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Arrêt De La Cour Constitutionelle
publié le 25 décembre 1998

Arrêt n° 126/98 du 3 décembre 1998 Numéros du rôle : 1167 et 1299 En cause : les recours en annulation de l'article 1 er , § 1 er , de la loi du 10 avril 1990 sur les entreprises de gardiennage, sur les entreprises de s La Cour d'arbitrage, composée des présidents L. De Grève et M. Melchior, et des juges P. Martens(...)

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cour d'arbitrage
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1998021486
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25/12/1998
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COUR D'ARBITRAGE


Arrêt n° 126/98 du 3 décembre 1998 Numéros du rôle : 1167 et 1299 En cause : les recours en annulation de l'article 1er, § 1er, de la loi du 10 avril 1990Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/04/1990 pub. 08/04/2000 numac 2000000153 source ministere de l'interieur Loi sur les entreprises de gardiennage, sur les entreprises de sécurité et sur les services internes de gardiennage . - Traduction allemande fermer sur les entreprises de gardiennage, sur les entreprises de sécurité et sur les services internes de gardiennage, tel qu'il a été modifié par l'article 2, 1°, de la loi du 18 juillet 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 18/07/1997 pub. 28/08/1997 numac 1997000619 source ministere de l'interieur Loi modifiant la loi du 10 avril 1990 sur les entreprises de gardiennage, sur les entreprises de sécurité et sur les services internes de gardiennage, la loi du 19 juillet 1991 organisant la profession de détective privé et la loi du 3 janvier 1933 relative à la fabrication, au commerce et au port des armes et au commerce des munitions fermer, introduits par la s.c. Security Mediation Company et la s.c.r.l.

Security Guardian's Institute.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents L. De Grève et M. Melchior, et des juges P. Martens, G. De Baets, E. Cerexhe, A. Arts et R. Henneuse, assistée du greffier L. Potoms, présidée par le président L. De Grève, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des recours I. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 16 octobre 1997 et parvenue au greffe le 17 octobre 1997, la s.c.

Security Mediation Company, dont le siège social est établi à 3700 Tongres, Elfde Novemberwal 30, a introduit un recours en annulation de l'article 2, 1°, de la loi du 18 juillet 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 18/07/1997 pub. 28/08/1997 numac 1997000619 source ministere de l'interieur Loi modifiant la loi du 10 avril 1990 sur les entreprises de gardiennage, sur les entreprises de sécurité et sur les services internes de gardiennage, la loi du 19 juillet 1991 organisant la profession de détective privé et la loi du 3 janvier 1933 relative à la fabrication, au commerce et au port des armes et au commerce des munitions fermer modifiant la loi du 10 avril 1990Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/04/1990 pub. 08/04/2000 numac 2000000153 source ministere de l'interieur Loi sur les entreprises de gardiennage, sur les entreprises de sécurité et sur les services internes de gardiennage . - Traduction allemande fermer sur les entreprises de gardiennage, sur les entreprises de sécurité et sur les services internes de gardiennage, la loi du 19 juillet 1991 organisant la profession de détective privé et la loi du 3 janvier 1933 relative à la fabrication, au commerce et au port des armes et au commerce des munitions (publiée au Moniteur belge du 28 août 1997).

Par la même requête, la partie requérante demandait également la suspension de la disposition légale précitée. Par son arrêt n° 7/98 du 21 janvier 1998 (publié au Moniteur belge du 19 février 1998), la Cour a rejeté la demande de suspension.

Cette affaire est inscrite sous le numéro 1167 du rôle de la Cour.

II. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 25 février 1998 et parvenue au greffe le 26 février 1998, la s.c.r.l. Security Guardian's Institute, dont le siège social est établi à 1300 Wavre, chaussée de Namur 123, a introduit un recours en annulation de la même disposition légale.

Cette affaire est inscrite sous le numéro 1299 du rôle de la Cour.

II. La procédure a. L'affaire portant le numéro 1167 du rôle Par ordonnance du 17 octobre 1997, le président en exercice a désigné les juges du siège conformément aux articles 58 et 59 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage. Les juges-rapporteurs ont estimé n'y avoir lieu de faire application des articles 71 ou 72 de la loi organique.

Le recours a été notifié conformément à l'article 76 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 27 novembre 1997.

L'avis prescrit par l'article 74 de la loi organique a été publié au Moniteur belge du 29 novembre 1997.

Le Conseil des ministres, rue de la Loi 16, 1000 Bruxelles, a introduit un mémoire par lettre recommandée à la poste le 5 janvier 1998.

Ce mémoire a été notifié conformément à l'article 89 de la loi organique, par lettre recommandée à la poste le 22 janvier 1998.

La s.c. Security Mediation Company a introduit un mémoire en réponse, par lettre recommandée à la poste le 23 février 1998. b. L'affaire portant le numéro 1299 du rôle Par ordonnance du 26 février 1998, le président en exercice a désigné les juges du siège conformément aux articles 58 et 59 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage. Les juges-rapporteurs ont estimé n'y avoir lieu de faire application des articles 71 ou 72 de la loi organique.

Par ordonnance du 5 mars 1998Documents pertinents retrouvés type ordonnance prom. 05/03/1998 pub. 06/06/1998 numac 1998031139 source ministere de la region de bruxelles-capitale Ordonnance relative à la coordination et à l'organisation des chantiers en voie publique en Région de Bruxelles-Capitale fermer, le président L. De Grève a abrégé le délai pour introduire un mémoire à trente jours et le délai pour introduire un mémoire en réponse à quinze jours.

Le recours a été notifié conformément à l'article 76 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 5 mars 1998; l'ordonnance abrégeant les délais a été notifiée par les mêmes lettres.

L'avis prescrit par l'article 74 de la loi organique a été publié au Moniteur belge du 25 mars 1998.

Le Conseil des ministres a introduit un mémoire par lettre recommandée à la poste le 30 mars 1998.

Ce mémoire a été notifié conformément à l'article 89 de la loi organique, par lettre recommandée à la poste le 9 avril 1998.

La s.c.r.l. Security Guardian's Institute a introduit un mémoire en réponse, par lettre recommandée à la poste le 24 avril 1998. c. Les affaires jointes portant les numéros 1167 et 1299 du rôle Par ordonnance du 5 mars 1998Documents pertinents retrouvés type ordonnance prom. 05/03/1998 pub. 06/06/1998 numac 1998031139 source ministere de la region de bruxelles-capitale Ordonnance relative à la coordination et à l'organisation des chantiers en voie publique en Région de Bruxelles-Capitale fermer, la Cour a joint les affaires. Par ordonnances du 25 mars 1998 et du 29 septembre 1998, la Cour a prorogé respectivement jusqu'aux 16 octobre 1998 et 16 avril 1999 le délai dans lequel l'arrêt doit être rendu.

Par ordonnance du 8 juillet 1998, la Cour a déclaré les affaires en état et fixé l'audience au 16 septembre 1998.

Cette ordonnance a été notifiée aux parties ainsi qu'à leurs avocats, par lettres recommandées à la poste le 10 juillet 1998.

A l'audience publique du 16 septembre 1998 : - ont comparu : . Me G. Alofs, avocat au barreau de Tongres, pour la s.c. Security Mediation Company; . Me J. van Meerbeeck et Me B. Burkin, avocats au barreau de Bruxelles, pour la s.c.r.l. Security Guardian's Institute; . Me E. Brewaeys, avocat au barreau de Bruxelles, pour le Conseil des ministres; - les juges-rapporteurs G. De Baets et P. Martens ont fait rapport; - les avocats précités ont été entendus; - les affaires ont été mises en délibéré.

La procédure s'est déroulée conformément aux articles 62 et suivants de la loi organique, relatifs à l'emploi des langues devant la Cour.

III. En droit - A - Position de la s.c. Security Mediation Company dans l'affaire portant le numéro 1167 du rôle A.1.1. La partie requérante a pris la forme d'une société coopérative et est inscrite au registre du commerce de Tongres sous le numéro 63.270. En application de la loi du 10 avril 1990Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/04/1990 pub. 08/04/2000 numac 2000000153 source ministere de l'interieur Loi sur les entreprises de gardiennage, sur les entreprises de sécurité et sur les services internes de gardiennage . - Traduction allemande fermer, elle a été autorisée par le ministère de l'Intérieur, le 28 décembre 1993, à exploiter une entreprise de gardiennage. Selon la partie requérante, sa situation juridique est directement et défavorablement affectée par la norme attaquée puisqu'elle peut justifier d'un intérêt légitime, certain, personnel et direct.

A.1.2. La norme entreprise a pour effet d'imposer l'obligation de détenir une autorisation individuelle à tous les coopérateurs indépendants et à toutes les entreprises de gardiennage qui exercent des activités de gardiennage « autrement que dans le lien d'un contrat de travail ». Dorénavant, les coopérateurs indépendants devront, tout comme la société coopérative dont ils sont membres, disposer d'une autorisation personnelle. Cette obligation d'autorisation individuelle engendre, sur le plan fiscal, sur le plan financier et sur celui de la sécurité sociale, une série de difficultés administratives qui sont hors de proportion avec le but légal poursuivi par la norme attaquée, spécialement en comparaison du statut des gardiens travaillant pour une entreprise de gardiennage dans le cadre d'un contrat de travail et qui ne sont pas soumis à l'obligation d'autorisation individuelle.

L'application de la norme attaquée mettra fin à l'existence de la partie requérante et à celle de toutes les sociétés coopératives légales actives dans le secteur du gardiennage, ce qui heurte la liberté d'association garantie par l'article 27 de la Constitution. En effet, la requérante et ses coopérateurs sont contraints de renoncer à une forme sociétaire cependant autorisée par la loi et, suite à l'application de la disposition législative attaquée, les associés indépendants de la partie requérante se retrouveront sans travail et sans avoir droit à une allocation de chômage.

A.2.1. La partie requérante dénonce une violation des articles 10 et 11 de la Constitution au motif que la disposition législative attaquée instaure une discrimination injustifiée entre un gardien indépendant et un gardien engagé sous contrat de travail en imposant au gardien indépendant l'obligation de détenir une autorisation personnelle en plus de l'autorisation accordée à la société dont il fait partie.

A.2.2. Le législateur a situé lui-même le premier objectif de la disposition législative dans le caractère d'ordre public de la loi.

C'est à tort que le législateur part du principe que l'ordre public ne peut être garanti que par l'exercice des activités de gardiennage dans le cadre d'un contrat de travail parce que les travailleurs salariés auraient un lien spécifique et durable avec leur employeur. La longue grève des gardiens employés sous contrat de travail intervenue au début de l'année 1998 démontre du reste que l'argumentation du législateur est dénuée d'objectivité et de raison. Ce lien spécifique et durable existe tout autant entre le gardien indépendant et la société coopérative dont il est membre, puisque chaque coopérateur dispose d'une voix à l'assemblée générale et est directement intéressé au bon fonctionnement et à la santé de la société.

Ce lien entre le coopérateur et la société est même précisément plus fort que celui qui unit le salarié et l'entreprise de gardiennage, puisque le coopérateur est à la fois l'organe et l'administrateur de la société et n'effectue des prestations de gardiennage que pour la clientèle de la société.

L'affirmation selon laquelle le lien entre la société et l'associé ne serait pas suffisamment solide pour que l'autorisation accordée à la société puisse également valoir pour le coopérateur indépendant méconnaît l'affectio societatis qui lie les associés, de même qu'elle néglige le fait que le coopérateur indépendant doit satisfaire aux conditions fixées aux articles 5 et 6 de la loi du 10 avril 1990Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/04/1990 pub. 08/04/2000 numac 2000000153 source ministere de l'interieur Loi sur les entreprises de gardiennage, sur les entreprises de sécurité et sur les services internes de gardiennage . - Traduction allemande fermer et offre donc les mêmes garanties de sécurité et d'aptitude qu'un travailleur salarié.

Le problème des « faux indépendants » doit être considéré globalement, du point de vue de la sécurité sociale ainsi que du point de vue du droit économique et du droit des sociétés, et ne doit pas être résolu de façon sectorielle, sans quoi l'on verse dans la discrimination. Les exceptions prévues par le législateur, qui offriraient pour leur part les garanties souhaitées (lien familial ou nombre limité à quatre coopérants), sont elles aussi discriminatoires pour les coopérateurs indépendants. Le statut d'indépendant, avec toutes les conséquences spécifiques qui s'y attachent sur le plan du droit social, et le regroupement d'indépendants dans une forme sociétaire légale doivent offrir, sans distinction, les mêmes droits et possibilités et ne peuvent être soumis à des obligations qui seraient discriminatoires en comparaison du statut privilégié en droit social des travailleurs salariés ou en comparaison des autres indépendants.

A.2.3. Par la disposition entreprise, le législateur entendait en outre promouvoir et garantir aussi la qualité des services de gardiennage et de protection. Les gardiens indépendants pourraient, sans autorisation, se mettre au service de diverses firmes de gardiennage possédant une autorisation, ce qui pourrait nuire à la qualité des services fournis.

La partie requérante estime qu'il n'existe toutefois aucune justification objective et raisonnable permettant d'affirmer qu'un salarié couvert par l'autorisation de son employeur fournirait un travail de meilleure qualité qu'un coopérateur indépendant. Il n'y a donc aucune différence objective entre un travailleur salarié, organe dans les liens d'un contrat de travail, et un coopérateur indépendant, organe d'une société coopérative dans laquelle il participe activement.

A.2.4. La partie requérante fait également référence à deux exceptions - prévues dans la disposition législative attaquée en ce qui concerne l'obligation individuelle des coopérateurs indépendants - pour lesquelles le lien entre les associés indépendants et la société est suffisamment solide pour que l'autorisation de la société couvre également les associés indépendants. Ainsi, les parents ou alliés, jusqu'au deuxième degré, d'un des associés fondateurs ou les associés d'une société comportant un maximum de quatre associés actifs ne sont pas soumis à l'obligation d'autorisation individuelle. Apparemment, ces exceptions ne heurtent pas l'ordre public dont le législateur se pose en défenseur.

De telles exceptions ne font qu'accroître la discrimination entre les indépendants, sans aucune justification objective et raisonnable.

A.2.5. La partie requérante considère dès lors que la différence de traitement instaurée par la norme litigieuse n'est susceptible d'aucune justification raisonnable et que les objectifs poursuivis par le législateur sont tout autant atteints sans que soit instaurée l'obligation de l'autorisation individuelle et sans qu'il soit, à cette occasion, porté atteinte à la liberté d'association.

Position de la s.c.r.l. Security Guardian's Institute dans l'affaire portant le numéro 1299 du rôle A.3.1. La s.c.r.l. Security Guardian's Institute est également une entreprise dont l'activité principale est le gardiennage et dont les missions, autorisées par arrêté ministériel du 30 août 1994, sont accomplies par les coopérateurs-associés actifs, en parfaite conformité avec la législation sociale et le droit des sociétés.

A.3.2. La norme attaquée affecte directement et défavorablement la situation juridique de la requérante, étant donné que l'obligation d'obtention d'une autorisation individuelle sera désormais imposée à tous les coopérateurs indépendants considérés comme entreprises de gardiennage puisqu'ils exercent des activités de gardiennage « autrement que dans les liens d'un contrat de travail ». Cette obligation d'autorisation personnelle engendre sur le plan fiscal, sur le plan financier et sur le plan de la sécurité sociale de très nombreuses difficultés hors de proportion avec le but légal poursuivi par la norme attaquée et spécialement par comparaison avec le statut des gardiens engagés dans le cadre d'un contrat de travail.

A.3.3. La partie requérante réfute la thèse selon laquelle il y aurait eu des problèmes d'interprétation concernant la portée de l'article 1er originaire de la loi du 10 avril 1990Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/04/1990 pub. 08/04/2000 numac 2000000153 source ministere de l'interieur Loi sur les entreprises de gardiennage, sur les entreprises de sécurité et sur les services internes de gardiennage . - Traduction allemande fermer. Il ressort de la jurisprudence du Conseil d'Etat produite que l'autorisation accordée à une société vaut également pour les associés actifs et que le législateur n'a jamais exigé que les personnes qui travaillent pour compte d'une société coopérative soient liées par un contrat de travail. La modification législative signifie en fait que le législateur n'a pas voulu s'incliner devant la jurisprudence du Conseil d'Etat.

A.4.1. Le premier moyen est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, en ce que, première branche, la norme attaquée crée une différence de traitement entre les gardiens exerçant leur profession dans les liens d'un contrat de travail et ceux exerçant cette même profession en tant qu'indépendants coopérateurs associés actifs d'une société coopérative et en ce que, seconde branche, la norme attaquée instaure une différenciation de traitement entre les indépendants, selon le type de société coopérative à laquelle ils s'associent, sans que cette distinction puisse être objectivement et raisonnablement justifiée.

A.4.2. Sous le prétexte de la sécurité et de l'ordre public, la loi attaquée vise uniquement, par un moyen détourné - la nécessité d'obtenir une autorisation administrative individuelle -, à mettre un terme à l'exercice de missions de gardiennage par des sociétés coopératives, sous le prétexte qu'il s'agit de « faux indépendants » qui font la concurrence aux grands groupes actifs dans ce secteur. Cet objectif est fondé sur une interprétation unilatérale du fonctionnement des sociétés coopératives analysées comme un mécanisme de création de « faux indépendants ».

L'affirmation selon laquelle les prétendus « faux indépendants » ne présenteraient pas les mêmes garanties de sécurité que les travailleurs salariés ne tient aucunement compte de la législation sur les sociétés coopératives et des règles de fonctionnement de celles-ci. Si dans une telle société, un seul associé détient le pouvoir réel, les collaborateurs se trouvent bel et bien sous surveillance, de sorte qu'ils satisfont aux mêmes garanties de sécurité que ceux qui sont liés à une société par un contrat de travail. Il est également allégué à tort, ainsi qu'il ressort de la jurisprudence, en particulier de la Cour de cassation, que les associés actifs membres d'une société coopérative sont de « faux indépendants ». La partie requérante produit à ce propos la jurisprudence la concernant et concernant d'autres entreprises de gardiennage existant en tant que sociétés coopératives, dont il ressort qu'aucun élément ne peut être retrouvé qui ferait apparaître que les associés sont des « faux indépendants ». On ne peut soutenir de manière dogmatique que les sociétés coopératives sont formées de faux indépendants alors que la situation sur le terrain est toute différente et que ces sociétés fonctionnent en parfaite conformité avec la législation sociale. En outre, au moyen de la mesure en cause, la loi n'atteint pas l'objectif visé : les indépendants qui obtiennent une autorisation individuelle en tant qu'entreprise de gardiennage peuvent encore toujours s'associer entre eux en une société coopérative et exercer la profession de gardien.

On ne peut admettre non plus l'argument selon lequel un meilleur contrôle peut être exercé sur les travailleurs contractuels que sur les associés actifs d'une société coopérative, ce qui favoriserait la sécurité et l'ordre public. En effet, ce qui importe ce sont les qualités et les aptitudes que chaque personne qui exerce une activité de gardiennage doit détenir et qui sont citées à l'article 6, alinéa 1er, de la loi, concernant notamment la moralité, la nationalité, la formation et les incompatibilités. Ce qui intéresse l'ordre public, ce sont les aptitudes des personnes qui exercent l'activité de gardiennage, mais nullement la forme sociétaire ou le statut social des gardiens. En outre, compte tenu des intérêts également financiers et des accords internes, le lien entre l'associé actif et la société est souvent plus fort qu'entre une société et ses travailleurs contractuels.

Il résulte de tout ceci que la mesure attaquée ne permet nullement d'atteindre les objectifs poursuivis par la loi : ni celui d'éviter les « faux indépendants », parce que des indépendants détenteurs d'une autorisation peuvent encore toujours s'associer, ni celui de rétablir la concurrence, puisque des sociétés coopératives formées d'indépendants détenteurs d'une autorisation individuelle sont encore toujours autorisées, ni l'objectif de l'ordre public et de la sécurité, parce que l'autorisation individuelle ne concerne pas cet objectif que garantissent par contre les conditions d'accès à la profession énumérées à l'article 6 de la loi. Par conséquent, la distinction instaurée n'est pas susceptible d'une justification objective et raisonnable.

A.4.3. La norme attaquée instaure en outre une discrimination entre différentes catégories d'indépendants, en ce que les indépendants associés actifs d'une entreprise de gardiennage sont exonérés de l'autorisation individuelle lorsqu'ils sont unis, par alliance ou par un lien de parenté jusqu'au deuxième degré, avec un des associés fondateurs ou lorsque la société concernée comporte au maximum quatre associés actifs exerçant des activités définies à l'alinéa 1er.

Il n'est indiqué ni démontré nulle part que le lien unissant un associé d'une société coopérative comportant quatre membres et cette même société différerait du lien qui unit un coopérateur à une société de plus grande taille, au point de menacer l'ordre public. On ne comprend pas davantage pourquoi l'argument des « faux indépendants » et celui du contrôle défectueux n'est pas avancé en ce qui concerne une petite société coopérative dont le ministre reconnaît que l'un des associés peut être un exécutant.

Il peut certes être exigé d'un indépendant qui agit seul en tant qu'entreprise de gardiennage qu'il dispose d'une autorisation, mais cette situation n'est pas comparable à la situation du travailleur indépendant qui est associé actif d'une société coopérative disposant d'une autorisation.

A.5. Le second moyen est pris de la violation des articles 10, 11 et 27 de la Constitution, en ce que la disposition attaquée, par l'exigence de formalités administratives, porte atteinte au droit à la liberté d'association en appliquant une série de critères nullement justifiés.

L'article 27 de la Constitution reconnaît le droit de s'associer et interdit de soumettre ce droit à des mesures préventives. Le législateur est certes compétent pour régler l'exercice de la liberté d'association (Cour d'arbitrage, n° 37/94), mais ces restrictions ne sont autorisées que s'il est établi qu'elles sont nécessaires dans une société démocratique (Cour d'arbitrage, n° 62/93). En prévoyant lui-même des exceptions à l'obligation d'autorisation, le législateur ne peut plus invoquer l'ordre public et la sécurité en tant que motifs prétendument impérieux pour limiter la liberté d'association. La liberté d'association est donc tout simplement limitée ici en fonction du type de société coopérative dont le travailleur indépendant est l'associé.

A.6. Le troisième moyen est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution en tant qu'est créée une discrimination de traitement dans l'accès à la profession de gardien, selon que cette profession est exercée dans les liens d'un contrat de travail ou en tant que travailleur indépendant, dans une société coopérative familiale ou non ou dans une société coopérative limitée à quatre associés actifs.

En effet, l'article 6 de la loi fixe toutes les conditions que doivent remplir les personnes qui sont engagées par une entreprise de gardiennage ou une entreprise de sécurité ou qui travaillent pour le compte de telles entreprises. Ces conditions, qui ne font nullement référence au statut social des gardiens, règlent l'accès à la profession et sont liées à l'ordre public et à la sécurité.

La discrimination a pour conséquence directe d'écarter le choix du statut d'indépendant pour toute personne qui souhaiterait exercer cette profession. Alors que les salariés peuvent suivre ultérieurement leur formation de base, le candidat indépendant doit avoir accompli sa formation préalablement et avoir suivi les cours pour dirigeants d'entreprise, cependant que tout ceci ne garantit pas qu'il obtiendra l'autorisation. Ainsi est entravé l'exercice, de manière légale et précédemment admise, d'une profession. En ajoutant une condition supplémentaire en fonction du statut social du gardien au sein de la société dans laquelle il exerce son activité, le législateur a instauré une discrimination quant à l'accès à la profession qui n'est nullement justifiée de manière objective et raisonnable.

En outre, la discrimination est double puisque cette condition supplémentaire qui oblige le travailleur indépendant à obtenir une autorisation individuelle pour exercer sa profession est supprimée si son activité est exercée dans une entreprise familiale ou une entreprise dont le nombre d'associés est limité à quatre.

Le point de vue du Conseil des ministres A.7.1. Le Conseil des ministres souligne que le caractère d'ordre public de la loi ne constitue pas la seule justification légale de la modification en cause. Les travaux préparatoires font également apparaître que le législateur entendait explicitement lever toute équivoque en ce qui concerne l'obligation faite aux coopérateurs indépendants d'une société coopérative de gardiennage de disposer d'une autorisation personnelle en tant qu'entreprise de gardiennage, afin d'exclure ainsi les « faux indépendants ». Cette dernière pratique a pour effet que les sociétés doivent payer moins de charges sociales, ce qui fausse la concurrence.

A.7.2. Pour apprécier la compatibilité d'une norme avec les articles 10 et 11 de la Constitution, la Cour doit examiner si les catégories de personnes entre lesquelles une inégalité est alléguée sont suffisamment comparables. La comparaison établie par la partie requérante avec d'autres formes de société n'est pas pertinente en l'espèce.

La référence aux exceptions prévues pour les sociétés familiales est irrelevante, étant donné que cette dernière catégorie de personnes se trouve dans une situation différente compte tenu du lien durable particulier existant entre les associés et les personnes morales.

De même, la partie requérante ne peut comparer les traitements différents réservés aux associés, membres d'une coopérative, qui ne se trouvent pas dans un rapport de travail avec cette société, et aux personnes qui elles se trouvent liées à cette société par une relation de travail, en tant que travailleurs salariés.

A.7.3. Selon le Conseil des ministres, il ne saurait être question d'atteinte au droit d'association. Dans son arrêt n° 23/89, la Cour a en effet affirmé qu'il était porté atteinte à la liberté d'association lorsqu'était imposée à toutes les personnes qui, en l'espèce, accomplissaient des prestations de biologie clinique dans un certain type de laboratoire l'obligation d'être un associé de la société qui exploite le laboratoire.

La partie requérante n'est nullement obligée de rentrer dans une association. Sur ce point, le Conseil des ministres renvoie à la requête, dans laquelle il est dit « qu'en effet la requérante et ses coopérateurs sont contraints par le législateur de renoncer à la forme sociétaire de la coopérative légalement autorisée. » A.7.4. Le législateur était en droit de définir de manière extensive la notion d'entreprise, comme cela s'est fait dans d'autres réglementations. Le Conseil des ministres renvoie à cet égard à la loi du 15 décembre 1970 sur l'accès à la profession, à l'article 32 du Code des impôts sur les revenus et au contexte européen, dans lequel la notion d'« entreprise » est interprétée dans son sens économique, le critère décisif étant l'indépendance économique et non la construction juridique. - B - B.1.1. Les recours en annulation sont dirigés contre l'article 2, 1°, de la loi du 18 juillet 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 18/07/1997 pub. 28/08/1997 numac 1997000619 source ministere de l'interieur Loi modifiant la loi du 10 avril 1990 sur les entreprises de gardiennage, sur les entreprises de sécurité et sur les services internes de gardiennage, la loi du 19 juillet 1991 organisant la profession de détective privé et la loi du 3 janvier 1933 relative à la fabrication, au commerce et au port des armes et au commerce des munitions fermer, qui a remplacé l'article 1er, § 1er, de la loi du 10 avril 1990Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/04/1990 pub. 08/04/2000 numac 2000000153 source ministere de l'interieur Loi sur les entreprises de gardiennage, sur les entreprises de sécurité et sur les services internes de gardiennage . - Traduction allemande fermer sur les entreprises de gardiennage, sur les entreprises de sécurité et sur les services internes de gardiennage.

L'article 1er, § 1er, de la loi du 10 avril 1990Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/04/1990 pub. 08/04/2000 numac 2000000153 source ministere de l'interieur Loi sur les entreprises de gardiennage, sur les entreprises de sécurité et sur les services internes de gardiennage . - Traduction allemande fermer est actuellement libellé comme suit : « Est considérée comme entreprise de gardiennage au sens de la présente loi, toute personne morale ou physique exerçant, autrement que dans le lien d'un contrat de travail, une activité consistant à fournir à des tiers, de manière permanente ou occasionnelle, des services de : 1° surveillance et protection de biens mobiliers ou immobiliers;2° protection de personnes;3° surveillance et protection de transport de valeurs;4° gestion de centraux d'alarme. Au sens de l'alinéa 1er, 3°, sont considérés comme valeurs tous les biens qui, en raison de leur caractère précieux ou de leur nature spécifique, font l'objet d'une menace. Toutefois, le Roi peut exclure certaines valeurs du champ d'application de la présente loi.

Ne sont pas considérés comme entreprises de gardiennage, les associés d'une entreprise de gardiennage autorisée, qui exercent effectivement des activités définies à l'alinéa 1er, lorsqu'ils sont unis, par alliance ou par un lien de parenté jusqu'au deuxième degré, avec un des associés fondateurs ou lorsque la société concernée comporte un maximum de quatre associés actifs qui exercent des activités définies à l'alinéa 1er. » B.1.2. L'objectif général de l'alinéa 1er de la disposition attaquée, en vertu duquel sera considérée comme entreprise de gardiennage au sens de la loi du 10 avril 1990Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/04/1990 pub. 08/04/2000 numac 2000000153 source ministere de l'interieur Loi sur les entreprises de gardiennage, sur les entreprises de sécurité et sur les services internes de gardiennage . - Traduction allemande fermer, toute personne morale ou physique exerçant les activités visées autrement que dans les liens d'un contrat de travail, est formulé comme suit dans les travaux préparatoires : « Certains indépendants prétendent - à tort - que parmi les conditions pour être considéré en tant qu'entreprise de gardiennage n'apparaît pas que les personnes qui travaillent ` pour le compte ` de l'entreprise, doivent nécessairement agir dans le lien de subordination ou posséder elles-mêmes une autorisation en tant qu'entreprise de gardiennage.

Afin d'assurer la qualité des activités de gardiennage, qui sont en effet étroitement liées à l'ordre public, on estime nécessaire de modifier l'article 1er, § 1er, de sorte qu'il soit fixé de manière irréfragable que les actionnaires indépendants d'une société coopérative doivent disposer d'une autorisation personnelle en tant qu'entreprise de gardiennage, outre l'autorisation dont dispose la société coopérative en tant que personne morale.

Ce n'est que pour les qualifications non strictement liées aux personnes que la société peut remplir les conditions pour les associés. » (Doc. parl., Chambre, 1996-1997, n° 934/1, p. 2; n° 934/3, p. 2). Lors de l'exposé introductif du rapport, il a été déclaré sous le titre « Faux indépendants », que « le projet vise avant tout à lever toute équivoque en ce qui concerne l'obligation, pour les actionnaires indépendants d'une société coopérative, de disposer d'une autorisation personnelle en tant qu'entreprise de gardiennage : certaines entreprises autorisées occupent exclusivement des agents indépendants. Le principal avantage de cette formule est que l'entreprise doit payer moins de charges sociales, les agents indépendants pouvant, quant à eux, profiter des investissements (par exemple, l'infrastructure) effectués par l'entreprise autorisée, ce qui leur épargne certains frais. De telles pratiques faussent évidemment la concurrence. » (Doc. parl., Chambre, 1996-1997, n° 934/3, p. 2; adde Doc. parl., Sénat, 1996-1997, n° 617/3, p. 2 : ` Il y a d'abord le problème des soi-disants ` faux-indépendants `, c'est-à-dire ceux qui exercent la profession réglementée par le biais d'une société écran, en tant que cogestionnaires, alors qu'un seul gestionnaire dispose du permis exigé. Les autres n'ont aucun lien effectif avec cette société.

L'administration n'acceptant pas cette pratique, différents procès se sont déroulés tantôt devant les tribunaux civils, tantôt devant le Conseil d'Etat. Les jugements et arrêts rendus n'ont pas dégagé une jurisprudence homogène. Le ministre a dès lors décidé de proposer la présente modification à la loi, qui contient comme principe que chaque indépendant doit remplir individuellement toutes les conditions, malgré l'existence d'une société. »).

B.1.3. L'exception concernant certaines catégories d'associés dans une entreprise de gardiennage autorisée qui exercent effectivement des activités de gardiennage, et qui ne sont pas considérées comme des entreprises de gardiennage - ce qui leur permet d'échapper à l'obligation individuelle d'autorisation - a été justifiée comme suit : « C'est uniquement dans des cas très spécifiques qu'il existe un lien particulier et durable entre un associé actif et sa société, tel qu'il permette d'établir à juste titre que l'associé soit couvert par l'autorisation accordée à la société.

Sont particulièrement visées ici, les petites entreprises familiales où l'époux et/ou les enfants font partie de la société et où la direction de l'entreprise reste ordinairement aux mains de membres de la famille.

Cela vaut également pour les petites entreprises dont le nombre d'associés actifs et limité et dont chacun exerce une tâche spécifique au sein de l'entreprise. Ainsi par exemple, l'un des associés est responsable de la gestion de l'entreprise et l'autre prend les tâches d'exécution à son compte. Dans ce cas, il existe également incontestablement un lien particulier et généralement durable entre l'entreprise et ces associés. » (Doc. parl., Chambre, 1996-1997, n° 934/1, et n° 934/3, pp. 2-3; Doc. parl., Sénat, 1996-1997, n° 617/3, p. 2). Le nombre d'indépendants pouvant encore s'associer sous le régime d'exception a été fixé à quatre « parce qu'il s'agit d'un chiffre raisonnablement acceptable. C'est parce qu'il s'agit d'une exception qu'elle doit être limitée en son application » (Doc. parl., Sénat, 1996-1997, n° 617/3, p. 6).

B.2. Les moyens sont pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, lus séparément ou en combinaison avec l'article 27 de la Constitution, en ce qu'il est instauré une différence de traitement, tant en ce qui concerne l'obligation d'autorisation qu'en ce qui concerne l'accès à la profession, d'une part, entre les personnes morales ou physiques qui exercent une activité de gardiennage autrement que dans les liens d'un contrat de travail et qui sont soumises à autorisation, et les personnes physiques qui exercent ces activités dans les liens d'un contrat de travail et qui ne sont pas soumises à autorisation et, d'autre part, entre les associés d'une entreprise de gardiennage autorisée, selon qu'ils exercent ou non leur activité soit au sein d'une société dans laquelle ils sont unis, par alliance ou par un lien de parenté jusqu'au deuxième degré, avec un des associés fondateurs, soit au sein d'une société comportant un maximum de quatre associés actifs.

B.3.1. Le Conseil des ministres soulève à l'égard de tous les moyens la non-comparabilité des catégories qui y sont visées au motif qu'il s'agit de catégories de personnes qui diffèrent trop entre elles en raison de la nature du lien qui les unit à l'entreprise de gardiennage autorisée, à savoir en qualité d'associé ou de travailleur salarié, de parent ou allié ou de tiers.

B.3.2. La disposition législative attaquée définit la notion d'entreprise de gardiennage soumise à autorisation et établit elle-même à cet égard la distinction critiquée par les parties requérantes, avec l'intention explicite de les soumettre à un régime différent en matière d'obligation d'autorisation.

La distinction ainsi établie entre les différentes catégories de personnes ne s'oppose aucunement à ce qu'elles puissent être considérées comme des catégories suffisamment comparables au regard de la qualification d'entreprise de gardiennage et de l'exigence qui y est indissociablement liée d'une obligation d'autorisation individuelle.

L'exception de non-comparabilité soulevée par le Conseil des ministres est rejetée.

B.4.1. Les parties requérantes dénoncent une violation des articles 10 et 11 de la Constitution, combinés avec l'article 27 de la Constitution, qui garantit la liberté d'association. Ce moyen ne doit être examiné qu'en tant qu'il concerne les associés d'une entreprise de gardiennage, puisque la disposition attaquée n'affecte nullement le droit d'association de ceux qui exercent des activités de gardiennage dans le cadre d'un contrat de travail.

B.4.2. L'article 27 de la Constitution reconnaît le droit de s'associer et énonce que ce droit ne peut être soumis à aucune mesure préventive. Cette disposition ne s'oppose pas à ce que le législateur règle l'exercice de ce droit en ce qui concerne les matières dans lesquelles son intervention est nécessaire, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à la sûreté publique, à la défense de l'ordre public et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, ou des droits d'autrui.

La disposition entreprise énonce simplement que chaque personne morale et chaque personne physique qui exerce des activités de gardiennage autrement que dans les liens d'un contrat de travail doit être considérée comme une entreprise de gardiennage, ce qui implique une obligation d'autorisation individuelle pour chaque personne physique autre que celle qui est occupée sur la base d'un contrat de travail.

Une telle disposition, qui fixe des conditions à l'exercice d'une profession, ne saurait être considérée comme une limitation de la liberté d'association. La Cour constate d'ailleurs, comme le fait l'une des parties requérantes, que la disposition attaquée n'empêche nullement que les titulaires d'une autorisation individuelle s'associent afin d'exercer les activités d'une entreprise de gardiennage autorisée.

Le moyen pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 27 de celle-ci, est rejeté.

B.5.1. Un second moyen est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, en ce qu'une différence de traitement est instaurée entre le gardien indépendant, qui doit être considéré comme une entreprise de gardiennage et qui est, de ce fait, soumis à une autorisation individuelle et le gardien occupé dans les liens d'un contrat de travail, qui n'est pas considéré comme une entreprise de gardiennage et qui n'est donc pas soumis à autorisation.

B.5.2. Il existe entre ces deux catégories de personnes une différence objective, à savoir la nature de la relation entre le gardien et l'entreprise de gardiennage autorisée. Cette différence objective est susceptible de justifier un traitement différencié.

B.5.3. Comme on peut le déduire des travaux préparatoires cités en B.1.2, la répression du phénomène des « pseudo-indépendants » constitue un des objectifs de la disposition critiquée.

Pour légitime que soit la répression du phénomène des « faux indépendants », qui peut menacer la concurrence loyale au sein du secteur des entreprises de gardiennage, il faut constater qu'il est possible de le combattre à l'aide de la législation sociale existante.

La mesure litigieuse, dont il résulte que les associés actifs d'une entreprise de gardiennage autorisée doivent également être considérés comme une entreprise de gardiennage et sont dès lors soumis à autorisation, n'empêche pas que les associés qui ont obtenu une autorisation individuelle s'associent au sein d'une société dans laquelle peuvent encore collaborer des personnes appartenant aux différentes catégories d'associés. Le traitement différent instauré par la mesure attaquée n'est donc pas adéquat pour réaliser l'objectif visé par cette mesure, consistant à lutter contre le phénomène des « pseudo-indépendants ».

B.5.4. La disposition entreprise entend toutefois également assurer la qualité des activités de gardiennage, qui sont étroitement liées à « l'ordre public ». En l'espèce, il échet d'observer que l'on vise ici la sécurité publique.

En tant que la loi attaquée vise à garantir la qualité du gardiennage, il n'apparaît pas que l'obligation faite aux associés actifs d'une personne morale de disposer d'une autorisation individuelle soit de nature à éliminer du marché les entreprises fournissant des services de mauvaise qualité.

En tant que le gardiennage de qualité touche à la sécurité publique, les conditions d'exercice de la profession fixées par les articles 5 et 6 et renforcées encore par la loi attaquée semblent devoir suffire pour garantir cette sécurité lors de l'exercice d'activités de gardiennage. Etant donné que toute personne qui exerce à la fois des fonctions dirigeantes et des fonctions d'exécution doit répondre aux conditions imposées par les articles 5 et 6 de la loi - les travaux préparatoires précisent même que les « entreprises composées d'une personne » doivent remplir cumulativement les conditions de ces deux articles - et que l'associé actif doit également répondre aux conditions prévues par les deux articles, et au moins à celles de l'article 6 (Doc. parl., Chambre, 1996-1997, n° 934/1, pp. 4-6), cette personne remplira également, en matière de profil, les conditions minimales en matière d'exercice de la profession qu'entend fixer le législateur en vue d'assurer l'ordre public.

En outre, en considérant ce même indépendant comme une entreprise de gardiennage au sens de l'article 1er de la loi du 10 avril 1990Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/04/1990 pub. 08/04/2000 numac 2000000153 source ministere de l'interieur Loi sur les entreprises de gardiennage, sur les entreprises de sécurité et sur les services internes de gardiennage . - Traduction allemande fermer, le législateur a imposé à cette catégorie de personnes une obligation supplémentaire qui n'est pas en rapport avec l'objectif précité et qui semble plutôt dictée par un objectif pour lequel cette mesure, eu égard à ce qui est dit en B.5.3, doit être considérée comme inadéquate.

Dès lors qu'il faut constater l'absence de tout rapport pertinent entre le traitement inégal instauré par la mesure attaquée et l'objectif de celle-ci, l'article 1er, § 1er, alinéa 1er, de la loi du 10 avril 1990Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/04/1990 pub. 08/04/2000 numac 2000000153 source ministere de l'interieur Loi sur les entreprises de gardiennage, sur les entreprises de sécurité et sur les services internes de gardiennage . - Traduction allemande fermer, remplacé par l'article 2, 1°, de la loi du 18 juillet 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 18/07/1997 pub. 28/08/1997 numac 1997000619 source ministere de l'interieur Loi modifiant la loi du 10 avril 1990 sur les entreprises de gardiennage, sur les entreprises de sécurité et sur les services internes de gardiennage, la loi du 19 juillet 1991 organisant la profession de détective privé et la loi du 3 janvier 1933 relative à la fabrication, au commerce et au port des armes et au commerce des munitions fermer, viole les articles 10 et 11 de la Constitution, en tant qu'il comporte les mots « autrement que dans le lien d'un contrat de travail ». Ce constat a pour conséquence que ni les personnes qui sont dans les liens d'un contrat de travail, ni les associés d'une société de gardiennage ne doivent disposer d'une autorisation personnelle.

B.6. Par ailleurs, la Cour constate que le dernier alinéa de ce même article est indissociable de l'alinéa 1er et doit suivre son sort.

Par ces motifs, la Cour annule à l'article 1er, § 1er, de la loi du 10 avril 1990Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/04/1990 pub. 08/04/2000 numac 2000000153 source ministere de l'interieur Loi sur les entreprises de gardiennage, sur les entreprises de sécurité et sur les services internes de gardiennage . - Traduction allemande fermer sur les entreprises de gardiennage, sur les entreprises de sécurité et sur les services internes de gardiennage, remplacé par l'article 2, 1°, de la loi du 18 juillet 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 18/07/1997 pub. 28/08/1997 numac 1997000619 source ministere de l'interieur Loi modifiant la loi du 10 avril 1990 sur les entreprises de gardiennage, sur les entreprises de sécurité et sur les services internes de gardiennage, la loi du 19 juillet 1991 organisant la profession de détective privé et la loi du 3 janvier 1933 relative à la fabrication, au commerce et au port des armes et au commerce des munitions fermer, les termes « , autrement que dans le lien d'un contrat de travail, », ainsi que le dernier alinéa.

Ainsi prononcé en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 3 décembre 1998.

Le président, L. De Grève.

Le greffier, L. Potoms.

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