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Arrêt De La Cour Constitutionelle
publié le 06 août 1998

Arrêt n° 91/98 du 15 juillet 1998 Numéro du rôle : 1305 En cause : le recours en annulation de l'article 27 du décret-programme de la Communauté française du 24 juillet 1997 portant diverses mesures urgentes concernant l'enseignement en ce qu La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et L. De Grève, et des juges P. Martens(...)

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Arrêt n° 91/98 du 15 juillet 1998 Numéro du rôle : 1305 En cause : le recours en annulation de l'article 27 du décret-programme de la Communauté française du 24 juillet 1997 portant diverses mesures urgentes concernant l'enseignement en ce qu'il insère les articles 7 et 10 dans le décret du 5 août 1995 portant diverses mesures en matière d'enseignement supérieur, introduit par Maria Navarro Diego et autres.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et L. De Grève, et des juges P. Martens, J. Delruelle, E. Cerexhe, H. Coremans et A. Arts, assistée du greffier L. Potoms, présidée par le président M. Melchior, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la demande Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 4 mars 1998 et parvenue au greffe le 11 mars 1998, un recours en annulation de l'article 27 du décret-programme de la Communauté française du 24 juillet 1997 portant diverses mesures urgentes concernant l'enseignement (publié au Moniteur belge du 5 novembre 1997), en ce qu'il insère les articles 7 et 10 dans le décret du 5 août 1995 portant diverses mesures en matière d'enseignement supérieur, a été introduit par M. Navarro Diego, T. Mourinho, M. Ribeiro Dos Anjos, S. Saurer, E. Mavodones, A. Rajszys, I. Gleditsch, D. Hilfiker, A. Mpange Enkobo, R. Kot, M. Taira, F. Ferdjioui, C. du Bois de Dunilac, Y. Xu, R. Cappaciioli, J. Wintjes, C. Da Silva Correia, J. Snow, E. Gronbach, S. Walsh, M. Courdavault, C. Dubois, C. Gautron, C. Montagnon, H. Champagnac, O. Joessel, A. Madesclaire, A. Puvis de Chavannes, C. de Chillaz, V. Gameiro Lopes, M. Ruppe, J. Baudoin, E. Ferry, S. Witte, K. Deparnay, H. Gauthier, Y. Henry, D. Marle, B. Terdjan, C. Bitsch, J. Claessens, S. Dosda, D. Stampfli, C. Bordan, C. Dubnick Maren, M. Gallis Pereira Baraona, C. Marchand, A. Petit, B. Eugene, S. Panknin, G. Guegan, Y. Jolly, S. Santana Feid, M. Ganon, P. Guilbert Brice, S. Stento, M. Salazar Cerruto, S. Zahir, D. Silva Dominguez, E. Ona Selfa Jose et C. Guerreiro Felix, qui ont fait élection de domicile à 1060 Bruxelles, avenue de la Toison d'Or 68/9.

La demande de suspension des mêmes dispositions décrétales, introduite par les mêmes requérants, a été accueillie par l'arrêt n° 62/98 du 4 juin 1998, publié au Moniteur belge du 9 juin 1998.

II. La procédure Par ordonnance du 11 mars 1998, le président en exercice a désigné les juges du siège conformément aux articles 58 et 59 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage.

Les juges-rapporteurs ont estimé n'y avoir lieu de faire application des articles 71 ou 72 de la loi organique.

Le recours a été notifié conformément à l'article 76 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 26 mars 1998.

L'avis prescrit par l'article 74 de la loi organique a été publié au Moniteur belge du 28 mars 1998.

Des mémoires ont été introduits par : - C. Molers, P. Pairon, A. Prevot, E. Van Vyve, N. Goetghebeur, M. Joly, V. Furnelle, J. Guisset, T. Aughuet, V. Gevers, Y. Vernard, M. Reding, J.-E. Duvivier, P. Szonyi, R. Dyszko-Wokski, P. Lucas, G. Pirotte, T. Gilles, A. Radermecker, J.-C. Palisse, A. Jacobs, B. Villers, R. Ballau, M. Serck-Dewaide, G. Terfue, D. Staelens, F. A. D'Haeseleer, M. Van Bellinghen, B. Lorge, G. De Volder, B. Verschueren, F. Colpé, D. De Rudder, C. Warmoes, J. Cotton, L. Gerard, D. Driesmans, M. Romazzotti, E. Levy, P. Ledocte, E. Dekyndt, A. Wauters, J.-P. Bauduin, M. Beernaerts, C. Oluff, B. Junius, L. Bru, F. Collet, D. Van Den Bergh, N. Malevez, M. Pasternak, G. Bauclair, C. Katz, A. Born-Godfroid, E. Creyf, A. D'Hooghe, V. Cartuyvels, J. Van Brabant, J.-P. Van Tieghem, S. Bertot, I. Vranckx, C. Stassart, J.-C. Geluck, J. Paternotte, R. Henry, J.-C. De Behels, B. Thelen, J.-P. Point, F. Bausart, A. Thimmesch, S. Thiry, M. Jacques, J.-A. Glatigny, V. Baccarini, M. Decroly, E. Duliere, F. Derleyn, C. Carez et G. Vercheval, qui ont fait élection de domicile à 1000 Bruxelles, avenue Emile De Mot 19, par lettre recommandée à la poste le 2 avril 1998; - le Gouvernement de la Communauté française, place Surlet de Chokier 15-17, 1000 Bruxelles, par lettre recommandée à la poste le 11 mai 1998; - le Gouvernement flamand, place des Martyrs 19, 1000 Bruxelles, par lettre recommandée à la poste le 14 mai 1998.

Ces mémoires ont été notifiés conformément à l'article 89 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 22 mai 1998.

Des mémoires en réponse ont été introduits par : - C. Molers et autres, par lettre recommandée à la poste le 22 juin 1998; - le Gouvernement de la Communauté française, par lettre recommandée à la poste le 22 juin 1998; - le Gouvernement flamand, par lettre recommandée à la poste le 23 juin 1998; - les parties requérantes, par lettre recommandée à la poste le 7 juillet 1998.

Par ordonnance du 24 juin 1998, la Cour a déclaré l'affaire en état et fixé l'audience au 9 juillet 1998.

Cette ordonnance a été notifiée aux parties ainsi qu'à leurs avocats par lettres recommandées à la poste le 24 juin 1998.

A l'audience publique du 9 juillet 1998 : - ont comparu : . Me V. De Wolf et Me P. Simonart, avocats au barreau de Bruxelles, pour les parties requérantes; . Me J. Sohier, avocat au barreau de Bruxelles, pour les parties intervenantes; . Me M. Nihoul, avocat au barreau de Bruxelles, pour le Gouvernement de la Communauté française; . Me P. De Somere loco Me P. Devers, avocats au barreau de Gand, pour le Gouvernement flamand; - les juges-rapporteurs J. Delruelle et A. Arts ont fait rapport; - les avocats précités ont été entendus; - l'affaire a été mise en délibéré.

La procédure s'est déroulée conformément aux articles 62 et suivants de la loi organique, relatifs à l'emploi des langues devant la Cour.

III. Les dispositions entreprises «

Art. 27.[Dans le décret du 5 août 1995 portant diverses mesures en matière d'enseignement supérieur], est inséré un chapitre II intitulé ' Dispositions relatives aux notions " d'étudiant régulièrement inscrit " et " d'étudiant entrant en ligne de compte pour le financement " dans l'enseignement supérieur artistique et dans l'enseignement artistique supérieur ' et comprenant les articles 6 à 15, rédigés comme suit : ' Chapitre II. Dispositions relatives aux notions " d'étudiant régulièrement inscrit " et " d'étudiant entrant en ligne de compte pour le financement " dans l'enseignement supérieur artistique et dans l'enseignement artistique supérieur.

Article 7.Parmi les étudiants régulièrement inscrits, entrent en ligne de compte pour le financement : 1° les étudiants de nationalité belge;2° les étudiants étrangers suivants : a) de nationalité luxembourgeoise;b) dont le père ou la mère ou le tuteur légal a la nationalité belge;c) dont le père ou la mère ou le tuteur réside régulièrement en Belgique;d) dont le conjoint réside en Belgique et y exerce une activité professionnelle ou y bénéficie d'un revenu de remplacement;e) qui résident en Belgique et y ont obtenu les avantages liés au statut de réfugié ou de candidat réfugié, accordé par la délégation en Belgique du Haut Commissariat des Nations unies pour les Réfugiés, ainsi que ceux dont le père ou la mère ou le tuteur légal se trouve dans la même situation;f) qui sont pris en charge ou entretenus par les Centres publics d'aide sociale, dans un home qui appartient à ceux-ci ou dans un home auquel ils ont été confiés;g) qui résident en Belgique, y exercent une activité professionnelle réelle et effective ou y bénéficient de revenus de remplacement;h) qui sont ressortissants d'un pays ayant conclu avec la Belgique ou la Communauté française un accord spécifique, dans le cadre et les limites de cet accord;i) qui ont obtenu une bourse d'études à charge des crédits nationaux de la coopération au développement;j) qui ont obtenu une bourse d'études de la Communauté française dans le cadre et dans les limites d'un accord culturel conclu par la Belgique ou la Communauté française;k) autres que ceux mentionnés aux points a) à j).Toutefois, ces étudiants ne peuvent intervenir qu'à concurrence de 2 p.c. maximum du nombre d'étudiants belges régulièrement inscrits au 1er février de l'année scolaire ou académique précédente dans l'établissement concerné, et à condition que le droit d'inscription complémentaire requis ait été perçu par l'établissement et versé par lui au ministère de la Communauté française.

Article 10.§ 1er. L'étudiant choisit librement l'établissement auquel il souhaite s'inscrire. Tout étudiant peut s'inscrire dans l'établissement de son choix jusqu'au 15 novembre de l'année scolaire ou académique en cours. § 2. Toutefois, par décision formellement motivée, la direction de l'établissement mentionné au § 1er peut refuser l'inscription d'un étudiant : 1° lorsque cet étudiant a fait l'objet dans le même établissement, au cours de l'année scolaire ou académique précédente, d'une sanction disciplinaire ayant entraîné son éloignement de l'établissement pour le reste de l'année scolaire ou académique;2° lorsque cet étudiant est visé par l'article 7, 2°, k), sauf s'il est ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, ou par l'article 9 du présent décret;3° lorsque cet étudiant demande son inscription à un programme de cours qui ne donne pas lieu à financement par la Communauté française. § 3. L'information par laquelle la décision du refus d'inscription d'un étudiant lui est communiquée, doit intervenir endéans un délai de 15 jours prenant cours au jour de la réception de la demande de l'étudiant. § 4. L'étudiant dont on a refusé l'inscription doit en être informé par pli recommandé. Cette information contient également les modalités d'exercice des droits de recours.

Lorsque ce refus émane d'un établissement organisé par la Communauté française, l'étudiant peut, dans les 10 jours, par pli recommandé, faire appel de la décision devant le Gouvernement qui peut, dans les 30 jours, invalider le refus.

Lorsque ce refus émane d'un établissement subventionné par la Communauté française, l'étudiant peut, dans les 10 jours, par pli recommandé, faire appel de la décision devant la commission visée au dernier alinéa, qui peut, dans les 30 jours, invalider le refus.

Les établissements subventionnés par la Communauté française prévoient, dans leurs dispositions réglementaires, la création et l'organisation d'une commission chargée de recevoir les plaintes des étudiants relatives à un refus d'inscription. Cette commission, qui présente des garanties d'indépendance, peut, dans le respect des modalités fixées par les dispositions réglementaires, invalider le refus. § 5. La preuve que l'étudiant ne se trouve pas dans les cas visés au § 2, 2°, est apportée par tout document probant ou à défaut par une déclaration sur l'honneur signée par l'étudiant.

En cas de fraude, l'étudiant perd immédiatement la qualité d'étudiant régulièrement inscrit, de même que les effets de droits attachés à la réussite d'épreuves. § 6. A partir de l'année académique 1998-1999 et sauf dérogation accordée par le Gouvernement, dans les conditions qu'il détermine, nul ne peut être inscrit aux études s'il n'a pas fait la preuve d'une maîtrise suffisante de la langue française.

Cette preuve peut être apportée : 1° soit par la réussite d'un examen organisé à cette fin par un ou plusieurs établissements suivant des dispositions arrêtées par le Gouvernement;2° soit par la possession d'un diplôme, belge ou étranger, sanctionnant le cycle final d'études secondaires ou un cycle d'études supérieures suivis dans un établissement dont la langue d'enseignement est la langue française;3° soit par la possession d'un diplôme, belge ou étranger, sanctionnant le cycle final d'études secondaires ou un cycle d'études supérieures suivis dans un établissement dont la langue d'enseignement est partiellement la langue française, si, après examen du programme d'études suivi dans le cadre de ces études, le Gouvernement assimile, en vue de l'application de la présente disposition, la possession de ce diplôme à celle du diplôme repris sous 2°;le Gouvernement fixe la liste des diplômes ainsi assimilés.

Le diplôme sanctionnant le cycle final d'études secondaires ou un cycle d'études supérieures suivis dans un établissement relevant de la Communauté germanophone et dont la langue de l'enseignement est partiellement la langue française est assimilé à un des diplômes visés au 2°.

IV. En droit - A - Requête Quant à l'intérêt des parties requérantes A.1. Les dispositions attaquées ont pour effet d'exclure la majorité des étudiants étrangers du financement par la Communauté française et en tout cas si leur nombre est supérieur à 2 p.c. du nombre d'étudiants belges régulièrement inscrits et de préjudicier manifestement tant l'établissement et son organisation que les étudiants, en ce que l'article 10 du décret de la Communauté française du 5 août 1995, inséré par l'article 27 du décret attaqué, a pour effet d'exclure toute possibilité d'organiser un examen d'entrée préalable à l'inscription en première année.

Les dispositions entreprises risquent en outre d'avoir des répercussions dommageables sur le programme des cours et la pédagogie de l'Ecole nationale supérieure des arts visuels de « La Cambre », institut ayant mis l'accent de manière spécifique sur cet aspect qui fait partie de sa notoriété.

L'impossibilité d'organiser un examen d'entrée est aussi contraire à l'intérêt des étudiants parce que cet examen permet au candidat d'évaluer ses compétences et aptitudes à suivre cet enseignement de type long.

L'application immédiate des dispositions attaquées, lors de la prochaine rentrée académique, lésera gravement les requérants.

Tout d'abord, en ce qui concerne l'écartement pour le financement des étudiants étrangers au-delà du seuil de 2 p.c. maximum du nombre d'étudiants belges régulièrement inscrits, il convient de souligner la situation toute particulière de l'école de La Cambre composée de près de 30 p.c. d'étudiants étrangers attirés par la renommée internationale de l'école et par sa notoriété, notamment en raison de ses méthodes pédagogiques. L'accès à l'enseignement de ces étudiants étrangers sera entravé par l'obligation de payer un droit d'inscription complémentaire. En outre, les étudiants étrangers déjà inscrits dans les différentes années des deux cycles d'études verront leur situation radicalement changer vu qu'ils ne seront plus susceptibles d'être subventionnés et, par voie de conséquence, risquent d'être écartés alors même qu'ils auraient déjà suivi une ou plusieurs années d'études. Cette situation viole manifestement leur droit à l'instruction et à la continuité d'un enseignement spécifique tel qu'ils l'ont suivi jusque maintenant.

Ensuite, en ce qui concerne la suppression de toute épreuve artistique pour l'admission à l'établissement, l'application immédiate de cette disposition va bouleverser l'organisation et le bon fonctionnement de la prochaine première candidature. Elle va donc nuire à la qualité de l'enseignement tel qu'il est dispensé actuellement. « Cette situation a pour effet de priver les élèves du suivi pédagogique (la transmission de l'expérience professionnelle de l'enseignant ne pouvant se faire de manière rationnelle qu'à un nombre limité d'étudiants, comme c'est le cas actuellement où les cours sont donnés en ateliers composés d'une vingtaine d'étudiants) en raison de l'augmentation considérable d'étudiants sans que le nombre d'enseignants n'augmente. Le nombre d'élèves doublera de manière telle que l'enseignement spécifique de La Cambre disparaîtra purement et simplement. » Enfin, en ce qui concerne le matériel, l'école ne dispose que de moyens adaptés à une population déterminée, par exemple en termes de locaux ou de personnel. La spécificité de l'école sera de la sorte méconnue. Le désordre ainsi occasionné lors de la prochaine rentrée académique se reportera par la suite sur les années ultérieures, de sorte que l'ensemble des étudiants des deux cycles d'études se verront affectés par les mesures attaquées et privés de la qualité pédagogique spécifique de l'école.

Quant aux moyens A.2.1. Le premier moyen est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution combinés avec l'article 7 du Traité de Rome instituant la Communauté économique européenne, les articles 14 de la Convention européenne des droits de l'homme et 2 du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne, l'article 13 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels du 19 décembre 1966, et l'article 12 du règlement (CEE) n° 1612/68 du 15 octobre 1968 relatif à la libre circulation des travailleurs à l'intérieur de la Communauté.

A.2.2. Dans une première branche, il est soutenu que l'article 27 du décret entrepris, en ce qu'il insère dans le décret du 5 août 1995 un article 7, opère une différence de traitement pour le financement des étudiants régulièrement inscrits entre, d'une part, les étudiants de nationalité belge et, d'autre part, les étudiants étrangers qui, sous réserve des exceptions prévues à l'article 7, 2°, a) à j), ne peuvent intervenir qu'à concurrence de 2 p.c. maximum du nombre d'étudiants belges régulièrement inscrits au 1er février de l'année académique précédente dans l'établissement concerné, et à condition que le droit d'inscription complémentaire requis ait été perçu par l'établissement et versé par lui au ministère de la Communauté française.

Or, l'essence même des dispositions de droit européen reprises au moyen interdit toute discrimination fondée sur la nationalité; l'imposition d'un droit d'inscription comme condition d'accès aux études pour les étudiants ressortissants d'un autre Etat membre de l'Union européenne, lorsqu'une même charge n'est pas imposée aux étudiants nationaux, constitue une discrimination prohibée au sens de l'article 7 du Traité de Rome interdisant toute discrimination fondée sur la nationalité; en outre, parmi les étudiants étrangers, il est opéré une discrimination prohibée par les dispositions énumérées au moyen entre la catégorie d'étudiants prévue par l'article 7, 2°, a) à j), et celle prévue à l'article 7, 2°, k).

A.2.3. En sa deuxième branche, le moyen critique la différence de traitement opérée par l'article 27 du décret attaqué, en tant qu'il insère dans le décret du 5 août 1995 un article 10, quant au principe de liberté reconnu à l'étudiant de s'inscrire dans l'établissement de son choix et à la possibilité pour l'établissement de refuser son inscription, entre, d'une part, les étudiants de nationalité belge et, d'autre part, les étudiants étrangers visés par l'article 7, 2°, k), ou ceux dont l'inscription ne donne pas lieu à un financement par la Communauté française. Or, le libre accès à l'enseignement professionnel est consacré par les dispositions invoquées au moyen, le droit à l'instruction doit être respecté sans distinction fondée sur la nationalité, et la discrimination instaurée ne peut faire l'objet d'aucune justification raisonnable. La jurisprudence de la Cour d'arbitrage concernant l'article 191 de la Constitution est également rappelée. Le législateur méconnaît dès lors la liberté de choix de l'enseignement, composante essentielle du droit à l'instruction, liberté qui peut se déterminer en raison d'un projet pédagogique déterminé.

A.2.4. Le second moyen est pris de la violation des articles 10, 11 et 24 de la Constitution, en ce que l'article 27 du décret attaqué qui insère un article 10 dans le décret du 5 août 1995 dispose que l'étudiant choisit librement l'établissement auquel il souhaite s'inscrire et que la direction ne peut refuser son inscription par décision formellement motivée que dans certains cas délimités, parmi lesquels ne figure point l'obligation de réussite d'une épreuve artistique organisée. La disposition attaquée ne fait à cet égard aucune distinction entre les établissements d'enseignement. Or, les règles d'égalité et de non-discrimination interdisent de traiter de manière identique des personnes se trouvant dans des situations différentes, sauf justification objective et raisonnable. Le décret attaqué méconnaît ainsi les spécificités d'un enseignement supérieur artistique de qualité, tel que celui dispensé par l'école de La Cambre qui développe largement la création artistique notamment par une pédagogie adaptée et active, axée sur la formation de la personnalité et l'esprit de recherche. Or, l'article 10 susmentionné empêche toute possibilité de poursuivre les buts envisagés par le créateur de l'établissement, et rend notamment impossible le respect d'une pédagogie contribuant à sa notoriété et sa réputation, vu l'accroissement inévitable de la population estudiantine.

Dès lors que la relation maître-étudiant doit pouvoir rester une priorité, il est impératif d'adapter le niveau d'encadrement et donc le financement nécessaire à cette fin. La spécificité de l'enseignement artistique et surtout les méthodes pédagogiques particulières à l'école de La Cambre constituent des différences objectives justifiant un traitement approprié.

Mémoire en intervention A.3.1. C. Molers et consorts, tous membres du corps enseignant de l'Ecole nationale supérieure des arts visuels « La Cambre », ont introduit un mémoire en intervention demandant d'être admis à la cause en qualité de partie intervenante et de suspendre l'exécution des dispositions attaquées ainsi que de les annuler.

Ils justifient leur intérêt à agir par les répercussions certaines sur le programme des cours, sur le contenu de ceux-ci et sur la pédagogie de l'établissement qu'auront les dispositions entreprises.

A.3.2. Leur argumentation quant aux moyens est très largement identique à celle des requérants. Tout au plus insistent-ils, à propos du deuxième moyen, sur la liberté de l'enseignement, que les requérants tirent des dispositions constitutionnelles, conçue comme la liberté de mettre en oeuvre une méthode pédagogique particulière conditionnée par le fait que le nombre total d'étudiants ne dépasse pas un seuil maximum. Ils s'interrogent dès lors sur l'objectif poursuivi par la disposition attaquée, sur son caractère légitime, ainsi que sur la proportionnalité des moyens utilisés à cette fin, tout particulièrement au regard de l'importance des buts et des méthodes pédagogiques poursuivis par les parties requérantes.

Mémoire du Gouvernement de la Communauté française Quant à l'article 7 du décret du 5 août 1995 en ce qu'il opérerait une différence de traitement discriminatoire dans le financement des établissements d'enseignement artistique supérieur entre les étudiants belges et les étudiants étrangers principalement ressortissants des autres Etats membres de l'Union européenne A.4.1. Les requérants n'ont pas intérêt à agir parce que la norme concerne le financement des établissements d'enseignement artistique supérieur. Des étudiants ne sont donc pas directement concernés par une telle disposition.

Subsidiairement, pour justifier de leur intérêt à agir, les requérants doivent encore démontrer qu'ils possèdent la nationalité d'un Etat membre de l'Union européenne autre que la Belgique et qu'ils n'appartiennent pas à l'une des catégories d'étudiants visées à l'article 7, 2°, a) à j).

A.4.2. Le premier moyen dans sa première branche n'est pas fondé.

Les articles 10 et 11 de la Constitution combinés avec les articles 5 et 6 du Traité C.E. ne sont pas violés parce que la disposition entreprise est étrangère au domaine d'application du Traité instituant la Communauté européenne. En matière d'enseignement, seul l'accès à la formation professionnelle constitue un domaine d'application du Traité. La jurisprudence de la Cour européenne de justice est invoquée à l'appui de cette thèse. Cette Cour a toujours considéré le principe communautaire de non-discrimination comme étant limité dans son application en matière d'enseignement à l'accès des étudiants européens à la formation professionnelle. Elle a en revanche toujours rejeté sur cette base l'accès des établissements d'enseignement à un quelconque financement. Il en résulte que la discrimination invoquée est inexistante. Les étudiants ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne autre que la Belgique ont accès à l'enseignement supérieur exactement dans les mêmes conditions que les nationaux. Le financement est pour sa part global dans le chef des établissements d'enseignement supérieur. Les étudiants belges constituent seulement un critère formel de financement retenu par le législateur.

L'enseignement lui aussi est global. Il bénéficiera, compte tenu du budget et des priorités définies au sein de chaque établissement d'enseignement, à tous les étudiants.

En ne permettant pas au chef d'établissement de refuser l'accès à l'enseignement supérieur artistique aux étudiants ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne autre que la Belgique et en ne subordonnant pas cet accès au paiement d'un minerval complémentaire, la disposition attaquée ne constitue pas une discrimination au sens du droit communautaire.

Il n'y a pas non plus violation des articles 10 et 11 de la Constitution combinés avec l'article 14 de la Convention européenne des droits de l'homme et l'article 2 du Premier Protocole additionnel à cette Convention. Cet article 2 vise en effet le droit à l'instruction alors que la norme entreprise a uniquement trait au financement.

Il n'y a pas non plus violation des articles 10 et 11 de la Constitution combinés avec le règlement C.E. n° 1612/68 dont l'article 12 ouvre le droit d'accès à l'instruction en Belgique aux enfants d'un ressortissant européen établi sur le territoire belge. Outre le fait qu'un tel droit est garanti par l'article 7, 2°, c), de la disposition entreprise, il faut encore relever que cette disposition ne vise que le financement des établissements d'enseignement et non le droit d'accès à l'instruction.

Il n'y a pas non plus lieu de suivre les requérants dans leur critique des critères de financement différenciés au profit de certaines catégories d'étrangers. Les critères sont manifestement objectivement et raisonnablement justifiés par la prise en compte de liens particuliers permanents et organiques ou ponctuels et spécifiques, par la prise en compte de la contribution effective au système éducatif organisé par la Communauté française par le biais du paiement effectif d'impôts en Belgique et par la prise en compte de critères humanitaires.

Quant au nouvel article 10, § 2, 2° et 3°, du décret du 5 août 1995 en ce qu'il opérerait une différence de traitement discriminatoire pour l'accès à l'enseignement artistique supérieur entre les étudiants belges et les étudiants étrangers A.5.1. Pour justifier de leur intérêt à agir, les requérants doivent encore démontrer qu'ils ne possèdent pas la nationalité d'un Etat membre de l'Union européenne autre que la Belgique et qu'ils n'appartiennent pas à l'une des catégories d'étudiants visées à l'article 7, 2°, a) à j).

A.5.2. Puisque cette deuxième branche du premier moyen ne s'applique qu'aux étudiants ressortissants d'un Etat qui n'est pas membre de l'Union européenne, les seules dispositions sur lesquelles elle peut se fonder sont l'article 24 de la Constitution combiné avec l'article 14 de la Convention européenne des droits de l'homme et l'article 2 du Premier Protocole additionnel à cette Convention. Cet article 2 ne garantit pas un droit d'accès à l'enseignement à tous les étudiants relevant de la juridiction des Etats signataires de la Convention et de son Protocole. Seule une distinction purement arbitraire serait susceptible de violer cette disposition qui ne fait pas obstacle à une réglementation du droit à l'enseignement en fonction des besoins et des possibilités de la communauté et de l'individu. En permettant, dans certaines circonstances, au chef d'établissement de refuser, « par décision formellement motivée », l'inscription d'un étudiant qui n'est pas ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne et qui n'entre pas dans une des catégories spécifiques visées à l'article 7, 2°, b) à j), la disposition entreprise réglemente le droit à l'instruction en fonction d'impératifs pédagogiques et financiers qui permettent de tenir compte des besoins et des possibilités de la communauté.

Quant au nouvel article 10 du décret du 5 août 1995 en ce qu'il n'autoriserait plus les établissements d'enseignement artistique supérieur à refuser l'inscription d'un étudiant n'ayant pas réussi « une épreuve artistique organisée » A.6.1. Les requérants ne justifient en rien d'un intérêt direct à l'annulation de cette disposition, puisqu'ils ont tous entamé leurs études à l'école de La Cambre et que l'effet allégué de l'application de la norme entreprise ne concernerait que l'organisation de la seule première année d'études.

Le préjudice invoqué par les requérants semble bien excessif et n'est pas encore déterminable. Les effets de l'application immédiate de la norme sont exagérés de manière grossière.

Les requérants ne tiennent pas non plus compte d'une série d'éléments susceptibles de réduire la portée des effets de l'absence éventuelle d'un examen d'entrée, comme par exemple la possibilité laissée au directeur d'établissement de refuser l'inscription de certains étudiants.

A.6.2. Le moyen n'est par ailleurs pas fondé.

Le Gouvernement de la Communauté française soutient que tout établissement pourrait « invoquer sa spécificité et ses impératifs pédagogiques pour demander la possibilité d'organiser une épreuve préalable de sélection ». Or, en plaçant explicitement les établissements d'enseignement artistique supérieur dans une situation différente, le décret attaqué aurait créé une autre forme de discrimination. Par ailleurs, rien n'interdit aux établissements de renforcer les exigences requises pour la réussite de la première candidature.

A titre subsidiaire, ni les termes du décret ni le contenu des travaux préparatoires ne semblent éliminer explicitement toute possibilité d'organiser une épreuve de sélection préalable à l'inscription. Une lecture conciliatrice des dispositions impliquées semble permettre d'affirmer que les dispositions de l'article 11 de l'arrêté royal du 4 avril 1980 et de l'article 5 de l'arrêté royal du 31 août 1978 ne sont pas implicitement abrogées par l'article 10 nouveau du décret du 5 août 1995.

En toute hypothèse, la discrimination invoquée ne trouve pas son origine dans le contenu de l'article 10 mais dans l'absence de réglementation spécifique concernant la possibilité d'organiser une épreuve de sélection. Une annulation de la disposition ne changerait rien au problème et créerait d'autres discriminations, en supprimant les autres motifs du refus d'inscription.

Mémoire du Gouvernement flamand A.7. Le Gouvernement flamand déclare intervenir dans cette affaire et se réserve explicitement le droit de préciser sa position dans un mémoire ultérieur.

Pour ce qui concerne la première branche du premier moyen, en tant qu'elle invoque la violation des articles 10 et 11 de la Constitution lus en connexité avec l'article 7 du Traité de Rome et avec l'article 12 du règlement du 15 octobre 1968, il s'en remet à la sagesse de la Cour eu égard à la réglementation en vigueur dans la Communauté flamande (article 177, § 1er, 2°, a), du décret du 13 juillet 1994 relatif aux instituts supérieurs en Communauté flamande modifié).

Mémoire en réponse du Gouvernement de la Communauté française A.8. Le Gouvernement de la Communauté française a transmis, pour avis, à la section de législation du Conseil d'Etat un avant-projet de décret portant diverses mesures urgentes en matière d'enseignement. En principe, ce texte devrait être soumis au vote du Conseil de la Communauté française avant la fin du mois de juillet 1998. L'une des dispositions de cet avant-projet exempte les établissements de l'enseignement artistique supérieur du troisième degré de l'application de certaines des dispositions faisant l'objet du recours. L'adoption de ce décret ferait disparaître l'intérêt au recours à tout le moins dans les deux branches du premier moyen. La Cour n'aurait plus alors qu'à constater au moins partiellement le défaut d'intérêt au recours ou le défaut d'objet du recours.

Encore faudrait-il que ce décret ait franchi toutes les étapes du processus législatif, en ce compris la publication, avant le 4 septembre 1998, ce qui n'est pas une certitude. Dans l'intérêt d'une bonne justice, le Gouvernement de la Communauté française demande en conséquence à la Cour, si le décret susvisé n'était pas publié avant le 4 septembre 1998, de proroger exceptionnellement le délai visé à l'article 25 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 jusqu'à la date de publication dudit décret. Si le texte de l'article 25 ne semble pas permettre explicitement une telle dérogation, il faut cependant se référer à l'esprit de cette disposition. A l'appui de cette thèse, est invoqué un extrait des travaux préparatoires de la loi du 28 juin 1983. L'avantage d'une telle solution serait en outre d'offrir aux requérants un résultat plus favorable que celui résultant d'une annulation partielle de la norme entreprise.Il ne faut par ailleurs pas perdre de vue que la publication d'une norme communautaire par les services du Moniteur belge est une compétence fédérale sur laquelle la Communauté française ne dispose d'aucune maîtrise.

A.9. Le Gouvernement de la Communauté française maintient son argumentation quant à l'irrecevabilité du recours en annulation et, par voie de conséquence, des interventions.

Ces interventions sont d'ailleurs elles aussi irrecevables. Les professeurs de La Cambre n'ont aucun intérêt à agir en ce qui concerne le premier moyen, puisque les dispositions en cause concernent uniquement les étudiants.

Ils n'ont pas non plus intérêt en ce qui concerne le deuxième moyen.

Leur intérêt est subsidiaire par rapport à celui de l'établissement lui-même. L'argument tiré du lien hiérarchique entre la directrice de l'établissement et le Gouvernement de la Communauté française ne peut être retenu puisqu'un tel rapport hiérarchique existe également entre les professeurs et la Communauté française.

A.10.1. Le Gouvernement de la Communauté française défend à titre principal le caractère totalement non fondé de la première branche du premier moyen. L'article 7 nouveau du décret du 5 août 1995 ne viole pas les dispositions visées au moyen en ce qu'il ne permet pas la perception d'un droit d'inscription complémentaire à charge des étudiants européens mais se contente de limiter à 2 p.c. maximum du nombre d'étudiants belges inscrits le financement des étudiants étrangers.

A titre subsidiaire, si la Cour maintient la solution retenue dans l'arrêt de suspension, il est absolument nécessaire d'effectuer une distinction entre les étudiants étrangers ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne et les autres étudiants étrangers. La motivation de l'arrêt de suspension ne comprend aucun développement en ce qui concerne la différence de traitement entre les Belges, d'une part, et les étudiants étrangers qui ne sont pas ressortissants d'un autre Etat membre de l'Union européenne, d'autre part. Il est donc surprenant que le dispositif de l'arrêt n'effectue aucune distinction entre étudiants étrangers. Si cette solution était confirmée dans l'arrêt sur le recours en annulation, cela signifierait que l'accès à l'enseignement supérieur, dans sa globalité et sous toutes ses formes, en Communauté française mais aussi dans les autres communautés, devrait être considéré du jour au lendemain comme complètement libre et universellement ouvert.

Une distinction entre étudiants étrangers ressortissants d'un autre Etat membre de l'Union européenne, d'une part, et non ressortissants d'un tel Etat, d'autre part, peut être objectivement et raisonnablement justifiée pour quatre raisons au moins : l'insupportable charge financière d'un enseignement supérieur universellement accessible, l'absence complète de capacité contributive des étudiants étrangers, l'absence de réciprocité et la nécessité de maintenir un accès à l'enseignement supérieur artistique ouvert à un maximum d'étudiants.

A.10.2. Concernant la deuxième branche du premier moyen, il faut vérifier si la différence de traitement opérée par la disposition litigieuse entre les étudiants ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne et les autres étudiants étrangers peut se justifier objectivement et raisonnablement. La circonstance que cette justification n'apparaît pas immédiatement dans les travaux préparatoires du décret ne rend évidemment pas la norme inconstitutionnelle pour la cause. Il appartient à la Cour d'apprécier le caractère objectivement et raisonnablement justifiable ou non de la norme entreprise. A cet égard, il faut relever que la disposition réglemente le droit à l'instruction en fonction d'impératifs pédagogiques et financiers qui permettent de tenir compte des besoins et possibilités de la communauté. Le maintien d'une qualité minimale de l'enseignement artistique supérieur en Communauté française ne permet pas d'assurer sans la moindre limite l'accès aux institutions d'enseignement artistique supérieur à tous les ressortissants de tous les Etats signataires de la Convention européenne des droits de l'homme. Les quatre motifs invoqués plus haut peuvent être transposés ici pour justifier objectivement et raisonnablement la distinction opérée quant au refus d'inscription dans une école artistique supérieure.

A.10.3. Concernant le deuxième moyen, suite à l'arrêt intervenu sur la demande de suspension, le Gouvernement de la Communauté française ne maintient que l'argument développé à titre subsidiaire dans son mémoire. Une lecture conciliatrice des dispositions impliquées semble permettre d'affirmer que les dispositions de l'article 11 de l'arrêté royal du 4 avril 1980 et de l'article 5 de l'arrêté royal du 31 août 1978 ne sont pas implicitement abrogées par l'article 10 nouveau du décret du 5 août 1995. Seule la réforme fondamentale de l'enseignement artistique, et notamment de l'organisation des différents établissements d'enseignement, pourrait venir modifier explicitement les dispositions relatives à l'obligation de réussite d'une épreuve artistique. Une telle lecture conciliatrice aurait exactement le même effet que celui qu'entraînerait l'interprétation de la norme telle qu'elle est proposée par la Cour dans son arrêt n° 62/98, sans devoir impliquer une annulation partielle de la norme entreprise. Cette solution serait, de loin, plus conforme au principe de la présomption de constitutionnalité des normes législatives.

Mémoire en réponse des parties intervenantes C. Molers et consorts A.11.1. Les membres du corps enseignant de l'école de La Cambre présentent un intérêt incontestable à intervenir dans cette affaire.

Leur situation est différente de celle des enseignants en cause dans l'arrêt n° 38/94 du 10 mai 1994. Les normes entreprises dans l'affaire présente ne constituent pas seulement des normes de financement de l'institution mais portent également sur les conditions d'accès à l'enseignement et à la formation. Il faut aussi tenir compte de la situation spécifique de La Cambre, qui compte plus de 30 p.c. d'étudiants étrangers, ce qui signifie que l'article 7 attaqué aura des répercussions certaines sur le programme des cours, sur le contenu de ceux-ci et sur la pédagogie de l'établissement. L'intérêt direct est, d'autre part, évident à l'égard de l'article 10 attaqué puisque l'impossibilité de limiter le nombre d'inscriptions aura pour effet de neutraliser la pédagogie qui fait la spécificité des professeurs de l'école.

Par ailleurs, l'école de La Cambre est un établissement d'enseignement supérieur relevant directement de la Communauté française et ne dispose d'aucun pouvoir organisateur propre ni d'aucune forme d'organisation ou d'administration qui lui permettrait d'agir en son nom propre, à la différence de l'établissement en cause dans l'arrêt n° 38/94 précité. A.11.2. Concernant le premier moyen, les normes entreprises établissent une discrimination à raison de la nationalité qui est prohibée tant par le Traité C.E. que par le Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme puisqu'un droit d'inscription est imposé comme condition pour l'accès aux études des étudiants ressortissants d'un autre Etat membre de l'Union européenne. La distinction instaurée n'est justifiée par aucun critère objectif au regard des dispositions du Traité C.E. et de la Constitution belge. La différence de traitement ne porte pas uniquement sur l'octroi du financement mais se répercute inévitablement sur le droit à l'instruction et sur l'accès à la formation universitaire dans le domaine artistique. L'arrêt n° 62/98 du 4 juin 1998 est invoqué à l'appui de cette thèse. Les parties s'interrogent enfin sur le sort des étudiants étrangers qui se trouvent pour le moment en plein cursus et qui du jour au lendemain ne seraient plus subventionnables alors qu'ils ont déjà suivi une ou plusieurs années d'études avec succès.

Concernant le second moyen, il est objecté à la thèse soutenue à titre principal par la Communauté française que la spécificité et les impératifs pédagogiques de l'école de La Cambre étaient bien reconnus auparavant et que l'établissement était ainsi placé de fait et de droit dans une situation différente de celle des autres établissements d'enseignement supérieur. Il ne s'agit donc point d'invoquer ici in abstracto des spécificités pour tenter de bénéficier d'une « discrimination » mais bien tout simplement d'invoquer des spécificités existantes et déjà reconnues par le pouvoir communautaire lui-même, pour postuler que les différences de fait doivent conduire à un traitement différencié en droit. L'arrêt n° 62/98 est également invoqué.

Concernant la thèse défendue à titre subsidiaire par la Communauté française, la perplexité est de mise. Cette thèse contredit radicalement les thèses développées à titre principal; par ailleurs, la lecture conciliatrice est manifestement contraire aux termes et à l'esprit des nouvelles dispositions. La disposition attaquée instaure en effet dans le chef des étudiants un droit à s'inscrire dans l'établissement de leur choix et ne réserve de possibilités de refus d'inscription par la direction de l'établissement que dans des hypothèses strictement limitées. Ces hypothèses constituant des dérogations à un droit subjectif, elles doivent faire l'objet d'une interprétation restrictive; l'article 11 de l'arrêté du 4 avril 1980 constituant la base juridique de l'examen d'entrée contesté ne peut donc être qu'implicitement abrogé. Dans la hiérarchie des sources du droit, un décret a en outre primauté par rapport à un arrêté royal, surtout si, comme en l'occurrence, il s'agit d'un arrêté antérieur.

Il est enfin faux de soutenir que la discrimination invoquée ne trouve pas son origine dans le contenu de l'article 10 puisqu'il suffit de constater que l'examen d'entrée se fonde actuellement sur l'arrêté royal du 4 avril 1980, plus précisément son article 11, et qu'il n'y a donc aucune absence de réglementation spécifique.

Mémoire en réponse du Gouvernement flamand A.12.1. Comme le relève le Gouvernement de la Communauté française, en tant que leur recours est dirigé contre l'article 7 du décret du 5 août 1995 (dans la première branche de leur premier moyen), les requérants n'ont un intérêt suffisant qu'à l'égard de l'article 7, 2°, deuxième partie de la deuxième phrase.

En tant que leur recours est dirigé contre l'article 10 du décret du 5 août 1995, les requérants n'ont, vu le contenu de la deuxième branche de leur premier moyen, qu'un intérêt suffisant à l'égard du paragraphe 2, 2°, et éventuellement 3°. De plus, vu l'articulation du premier moyen, les parties devraient encore fournir la preuve, si les conditions liées au droit d'inscription disparaissent suite à l'annulation de la disposition déjà suspendue par la Cour, qu'elles ne possèdent pas la nationalité d'un Etat membre de l'Union européenne et qu'elles ne ressortissent pas à l'une des catégories visées à l'article 7, 2°, a) à j).

A.12.2. Concernant la première branche du premier moyen, étant donné la législation applicable en Communauté flamande (article 177, § 1er, 2°, a), du décret du 13 juillet 1994 concernant les hautes écoles dans la Communauté flamande tel qu'il a été modifié), le Gouvernement flamand s'en remet à la sagesse de la Cour.

En tant que cette branche dénonce également la différence de traitement qui est faite entre les différentes catégories d'étudiants étrangers, mis à part le problème des ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne, il faut considérer que la différence repose sur un critère objectif qui prend en outre en compte le but poursuivi et respecte le principe de proportionnalité. Elle repose en effet sur le lien spécifique de l'étudiant étranger avec la Belgique et/ou avec une de ses communautés et il est pertinent de financer de la même manière l'étudiant qui peut faire apparaître ce lien et l'étudiant belge. En outre, les étudiants étrangers autres que ceux qui sont visés à l'article 7 peuvent être pris en considération pour le financement avec la limite du maximum de 2 p.c. du nombre d'étudiants belges, limite qui est objectivement justifiée compte tenu des moyens financiers disponibles dont la Communauté dispose eu égard à l'étendue de ses tâches en matière d'enseignement et en dehors de cette matière.

Le législateur peut valablement faire une distinction entre les étudiants étrangers suivant qu'ils sont ou non membres d'un Etat de l'Union européenne. L'arrêt du 7 août 1996 de la Cour européenne des droits de l'homme est invoqué à l'appui de cette thèse. Cette distinction repose sur une justification objective et raisonnable : les Etats membres de l'Union européenne forment un ordre juridique spécifique. Dans le même contexte, il n'est pas interdit de demander à des étudiants étrangers qui ne sont pas membres d'un Etat de l'Union européenne un droit d'inscription particulier.

Concernant la deuxième branche du premier moyen, le Gouvernement flamand s'en réfère à l'argumentation de la Communauté française sous la seule réserve de ce qui a été déjà dit concernant les étudiants étrangers ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne quant à la prise en considération de ces étudiants pour le calcul de la norme de 2 p.c.

A.12.3. Concernant le deuxième moyen, le Gouvernement flamand est d'avis que la spécificité de l'enseignement artistique supérieur peut justifier une certaine limitation de l'accès à l'enseignement, qui peut être rendue nécessaire par application des règles d'égalité et de liberté d'enseignement, sur la base des besoins et des possibilités de la communauté et de l'individu. Le Gouvernement flamand est cependant d'avis que le choix quant à la manière dont l'accès ou l'accès futur à l'enseignement doit être limité appartient au législateur compétent.

Mémoire en réponse des parties requérantes A.13.1. Les étudiants de l'établissement sont lésés directement par les dispositions du nouvel article 7 du décret du 5 août 1995. Le mode de détermination du financement qui est prévu par cette disposition affecte directement et défavorablement leur situation puisque la continuité de l'enseignement et plus particulièrement de l'outil pédagogique de l'école est niée par les dispositions attaquées. Les requérants sont atteints dans leur droit à l'instruction, tel qu'il est reconnu par les dispositions invoquées à l'appui du moyen.

De plus, en raison de la composition de la population scolaire de La Cambre, c'est l'existence même de l'établissement artistique qui est mise en péril dès lors que les étudiants étrangers, qui représentent au total plus de 30 p.c. du nombre d'étudiants, seront écartés du financement.

La référence à l'arrêt n° 38/94 de la Cour d'arbitrage n'est pas pertinente parce que in specie l'école de La Cambre ne dispose d'aucun pouvoir organisateur distinct de la Communauté française et surtout parce que La Cambre ne jouit d'aucune personnalité juridique propre ni d'aucune entité structurelle lui permettant d'ester en justice à défaut de conseil d'administration ou de conseil de direction.

Concernant les éléments de preuve demandés par la Communauté française, les document ad hoc ont été remis au greffe de la Cour.

A.13.2. Les étudiants de l'établissement ont également intérêt à l'annulation du nouvel article 10 du décret du 5 août 1995. La thèse de la Communauté française ne peut être retenue parce qu'elle reviendrait à supprimer toute possibilité pour un étudiant régulièrement inscrit auprès d'un établissement scolaire de poursuivre l'annulation d'une norme législative lui faisant grief. Par ailleurs, il faut observer que le dommage que subiront les requérants est certain : en l'absence d'épreuve préalable, il y aura un accroissement considérable de la population estudiantine qui portera irrémédiablement atteinte à la qualité de l'enseignement. Il est par ailleurs curieux que la partie intervenante soutienne que le préjudice puisse être évité par des refus d'inscription laissés à l'entière autonomie de la direction.

A.13.3. Concernant la première branche du premier moyen, il faut relever que lorsqu'un Etat membre met en oeuvre des cours d'enseignement concernant notamment la formation professionnelle, le fait d'exiger du ressortissant d'un autre Etat membre licitement installé dans le premier Etat un droit d'inscription, qui n'est pas exigé pour ses propres ressortissants, constitue une discrimination en raison de la nationalité interdite par l'article 7 du Traité. La partie intervenante reconnaît d'ailleurs que le mode de financement de l'école est une manière insidieuse mais certaine de limiter l'accès à l'école de La Cambre.

L'interprétation conciliante qui est proposée par la Communauté française n'est pas conforme à une interprétation raisonnable du texte, qui prévoit sans aucun doute une intervention financière des étudiants. Si par impossible, il fallait suivre l'interprétation de la Communauté française, il convient de remarquer que l'établissement ne pourrait pallier l'absence de financement par ses propres moyens et que nécessairement en toute hypothèse, l'accès à la formation serait limité, et ce au détriment des étudiants étrangers qui ne feront pas partie de ces étudiants susceptibles d'être financés.

A.13.4. Concernant la deuxième branche du premier moyen, il faut souligner que la disposition en cause instaure une discrimination fondée sur l'origine nationale non susceptible de justification objective et raisonnable et méconnaissant toute proportionnalité entre les moyens employés et le but visé. Cette situation est aggravée par ailleurs en raison de l'absence de toute motivation devant fonder le refus d'inscription par la direction. C'est d'autant moins admissible qu'est en cause le droit à l'instruction, droit qui fait partie des principes fondamentaux auxquels a égard la Cour d'arbitrage lorsqu'elle doit apprécier des distinctions entre Belges et étrangers.

L'accès aux établissements d'enseignement est une composante essentielle du droit à l'instruction; il inclut le choix de l'établissement qui peut se faire en raison d'un projet pédagogique déterminé, en raison du caractère de l'enseignement et de l'école.

A.13.5. Concernant le second moyen, la spécificité de l'enseignement artistique supérieur de qualité qui est dispensé par l'école de La Cambre est rappelée. La Cambre est un lieu d'apprentissage de techniques, un lieu de pratique d'activités artistiques et de création. Il en résulte des différences objectives qui justifient un traitement approprié. La relation maître-étudiant doit pouvoir rester une priorité et à cette fin, il est impératif d'adapter le niveau d'encadrement et donc le financement nécessaire. L'école de La Cambre est donc un établissement d'enseignement supérieur qui se présente de manière radicalement différente par rapport aux autres établissements et qui justifie de ce fait des règles particulières en droit correspondant à cette différence de fait.

L'interprétation conciliante invoquée par la Communauté française ne peut trouver appui sur le texte attaqué, qui abroge de manière certaine l'organisation de tout examen tel qu'il fut organisé jusqu'à présent. - B - Quant à la demande de prorogation du délai visé à l'article 25 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage B.1.1. Par son arrêt n° 62/98 du 4 juin 1998, la Cour a suspendu les dispositions entreprises.

B.1.2. Le Gouvernement de la Communauté française, se fondant sur les travaux préparatoires de l'article 25 de la loi spéciale du 6 janvier 1989, demande à la Cour, dans l'intérêt d'une bonne justice, de proroger exceptionnellement le délai prévu par cet article, jusqu'à la date de la publication d'un décret modificatif.

B.1.3. Cet article énonce : « La Cour rend son arrêt sur la demande principale dans les trois mois du prononcé de l'arrêt ordonnant la suspension. Ce délai ne peut être prorogé.

Si l'arrêt sur la demande principale n'est pas rendu dans ce délai, la suspension cesse immédiatement ses effets. » B.1.4. La Cour ne peut infléchir le sens d'une disposition législative en faisant prévaloir sur son texte clair des déclarations qui ont précédé son adoption.

La Cour ne peut donc accéder à la demande faite par le Gouvernement de la Communauté française.

Quant à la recevabilité du recours en annulation B.2.1. Le Gouvernement de la Communauté française soutient que les parties requérantes ne justifient pas de l'intérêt requis à l'annulation des dispositions entreprises.

B.2.2. Les parties requérantes sont des étudiants belges et étrangers de l'Ecole nationale supérieure des arts visuels « La Cambre ». Cet établissement se caractérise par la pratique d'une pédagogie qui favorise par priorité la relation maître-étudiant, au sein de petits groupes composés d'étudiants belges et étrangers, qui n'ont été admis qu'après avoir réussi une épreuve artistique.

B.2.3. L'article 7 nouveau du décret du 5 août 1995 n'admet, parmi les étudiants régulièrement inscrits comme entrant en ligne de compte pour le financement, les étudiants étrangers autres que ceux mentionnés aux points a) à j) qu'à concurrence de 2 p.c. maximum du nombre d'étudiants belges et à la condition qu'ils paient un droit d'inscription complémentaire. Par ailleurs, l'article 10, § 2, nouveau, du décret permet de refuser l'inscription des étudiants visés à l'article 7, 2°, k), dudit décret.

L'article 10, § 2, nouveau du décret ne permettrait pas, selon les requérants, de refuser l'inscription d'un étudiant parce qu'il n'a pas réussi un examen d'entrée préalable à l'inscription en première année.

B.2.4. Tous les étudiants requérants peuvent être affectés directement et défavorablement par l'une ou l'autre de ces dispositions, en ce qu'elles sont de nature à porter atteinte à la qualité de l'enseignement artistique dans l'établissement « La Cambre », à la spécificité de la pédagogie qui y est pratiquée, à la réputation de l'établissement et par conséquent à la valeur du diplôme que les parties requérantes souhaitent y obtenir.

L'article 7 peut en outre affecter directement et défavorablement les étudiants étrangers requérants. Il en va de même pour l'article 10, § 2, en ce qui concerne les étudiants étrangers qui ne sont pas ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne.

B.2.5. L'exception d'irrecevabilité du recours est rejetée.

Quant à la recevabilité de l'intervention B.3.1. Le Gouvernement de la Communauté française conteste l'intérêt à intervenir des professeurs de La Cambre.

B.3.2. L'article 87, § 2, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 autorise toute personne justifiant d'un intérêt à intervenir dans une procédure en annulation à la condition de déposer un mémoire dans le délai prescrit.

En tant qu'enseignants, les parties intervenantes ne sont pas affectées directement par l'article 7, nouveau, précité. S'il est vrai qu'une telle disposition pourrait avoir des répercussions indirectes sur leur situation, il n'en demeure pas moins que ce sont les étudiants eux-mêmes qui sont directement atteints par cette disposition.

Les enseignants peuvent en revanche être affectés directement et défavorablement par l'article 10, § 2, nouveau, précité parce que cette disposition est de nature à porter atteinte à la qualité spécifique de l'enseignement artistique dans l'établissement « La Cambre », à la réputation de l'établissement et à leurs conditions de travail au sein de cet établissement.

L'intervention est recevable en ce qu'elle concerne l'article 10, § 2, nouveau du décret.

Quant au premier moyen Sur les deux branches du moyen B.4.1. L'article 7 nouveau du décret du 5 août 1995 prévoit dans son point 2°, k), la perception d'un droit d'inscription complémentaire pour les étudiants étrangers, européens ou non européens, qui ne sont pas mentionnés au point 2°, a) à j).

B.4.2. La disposition attaquée établit, pour ce qui concerne la condition d'un droit d'inscription complémentaire, une distinction qui se fonde sur la nationalité des étudiants concernés.

En ce qui concerne les étudiants étrangers ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne B.5.1. La distinction critiquée ne peut se justifier en tant qu'il s'agit d'étudiants qui sont ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne : l'article 6 du Traité instituant la Communauté européenne (anciennement article 7 du Traité instituant la Communauté économique européenne) interdit, dans le domaine d'application du Traité, toute distinction fondée sur la nationalité.

B.5.2. Sans préjudice des articles 126 et 127 de ce Traité, tels qu'ils ont été modifiés par le Traité de Maastricht du 7 février 1992, il convient de relever que selon la Cour de justice des Communautés européennes, les conditions d'accès à la formation professionnelle relèvent du domaine d'application du Traité et que « l'imposition d'une redevance, d'un droit d'inscription ou d'un minerval, comme condition pour l'accès aux cours d'enseignement professionnel, aux étudiants ressortissant des autres Etats membres, alors qu'une même charge n'est pas imposée aux étudiants nationaux, constitue une discrimination en raison de la nationalité prohibée par l'article 7 du traité » (arrêt Gravier du 13 février 1985, C.J.C.E., Rec., p. 615).

L'exigence d'un droit d'inscription complémentaire dans un établissement d'enseignement artistique comme La Cambre constitue une condition d'admission pour suivre une formation en vue de l'accès à une profession et relève du champ d'application dudit Traité.

B.5.3. Les articles 10 et 11 de la Constitution ont une portée générale. Ils interdisent toute discrimination, quelle qu'en soit l'origine : les règles constitutionnelles de l'égalité et de la non-discrimination sont applicables à l'égard de tous les droits et de toutes les libertés, en ce compris ceux résultant des conventions internationales liant la Belgique, rendues applicables dans l'ordre juridique interne par un acte d'assentiment et ayant effet direct.

B.5.4. La distinction entre les étudiants belges et les étudiants qui sont ressortissants d'un autre Etat membre de l'Union européenne n'est dès lors pas compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution, combinés avec l'article 6 du Traité C.E. En ce qu'il est pris de la violation de ces dispositions, le moyen est fondé.

En ce qui concerne les étudiants étrangers qui ne sont pas ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne B.6.1. Les Etats membres de l'Union européenne forment une communauté ayant un ordre juridique spécifique et ayant institué une citoyenneté propre caractérisée par un certain nombre de droits et d'obligations.

Une différence de traitement fondée sur l'appartenance à cette communauté repose sur un critère objectif.

B.6.2. Il convient cependant d'examiner en l'espèce, en matière d'accès à l'enseignement supérieur, si la mesure en cause est en rapport avec l'objectif poursuivi et si elle n'est pas disproportionnée par rapport à cet objectif.

B.6.3. La mesure critiquée fixe à 2 p.c. maximum le nombre d'étudiants étrangers qui entrent en ligne de compte pour le financement, sans distinguer s'ils sont ou non ressortissants d'un pays de l'Union européenne, de telle sorte qu'elle ne permet ni de déterminer dans quelle proportion la mesure concerne des Européens et des non-Européens ni de savoir si des non-Européens pourront être admis, compte tenu de l'article 10, § 2, 2°, nouveau.

B.6.4. En outre, la mesure subordonne la prise en considération des étudiants étrangers au paiement d'un droit complémentaire dont ni le montant maximum ni les critères d'évaluation n'ont été déterminés par le législateur décrétal, de telle sorte que la Cour ne peut exercer son contrôle.

B.6.5. Enfin, à aucun moment, au cours des travaux préparatoires, il n'a été tenu compte de la catégorie d'établissements à laquelle appartient l'Ecole de la Cambre. Ces établissements fondent la qualité de leur enseignement artistique, la spécificité de leur pédagogie et la valeur des diplômes qu'ils décernent, à la fois sur la sélection qualitative des étudiants qui y sont admis et sur la possibilité qui leur est donnée d'y côtoyer des artistes belges et étrangers.

B.6.6. Les règles constitutionnelles de l'égalité et de la non-discrimination s'opposent à ce que soient traitées de manière identique, sans qu'apparaisse une justification raisonnable, des catégories de personnes se trouvant dans des situations qui, au regard de la mesure considérée, sont essentiellement différentes.

L'existence d'une telle justification doit s'apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause; le principe d'égalité est violé lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.

B.6.7. En prenant une mesure fondée manifestement sur un objectif budgétaire, sans qu'ait été examiné si cet objectif doit l'emporter sur toute autre considération à l'égard d'établissements qui ont la vocation spécifique mentionnée en B.6.5, le législateur décrétal, qui n'a manifesté à aucun moment la volonté de remettre en cause cette spécificité, a pris une mesure qui, compte tenu des effets qu'elle peut avoir à l'égard de ces établissements, n'est pas raisonnablement justifiée.

B.6.8. En ce qu'il est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, le moyen est fondé.

Quant au second moyen B.7. Le second moyen est pris de la violation des articles 10, 11 et 24 de la Constitution, en ce que l'article 27 du décret attaqué, qui insère un article 10 dans le décret du 5 août 1995, dispose que l'étudiant choisit librement l'établissement auquel il souhaite s'inscrire et que la direction ne peut refuser son inscription par décision formellement motivée que dans certains cas limités, parmi lesquels ne figure pas l'obligation de réussite d'une épreuve artistique organisée.

B.8. Le moyen revient à soutenir que, en ne prévoyant que trois hypothèses de refus d'admission, l'article 10, § 2, aurait implicitement abrogé les dispositions réglementaires qui subordonnent l'accès à une école telle que « La Cambre » à la réussite d'une épreuve artistique (article 1er de l'arrêté royal du 31 août 1978 relatif aux conditions de classement de l'enseignement des arts plastiques de plein exercice dans les trois degrés de l'enseignement artistique supérieur; article 11 de l'arrêté royal du 4 avril 1980 fixant les nouvelles structures et l'organisation des études de l'Ecole nationale supérieure des arts visuels de la Cambre).

B.9. Les arrêtés royaux des 31 août 1978 et 4 avril 1980 ont tous deux été pris en exécution de la loi du 14 mai 1955Documents pertinents retrouvés type loi prom. 14/05/1955 pub. 19/06/2009 numac 2009000396 source service public federal interieur Loi relative aux baux emphytéotiques Coordination officieuse en langue allemande fermer sur l'enseignement artistique, dont la survie du moins en partie doit notamment se déduire de l'article 9, § 1er, 4°, nouveau, du décret du 5 août 1995.

Le premier établit le régime organique de l'enseignement artistique supérieur du troisième degré et pose comme conditions d'admission : « 1° la possession du diplôme homologué d'aptitude à accéder à l'enseignement supérieur; 2° la réussite d'une épreuve artistique dont le programme est fixé par le Ministre.» Le second reprend les mêmes conditions d'admission à la première année du premier cycle de l'Ecole nationale supérieure des arts visuels de la Cambre (article 11).

B.10. Il ne ressort ni du texte de l'article 10, § 2, ni de ses travaux préparatoires, qu'en énumérant trois causes de refus d'admission fondées sur des motifs disciplinaires ou financiers, le législateur décrétal aurait énuméré de façon exhaustive les possibilités de refus d'inscription et aurait entendu abroger implicitement les conditions d'admission exigées par le régime organique et par les dispositions relatives à la structure générale de l'Ecole de La Cambre.

B.11. Dans son mémoire en réponse et à l'audience du 9 juillet 1998, le Gouvernement de la Communauté française a confirmé que le législateur décrétal n'avait pas eu l'intention d'abroger les arrêtés royaux précités et il a invité la Cour à interpréter la disposition litigieuse en ce sens. Il a ajouté que seule une réforme fondamentale de l'enseignement artistique pourrait abroger ces arrêtés royaux et modifier explicitement les dispositions relatives à l'obligation de réussite d'une épreuve artistique.

B.12. L'article 10, § 2, précité doit s'interpréter en ce sens qu'il n'abroge ni l'article 1er de l'arrêté royal du 31 août 1978, ni l'article 11 de l'arrêté royal du 4 avril 1980. L'épreuve d'admission prévue par ces dispositions n'étant pas supprimée, le moyen est sans objet.

Par ces motifs, la Cour annule dans le décret de la Communauté française du 5 août 1995 portant diverses mesures en matière d'enseignement supérieur tel qu'il est modifié par l'article 27 du décret-programme de la Communauté française du 24 juillet 1997 portant diverses mesures urgentes concernant l'enseignement : - l'article 7, 2°, k), deuxième phrase; - à l'article 10, § 2, 2°, les termes « par l'article 7, 2°, k), sauf s'il est ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, ou »; rejette le recours pour le surplus, sous la réserve d'interprétation mentionnée au B.12, en ce qui concerne la portée de l'article 10, § 2.

Ainsi prononcé en langue française, en langue néerlandaise et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 15 juillet 1998.

Le greffier, Le président, L. Potoms M. Melchior

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