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Arrêt De La Cour Constitutionelle
publié le 12 février 1999

Arrêt n° 123/98 du 3 décembre 1998 Numéro du rôle : 1212 En cause : la question préjudicielle concernant les articles 1 er , § 1 er , a), et 2 de la loi du 29 juin 1975 relative aux implantations commerciales, posée par La Cour d'arbitrage, composée des présidents L. De Grève et M. Melchior, et des juges P. Martens(...)

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COUR D'ARBITRAGE


Arrêt n° 123/98 du 3 décembre 1998 Numéro du rôle : 1212 En cause : la question préjudicielle concernant les articles 1er, § 1er, a), et 2 de la loi du 29 juin 1975 relative aux implantations commerciales, posée par la Cour d'appel de Bruxelles.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents L. De Grève et M. Melchior, et des juges P. Martens, G. De Baets, E. Cerexhe, A. Arts et R. Henneuse, assistée du greffier L. Potoms, présidée par le président L. De Grève, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle Par arrêt du 4 décembre 1997 en cause de la s.a. Zwin contre l'Etat belge et la s.a. Jouets Broze & Fils, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour d'arbitrage le 10 décembre 1997, la Cour d'appel de Bruxelles a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 1er, § 1er, a), de la loi du 29 juin 1975 relative aux implantations commerciales, combiné avec l'article 2 de cette loi, viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution en ce que : - cette disposition impose la possession d'une autorisation socio-économique préalable à celui qui souhaite exercer une activité commerciale sur une surface commerciale nette inférieure ou égale à la norme de surface prévue à l'article 1er, § 1er, a), 1°, 1 et 2, de la même loi, lorsque cette activité commerciale est exercée dans une partie d'un immeuble dont la surface est égale ou inférieure à la norme précitée, tandis que la surface bâtie brute totale de l'ensemble de l'immeuble est supérieure à cette norme, - alors que celui qui souhaite exercer une activité commerciale sur une surface commerciale nette inférieure ou égale à la norme de surface visée à l'article 1er, § 1er, a), 1°, 1 et 2, de la même loi, dans un immeuble dont la surface bâtie brute est égale ou inférieure à la norme précitée ne doit pas être en possession d'une autorisation socio-économique préalable ? » II. Les faits et la procédure antérieure Entre la s.a. Zwin, promoteur, et une propriétaire de bâtiments, il est conclu une convention en vue de la réalisation d'un complexe commercial comportant au moins trois unités d'exploitation, dont une, d'une superficie de quelque 1000 m2, avait déjà été louée par le promoteur à un tiers pour être affectée au commerce de détail de jouets avec vente au consommateur.

Le preneur exécute des travaux dans cet immeuble en vue de la réalisation d'un commerce de détail de jouets, sans que les sociétés concernées disposent de l'autorisation socio-économique exigée par l'Inspection économique conformément à l'article 1er, § 1er, a), 4°, de la loi du 29 juin 1975 relative aux implantations commerciales. La réalisation du projet doit être suspendue jusqu'à ce que l'autorisation requise ait été délivrée par le collège des bourgmestre et échevins.

La s.a. Zwin introduit ensuite une demande d'obtention de l'autorisation socio-économique mais le dossier ne permet pas d'établir si cette autorisation a, dans l'intervalle, été obtenue. Se joignant à la locataire, cette entreprise cite néanmoins l'Etat belge en référé, afin d'obtenir la levée de l'ordre de cessation. Elle déclare à cet égard qu'en attendant l'obtention de cette autorisation, l'exploitation dans le bâtiment restera limitée à une surface maximale de 600 m2 bruts et de 400 m2 nets - soit les critères de superficie dans les limites desquels il n'est pas requis d'autorisation socio-économique.

Cette demande est déclarée recevable mais non fondée en première instance.

En degré d'appel, la s.a. Zwin demande à la Cour d'appel de Bruxelles de poser la question préjudicielle précitée à la Cour d'arbitrage et, dans l'attente de la réponse, d'ordonner la levée provisoire de l'ordre de cessation.

La Cour d'appel constate tout d'abord que les superficies à prendre en compte sont celles du bâtiment commercial dans sa totalité et que le compartimentage de celui-ci en unités d'exploitation couvrant une surface pour laquelle aucune autorisation socio-économique n'est requise ne change rien au fait qu'une autorisation socio-économique est exigée. La Cour considère ensuite que l'application conjointe des articles 1er, § 1er, et 2 de la loi du 29 juin 1975 relative aux implantations commerciales a pour effet que l'exploitant qui souhaite exercer une activité commerciale sur une surface commerciale nette de 400 m2 ou moins dans un bâtiment d'une surface bâtie brute de plus de 600 m2, qui n'est donc utilisé que partiellement, a besoin d'une autorisation préalable, alors que l'exploitant qui souhaite exercer une activité commerciale sur la même surface mais dans un bâtiment ayant une superficie bâtie brute inférieure ou égale à 600 m2, n'a pas besoin d'une telle autorisation socio-économique. Deux exploitants se trouvant dans une situation identique en ce qui concerne la surface sur laquelle l'activité commerciale est effectivement exercée sont à première vue traités de manière différente. La Cour d'appel pose dès lors la question préjudicielle mais refuse d'accéder à la demande de levée de l'ordre de cessation parce qu'en cas de réponse négative de la Cour d'arbitrage, une situation de fait, irréversible ou difficilement réparable, se sera créée.

III. La procédure devant la Cour Par ordonnance du 10 décembre 1997, le président en exercice a désigné les juges du siège conformément aux articles 58 et 59 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage.

Les juges-rapporteurs ont estimé n'y avoir lieu de faire application des articles 71 ou 72 de la loi organique.

La décision de renvoi a été notifiée conformément à l'article 77 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 9 janvier 1998.

L'avis prescrit par l'article 74 de la loi organique a été publié au Moniteur belge du 20 janvier 1998.

Des mémoires ont été introduits par : - la s.a. Zwin, ayant son siège social à 9080 Lochristi, Dorp West 138, par lettre recommandée à la poste le 23 février 1998; - le Conseil des ministres, rue de la Loi 16, 1000 Bruxelles, par lettre recommandée à la poste le 23 février 1998.

Ces mémoires ont été notifiés conformément à l'article 89 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 30 mars 1998.

Des mémoires en réponse ont été introduits par : - le Conseil des ministres, par lettre recommandée à la poste le 24 avril 1998; - la s.a. Zwin, par lettre recommandée à la poste le 27 avril 1998.

Par ordonnance du 27 mai 1998, la Cour a prorogé jusqu'au 10 décembre 1998 le délai dans lequel l'arrêt doit être rendu.

Par ordonnance du 23 septembre 1998, la Cour a déclaré l'affaire en état et fixé l'audience au 21 octobre 1998.

Cette ordonnance a été notifiée aux parties ainsi qu'à leurs avocats, par lettres recommandées à la poste le 24 septembre 1998.

A l'audience publique du 21 octobre 1998 : - ont comparu : . Me G. L'heureux loco Me J. Ghysels, Me P. Flamey et Me. E. Empereur, avocats au barreau de Bruxelles, pour la s.a. Zwin; . Me C. Coen et Me J. De Ridder loco Me E. Vervaeke, avocats au barreau d'Anvers, pour le Conseil des ministres; - les juges-rapporteurs G. De Baets et P. Martens ont fait rapport; - les avocats précités ont été entendus; - l'affaire a été mise en délibéré.

La procédure s'est déroulée conformément aux articles 62 et suivants de la loi organique, relatifs à l'emploi des langues devant la Cour.

IV. En droit - A - Position du Conseil des ministres A.1. Le Conseil des ministres conteste la recevabilité de la question préjudicielle au motif que la réponse à cette question n'est pas utile à la solution du litige. La s.a. Zwin donne à la disposition mise en cause une interprétation personnelle en voulant ajouter aux paramètres existants (à savoir la surface commerciale nette et la surface bâtie brute totale d'un bâtiment) un troisième paramètre, à savoir la surface totale par exploitant établi dans un bâtiment. Dès lors que la s.a. Zwin ne se trouve dans aucune des deux hypothèses visées dans la question préjudicielle, la réponse à cette question n'est pas utile pour trancher le fond du litige.

A.2. Les implantations commerciales comparées, à savoir les établissements qui respectent les normes de superficie légales et les exploitations qui dépassent ces paramètres, ne présentent pas suffisamment d'analogie pour faire l'objet d'une comparaison.

L'appartenance à un plus grand ensemble entraîne une modification sensible du pouvoir d'attraction, du potentiel économique et de la position concurrentielle de l'établissement. Cet impact est réel, en sorte qu'un établissement commercial isolé ne saurait être comparé à un établissement commercial situé dans un plus grand ensemble.

A.3.1. Même si ces établissements commerciaux étaient comparables, la distinction établie ne serait pas discriminatoire.

A.3.2. La distinction établie est légitimement justifiée. La structure de la concurrence économique du marché, les préoccupations quant aux implications sur le marché de l'emploi, l'aménagement du territoire ou les communications, de même que l'environnement sont désignés comme objectifs qui sont poursuivis par la distinction établie, objectifs qui doivent se ramener en substance à la poursuite d'une harmonisation de la concurrence sur le marché concerné. Les deux critères ont été pris en compte parce qu'il suffisait que soit atteinte, soit la surface bâtie maximum, soit la surface commerciale nette maximum, pour entrer dans le champ d'application de la loi. A cet égard, il a été tenu compte de la possibilité que la demande ne concerne pas une seule grande entreprise mais un ensemble composé de plusieurs exploitations commerciales spécialisées. La loi devait également être applicable à ces initiatives, dès qu'il s'agissait du même permis de bâtir.

Plusieurs unités de magasins constituant un même ensemble commercial entrent dans le champ d'application de la loi.

A.3.3. La distinction est nécessaire dans une société démocratique. Il serait satisfait à ce critère de contrôle, dont le Conseil des ministres reconnaît qu'il « est peut-être moins à l'ordre du jour en matière de législation économique », eu égard aussi bien à l'objectif légitime déjà démontré qu'au principe de proportionnalité examiné ci-après.

A.3.4. La distinction établie est adéquate puisqu'elle permet d'atteindre le but fixé. Il y a bel et bien un lien entre la taille du bâtiment et l'impact des implantations commerciales qui y sont situées sur les facteurs mentionnés dans le cadre des objectifs précités. En effet, le paramètre de la surface bâtie brute a également été instauré pour éviter que, par la parcellisation, on aboutisse à des surfaces nettes réduites, ce qui aurait contourné un des objectifs du législateur, à savoir combattre la prolifération de grands centres commerciaux non autorisés. Le dépassement de la limite en matière de surface bâtie brute du bâtiment où est établie l'exploitation rend ipso facto nécessaires les autorisations socio-économiques.

A.3.5. La distinction opérée est conforme au principe de proportionnalité. Les travaux préparatoires font très clairement apparaître que des efforts considérables ont été fournis pour rendre la loi relative aux implantations commerciales conforme aussi bien aux nécessités objectives de régulation du marché qu'aux observations formulées par le secteur économique concerné. Des solutions éminemment faciles comme la cessation totale ou la liberté illimitée ont été écartées et il a été tenu compte des intérêts des indépendants, des grands magasins, des consommateurs et des travailleurs salariés, dont la nature est telle qu'aucune solution extrême ne saurait être appliquée.

Position de la partie s.a. Zwin A.4. L'exception d'irrecevabilité de la question préjudicielle doit être rejetée parce qu'il n'appartient pas à la Cour d'arbitrage de se prononcer sur la question de savoir si la réponse à cette question est indispensable pour trancher le fond du litige.

De surcroît, la réponse à la question préjudicielle est certainement pertinente, comme il ressort d'ailleurs de la motivation adoptée par la Cour d'appel de Bruxelles dans son arrêt de renvoi. La s.a. Zwin a introduit un projet d'implantation commerciale pour l'exploitation d'une surface commerciale inférieure à 400 m2, mais située dans un bâtiment de plus de 600 m2, pour lequel une autorisation est requise, alors qu'il n'est pas exigé d'autorisation si la superficie du bâtiment est inférieure ou égale à 600 m2. Ce problème n'est pas une question d'interprétation, mais d'égalité.

A.5. Les situations évoquées dans la question préjudicielle sont suffisamment comparables et même totalement analogues. Elles comparent en effet deux projets d'implantation commerciale qui disposent d'un espace de vente identique mais qui se trouvent dans un bâtiment ayant une surface bâtie brute différente. Les situations demeurent suffisamment comparables au regard du but de la loi sur les implantations commerciales, à savoir vérifier l'incidence socio-économique de l'implantation commerciale projetée. La taille de cette dernière est identique dans les deux cas.

A.6.1. Aux termes de l'article 1er de la loi du 29 juin 1975, il est question d'implantation commerciale lorsqu'il s'agit d'une implantation ayant « une surface bâtie brute supérieure à 600 m2 ou une surface commerciale nette supérieure à 400 m2. » En vertu de la jurisprudence (Anvers, 13 juin 1984, R.D.C., 1985, p. 468) et d'un avis du Conseil d'Etat (section d'administration, 18 mai 1979, A.25.082/III-9-727), la notion de « surface bâtie brute » doit être considérée comme la surface totale du bâtiment, même si seule une partie du bâtiment sert à l'activité commerciale. Les implantations commerciales qui s'installent dans un bâtiment plus petit sont avantagées d'une manière injustifiée et déraisonnable.

A.6.2. La distinction opérée est discriminatoire parce que le critère de distinction n'est pas adéquat et qu'il n'existe aucun rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.

Le critère de distinction - surface du bâtiment où est établi le commerce - ne sert aucunement l'objectif poursuivi par le législateur en ce que la taille du bâtiment ne saurait avoir le moindre impact social ou économique et relève plutôt de la législation relative à l'aménagement du territoire et à l'urbanisme, comme l'explique la doctrine (Haumont, F., L'urbanisme. Région wallonne, Bruxelles, Larcier, 1996, p. 977, n° 1476). Seule la taille du commerce lui-même peut servir de distinction pour l'exigence éventuelle d'une autorisation d'implantation commerciale. L'article 1er de la loi fonde sa distinction sur un paramètre qui aboutit, dans certaines situations, à soumettre à autorisation un projet d'implantation commerciale, alors que cela n'est pas nécessaire d'un point de vue purement économique et social, vu son impact restreint.

L'exigence légale n'est pas proportionnée à l'objectif poursuivi par le législateur. Le critère relatif à la surface n'est pas nécessaire pour atteindre le but poursuivi. Il serait beaucoup plus efficace de prendre en compte exclusivement la taille de l'implantation commerciale parce que ce critère donnera une meilleure indication quant à l'influence économique et sociale. Par le critère adopté, le législateur est allé trop loin dans la limitation de la liberté de commerce et d'industrie. - B - B.1. La question préjudicielle concerne l'article 1er, § 1er, a), 1°, 1 et 2, de la loi du 29 juin 1975 relative aux implantations commerciales, modifié par l'article 1er de l'arrêté royal du 23 juin 1994, lu conjointement avec l'article 2 de cette loi.

L'article 1er, § 1er, a), 1°, est libellé comme suit : « Pour l'application de la présente loi, il faut entendre par : a) Projet d'implantation commerciale : 1° Un projet de construction nouvelle qui prévoit l'implantation d'un ou de plusieurs établissements de commerce de détail présentant : 1.en zone I, une surface bâtie brute supérieure à 1.500 m2 ou une surface commerciale nette supérieure à 1.000 m2; 2. dans une autre zone, une surface bâtie brute supérieure à 600 m2 ou une surface commerciale nette supérieure à 400 m2;» L'article 2 dispose : « Les projets d'implantation commerciale visés à l'article 1er, § 1er, a, sont soumis à une autorisation du collège des bourgmestre et échevins soit pour l'utilisation du permis de bâtir délivré conformément aux dispositions de la législation organique de l'aménagement du territoire et de l'urbanisme, soit pour l'exécution des projets lorsqu'il n'y a pas lieu de délivrer un permis de bâtir. » B.2.1. Le Conseil des ministres conteste la recevabilité de la question préjudicielle parce que la réponse à celle-ci ne présenterait aucune utilité pour la solution du litige.

B.2.2. C'est au juge qui pose une question préjudicielle qu'il appartient d'apprécier si la réponse à cette question est utile à la solution du litige qu'il doit trancher.

L'exception d'irrecevabilité est rejetée.

B.3.1. La différence de traitement en cause consiste en ce que l'exploitant d'un établissement commercial dont la surface commerciale nette est inférieure ou égale à 400 m2 et qui est situé dans un immeuble d'une surface bâtie brute de 600 m2 au plus ne doit pas disposer d'une autorisation socio-économique, tandis que l'exploitant d'un établissement commercial dont la surface commerciale nette comporte également 400 m2 au plus mais qui est situé dans un immeuble d'une surface bâtie brute supérieure à 600 m2 doit disposer d'une telle autorisation.

B.3.2. La différence de traitement repose sur un critère objectif, à savoir les superficies de l'immeuble dans lequel l'activité commerciale est exercée. Il a été considéré qu'il suffisait que soit atteinte ou bien la surface bâtie brute maximale ou bien la surface de vente nette maximale pour que l'implantation commerciale soit soumise à l'autorisation socio-économique (Doc. parl., Chambre, 1974-1975, n° 609/5, p. 14).

B.3.3. La disposition de la loi du 29 juin 1975 relative aux implantations commerciales qui est visée par la question préjudicielle entendait tenir compte non seulement des impératifs de l'aménagement du territoire, mais également de la situation socio-économique pour la délivrance des permis de bâtir de nouvelles implantations commerciales (Doc. parl., Chambre, 1974-1975, n° 609/5, p. 2) qui exercent une influence sur la concurrence économique, la viabilité des centres commerciaux existants, l'emploi, la circulation et l'environnement. A cet égard, toute solution de facilité a été évitée qui aurait présenté l'inconvénient de ne pas tenir suffisamment compte des réalités économiques et sociales. C'est pourquoi le Gouvernement a expressément rejeté toute idée de blocage total et prolongé mais aussi la tentation du laisser faire qui mène à une liberté complète incompatible avec la recherche de l'équilibre dans les circonstances données (Doc. parl., Chambre, 1974-1975, n° 609/5, p. 5). C'est dans cette perspective que la réalisation d'un examen socio-économique a été retenue comme solution pour les implantations commerciales répondant à certaines normes de superficie. A cet égard, le législateur a expressément voulu éviter l'échappatoire aux dispositions de la loi que constituerait, pour les exploitants d'implantations commerciales, la réalisation par étapes d'un projet déterminé (Doc. parl., Sénat, 1974-1975, n° 584/1, p. 4). L'utilisation du critère de la surface bâtie brute, à côté de celui de la surface commerciale nette de l'établissement commercial concerné, qui a pour effet que des implantations commerciales d'une surface commerciale nette de 400 m2 au plus situées dans des immeubles dont la surface bâtie brute excède la norme fixée sont également soumises à une autorisation, permet d'empêcher la division et la création étalée dans le temps d'exploitations commerciales dans un même immeuble dont la surface bâtie brute dépasse la norme maximale. Le critère utilisé est dès lors pertinent pour atteindre l'objectif fixé.

B.3.4. La différence de traitement se résume à ce que l'exploitant concerné doit obtenir une autorisation délivrée sur la base d'un examen socio-économique portant notamment sur la localisation spatiale de l'appareil commercial, l'intérêt des consommateurs, les incidences sur l'emploi et l'influence d'une implantation éventuelle sur le commerce déjà établi (Doc. parl., Chambre, 1974-1975, n° 609/5, p. 6) Une telle mesure n'est pas disproportionnée à l'objectif que poursuivait le législateur.

B.4.1. Par ailleurs, la liberté de commerce et d'industrie ne peut pas être conçue comme une liberté absolue. Elle ne fait pas obstacle à ce que la loi règle l'activité économique des personnes et des entreprises. Le législateur ne violerait la liberté de commerce et d'industrie que s'il limitait celle-ci sans qu'existe une quelconque nécessité pour ce faire ou si cette limitation était manifestement disproportionnée au but poursuivi.

B.4.2. Pour les raisons évoquées en B.3.3, la mesure visée par la question préjudicielle ne saurait être considérée comme une limitation disproportionnée de la liberté de commerce et d'industrie.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 1er, § 1er, a), 1°, de la loi du 29 juin 1975 relative aux implantations commerciales, modifié par l'article 1er de l'arrêté royal du 23 juin 1994, lu conjointement avec l'article 2 de la même loi, ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution.

Ainsi prononcé en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 3 décembre 1998.

Le greffier, L. Potoms Le président, L. De Grève

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