que, seconde branche, le décret impose des charges financières supplémentaires aux établissements concernés et viole ainsi l'exception du littera b) de l'article 5, § 1er, I, 1°, et en ce que, troisième branche, le décret impose une norme d'agréation, présentée comme complémentaire, dans un domaine qui relève de la compétence fédérale, en sorte que cette norme, présentée à tort comme complémentaire, est susceptible de violer les normes nationales d'agréation ou d'autres règles relevant de la compétence fédérale ou de se superposer à elles, violant ainsi le régime d'exception du littera f) de l'article 5, § 1er, I, 1°.

A l'appui du moyen, il y a lieu de renvoyer à l'avis de la section de législation du Conseil d'Etat, rendu le 24 mai 1996 au sujet du décret attaqué (L. 25.161/8).

De surcroît, il ressort des travaux préparatoires de la loi spéciale de réformes institutionnelles que le législateur spécial estimait que les communautés, pour ce qui concerne les établissements de soins, sont notamment compétentes pour l'inspection, l'agréation et la fermeture, l'organisation interne et l'accueil, pour autant qu'ils n'aient pas de répercussion sur le coût d'exploitation. Toutefois, le décret attaqué aura certainement des effets sur les frais d'exploitation dès lors que de nouvelles obligations, comme la désignation d'un coordinateur de la qualité, sont désormais imposées aux établissements de soins, obligations qui entraîneront nécessairement des frais supplémentaires. Il convient de renvoyer en l'espèce à l'exposé des motifs du décret attaqué, où il est reconnu que la recherche de la qualité ne peut se traduire par une amélioration effective de la qualité que si suffisamment de personnes et de moyens sont investis dans la politique de la qualité. L'exposé des motifs souligne également que les établissements de soins doivent prévoir les moyens matériels, financiers et personnels nécessaires à l'exécution de la politique de la qualité.

En imposant, par l'article 5, § 4, l'obligation de désigner un coordinateur de la qualité, la structure (minimale) de l'hôpital imposée par la loi est modifiée et complétée, ce qui doit certainement être considéré comme une modification de la législation organique.

En soulignant le caractère intégral de la gestion de la qualité postulée par le décret, l'organisation des soins médicaux et infirmiers à l'hôpital est également modifiée en même temps que la manière dont les dispensateurs de soins concernés ont reçu mission, par la loi sur les hôpitaux et ses arrêtés d'exécution, de veiller à la gestion de la qualité dans l'hôpital. Le fait que telle est bien l'intention recherchée ressort, entre autres, de l'exposé des motifs où il est notamment affirmé que dans l'approche nécessairement intégrée, les matières à connotation médicale dont les médecins décident doivent également entrer en ligne de compte. Or, plusieurs lois et arrêtés ont d'ores et déjà prévu de quelle manière les médecins et les infirmiers ainsi que les responsables des départements médicaux et infirmiers doivent veiller à la gestion de la qualité au sein des hôpitaux et des autres établissements de soins. En imposant, à côté des structures organisées et des obligations instaurées par ces dispositions, d'autres obligations et structures éventuellement contradictoires, la Communauté flamande modifie la législation organique sur les hôpitaux, en sorte que le régime d'exception du littera a) de l'article 5, § 1er, I, 1°, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles est violé. En outre, dans la mesure où la gestion de la qualité exercerait également un impact sur les décisions médicales, le décret risque de modifier la législation sur l'exercice de l'art de guérir.

Mémoire du Gouvernement de la Communauté française A.2.1. Le décret attaqué vise à renforcer la qualité de la gestion des établissements de soins par la mise en oeuvre de nouvelles techniques de gestion et par la création de nouvelles structures de gestion, tel le coordinateur de la qualité. Ceci ne manquera pas d'avoir des conséquences sur l'organisation et le fonctionnement des établissements de soins et, par voie de conséquence, sur les coûts qui y sont liés, puisque de nouveaux moyens humains et financiers devront être développés. Sans préjudice de l'application des normes d'agrément en vigueur, l'agrément d'un établissement de soins ne peut être accordé, maintenu ou prolongé que s'il est satisfait aux dispositions du décret.

Il ressort clairement de l'article 2, 1°, du décret attaqué qu'il est notamment applicable aux établissements de soins visés à l'article 5, § 1er, I, 1°, de la loi spéciale du 8 août 1980.

Quant au moyen invoqué par la partie requérante A.2.2. Il découle de l'article 5, § 1er, I, de la loi spéciale du 8 août 1980 que les décrets des communautés pris en matière de politique de la santé - lorsqu'ils visent la « dispensation des soins dans et au dehors des institutions de soins » -, doivent s'abstenir de régler une des notables exceptions qui sont instituées au bénéfice de l'autorité fédérale. En revanche, s'agissant de l'éducation sanitaire et de la médecine préventive, la compétence des communautés est beaucoup plus étendue, puisque seules les mesures prophylactiques leur échappent.

A.2.3. Le décret attaqué viole manifestement l'article 5, § 1er, I, 1°, de la loi spéciale. Par « législation organique », il faut entendre la norme relative à l'organisation d'un établissement, c'est-à-dire celle qui règle son mode de fonctionnement et qui détermine quelles sont les autorités qui assurent sa gestion, en tout cas sur le plan médical. Le coordinateur de la qualité institué par le décret entrepris est une nouvelle autorité au niveau de la gestion des établissements de soins. Cette autorité se voit confier une mission particulière, à savoir réaliser les objectifs qui ont été définis par l'autorité décrétale. De cette manière, le décret attaqué détermine les autorités qui forment la structure des établissements de soins, ce qui relève de la législation organique.

Cet excès de compétence résulte encore de ce que d'autres textes - d'origine fédérale - rendent le médecin-chef responsable du bon fonctionnement de l'hôpital et de la qualité des soins. Le Conseil médical a également des compétences en l'espèce. Il apparaît donc que le décret attaqué entend substituer le coordinateur de la qualité à d'autres autorités qui existent déjà et qui sont visées par la réglementation fédérale.

A.2.4. Plus fondamentalement, le décret entrepris vise l'organisation générale des établissements de soins, puisqu'il entend que ceux-ci soient gérés selon une politique ou une philosophie prédéfinie, c'est-à-dire « les intention et orientation coordinatrices » dont parle l'article 2, 4°, du décret. Les établissements de soins devront donc s'organiser de manière à réaliser les objectifs déterminés dans le manuel et le plan de la qualité. Des nouvelles structures et un nouveau mode de fonctionnement sont mis en place. Un tel système est lié, fût-ce du moins partiellement, au fonctionnement des établissements de soins considérés d'un point de vue médical. Il règle donc une matière qui revient à l'autorité fédérale en vertu de l'article 5, § 1er, I, 1°, a), de la loi spéciale.

A.2.5. En outre, les obligations qui sont imposées aux établissements de soins auront inévitablement des répercussions de nature financière.

Sur ce point, le décret est contraire à l'article 5, § 1er, I, 1°, b), de la loi spéciale.

A.2.6. Par ailleurs, la Communauté flamande impose des normes d'agrément qui viennent s'ajouter aux dispositions fédérales applicables. Or, conformément à l'article 5, § 1er, I, 1°, f), de la loi spéciale, les communautés ne peuvent pas fixer de nouvelles conditions d'agréation si celles-ci ont des répercussions, entre autres, sur le financement des établissements de soins. Le décret attaqué, par la création du coordinateur de la qualité, concerne directement le personnel des établissements.

Quant au moyen invoqué par la partie intervenante A.2.7. La partie intervenante invoque un second moyen d'annulation, pris de la violation de l'article 5, § 1er, I, 1° et 2°, de la loi spéciale du 8 août 1980. Cet article n'attribue pas aux communautés la compétence de régler l'exercice de l'art de guérir, qui relève de l'autorité fédérale. Un acte relève de l'exercice de l'art médical lorsqu'il a notamment pour objet ou lorsqu'il est présenté comme ayant pour objet, à l'égard d'un être humain, l'examen de l'état de santé, le dépistage de maladies et de déficiences, l'établissement du diagnostic ou l'instauration ou l'exécution du traitement d'un état pathologique, physique ou psychique, réel ou supposé (arrêt n° 69/92).

La compétence du législateur fédéral pour régler l'art de guérir lui permet de prendre en compte, pour ce faire, la qualité de la dispensation des soins (arrêt n° 81/96), de sorte que les communautés ne pourraient intervenir en ce domaine.

En ce qu'il s'impose à l'ensemble des membres du personnel des établissements de soins, le décret attaqué vise inévitablement les médecins. Ceux-ci auront donc désormais l'obligation d'adapter la manière d'exercer leur art à la politique de qualité visée par le décret ou, en d'autres termes, de dispenser leurs soins d'une manière qui soit conforme aux normes de qualité imposées par le décret. Dans la mesure où le décret attaqué règle la qualité de l'art de guérir, il est contraire à l'article 5, § 1er, I, 1° et 2°, de la loi spéciale.

Mémoire du Gouvernement wallon A.3. Le Gouvernement wallon déclare intervenir dans la cause et s'en remettre provisoirement à la sagesse de la Cour, sous réserve d'autres prises de position dans un mémoire en réponse.

Mémoire du Gouvernement flamand La recevabilité A.4.1. Selon la jurisprudence constante de la Cour, un recours en annulation n'est recevable qu'à l'égard de dispositions qui font effectivement l'objet de griefs. Le recours porte exclusivement sur le terme « dispensation de soins » figurant à l'article 2, 1°, du décret entrepris, sans lequel le décret serait de fait exclusivement applicable aux « organisation[s] exerçant des activités dans le domaine [...] de l'éducation sanitaire ou de la médecine préventive, telles que visées à l'article 5, § 1er, I, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles », ce contre quoi le Conseil des ministres ne formule aucun grief.

A.4.2. La requête n'indique jamais quelles dispositions précises du décret attaqué violeraient l'article 5, § 1er, I, 1°, de la loi spéciale du 8 août 1980, ni a fortiori en quoi consisterait cette violation. Le Conseil des ministres se limite par ailleurs à renvoyer à l'avis de la section de législation du Conseil d'Etat concernant le projet qui est devenu le décret entrepris. Seuls les paragraphes 3 et 4 de l'article 5 du décret critiqué font l'objet d'un grief quelque peu concret dans la requête. Il en résulte que le moyen unique est irrecevable à défaut d'exposé, ou tout au moins qu'il est exclusivement dirigé contre l'article 5, §§ 3 et 4, du décret entrepris.

Quant au moyen invoqué par la partie requérante A.4.3. Le moyen manque partiellement en fait et est partiellement non fondé.

A.4.3.1. Il ne fait aucun doute que l'obligation générale imposée aux établissements de soins flamands de dispenser à chaque patient ou client des soins ou une aide justifiés et de le traiter ou de l'accompagner de manière respectueuse et les obligations spécifiques de mettre en place une politique de qualité intégrale, qui doit se concrétiser par un manuel de la qualité et un plan de la qualité, qui devront ensuite faire l'objet d'un contrôle, doivent nécessairement être qualifiées de « politique de dispensation de soins dans [...] des institutions de soins » ou de mesures en matières d'« éducation sanitaire [et de] médecine préventive ». Partant, le législateur décrétal garantit un droit fondamental conformément à l'article 23, alinéa 3, 2°, de la Constitution. Pour sa part, le membre de phrase « sans distinction d'âge ou de sexe, de conviction idéologique, philosophique ou religieuse et de fortune » figurant à l'article 3 du décret critiqué trouve sa raison d'être dans l'article 11 de la Constitution.

A.4.3.2. Le Conseil des ministres ne conteste cependant pas que la mesure prise par le décret attaqué relève de la compétence de principe des communautés en matière de politique de santé, mais allègue uniquement qu'il aurait été porté atteinte aux compétences encore réservées sur ce point à l'Etat fédéral, et visées à l'article 5, § 1er, I, 1°, a), b) et f).

Il convient toutefois de rappeler au préalable que le législateur spécial n'a pas tant confié aux communautés « la dispensation de soins dans et au dehors des institutions de soins », mais bien « la politique de dispensation de soins dans et au dehors des institutions de soins », c'est-à-dire une grande diversité de moyens et d'instruments que les communautés peuvent mettre en oeuvre pour agir dans ces matières personnalisables. Les exceptions aux compétences attribuées aux communautés et aux régions en général et les compétences réservées au pouvoir fédéral en particulier doivent être interprétées de manière restrictive.

A.4.3.3. Contrairement à ce que soutient le Conseil des ministres, le décret attaqué ne s'ingère pas dans la législation organique visée à l'article 5, § 1er, I, 1°, a), de la loi spéciale. Le critère de compétence « législation organique » ne s'entend pas simplement sur le plan formel, au sens de « ce qui est régi par la loi sur les hôpitaux ». Sinon, le législateur fédéral pourrait régler toutes les matières communautaires et régionales, pour autant seulement qu'il le fasse dans les lois coordonnées sur les hôpitaux. D'un point de vue matériel, la notion de « législation organique » signifie les lignes de force, les principes généraux, le cadre dans lequel une matière est réglée ou doit l'être, ceci devant encore être interprété de manière téléologique, à la lumière des implications financières pour le Trésor fédéral. Le décret attaqué porte sur l'organisation de l'inspection et du contrôle du respect des normes d'agréation fédérales et des normes communautaires complémentaires, ce qui relève indéniablement de la compétence communautaire, bien plus que cela ne concerne un régime « organique » dans le sens prédécrit. L'interprétation extensive de la compétence réservée en matière de « législation organique », consacrée par la section de législation du Conseil d'Etat, doit être résolument rejetée. Non seulement elle n'est en rien restrictive mais, en outre, on conçoit mal qu'il y ait des mesures dans le domaine de la dispensation de soins dans les établissements de soins qui n'auraient aucun rapport avec le fonctionnement de ces établissements d'un point de vue médical.

On n'imagine pas qu'il suffise de toucher à la structure interne d'un établissement de soins pour qu'il soit question d'un régime « organique », ni a fortiori d'une modification de la législation organique existante. Les travaux préparatoires de la loi spéciale rangent explicitement l'organisation interne de l'établissement parmi les compétences communautaires. Le fait qu'à l'époque, la reconnaissance de la compétence communautaire en matière d'« organisation interne et [d']accueil » ait été assortie de la précision « pour autant qu'il n'y ait aucune incidence sur les frais d'exploitation » ne permet pas de conclure que la politique communautaire ne pourrait avoir aucune implication financière pour les établissements qui y sont soumis. Cela viderait les compétences communautaires de toute leur substance. A la lumière de la signification à donner à la réserve de compétence, ce membre de phrase doit être compris comme « pour autant qu'il n'ait pas de répercussions sur le financement de l'exploitation ». De toute évidence, l'incidence financière (modique) du décret litigieux n'a, pour les établissements de soins concernés, aucune influence sur le prix de la journée d'hospitalisation et ne peut donc avoir de conséquence pour le financement (fédéral) des hôpitaux, l'équilibre financier de la sécurité sociale ou le Trésor fédéral. Au demeurant, l'instauration d'une politique de la qualité n'a pas nécessairement pour effet d'augmenter les coûts, au contraire. A terme, l'on peut s'attendre à d'importantes économies, notamment parce que l'on évite des interventions inutiles et que l'on organise des processus de soins plus efficaces.

A.4.3.4. Le décret entrepris offre un cadre aux établissements de soins, mais la concrétisation de cette politique de qualité au sein de l'établissement incombe à l'établissement lui-même. L'autorité flamande ne saurait imposer et n'imposera pas des systèmes de gestion de la qualité, mais créera uniquement un cadre visant à stimuler les établissements à mener une politique de qualité et facilitant la concrétisation d'une politique de qualité. Le décret ne réglemente nullement les rapports entre le patient et le prestataire de soins.

Par conséquent, les obligations imposées par l'autorité fédérale touchant à la qualité des prestations, tant celles des médecins hospitaliers que celles des infirmiers, ne sont pas incompatibles avec le décret attaqué, et, mieux encore, toutes les initiatives passées ou futures de l'autorité fédérale pour concrétiser ou structurer les obligations en matière de prestations de qualité seront toujours compatibles avec le décret. En effet, le décret ne précise nulle part comment il convient de concrétiser ou de structurer la gestion de la qualité dans les établissements : c'est l'établissement lui-même qui doit s'en charger. Les normes fédérales et le décret entrepris sont complémentaires. En effet, les normes fédérales, qui règlent principalement des aspects structurels des soins, ne garantissent pas nécessairement que le résultat de la prestation de soins atteigne un niveau acceptable. Elles sont essentiellement axées sur le côté input du système de soins, sans toucher au côté output de ce système.

Il n'est dès lors pas étonnant que l'administration des soins de santé du ministère de la Communauté flamande, chargée de l'inspection, de l'agrément et du renouvellement de l'agrément des établissements de soins du point de vue des soins de santé ait réclamé le décret entrepris. Une matière aussi importante que la vérification de la qualité des soins prodigués dans les établissements de soins, sur la base du contrôle du respect d'un instrument juridique (les normes d'agrément), ne peut, si l'administration et l'inspection sont, sur le plan déontologique, convenablement organisées et conscientes de leur devoir, que susciter une demande visant à compléter de manière adéquate la réglementation fédérale existante. Le maintien de la qualité est l'essence de la politique d'agrément. Il appartient aux communautés de déterminer et d'élaborer les instruments qu'elles utiliseront pour veiller à la qualité des soins.

A.4.3.5. Le Gouvernement flamand ne voit pas en quoi l'obligation imposée par l'article 5, § 4, du décret attaqué, de désigner un coordinateur de la qualité, modifierait et compléterait la structure (minimale) imposée par la loi, « ce qui [devrait] certainement être considéré comme une modification de la législation organique », comme le soutient le Conseil des ministres. Le Conseil des ministres oublie que « désigner » ne signifie pas « nommer » ou « recruter » et que le coordinateur de la qualité est, en d'autres termes, désigné parmi le personnel déjà présent. Pour le surplus, l'exigence de désigner un coordinateur de la qualité ne porte pas atteinte aux responsabilités fixées par les normes fédérales.

Enfin, que le régime décrétal attaqué ne constitue pas une législation organique sur les hôpitaux est implicitement admis par le Conseil des ministres, qui reconnaît qu'une norme d'agrément a été édictée. Or, la même mesure ne saurait être simultanément une norme d'agrément et une mesure organique. En effet, peut tout au plus constituer une mesure organique, la possibilité que des normes d'agrément soient imposées, mais non les normes d'agrément elles-mêmes.

A.4.3.6. La deuxième compétence réservée au pouvoir fédéral qu'invoque le Conseil des ministres est « le financement de l'exploitation, lorsqu'il est organisé par la législation organique ». Cette branche manque également en fait, parce que l'on ne voit pas en quoi le décret attaqué contiendrait une réglementation touchant au financement, que ce soit par l'autorité fédérale ou par la sécurité sociale, de l'exploitation des établissements de soins, a fortiori du financement tel qu'il est réglé par la législation organique.

Il ressort des travaux préparatoires de l'article 5, § 1er, I, 1°, de la loi spéciale que cette compétence réservée de l'autorité fédérale n'entraîne l'incompétence des communautés qu'en ce qui concerne le prix de la journée d'entretien, la fixation et la répartition des déficits des hôpitaux publics, les conditions et modalités de liquidation des subventions de l'Etat en matière de financement de l'exploitation, ainsi que la fixation et la liquidation des avances aux hôpitaux en application de la législation sur les hôpitaux, parce que toute politique communautaire différenciée en ces matières aurait inévitablement une répercussion financière pour l'Etat en ce qui concerne le financement de l'exploitation.

Une répercussion financière pour un établissement de soins n'est pas la même chose qu'une répercussion financière pour l'Etat fédéral. Il n'en est ainsi que lorsque le prix de la journée d'entretien est influencé. Ce n'est nullement le cas des obligations imposées par le décret critiqué. Du reste, une incidence marginale sur le prix de la journée d'entretien n'entraînerait même pas l'incompétence des communautés.

A.4.3.7. La troisième compétence réservée au pouvoir fédéral qu'invoque le Conseil des ministres concerne les normes nationales d'agréation, uniquement dans la mesure où celles-ci peuvent avoir une répercussion sur les compétences visées aux litterae b), c), d) et e) de l'article 5, § 1er, I, 1°. Cette restriction a pour conséquence que l'édiction de normes d'agréation - conditions auxquelles l'agrément est subordonné dans le cadre de l'assurance (fédérale) maladie-invalidité - est en principe une matière communautaire. L'Etat fédéral est uniquement compétent pour édicter des normes d'agréation relatives aux autres compétences fédérales réservées, énumérées aux littera b), c), d) et e) - ce qui, en résumé, se limite à l'équilibre financier de la sécurité sociale en général et de l'assurance maladie-invalidité en particulier -, tout simplement parce qu'il doit en supporter les conséquences financières, et dans cette hypothèse, les communautés ne peuvent évidemment porter atteinte à ces normes fédérales.

Par ailleurs, chacun reconnaît que les communautés peuvent à tout le moins édicter des normes d'agréation complémentaires si celles-ci n'affectent pas les normes fédérales, qui peuvent uniquement être édictées en vue d'atteindre l'un des quatre objectifs nominativement énumérés à l'article 5, § 1er, I, 1°, de la loi spéciale. C'est ce que le Gouvernement fédéral a confirmé in tempore non suspecto, lorsqu'il signa un protocole avec « les autorités compétentes en matière de politique de santé en vertu des articles 59bis et 59ter de la Constitution en ce qui concerne la politique de santé à mener ».

Le décret attaqué constitue sans nul doute une norme d'agréation. En effet, l'article 7 dispose que, sans préjudice de l'application des normes d'agréation en vigueur, l'agrément d'un établissement de soins ne peut être accordé, maintenu ou prolongé que s'il est satisfait aux dispositions du décret.

Mémoire en réponse du Conseil des ministres A.5.1. Le Conseil des ministres ne formule aucune objection à l'encontre des dispositions du décret attaqué pour autant qu'elles soient exclusivement applicables aux organisations et organismes exerçant des activités dans le domaine de l'éducation sanitaire ou de la médecine préventive. Il n'en demeure pas moins que le recours est dirigé contre toutes les dispositions du décret en tant qu'elles seraient applicables aux organisations et organismes assurant la dispensation de soins « dans et au dehors des institutions de soins ».

Les centres de médecine préventive mentale ou les initiatives d'habitation protégée pour patients psychiatriques ressortissent toutefois à l'article 5, § 1er, I, 1°, de la loi spéciale, en sorte que la législation organique relative à ces organismes est une compétence fédérale.

A.5.2. Contrairement à ce que soutient le Gouvernement flamand, les moyens indiquent bel et bien quelles règles sont violées, quelles sont les dispositions qui violent ces règles et en quoi ces règles sont violées par lesdites dispositions. Le recours est donc recevable.

A.5.3. En ce qui concerne l'exception relative à la législation organique, il échet d'observer qu'il existe plusieurs mesures fédérales qui règlent la gestion de la qualité dans les établissements de soins et que ces mesures ont aussi bien des conséquences budgétaires que des objectifs budgétaires. Ces mesures influencent le prix de la journée d'entretien. C'est inévitablement aussi la conséquence des mesures adoptées par la Communauté flamande dans le décret attaqué.

Il ne saurait être nié que le décret entrepris, et en particulier son article 5, § 4, relatif à la désignation du coordinateur de la qualité, apporte des modifications à la structure des hôpitaux. La compétence de ce coordinateur portera nécessairement et inévitablement atteinte aux compétences du médecin-chef, des médecins-chefs de service, du chef du département infirmier, du médecin-hygiéniste hospitalier, de l'infirmier-hygiéniste hospitalier, du pharmacien d'hôpital et du comité d'hygiène de l'hôpital. Sa compétence ne saurait être considérée comme complémentaire, dès lors qu'il est responsable de l'exécution de la politique de la qualité, laquelle, en vertu de l'article 4 du décret, doit être nécessairement totale et, partant, coordinatrice. Le fait qu'il puisse être désigné parmi le personnel déjà présent n'y change rien. Il est également permis de se demander comment les établissements pourraient financer le recrutement ou la mise à disposition d'un coordinateur de la qualité suffisamment expérimenté et apte, possédant des compétences à ce point élargies que cette fonction doive être exercée à temps plein, si cela ne figure pas dans le budget de l'hôpital. D'autres dispositions du décret, comme l'élaboration du manuel de la qualité et le plan de la qualité, entraîneront aussi des frais importants, certainement eu égard au fait qu'il faudra également prévoir une vérification systématique du degré de satisfaction des patients/clients et élaborer des procédures et des instruments de mesure adéquats permettant de contrôler les progrès en matière de qualité. Tout cela ne peut être financé que par le biais du prix de la journée d'hospitalisation.

Bien qu'il ne fixe pas lui-même des règles quant à la manière dont la dispensation de soins doit s'effectuer, le décret habilite clairement le Gouvernement flamand à intervenir dans ces processus. L'approbation du manuel de la qualité et du plan de la qualité sera en effet une condition pour obtenir et conserver l'agrément.

A.5.4. En ce qui concerne l'exception relative au financement de l'exploitation, le Gouvernement flamand fait valoir que les obligations du décret n'influenceront d'aucune manière le prix de la journée d'hospitalisation et n'auront une incidence financière que pour les établissements, mais pas pour le financement fédéral de l'exploitation de ces établissements. La Communauté flamande instaure donc des obligations dont ces établissements ne pourront s'acquitter que s'ils reçoivent à cette fin des moyens supplémentaires de l'autorité fédérale, et viole ainsi les compétences demeurées fédérales.

A.5.5. Le Conseil des ministres ne conteste pas que la Communauté flamande ait la possibilité d'imposer des normes d'agréation complémentaires. Il ne saurait néanmoins être admis que des normes d'agréation soient proposées comme complémentaires, alors qu'en réalité elles modifient ou complètent la législation organique d'une manière qui risque de causer des conflits de compétence ou qui aura nécessairement une incidence sur le financement de l'exploitation.

Mémoire en réponse du Gouvernement de la Communauté française A.6. Le Gouvernement de la Communauté française renvoie aux arguments développés dans son mémoire.

Affaire portant le numéro 1160 du rôle Requête La recevabilité A.7.1. L'a.s.b.l. Vlaams Artsensyndicaat demande en ordre principal l'annulation de la totalité du décret et en ordre subsidiaire celle de son article 4, 1°.

A.7.2. La partie requérante est une union professionnelle. Elle justifie de la qualité requise et de l'intérêt requis.

A.7.3. La partie requérante invoque trois moyens.

Premier moyen A.7.3.1. Le premier moyen s'énonce comme suit : « Premier moyen, pris de la violation des règles de répartition de compétences, en particulier la matière relative à la politique de dispensation de soins dans les institutions de soins et en dehors de celles-ci, et plus précisément de la violation, par l'ensemble des dispositions attaquées, de l'article 39 de la Constitution et de l'article 5 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, et encore plus particulièrement de l'article 5, § 1er, I, 1°, a (la« législation organique »et de l'article 5, § 1er, I, 1°, f (les« normes nationales d'agréation »).

En ce que le décret du 25 février 1997 relatif à la gestion totale de la qualité dans les établissements de soins met en place un système de gestion totale de la qualité qui est lié, du moins partiellement, au fonctionnement des établissements de soins considérés d'un point de vue médical.

Alors que la mise en place d'un système de gestion totale de la qualité, tel qu'il est défini dans le décret, comporte des aspects de la« législation organique« des établissements de soins et relève, dès lors, de la compétence fédérale.

En sorte que les dispositions et principes cités au moyen sont violés. » Comme l'a observé la section de législation du Conseil d'Etat dans son avis sur le décret attaqué, la mise en place d'un système de gestion totale de la qualité concerne des aspects de la « législation organique » des établissements de soins. Un tel système est lié, au moins partiellement, au fonctionnement des établissements de soins considérés d'un point de vue médical. Les communautés ne sont pas compétentes pour cet aspect. Certains aspects de la qualité des soins pourraient sans doute être liés, par exemple, à l'organisation interne de l'établissement de soins et l'accueil et, partant, concerner des aspects qui n'ont pas été soustraits à la compétence des communautés.

La compétence des communautés en matière d'imposition de normes d'agréation complémentaires ne saurait cependant s'interpréter en ce sens que les communautés pourraient fixer, sous la forme de telles normes, des règles relevant du domaine pour lequel l'autorité fédérale est demeurée compétente. Les communautés ne sont donc pas compétentes pour imposer des normes d'agréation complémentaires liées à la législation organique, au financement de l'exploitation, à l'exercice de l'art de guérir, etc. Le souci de la qualité, tel qu'il est conçu dans le projet, pourrait donc exclusivement porter sur les aspects du fonctionnement des établissements de soins pour lesquels les communautés sont compétentes. Un système de gestion totale de la qualité, qui vise essentiellement à « soumettre à des normes, contrôler et améliorer tous les processus se déroulant dans une organisation » et qui se démarque de la politique de qualité en vigueur, qualifiée de « fragmentaire », telle qu'elle « est intégrée dans la législation sur les hôpitaux », n'est pas compatible avec la limitation précitée de la compétence des communautés. Il ressort du contenu même du décret que la réglementation conçue vise un champ d'application plus large que celui de l'éducation sanitaire et de la médecine préventive. La Communauté flamande n'est donc pas compétente pour édicter une réglementation du genre de celle visée dans le décret.

Second moyen A.7.3.2. Le second moyen s'énonce comme suit : « Second moyen, pris de la violation des règles de répartition de compétences, en particulier de la matière relative à la politique de dispensation des soins dans les institutions de soins et en dehors de celles-ci, et plus précisément de la violation, par l'article 4, 1°, du décret attaqué, de l'article 39 de la Constitution et de l'article 5 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, et plus précisément de l'article 5, § 1er, I, 1°, lu en combinaison avec les dispositions de l'arrêté royal n° 78 du 10 novembre 1967 relatif à l'Ordre des Médecins et de l'arrêté royal n° 79 du 10 novembre 1967 relatif à l'art de guérir [relevant] de la compétence du législateur fédéral, l'article 130, § 1er, alinéa 2, de la loi coordonnée sur les hôpitaux du 7 août 1987 ainsi que l'article 73 de la loi coordonnée sur l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités du 14 juillet 1994.

En ce que l'article 4, 1°, du décret énonce qu'en exécution de l'obligation prescrite à l'article 3, chaque établissement de soins est tenu à mettre en place une politique de qualité totale. Cette politique vise à délivrer des soins justifiés compte tenu de l'efficacité, de l'efficience, de la continuité, de la sécurité et de l'acceptabilité sociale des soins.

Alors que l'article 4, 1°, qui s'adresse aux établissements de soins, impose en fait une obligation au prestataire de soins.

En sorte que les dispositions et principes cités au moyen sont violés. » L'article 4, 1°, qui s'adresse aux établissements de soins, impose une obligation au prestataire de soins, à savoir l'« acceptabilité sociale des soins ». Du point de vue du médecin, cette obligation est particulièrement radicale parce qu'elle touche à l'essence de la déontologie médicale, à la mission humanitaire de l'art médical et à la liberté de diagnostic et de thérapie. Le législateur spécial n'a pas placé dans la compétence de la communauté l'exercice de l'art de guérir, de l'art infirmier et des professions paramédicales. Cette matière a donc continué de relever de la compétence du législateur fédéral. La Communauté flamande n'est donc pas compétente pour édicter une réglementation du genre de celle contenue dans le décret.

L'exercice de l'art médical relève, tout comme la déontologie médicale, de la compétence du législateur fédéral. L'article 4, 1°, du décret attaqué va à l'encontre de la liberté de diagnostic et de thérapie garantie par la législation fédérale.

Troisième moyen A.7.3.3. Le troisième moyen s'énonce comme suit : « Troisième moyen, pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution coordonnée fixant les principes constitutionnels d'égalité et de non-discrimination.

En ce que l'article 4, 1°, du décret attaqué n'impose une obligation qu'aux seuls médecins hospitaliers en Région flamande (à savoir le contrôle de l'acceptabilité sociale des soins) et ne l'impose pas aux médecins hospitaliers qui sont soumis à la législation contenue dans la loi sur les hôpitaux, coordonnée le 7 août 1987.

Alors que cette inégalité n'est manifestement pas fondée sur un objectif d'intérêt général et alors qu'une telle discrimination, qui n'a aucun fondement objectif justifié, est contraire au principe d'égalité.

En sorte que le décret attaqué viole les articles 10 et 11 de la Constitution. » L'inégalité de traitement entre les médecins hospitaliers en Région flamande et ceux qui sont soumis à la loi coordonnée sur les hôpitaux ne trouve aucun fondement dans l'intérêt général.

Mémoire du Gouvernement flamand Recevabilité A.8.1. L'a.s.b.l. Vlaams Artsensyndicaat peut sans doute agir devant la Cour en vue de défendre ses propres intérêts, qui consistent à « assurer la représentation, la protection et la défense des intérêts professionnels de ses membres, et ce à la fois pour les médecins généralistes et pour les médecins spécialistes de la Communauté flamande et des Régions flamande et bruxelloise ». Toutefois, cet intérêt est limité aux intérêts des médecins, alors que le décret attaqué ne concerne nullement des droits ou des obligations de médecins. Le décret impose uniquement des obligations aux établissements de soins. Sans doute ces établissements occupent-ils généralement des médecins, mais ceux-ci ne sont en tant que tels nullement affectés par le décret entrepris et ne le sont a fortiori pas directement. L'article 4, alinéa 1er, deuxième phrase, 1°, qui est concrètement attaqué, ne contient même pas d'obligations pour ces établissements de soins mais uniquement une définition de la notion de « qualité ».

Le recours est irrecevable à défaut d'intérêt.

La requête n'indique nullement quelles dispositions du décret entrepris violeraient précisément l'article 5, § 1er, I, 1°, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, ni a fortiori en quoi consisterait cette violation. Le premier moyen est irrecevable à défaut d'exposé.

Quant au premier moyen A.8.2. Le premier moyen manque partiellement en fait et est partiellement dépourvu de fondement pour les motifs exposés ci-dessus (A.4.3.1, A.4.3.2, A.4.3.3 et A.4.3.7).

Quant au second moyen A.8.3. Le second moyen est exclusivement dirigé contre l'article 4, alinéa 1er, deuxième phrase, 1°, du décret attaqué, et spécialement contre les termes « acceptabilité sociale » figurant au 1°.

Il est exact que lors des travaux préparatoires de l'article 5, § 1er, I, de la loi spéciale, il a été dit que la compétence attribuée aux communautés n'incluait pas la possibilité de régler « l'exercice de l'art médical ». Dans le texte de la loi spéciale, l'on ne retrouve cependant rien à ce sujet, en sorte que, s'agissant de cette « compétence réservée implicite » du pouvoir fédéral, il faut être encore plus prudent que pour ce qui a été explicitement soustrait à la compétence des communautés.

Quoi qu'il en soit, le moyen manque en fait, tout simplement parce qu'il n'est pas question d'une réglementation quelconque de l'exercice de l'art médical, au sens défini par la Cour dans son arrêt n° 69/92.

Le décret critiqué n'impose ni n'interdit aucun acte médical et ne prévoit nullement comment des actes médicaux doivent être accomplis.

Que le décret entrepris ne touche pas à l'exercice de l'art médical découle, ainsi qu'il a déjà été signalé (A.4.3.4), du fait qu'il crée uniquement un cadre destiné aux établissements de soins; il laisse à l'établissement lui-même le soin de concrétiser sa politique de qualité au sein même de l'établissement.

Enfin, i échet d'observer que s'il faut interpréter, comme le fait la partie requérante, la compétence réservée « implicite » du législateur fédéral dans un sens aussi large, il ne saurait plus être question de compétence communautaire « en ce qui concerne la politique de dispensation de soins dans et au dehors des institutions de soins ».

En effet, il n'est pas possible de trouver des aspects de la politique de santé qui ne soient pas en rapport avec l'exercice de l'art médical. La « compétence réservée » du législateur fédéral en matière d'exercice de l'art médical, qui n'est même pas mentionnée dans un texte de loi, anéantirait donc intégralement une disposition législative expresse - l'article 5, § 1er, I, 1°, de la loi spéciale -, ce qui est inadmissible.

Quant au troisième moyen A.8.4. Le troisième moyen manque en fait, puisqu'il n'est pas question d'une quelconque obligation qui serait imposée par l'article 4, alinéa 1er, deuxième phrase, 1°, du décret attaqué, en tout cas pas dans le chef des médecins hospitaliers.

Le moyen manque également en fait parce qu'il n'est pas davantage question d'un traitement inégal. Bien au contraire, tous les « établissements de soins » visés par le décret doivent mettre en place une politique de qualité totale et pour tous ces établissements, cette politique doit viser à fournir des soins justifiés compte tenu de l'efficacité, de l'efficience, de la continuité, de la sécurité et de l'acceptabilité sociale des soins.

Dans la mesure où le traitement inégal visé par la partie requérante serait celui qui existe entre les établissements de soins soumis au décret entrepris, c'est-à-dire, conformément à l'article 128 de la Constitution, les établissements situés en région de langue néerlandaise ainsi que ceux établis dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale qui, en raison de leur organisation, doivent être considérés comme appartenant exclusivement à la Communauté flamande, et tous les autres établissements, le moyen est dénué de fondement. En effet, le fait que certains établissements de soins soient soumis au décret attaqué et d'autres pas est la conséquence de l'intervention ou non, et de façon plus générale de l'intervention différente, des différents législateurs compétents. Selon la jurisprudence de la Cour, il ne peut y avoir violation du principe d'égalité qu'en cas de traitement inégal par le même législateur, quod non, en sorte que le moyen manque en droit.

Mémoire du Gouvernement wallon A.9. Le Gouvernement wallon déclare intervenir dans la cause et s'en remettre provisoirement à la sagesse de la Cour, sous réserve d'autres prises de position dans un mémoire en réponse.

Mémoire du Gouvernement de la Communauté française A.10.1. Le Gouvernement de la Communauté française soutient le premier moyen pour les motifs exposés ci-dessus (A.2.3 à A.2.6).

A.10.2. La partie intervenante soutient le deuxième moyen pour les motifs exposés ci-dessus (A.2.7).

A.10.3. La partie intervenante ne désire formuler aucune observation à propos du troisième moyen.

A.10.4. La partie intervenante invoque un quatrième moyen, pris de la violation de l'article 5, § 1er, I, 1°, b), de la loi spéciale du 8 août 1980. Comme exposé ci-dessus (A.2.5), les obligations imposées aux établissements de soins auront inévitablement des répercussions de nature financière.

Mémoire en réponse de l'a.s.b.l. Vlaams Artsensyndicaat A.11.1. Le Gouvernement flamand estime que le recours ne serait recevable qu'en tant qu'il porte sur le terme « dispensation de soins » figurant à l'article 2, 1°, et à l'article 4, alinéa 1er, deuxième phrase, 1°, du décret attaqué. Cette thèse ne peut être suivie. Etant donné que la compétence des communautés, aussi bien en ce qui concerne la politique en matière de dispensation de soins que pour ce qui est de l'éducation sanitaire et des activités et services en matière de médecine préventive, est exclue en tant qu'il s'agit de l'exercice de l'art médical, le recours qui tend à l'annulation totale ou partielle du décret est recevable dans toutes ses branches.

A.11.2. Il appert des statuts de l'a.s.b.l. Vlaams Artsensyndicaat que son objet social n'inclut pas uniquement la défense des intérêts des membres affiliés mais également la défense de la profession de médecin au sens large. Les dispositions entreprises peuvent être censées affecter directement et défavorablement les intérêts professionnels des médecins en tant qu'elles sont susceptibles de modifier les conditions d'exercice de l'art médical. Par analogie avec l'arrêt n° 6/97, la partie requérante a donc intérêt à l'annulation totale ou partielle du décret. Les médecins sont directement affectés par le décret critiqué. L'exposé des motifs attire d'ailleurs clairement l'attention sur les obligations du dispensateur de soins.

A.11.3. Contrairement à ce que soutient le Gouvernement flamand, le premier moyen est bel et bien recevable dès lors qu'il indique avec précision quelles dispositions violent les règles de répartition des compétences indiquées au moyen.

Le moyen est également fondé dès lors que le décret attaqué viole l'article 5, § 1er, I, 1°, de la loi spéciale au motif que le décret entrepris instaure une nouvelle autorité au niveau de la gestion des établissements de soins, à savoir le coordinateur de la qualité, et qu'il confie à cette autorité une mission particulière. C'est ainsi que le décret définit quelles autorités forment la structure des établissements de soins, ce qui relève du domaine de la législation organique. Cet excès de compétence découle, en outre, du fait que d'autres textes d'origine fédérale rendent le médecin-chef responsable du bon fonctionnement de l'hôpital et de la qualité des soins. Le décret critiqué entend substituer le coordinateur de la qualité aux autres autorités préexistantes, régies par la réglementation fédérale, ou tout au moins lui faire exercer des fonctions identiques à celles de ces mêmes autorités.

En tant que le décret attaqué instaure une nouvelle autorité pour la gestion des établissements de soins et lui impose des méthodes de gestion pour atteindre les objectifs fixés par le décret, il concerne l'organisation des établissements de soins. Il règle donc une matière qui relève de l'autorité fédérale en vertu de l'article 5, § 1er, I, 1°, a), de la loi spéciale.

Cette thèse est confirmée par l'arrêt n° 71/97. Le décret entrepris subordonne l'agréation des établissements de soins au respect des obligations imposées, sans préjudice de l'application des normes d'agréation en vigueur. En d'autres termes, la Communauté flamande impose des normes d'agréation qui viennent s'ajouter aux dispositions fédérales applicables en la matière. Cette nouvelle condition d'agréation a, de toute façon, une incidence sur le financement des établissements de soins, ce qui est exclu par l'article 5, § 1er, I, 1°, f), de la loi spéciale.

A.11.4. La thèse du Gouvernement flamand selon laquelle aucune obligation médicale n'est imposée ni prohibée et selon laquelle il n'est nulle part précisé dans le décret de quelle manière les actes médicaux doivent être accomplis est inexacte et est contredite par l'exposé des motifs du décret critiqué. Le rapport parle, lui aussi, de techniques médicales et d'acharnement thérapeutique. La Communauté flamande ajoute donc effectivement un élément à l'exercice de l'art médical. Du point de vue du médecin, l'obligation de tenir compte de l'acceptabilité sociale des soins est particulièrement radicale en ce qu'elle touche à l'essence même de la déontologie médicale, à la mission humanitaire de la médecine et à la liberté de diagnostic et de thérapie. En vertu de l'article 5, § 1er, I, 1°, de la loi spéciale, le pouvoir de régler l'exercice de l'art médical n'est pas attribué aux communautés. Le deuxième moyen est fondé.

A.11.5. La Communauté flamande ajoute un élément à l'exercice de l'art médical, et ce exclusivement pour les médecins hospitaliers flamands.

L'inégalité de traitement entre les médecins hospitaliers en Région flamande, soumis au contrôle de l'acceptabilité sociale des soins, et les médecins hospitaliers soumis à la législation de la loi sur les hôpitaux, coordonnée le 7 août 1987, ne trouve aucun fondement dans l'intérêt général. Le troisième moyen est fondé.

Mémoire en réponse du Gouvernement de la Communauté française A.12. Le Gouvernement de la Communauté française renvoie aux arguments développés dans son mémoire.

Affaires portant les numéros 1100 et 1160 du rôle Mémoire en réponse du Gouvernement flamand A.13.1. Le Gouvernement de la Communauté française soutient les deux recours en annulation et plus précisément les moyens qui sont pris de la violation des règles de répartition des compétences. C'est bien sûr son droit, mais il est frappant de constater qu'il s'agit en l'occurrence d'une compétence communautaire et que le Gouvernement de la Communauté française conteste donc sa propre compétence ou celle de son Conseil. Du côté francophone, ces compétences ont toutefois été transférées à la Région wallonne et à la Commission communautaire française. A y regarder de plus près, le Gouvernement de la Communauté française conteste donc non seulement la compétence de la Communauté flamande mais également celle de la Région wallonne et de la Commission communautaire française.

A.13.2. Le Gouvernement de la Communauté française soutient le moyen unique que le Conseil des ministres invoque dans l'affaire portant le numéro 1100 du rôle. Le Gouvernement flamand a déjà réfuté ce moyen (A.4.3 - A.4.3.7).

A.13.3. Le Gouvernement de la Communauté française invoque dans cette même affaire (A.2.7) un nouveau moyen, emprunté au deuxième moyen de la partie requérante dans l'affaire portant le numéro 1160 du rôle (A.7.3.2). Pour la réfutation, il est renvoyé au mémoire du Gouvernement flamand dans cette affaire (A.8.3).

A.13.4. Dans l'affaire portant le numéro 1160 du rôle, le Gouvernement de la Communauté française soutient les deux premiers moyens de la partie requérante. Le Gouvernement flamand renvoie, pour la réfutation, à son mémoire dans cette affaire (A.8.2).

A.13.5. Dans la même affaire, le Gouvernement de la Communauté française invoque un nouveau moyen (A.10.4), emprunté à la deuxième branche du premier moyen du Conseil des ministres dans l'affaire portant le numéro 1100 du rôle (A.1.2). Le Gouvernement flamand renvoie, pour la réfutation, à son mémoire dans cette affaire (A.4.3.6). On peut toutefois ajouter que le Gouvernement de la Communauté française perd de vue que l'article 5, § 1er, I, 1°, b), de la loi spéciale ne s'intitule pas « mesures ayant des conséquences financières » mais bien « du financement de l'exploitation, lorsqu'il est organisé par la législation organique », ce qui constitue une énorme différence. Cela signifie en effet qu'il ne suffit pas, pour qu'il y ait excès de compétence, que soient prises des mesures ayant des conséquences financières pour l'exploitation, mais qu'il faut que soient prises des mesures dans le domaine du financement de l'exploitation, c'est-à-dire prévoir les besoins financiers causés par l'exploitation et de surcroît exclusivement en tant que ce financement est réglé par la législation organique. Ce n'est manifestement pas le cas ici.

Mémoire en réponse du Gouvernement wallon A.14.1. Le moyen du Conseil des ministres et celui de l'a.s.b.l.

Vlaams Artsensyndicaat, pris de la violation de l'article 5, § 1er, I, 1°, de la loi spéciale, sont suffisants pour entraîner l'annulation de l'ensemble du décret, en ce que celui-ci s'applique aux hôpitaux et autres établissements et organisations du secteur curatif. Toutes les dispositions du décret sont en effet liées.

A.14.2. Il peut être admis que les dispositions entreprises sont susceptibles d'affecter les intérêts professionnels de l'ensemble des membres de l'a.s.b.l. Vlaams Artsensyndicaat. Elles portent ainsi atteinte à l'objet social de cette association professionnelle. La partie requérante justifie de l'intérêt requis en droit.

A.14.3. L'exception d'irrecevabilité invoquée par le Gouvernement flamand à l'égard du moyen du Conseil des ministres et du premier moyen de l'a.s.b.l. Vlaams Artsensyndicaat ne saurait être admise.

L'examen des mémoires du Gouvernement flamand confirme que celui-ci a parfaitement compris les règles par rapport auxquelles la Cour est invitée à se prononcer, les dispositions soumises à son contrôle, et en quoi ces règles pourraient être transgressées par ces dispositions.

A.14.4. Formellement, l'article 5, § 1er, I, 1°, de la loi spéciale transfère aux communautés « la politique de dispensation de soins dans et au dehors des institutions de soins ». Mais à la lumière des travaux préparatoires, cette compétence de principe est notoirement limitée par les exceptions fondamentales énumérées dans cette disposition. Elle est encore réduite par d'autres dispositions de la loi spéciale, notamment l'article 6, § 1er, VI, qui réserve à l'autorité fédérale la sécurité sociale et les conditions d'accès à la profession.

Par l'article 5, § 1er, I, 1°, a), le législateur spécial a voulu réserver à l'autorité fédérale la législation organique au sens large, ces termes recouvrant dès lors toute forme de réglementation organisant les établissements de soins et la politique hospitalière.

C'est à tort que le Gouvernement flamand réduit la compétence fédérale à l'élaboration de principes généraux. C'est à bon droit que le Conseil des ministres fait grief au décret entrepris de déroger à toute une série de dispositions fédérales, comme le fait apparaître également l'avis de la section de législation du Conseil d'Etat.

L'article 5, § 1er, I, 1°, b), de la loi spéciale contient une exception fondamentale à la compétence communautaire. Le législateur spécial a en effet réservé à l'autorité fédérale toute norme ayant une influence sur le financement de l'exploitation. Toute politique communautaire différenciée est exclue lorsque celle-ci a une répercussion financière pour l'Etat. Le décret entrepris viole cette disposition en imposant des charges complémentaires aux établissements qu'il vise. Les travaux préparatoires du décret attaqué confirment qu'une amélioration effective de la qualité implique des investissements, sous le contrôle et la direction d'un coordinateur de la qualité.

L'article 5, § 1er, I, 1°, f), précise que les communautés peuvent exercer une compétence réglementaire en matière d'agréation, pour autant, toutefois, que cela n'ait pas de répercussion sur le coût de l'exploitation. Tel est précisément le cas en l'espèce.

A.14.5. En ce qui concerne le deuxième moyen invoqué par l'a.s.b.l.

Vlaams Artsensyndicaat, le Gouvernement wallon renvoie à l'argumentation du Gouvernement de la Communauté française.

A.14.6. Pour ce qui concerne le troisième moyen invoqué par cette même partie, le Gouvernement wallon s'en remet à la sagesse de la Cour.

A.14.7. Le Gouvernement wallon soutient le moyen invoqué par le Gouvernement de la Communauté française. - B - Quant à l'étendue des recours B.1. Le Conseil des ministres et l'a.s.b.l. Vlaams Artsensyndicaat demandent en ordre principal l'annulation de l'intégralité du décret de la Communauté flamande du 25 février 1997 relatif à la gestion totale de la qualité dans les établissements de soins.

Le Conseil des ministres demande en ordre subsidiaire l'annulation de l'article 2, 1°, du décret, qui définit la notion d'établissement de soins, en tant qu'il peut en être déduit, en relation avec les autres dispositions du décret, que celui-ci est également applicable aux organisations et établissements qui exercent des activités dans le domaine de « la dispensation de soins dans et au dehors des institutions de soins ». Pour sa part, l'a.s.b.l. Vlaams Artsensyndicaat demande en ordre subsidiaire l'annulation de l'article 4, alinéa 1er, deuxième phrase, 1°, du décret, qui dispose que la politique de qualité totale que les établissements de soins sont tenus de mettre en place « vise à délivrer des soins justifiés », compte tenu notamment de « l'acceptabilité sociale » de ceux-ci, au motif que ceci concernerait le fonctionnement des institutions de soins, considéré d'un point de vue médical, et toucherait à l'exercice de l'art médical.

Quant à la recevabilité Concernant l'exposé des moyens B.2.1. Le Gouvernement flamand soulève une exception relative à l'exposé des moyens invoqués dans les requêtes. Les recours seraient irrecevables parce que les parties requérantes ne préciseraient pas quelles dispositions du décret attaqué violeraient l'article 5, § 1er, I, 1°, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles ni en quoi cet article serait violé.

B.2.2. Pour satisfaire aux exigences de l'article 6 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, les moyens de la requête doivent faire connaître, parmi les règles dont la Cour garantit le respect, celles qui seraient violées ainsi que les dispositions qui violeraient ces règles et exposer en quoi ces règles auraient été transgressées par ces dispositions.

Ces exigences se justifient, d'une part, par l'obligation, pour la Cour, d'examiner dès la réception du recours s'il n'est pas manifestement irrecevable ou manifestement non fondé ou si la Cour n'est pas manifestement incompétente pour en connaître, d'autre part, par l'obligation, pour les parties qui désirent répondre aux arguments des requérants, de le faire par un seul mémoire et dans les délais fixés à peine d'irrecevabilité.

B.2.3. Selon le moyen unique pris par le Conseil des ministres, le décret attaqué, en ce qu'il est également applicable aux organismes et établissements qui exercent des activités dans le domaine de « la dispensation de soins dans et au dehors des institutions de soins », violerait l'article 5, § 1er, I, 1°, de la loi spéciale du 8 août 1980 et en particulier ses litterae a), b) et f), parce que le décret litigieux doit être considéré, dans sa totalité, comme législation organique (première branche), parce qu'il impose des charges financières supplémentaires aux établissements concernés (deuxième branche) et parce qu'il impose une norme d'agrément dans un domaine qui relève de la compétence fédérale (troisième branche).

Selon le premier moyen pris par l'a.s.b.l. Vlaams Artsensyndicaat, le décret attaqué violerait l'article 5, § 1er, I, 1°, litterae a) et f), de la loi spéciale du 8 août 1980, parce que le décret attaqué a trait, au moins partiellement, au fonctionnement des institutions de soins, considéré d'un point de vue médical, de sorte que le décret comporterait des éléments de « législation organique » des institutions de soins et se mouvrait sur le terrain des normes nationales d'agréation. Selon le deuxième moyen, l'article 4, alinéa 1er, deuxième phrase, 1°, du décret attaqué violerait l'article 39 de la Constitution et l'article 5, § 1er, I, 1°, de la loi spéciale, lus en combinaison avec certaines dispositions légales qu'il énumère, parce que, bien que visant les établissements de soins, il imposerait en fait des obligations aux prestataires de soins et concernerait ainsi l'exercice de l'art médical.

B.2.4. Ces moyens satisfont aux conditions précitées. La manière dont toutes les parties intervenantes ont répondu aux moyens, dans leurs mémoires respectifs, fait d'ailleurs apparaître que l'exposé des moyens leur a permis de faire valoir leur défense dans le délai prescrit sous peine d'irrecevabilité.

L'exception d'irrecevabilité des moyens à défaut d'exposé de ceux-ci est rejetée.

Concernant l'intérêt B.3.1. Le Gouvernement flamand conteste l'intérêt de l'a.s.b.l. Vlaams Artsensyndicaat à l'annulation du décret attaqué, parce que son intérêt se limite aux intérêts des médecins, cependant que le décret attaqué n'institue aucun droit ni obligation pour les médecins et que ceux-ci ne sauraient être affectés par les dispositions de ce décret, pas même par l'article 4, alinéa 1er, deuxième phrase, 1°, qui énonce seulement une définition de la notion de « qualité ».

B.3.2. Selon ses statuts, la partie requérante a.s.b.l. « Vlaams Artsensyndicaat » a pour objet social « de regrouper les médecins dans une organisation de défense de la profession, ayant pour but de préserver la liberté de la médecine » et comme objectif principal « d'assurer la représentation, la protection et la défense des intérêts professionnels de ses membres, et ce à la fois pour les médecins généralistes et pour les médecins spécialistes de la Communauté flamande et des Régions flamande et bruxelloise ».

B.3.3. S'il apparaissait que, comme le prétend la requérante, le décret attaqué impose des obligations supplémentaires aux médecins exerçant leurs activités dans les établissements de soins visés par le décret ou qu'il porte atteinte à des obligations légales ou autres qui pèsent sur eux, ces médecins seraient susceptibles d'être directement et défavorablement affectés dans leur situation et l'association requérante, en tant qu'organisation de défense des intérêts des médecins, justifierait de l'intérêt requis.

La Cour observe toutefois que l'exception d'irrecevabilité concerne la portée qui doit être donnée au décret attaqué, et en particulier à son article 4, alinéa 1er, deuxième phrase, 1°, de sorte que l'examen de la recevabilité et celui du fond de l'affaire doivent s'opérer conjointement.

Quant au fond Concernant le décret attaqué B.4.1. Le décret attaqué tend à instaurer une gestion totale de la qualité dans les établissements de soins qui relèvent de la compétence de la Communauté flamande. Par établissement de soins, le décret entend une « organisation exerçant des activités dans le domaine de la dispensation de soins, de l'éducation sanitaire ou de la médecine préventive, telle que visée à l'article 5, § 1er, I, de la loi spéciale du 8 août 1980 [...] et qui peut être agréée par la Communauté flamande dans ce cadre ». Le décret ne s'applique toutefois pas aux maisons de repos et de soins qui sont liées à une maison de repos agréée, telles qu'elles sont définies dans le décret du 5 mars 1985 « portant réglementation de l'agrément et de l'octroi de subventions relatifs aux structures destinées aux personnes âgées ». (article 2, 1°) Par « gestion totale de la qualité », le décret entend une « technique de management appliquée par un établissement de soins, visant à favoriser la qualité à travers l'implication de tous les membres du personnel et poursuivant la réussite à long terme par une meilleure adéquation entre les soins délivrés et le client/patient et le bénéfice d'avantages aux membres du personnel de l'établissement de soins et à la société ». (article 2, 3°) L'article 3 du décret attaqué dispose : « Sans préjudice de l'observation des normes d'agrément applicables à l'établissement de soins, celui-ci est tenu, conformément à sa mission, de dispenser à chaque patient ou client des soins ou une aide justifiés et de le traiter ou l'accompagner de manière respectueuse, sans distinction d'âge ou de sexe, de conviction idéologique, philosophique ou religieuse et de fortune. » En exécution de cette obligation, « chaque établissement de soins est tenu de mettre en place une politique de qualité totale ».

Cette politique vise à : « 1° délivrer des soins justifiés, compte tenu de l'efficacité, l'efficience, la continuité, la sécurité et l'acceptabilité sociale des soins; 2° garantir une fréquentation et un traitement respectueux du client ou du patient, compte tenu de son contexte social, consistant en l'accueil personnel, le renvoi approprié du demandeur d'aide, la protection de la vie privée et le droit à l'autodétermination, la médiation et le traitement des plaintes, l'information et la participation du patient ou du client.Cette politique de qualité requiert au minimum une concertation avec tous les intéressés, un suivi et un contrôle permanents, la maîtrise et l'amélioration des processus afin d'atteindre les objectifs précités. » (article 4) Cette politique de qualité sera concrétisée « sous la forme d'un manuel de la qualité et d'un plan de la qualité que la direction sanctionne. » (article 5, § 1er) Chaque établissement de soins doit élaborer un « manuel de la qualité », à savoir « un document contenant la politique de qualité et définissant le système de gestion de la qualité » (article 2, 6°), c'est-à-dire les « structure organisationnelle, procédures, processus et ressources nécessaires à la mise en oeuvre de la gestion totale de la qualité » (article 2, 5°) d'un établissement de soins. Le manuel de la qualité « décrit la vision en matière de politique de qualité totale et ses objectifs. Après avoir recueilli l'avis du Conseil flamand de la santé, le Gouvernement flamand détermine les thèmes cibles de la politique de qualité. [...] [Il] détermine également, par type d'établissement de soins, le nombre de thèmes devant figurer dans la politique de qualité et énumère certains thèmes que la politique de qualité doit contenir obligatoirement pour un type déterminé d'établissement de soins. » Les autres thèmes sont choisis librement par l'établissement de soins (article 5, § 2).

Le manuel de la qualité « est rendu opérationnel par un plan de la qualité », c'est-à-dire un « document exposant les objectifs, ressources, procédures et actions opérationnels spécifiques de la gestion totale de la qualité qui sont pertinents pour une prestation de services déterminée » (article 2, 7°). L'établissement de soins démontre à l'aide du plan de la qualité, qui comporte au minimum les éléments mentionnés à l'article 5, § 3, a) à d), « qu'il maîtrise et améliore constamment ses processus. » (article 5, § 3) En vue de la mise en oeuvre de la politique de qualité, « l'établissement de soins doit désigner un coordinateur de la qualité disposant de l'expérience et de l'expertise requises et qui est habilité par la direction de l'établissement de soins. Le Gouvernement flamand peut déterminer par type d'établissement ce qu'il faut entendre par expérience et expertise requises. » (article 5, § 4) B.4.2. Le Gouvernement flamand veille à ce que la politique de qualité réponde aux conditions susdites et approuve, le cas échéant, le manuel de la qualité et le plan de la qualité, selon la procédure qu'il détermine. « Si le manuel de la qualité ou le plan de la qualité sont jugés insuffisants, l'établissement de soins doit introduire, dans un délai de trois mois, un manuel de la qualité ou un plan de la qualité modifié. L'approbation de ces documents est suspendue pendant ce délai. Cette suspension ne peut être accordée qu'une fois. » (article 6) B.4.3. L'élaboration et l'application d'une telle forme de gestion totale de la qualité constituent une condition d'agrément. Aux termes de l'article 7, « sans préjudice de l'application des normes d'agrément en vigueur, l'agrément d'un établissement de soins ne peut être accordé, maintenu ou prolongé que s'il est satisfait aux dispositions du [...] décret. Au cas où un établissement de soins ne satisferait pas aux obligations imposées par le [...] décret, l'agrément peut être accordé ou prolongé pendant au maximum un an, à la condition que l'établissement de soins s'engage à prendre dans ce délai les mesures nécessaires pour remplir les obligations prescrites par le [...] décret. Si cet engagement n'est pas respecté, l'agrément n'est pas prolongé. » Un recours administratif peut être exercé contre cette décision.

Cette disposition entre en vigueur le 1er janvier 2001 (article 12).

Le Gouvernement flamand désigne les fonctionnaires qui effectuent le contrôle et peut « désigner, agréer ou autoriser d'autres instances publiques ou privées pour vérifier la politique de qualité de l'établissement de soins. » (article 9) B.4.4. Selon les travaux préparatoires, le décret attaqué s'inspire des théories du management pour le contrôle intégral de la qualité (CIQ) qui connaissent un grand succès dans les secteurs du commerce et de l'industrie, en tenant compte toutefois du fait que les soins de santé recèlent un important facteur humain qui ne saurait en aucune manière être géré par une approche CIQ et que, contrairement aux biens et services commerciaux, ils sont avant tout financés par des deniers publics (Doc., Parlement flamand, 1995-1996, n° 367/1, pp. 2 et 3). Le décret vise en particulier à réaliser l'un des objectifs du bureau régional européen de l'Organisation mondiale de la santé, à savoir (objectif 31 de la stratégie « santé pour tous ») qu'aux environs de l'an 2000 existent dans tous les Etats membres des structures et des processus qui garantissent l'amélioration continue de la qualité de la dispensation des soins ainsi qu'un développement et un usage appropriés des technologies (ibid., p. 1).

Le législateur décrétal, qui est conscient du fait que la législation fédérale sur les hôpitaux comporte déjà une série d'obligations ponctuelles visant une politique médicale de qualité, entend faire un pas de plus, en exigeant la mise en oeuvre d'une telle politique non seulement de la part des hôpitaux mais aussi d'autres types d'établissements de soins et en stimulant progressivement une approche intégrale au lieu d'une approche intégrée, de sorte que la qualité des soins devienne un souci permanent à tous les échelons de l'établissement, chez tous les collaborateurs concernés (ibid., pp. 4-6). Le contenu de la politique de qualité au sein d'un établissement est avant tout l'affaire de l'établissement lui-même. Le législateur décrétal ne souhaite pas imposer tel ou tel système de politique de qualité mais seulement créer un cadre qui incite les établissements à mener une politique de qualité et qui facilite la mise en oeuvre d'une telle politique. Il n'est pas non plus question d'intervenir de façon régulatrice dans les rapports entre le client/patient, d'une part, et l'établissement ou le prestataire de soins, d'autre part (ibid., p. 10). Dans une approche nécessairement intégrée, il convient, toujours selon les travaux préparatoires, de prendre également en compte les questions d'ordre médical, dont décident les médecins (ibid., p. 10).

Quant aux moyens pris de la violation de l'article 5, § 1er, I, 1°, de la loi spéciale B.5.1. Ainsi qu'il a été exposé au B.2.3, le Conseil des ministres, dans un moyen unique, et le « Vlaams Artsensyndicaat », dans deux moyens, demandent l'annulation totale ou partielle du décret attaqué, pour le motif qu'il violerait plusieurs dispositions de l'article 5, § 1er, I, 1°, de la loi spéciale du 8 août 1980, lues conjointement ou non avec d'autres dispositions. Dans ses mémoires en intervention, le Gouvernement de la Communauté française invoque lui aussi deux moyens pris de la violation de certaines dispositions de l'article 5, § 1er, I, 1°, de la loi spéciale (voy. A.2.7 et A.8.4). Ces moyens correspondent respectivement au deuxième moyen invoqué par l'a.s.b.l.

Vlaams Artsensyndicaat et à la deuxième branche du moyen unique pris par le Conseil des ministres. La Cour examinera ces moyens de manière conjointe.

B.5.2. L'article 5, § 1er, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles dispose : « Les matières personnalisables visées à l'article 59bis, § 2bis, [actuellement 128, § 1er] de la Constitution, sont : I. En ce qui concerne la politique de santé : 1° La politique de dispensation de soins dans et au dehors des institutions de soins, à l'exception : a) de la législation organique;b) du financement de l'exploitation, lorsqu'il est organisé par la législation organique;c) de l'assurance maladie-invalidité;d) des règles de base relatives à la programmation;e) des règles de base relatives au financement de l'infrastructure, en ce compris l'appareillage médical lourd;f) des normes nationales d'agréation uniquement dans la mesure où celles-ci peuvent avoir une répercussion sur les compétences visées au b), c), d) et e) ci-dessus;g) de la détermination des conditions et de la désignation comme hôpital universitaire conformément à la législation sur les hôpitaux. B.5.3. En tant qu'elles se rapportent à des établissements de dispensation de soins, des mesures comme celles que prévoit le décret attaqué s'inscrivent indiscutablement dans le cadre d'une « politique de dispensation de soins dans et au dehors des institutions de soins ».

En vertu de l'article 5, § 1er, I, 1°, de la loi spéciale du 8 août 1980, la Communauté flamande est compétente pour adopter de telles mesures, pour autant qu'il ne soit en aucune manière porté atteinte, à cette occasion, aux compétences de l'autorité fédérale définies aux litterae a) à g) de la disposition précitée, ni à d'autres compétences fédérales, telles que celle de régler l'exercice de l'art médical.

Concernant l'article 5, § 1er, I, 1°, a), de la loi spéciale B.5.4. Contrairement à ce que soutiennent les parties requérantes et le Gouvernement de la Communauté française, les mesures contenues dans le décret attaqué, en tant qu'elles sont applicables à des établissements de dispensation de soins, ne peuvent pas être considérées comme de la « législation organique » au sens de l'article 5, § 1er, I, 1°, a), précité.

Par législation organique, il faut entendre les règles de base et les lignes directrices de la politique hospitalière, telles qu'elles sont notamment contenues dans l'arrêté royal du 7 août 1987 portant coordination de la loi sur les hôpitaux.

Dans le cadre de cette loi, le législateur fédéral a certes pris et pu prendre un ensemble de mesures concernant la structuration des activités médicales et infirmières, qui imposent aux hôpitaux certaines consignes de surveillance de la qualité et de contrôle interne et externe de la qualité (articles 9ter, 9quater, 15, 16, 17quater, 17quinquies et 124, 1°), mais le décret attaqué n'y porte en aucune manière atteinte.

Non seulement l'article 3 du décret attaqué dispose explicitement que les obligations résultant du décret s'appliquent « sans préjudice de l'observation des normes d'agrément applicables à l'établissement de soins », mais c'est en outre à l'établissement de soins lui-même qu'il appartient d'élaborer sa vision et ses objectifs en matière de politique de qualité interne et de les réaliser. Le décret ne contient ainsi qu'un cadre - obligatoire, il est vrai, pour obtenir ou conserver l'agrément - et il autorise le Gouvernement flamand à déterminer des thèmes qui doivent être développés, mais il ne concerne nullement le contenu de ceux-ci. Il appartient aux établissements de soins de donner eux-mêmes forme à cette politique. Ce faisant, ils doivent évidemment respecter les dispositions de la législation fédérale sur les hôpitaux, y compris celles qui visent spécifiquement à garantir la qualité. Le décret n'empêche nullement qu'ils le fassent ou puissent le faire. Il leur procure plutôt un instrument supplémentaire en vue d'assurer le respect de ces règles. Le législateur décrétal n'a donc pas porté atteinte aux règles de base et aux lignes de force de la politique hospitalière, pour lesquelles le législateur fédéral est demeuré compétent.

B.5.5. Le décret attaqué dispose que l'établissement de soins doit désigner, pour la mise en oeuvre de la politique de qualité, un coordinateur de la qualité, c'est-à-dire une « personne faisant office de point de contact et qui encadre les efforts de qualité entrepris par l'établissement » (article 2, 9°), disposant « de l'expérience et de l'expertise requises et qui est habilité par la direction de l'établissement de soins ».

Les parties requérantes et le Gouvernement de la Communauté française soulignent, à ce propos, que la fonction de coordinateur de la qualité n'est pas prévue dans la législation fédérale sur les hôpitaux et que sa création constitue une modification de la structure de gestion des hôpitaux et doit être considérée pour cette raison comme une règle de nature organique.

Il convient tout d'abord d'observer que la disposition litigieuse n'empêche nullement de désigner en tant que coordinateur de la qualité une personne qui, en vertu de la législation fédérale sur les hôpitaux, exerce au sein de la structure hospitalière des compétences décrites dans cette législation. Du point de vue des compétences, rien non plus ne s'oppose à une telle désignation pour autant qu'elle n'ait pas pour effet que cette personne ne puisse plus exercer convenablement les missions que lui dicte la législation fédérale sur les hôpitaux.

Il y a lieu de souligner en outre que le coordinateur de la qualité fait office, selon les termes du décret attaqué, « de point de contact et [...] encadre les efforts de qualité entrepris par l'établissement ». Il ne peut donc, en cette qualité, exercer les compétences que la législation fédérale sur les hôpitaux attribue à certaines personnes (telles que l'administrateur, le directeur, le médecin-chef, le médecin-chef de service, le chef du département infirmier, le chef de service infirmier) ou à certains organes (tel le Conseil médical). Les dispositions décrétales doivent être interprétées en ce sens que le coordinateur de la qualité peut prendre les initiatives nécessaires pour sensibiliser ces personnes ou organes à la politique de qualité visée, sans toutefois se substituer à eux et sans qu'il puisse, en tant que coordinateur, adresser des ordres à ces personnes. En conséquence, le législateur décrétal est demeuré dans la sphère de compétence qui lui a été attribuée et ne porte pas atteinte à la compétence fédérale en matière de législation organique relative aux hôpitaux.

Concernant l'article 5, § 1er, I, 1°, b), de la loi spéciale B.5.6. Les parties requérantes et le Gouvernement de la Communauté française considèrent par ailleurs que le décret attaqué viole l'article 5, § 1er, I, 1°, b), de la loi spéciale, parce qu'il impose des charges financières supplémentaires aux institutions concernées.

B.5.7. Il est indéniable que l'exécution du décret attaqué exigera des efforts importants de la part des établissements concernés et entraînera également, tout au moins dans une première phase, des dépenses supplémentaires. Le législateur décrétal, qui s'est informé auprès des représentants des institutions concernées (Doc., Parlement flamand, 1995-1996, n° 367/5), était d'ailleurs parfaitement conscient de cet aspect des choses (Doc., Parlement flamand, 1995-1996, n° 67/1, p. 11). Toutefois, le fait que l'exécution du décret exige des efforts importants et, du moins dans une première phase, des dépenses supplémentaires, n'a pas en soi pour effet qu'il faille considérer celui-ci comme une réglementation relative « au financement de l'exploitation, lorsqu'il est organisé par la législation organique », comme il est indiqué à l'article 5, § 1er, I, 1°, b), de la loi spéciale. Il ressort des travaux préparatoires de cette disposition que cette réserve de compétence concerne le financement des hôpitaux par des moyens fédéraux, comme il est indiqué dans la loi sur les hôpitaux, en particulier le financement des investissements et des frais de fonctionnement ainsi que la réglementation en matière de financement des déficits des hôpitaux publics (Doc. parl., Sénat, 1979-1980, n° 434/2, p. 122). Le décret attaqué ne concerne pas une telle réglementation, étant entendu que les éventuels frais supplémentaires ne peuvent pas être imputés sur le financement fédéral. Le décret ne viole donc pas cette disposition.

Concernant l'article 5, § 1er, I, 1°, f), de la loi spéciale B.5.8. Les parties requérantes et le Gouvernement de la Communauté française considèrent également que le décret attaqué viole l'article 5, § 1er, I, 1°, f), de la loi spéciale. Le décret imposerait plus précisément une norme, présentée comme une norme d'agrément supplémentaire, dans un domaine relevant de la compétence fédérale et violerait ainsi les normes d'agrément nationales ou d'autres règles relevant de la compétence fédérale.

B.5.9. En vertu de l'article 5, § 1er, I, 1°, f), de la loi spéciale, ne relève pas de la compétence des communautés la fixation « des normes nationales d'agréation uniquement dans la mesure où celles-ci peuvent avoir une répercussion sur les compétences visées au b), c), d) et e) [...] » de l'article 5, § 1er, I, 1°.

Cette disposition n'empêche pas que les communautés ajoutent aux normes d'agrément fixées par l'autorité fédérale des normes propres; elles ne peuvent cependant pas déroger aux normes fédérales d'agrément ni adopter des normes qui auraient une incidence sur le financement de l'exploitation, sur l'assurance maladie-invalidité, sur les règles de base relatives à la programmation et sur celles relatives au financement de l'infrastructure.

Les parties n'indiquent pas - et la Cour n'aperçoit pas - que ce serait le cas du décret attaqué.

En ce qui concerne l'exercice de l'art médical B.5.10. L'a.s.b.l. Vlaams Artsensyndicaat et le Gouvernement de la Communauté française considèrent en outre que l'article 5, § 1er, I, de la loi spéciale est violé, en ce que le décret attaqué vise tous les membres du personnel des établissements de soins et donc aussi les médecins, qui sont obligés d'adapter à la politique de qualité visée par le décret la manière dont ils exercent l'art médical.

Selon l'a.s.b.l. Vlaams Artsensyndicaat, l'obligation mentionnée à l'article 4, 1°, du décret, selon laquelle tout établissement de soins est tenu de développer une politique de qualité intégrale visant notamment l'acceptabilité sociale des soins, est imposée aux prestataires de soins. Or, observe-t-elle, le législateur spécial n'a pas compté l'exercice de l'art médical, de l'art infirmier et des professions paramédicales au nombre des compétences communautaires.

Tant l'exercice de l'art médical que la déontologie médicale relèveraient de la compétence du législateur fédéral. L'article 4, 1°, du décret litigieux irait à l'encontre de la liberté de diagnostic et de la liberté thérapeutique garanties par la législation fédérale.

B.5.11. L'article 5, § 1er, I, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles attribue aux communautés la compétence en matière de politique de santé, sous réserve des exceptions qu'il détermine.

Il ressort clairement des travaux préparatoires de l'article précité que la réglementation de l'exercice de l'art de guérir et des professions paramédicales ne relève pas des matières concernant la politique de santé qui ont été transférées aux communautés en tant que matières personnalisables (Doc. parl., Sénat, 1979-1980, n° 434/1, p. 7).

La compétence de principe relative à la politique de santé, explicitement attribuée aux communautés par l'article 5, § 1er, I, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, resterait sans objet si la réserve en ce qui concerne l'exercice de l'art de guérir était interprétée de façon extensive et visait tous les aspects de la relation entre les patients et les médecins. Un exercice efficace de la compétence qui lui a été attribuée suppose nécessairement que le législateur décrétal puisse, dans sa réglementation, prendre en compte certains aspects de cette relation.

Bien que l'arrêté royal n° 78 du 10 novembre 1967 relatif à l'exercice de l'art de guérir, de l'art infirmier, des professions paramédicales et aux commissions médicales ne donne pas de définition de ce qu'il y a lieu d'entendre par « exercice de l'art médical », il peut être déduit de l'article 2, § 1er, alinéa 2, et § 2, alinéa 3, de cet arrêté - qui détermine quels actes doivent être considérés comme exercice illégal de l'art médical -, qu'un acte relève de l'exercice de l'art médical lorsqu'il a notamment pour objet ou lorsqu'il est présenté comme ayant pour objet, à l'égard d'un être humain, entre autres, l'examen de l'état de santé, le dépistage de maladies et de déficiences, l'établissement du diagnostic ou l'instauration ou l'exécution du traitement d'un état pathologique, physique ou psychique, réel ou supposé.

B.5.12. Le décret attaqué, qui tend à instaurer un système de gestion totale de la qualité dans les établissements de soins, concerne toutes les activités accomplies dans ces établissements et concerne tous ceux qui exercent dans de telles institutions. Ce système concerne donc également les médecins et les infirmiers. Il est d'ailleurs précisé dans les travaux préparatoires que, dans l'approche nécessairement intégrée, « les questions d'ordre médical, dont décident les médecins, sont également prises en compte » (Doc., Parlement flamand, 1995-1996, n° 367/1, p.10).

Cela implique que les dispensateurs de soins doivent, conformément aux articles 2, 3°, et 4, alinéa 1er, du décret être pleinement associés à l'élaboration de la gestion totale de la qualité. Il a été souligné lors des travaux préparatoires du décret litigieux : « Le management de qualité traite nécessairement [...] de l'utilité et de l'efficacité du processus central du soin et du processus médico-infirmier. Au niveau des établissements, les gestionnaires et les dispensateurs de soins doivent par conséquent améliorer ensemble la« qualité« du processus de soin. » (ibid.) B.5.13. D'une part, les dispensateurs de soins concourent eux-mêmes à déterminer le contenu de la politique de qualité visée, les prescriptions fédérales en matière de contrôle de qualité des activités médicales et infirmières devant évidemment être respectées, ainsi qu'il a été dit au B.5.4. D'autre part, la politique de qualité de l'établissement de soins, sanctionnée par la direction, influencera aussi leurs activités, sans que les mesures adoptées dans ce cadre puissent se traduire par l'obligation ou l'interdiction de recourir à des traitements médicaux spécifiques.

B.5.14. Le décret litigieux ne vise en aucune manière à régler l'exercice même de l'art médical et de l'art infirmier ni à porter atteinte à ce qui est prescrit par l'arrêté royal n° 78 du 10 novembre 1967 relatif à l'exercice de l'art de guérir, de l'art infirmier, des professions paramédicales et aux commissions médicales ou à l'arrêté royal n° 79 du 10 novembre 1967 concernant l'Ordre des médecins.

L'article 4, 1°, du décret attaqué, en vertu duquel la politique de qualité totale vise à « délivrer des soins justifiés compte tenu de l'efficacité, l'efficience, la continuité, la sécurité et l'acceptabilité sociale des soins » ne peut, en particulier, être interprété de manière telle qu'il porterait atteinte à la liberté thérapeutique et de diagnostic du médecin, garantie notamment par les articles 11 et 12 de l'arrêté royal n° 78, par l'article 130, § 1er, alinéa 2, de la loi sur les hôpitaux coordonnée par l'arrêté royal du 7 août 1987 et par l'article 73 de la loi relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, coordonnée le 14 juillet 1994.

B.5.15. En tant que le décret vise un ensemble de mesures destinées à améliorer encore la dispensation des soins dans l'intérêt du patient sans toutefois intervenir dans la manière dont sont exercés l'art médical et l'art infirmier, en particulier en ce qui concerne la liberté thérapeutique et de diagnostic, les dispositions attaquées s'inscrivent dans la sphère de compétence du législateur décrétal.

B.5.16. Les moyens pris de la violation de l'article 5, § 1er, I, 1°, ne peuvent être accueillis.

Quant au moyen pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution B.6.1. L'a.s.b.l. Vlaams Artsensyndicaat invoque un troisième moyen, pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution. Le principe d'égalité et de non-discrimination inscrit dans ces dispositions serait violé, en ce que l'obligation contenue à l'article 4, 1°, du décret attaqué est imposée aux médecins hospitaliers dans la Région flamande et non aux médecins hospitaliers soumis à la loi sur les hôpitaux coordonnée le 7 août 1987. Cette différence de traitement ne reposerait pas sur un critère objectif et ne serait pas raisonnablement justifiée.

B.6.2. Contrairement à ce que semble considérer la partie requérante, le décret litigieux ne s'applique pas seulement aux hôpitaux situés dans la Région flamande mais à tous les hôpitaux qui peuvent être agréés par la Communauté flamande dans le cadre de l'article 5, § 1er, I, de la loi spéciale du 8 août 1980 (article 2, 1°). En vertu de l'article 128, § 2, de la Constitution, le décret s'applique également aux institutions établies dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale qui, en raison de leur organisation, doivent être considérées comme appartenant exclusivement à la Communauté flamande.

Le décret attaqué applique les mêmes règles à tous les hôpitaux relevant de la compétence de la Communauté flamande et à tous les médecins exerçant leurs activités dans ces hôpitaux.

B.6.3. La partie requérante dénonce aussi une différence de traitement entre les médecins actifs dans les hôpitaux relevant de la compétence de la Communauté flamande et les médecins actifs dans des hôpitaux relevant de la compétence de la Communauté française ou de la Commission communautaire commune.

Une différence de traitement dans des matières où les communautés et les régions disposent de compétences propres est la conséquence possible de politiques distinctes permises par l'autonomie qui leur est accordée par la Constitution ou en vertu de celle-ci; une telle différence ne peut en soi être jugée contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution. Cette autonomie serait dépourvue de signification si le seul fait qu'il existe des différences de traitement entre les destinataires de règles s'appliquant à une même matière dans les diverses communautés et régions était jugé contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution.

B.6.4. Le moyen ne peut être accueilli.

Par ces motifs, la Cour rejette les recours.

Ainsi prononcé en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 15 juillet 1998.

Le greffier, L. Potoms.

Le président, L. De Grève.

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