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Arrêt De La Cour Constitutionelle
publié le 30 avril 1999

Arrêt n° 22/99 du 24 février 1999 Numéro du rôle : 1279 En cause : les questions préjudicielles concernant les articles 70 et 84, alinéa 2, du Code de la taxe sur la valeur ajoutée, posées par le Tribunal de première instance de Hasselt. L composée des présidents L. De Grève et M. Melchior, et des juges H. Boel, L. François, P. Martens, (...)

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30/04/1999
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COUR D'ARBITRAGE


Arrêt n° 22/99 du 24 février 1999 Numéro du rôle : 1279 En cause : les questions préjudicielles concernant les articles 70 et 84, alinéa 2, du Code de la taxe sur la valeur ajoutée, posées par le Tribunal de première instance de Hasselt.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents L. De Grève et M. Melchior, et des juges H. Boel, L. François, P. Martens, J. Delruelle, G. De Baets, E. Cerexhe, H. Coremans, A. Arts, R. Henneuse et M. Bossuyt, assistée du greffier L. Potoms, présidée par le président L. De Grève, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des questions préjudicielles Par jugement du 19 janvier 1998 en cause de la s.a. Metad contre l'Etat belge, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 21 janvier 1998, le Tribunal de première instance de Hasselt a posé les questions préjudicielles suivantes : « 1. L'article 70 du Code de la T.V.A., lu en combinaison, pour autant que nécessaire, avec l'article 84, alinéa 2, du Code de la T.V.A., dans l'interprétation selon laquelle les amendes fiscales prévues à l'article 70 du Code de la T.V.A. et infligées par l'administration sont dues quelles que soient la faute ou la bonne foi du redevable et sans que le pouvoir judiciaire soit jugé compétent pour apprécier s'il y a une quelconque faute ou mauvaise foi sur lesquelles se fonde l'infliction de l'amende et sans que le pouvoir judiciaire soit jugé compétent pour apprécier la proportionnalité de l'amende infligée et, le cas échéant, compte tenu de circonstances atténuantes ou de causes de justification, pour accorder une réduction ou une remise, est-il contraire au principe constitutionnel de non-discrimination (articles 10 et 11 de la Constitution), eu égard au fait que conformément à l'article 73quinquies du Code de la T.V.A., l'appréciation et les modérations susvisées sont effectivement accordées pour la répression des mêmes faits par le biais d'amendes pénales ? 2. Si la réponse à la première question est positive, il y a lieu de se poser la question suivante pour ce qui concerne les infractions commises envers la réglementation de la T.V.A., qui n'ont pas été commises dans une intention frauduleuse ou à dessein de nuire et qui peuvent donc effectivement donner lieu à une amende administrative mais qui ne peuvent être punies d'une sanction pareille à celle visée à l'article 73 du Code de la T.V.A. : pour ce qui concerne ces infractions, l'article 70 du Code de la T.V.A., lu en combinaison, pour autant que nécessaire, avec l'article 84, alinéa 2, du Code de la T.V.A., dans l'interprétation selon laquelle les amendes fiscales prévues à l'article 70 du Code de la T.V.A. et infligées par l'administration sont dues quelles que soient la faute ou la bonne foi du redevable et sans que le pouvoir judiciaire soit jugé compétent pour apprécier s'il y a une quelconque faute ou mauvaise foi sur lesquelles se fonde l'infliction de l'amende et sans que le pouvoir judiciaire soit jugé compétent pour apprécier la proportionnalité de l'amende infligée et, le cas échéant, compte tenu de circonstances atténuantes ou de causes de justification, pour accorder une réduction ou une remise, est-il contraire au principe constitutionnel de non-discrimination (articles 10 et 11 de la Constitution), eu égard au fait que conformément à la réponse à la première question préjudicielle, l'appréciation et les modérations susvisées sont effectivement accordées pour les amendes administratives infligées en raison d'infractions susceptibles d'être également punies d'amendes pénales pareilles à celles visées à l'article 73 du Code de la T.V.A., compte tenu du fait que le principe de proportionnalité exige qu'une infraction plus légère ne puisse faire l'objet d'une sanction plus (voire tout aussi) sévère que pour une infraction plus grave ? » II. Les faits et la procédure antérieure La décision de renvoi et le dossier de la procédure antérieure font apparaître que le 1er février 1995, la s.a. Metad, antérieurement la s.a. Leenders, avait fait opposition auprès du Tribunal de première instance de Tongres contre la poursuite de l'exécution d'une contrainte qui lui avait été signifiée le 9 décembre 1994 et qui avait été décernée par le receveur faisant fonction du deuxième bureau de recette de la T.V.A. à Hasselt le 4 novembre 1994. Cette contrainte réclamait un montant de 2.315.027 francs au titre de la T.V.A. et un montant de 4.630.000 francs à titre d'amende, à majorer des intérêts et des frais.

Par jugement du 20 décembre 1995, l'affaire avait été renvoyée au Tribunal de première instance de Hasselt.

Dans le jugement par lequel les questions préjudicielles sont posées, le Tribunal estime qu'il existe des motifs suffisants pour poser les questions préjudicielles suggérées par la demanderesse.

III. La procédure devant la Cour Par ordonnance du 21 janvier 1998, le président en exercice a désigné les juges du siège conformément aux articles 58 et 59 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage.

Les juges-rapporteurs ont estimé n'y avoir lieu de faire application des articles 71 ou 72 de la loi organique.

La décision de renvoi a été notifiée conformément à l'article 77 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 17 février 1998.

L'avis prescrit par l'article 74 de la loi organique a été publié au Moniteur belge du 28 février 1998.

Des mémoires ont été introduits par : - la s.a. Metad, Nieuwpoortlaan 17, 3600 Genk, par lettre recommandée à la poste le 1er avril 1998; - le Conseil des ministres, rue de la Loi 16, 1000 Bruxelles, par lettre recommandée à la poste le 3 avril 1998.

Ces mémoires ont été notifiés conformément à l'article 89 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 28 avril 1998.

Des mémoires en réponse ont été introduits par : - le Conseil des ministres, par lettre recommandée à la poste le 25 mai 1998; - la s.a. Metad, par lettre recommandée à la poste le 27 mai 1998.

Par ordonnances des 30 juin 1998 et 16 décembre 1998, la Cour a prorogé respectivement jusqu'aux 21 janvier 1999 et 21 juillet 1999 le délai dans lequel l'arrêt doit être rendu.

Par ordonnance du 21 octobre 1998, le président L. De Grève a soumis l'affaire à la Cour réunie en séance plénière.

Par ordonnance du 21 octobre 1998, la Cour a déclaré l'affaire en état et fixé l'audience au 18 novembre 1998, après avoir invité les parties à s'expliquer à l'audience sur la compatibilité du système d'amendes litigieux avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, lu en combinaison avec les articles 10 et 11 de la Constitution.

Cette ordonnance a été notifiée aux parties ainsi qu'à leurs avocats, par lettres recommandées à la poste le 22 octobre 1998.

A l'audience publique du 18 novembre 1998 : - ont comparu : . Me R. Tournicourt, avocat au barreau de Bruxelles, pour la s.a.

Metad; . Me I. Claeys Bo|$$|Aau|$$|Aauaert, avocat à la Cour de cassation, pour le Conseil des ministres; - les juges-rapporteurs H. Boel et E. Cerexhe ont fait rapport; - les avocats précités ont été entendus; - l'affaire a été mise en délibéré.

La procédure s'est déroulée conformément aux articles 62 et suivants de la loi organique, relatifs à l'emploi des langues devant la Cour.

IV. En droit - A - Mémoire de la s.a. Metad A.1.1. La première question préjudicielle porte sur les infractions à la législation en matière de T.V.A. qui peuvent être sanctionnées aussi bien par des amendes fiscales au sens des articles 70 à 72 du Code de la T.V.A. que par des peines correctionnelles au sens de l'article 73 de ce Code.

A.1.2. Selon la s.a. Metad, la position de l'Etat belge, qui soutient que le juge ne peut se prononcer ni sur la faute du redevable, ni sur l'opportunité ou le montant de l'amende, est contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution combinés avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et avec l'article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Dans plusieurs arrêts, la Cour européenne des droits de l'homme a déjà décidé que les amendes administratives entrent dans le champ d'application de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. La Cour a, dans l'intervalle, également confirmé explicitement cette position pour ce qui concerne les amendes administratives fiscales. Dans le récent arrêt Garyfallou du 24 septembre 1997, la Cour l'a à nouveau confirmé et indiqué clairement à cet égard les critères qui sont déterminants pour décider du caractère pénal d'une amende administrative au sens du susdit article 6. D'après sa jurisprudence, la Cour d'arbitrage suit un raisonnement identique à celui de la Cour européenne des droits de l'homme (arrêts nos 79/92, 82/93 et 40/97).

En l'espèce, la contestation porte sur une amende administrative de T.V.A. s'élevant à 200 p.c. de la T.V.A. due. Ce montant est fort élevé, compte tenu du fait que le taux normal de la T.V.A. est déjà de 21 p.c. Il est clair que cette amende de T.V.A. revêt un caractère pénal au sens de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et de l'article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Elle exerce une fonction répressive et préventive. De même, la doctrine confirme généralement que ces amendes de T.V.A. ont un caractère pénal au sens des dispositions conventionnelles précitées. L'infliction de ces amendes administratives fiscales implique donc que soient respectées les garanties juridiques fondamentales prévues par les dispositions conventionnelles précitées. Cette position a également été suivie en grande partie par la jurisprudence. Le caractère pénal des amendes administratives de T.V.A. au sens susvisé est d'ailleurs confirmé par le Code de la T.V.A. lui-même, dès lors que ces amendes figurent dans le chapitre relatif aux sanctions. Il peut être observé, pour autant que de besoin, que le caractère pénal des amendes administratives fiscales au sens de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme a également déjà été reconnu par les plus hautes cours de justice des pays environnants. Dans son avis concernant le tout récent projet de loi réformant la procédure fiscale, la section de législation du Conseil d'Etat a, elle aussi, clairement indiqué qu'il fallait tenir compte, lors de l'infliction d'amendes administratives fiscales, des obligations en matière de protection juridique qui doivent être garanties, selon la Convention européenne des droits de l'homme, lors de l'infliction de telles sanctions. Dans l'intervalle, le Gouvernement a adapté son projet de loi aux fins de permettre aux juges de se prononcer sur la réduction ou sur la remise des amendes infligées par l'administration.

A.1.3. Les considérations ci-dessus permettent de tirer deux conséquences.

La première est que l'élément matériel de l'infraction n'est pas suffisant en soi pour infliger une amende fiscale. Le juge doit pouvoir apprécier la faute du redevable. Il faut admettre, indépendamment de la qualification des sanctions administratives fiscales au niveau du droit interne, que l'infliction d'une telle amende doit être considérée comme l'engagement d'une procédure pénale visée par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et par l'article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Ces deux dispositions impliquent la présomption d'innocence. Compte tenu de la décision de la Cour européenne des droits de l'homme, selon laquelle la poursuite et la répression des infractions doivent pouvoir être confiées à l'administration, il faut donc conclure que lorsque l'administration estime que la faute du redevable justifie l'infliction d'une amende administrative, le redevable doit avoir le droit de contester cette amende et de soumettre le litige en matière de T.V.A. à un juge indépendant et impartial. Cette instance judiciaire doit alors pouvoir vérifier si le redevable est effectivement responsable de la prétendue infraction en matière de T.V.A. Si le redevable n'a aucun tort, il ne peut être sanctionné, et l'amende fiscale doit être levée. Au cas où aucun contrôle judiciaire ne serait possible pour ce qui concerne la faute du redevable, celui-ci subirait une discrimination injustifiée et déraisonnable en comparaison avec d'autres sujets de droit dont les peines peuvent être contrôlées par une instance judiciaire indépendante et impartiale, et certainement en comparaison avec les sujets de droit (redevables) qui sont sanctionnés par le juge pénal pour les mêmes infractions fiscales sur la base des articles 73 et suivants du Code de la T.V.A. Une telle discrimination serait contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution juncto l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. Les travaux préparatoires du Code de la T.V.A. lui-même font du reste apparaître que l'intention était de tenir compte de la culpabilité du redevable.

La deuxième conséquence est qu'il y a lieu de tenir compte des causes de justification, des causes d'excuse et des circonstances atténuantes. Il n'est pas raisonnablement justifié de traiter différemment les amendes infligées par l'administration et celles infligées par le juge pénal, en ce sens qu'il ne pourrait être tenu compte de causes de justification, de causes d'excuse ou de circonstances atténuantes entraînant une réduction ou même une remise totale de l'amende que pour la dernière catégorie. Sur la base de l'article 73 du Code de la T.V.A., le juge pénal peut infliger des amendes allant de 10.000 à 500.000 francs pour des infractions en matière de T.V.A. Ces amendes ne peuvent être majorées de décimes additionnels. Les amendes de T.V.A. qui sont infligées par l'administration peuvent atteindre 200 p.c. du montant de la T.V.A. due, ce qui aboutit en l'espèce à une amende de 4.630.000 francs. Il est donc évident que l'administration de la T.V.A. peut infliger des amendes qui sont beaucoup plus élevées que les amendes que peut infliger le juge pénal. On ne saurait justifier pour quelles raisons ces amendes infligées par l'administration ne pourraient être réduites, compte tenu de causes de justification, de causes d'excuse ou de circonstances atténuantes. Dans son arrêt n° 40/97, la Cour est arrivée à la même conclusion en ce qui concerne les amendes sociales.

La thèse selon laquelle des causes de justification, des causes d'excuse et des circonstances atténuantes ne pourraient être prises en compte que pour les amendes infligées par le juge pénal et non pour les amendes infligées par l'administration a pour conséquence que l'administration a en fait le pouvoir de décider dans chaque cas concret s'il peut être tenu compte ou non de ces circonstances, sans que le redevable puisse exercer une quelconque défense contre la décision prise par l'administration. En effet, compte tenu du caractère pénal des amendes fiscales de T.V.A., elles tombent dans le champ d'application du principe non bis in idem prévu à l'article 14.1 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Par conséquent, il n'est en principe plus possible de cumuler des amendes pénales et des amendes administratives, comme l'ont fait observer la section de législation du Conseil d'Etat dans un avis concernant un décret flamand et la Cour européenne des droits de l'homme en ce qui concerne l'article 4 du Septième Protocole à la Convention européenne des droits de l'homme, dans l'arrêt Gradinger du 23 octobre 1995. Cela implique donc, d'une part, que lorsqu'un juge pénal a déjà prononcé une amende ou une peine d'emprisonnement, une amende administrative ne peut plus être infligée et, d'autre part, que lorsqu'une sanction administrative a été infligée, une procédure pénale engagée pour le même fait est irrecevable. Or, le ministère public ne prend normalement connaissance d'infractions en matière de T.V.A. que par le biais de l'administration fiscale. Dans un tel cas, l'administration peut donc elle-même décider si elle veut infliger une amende fiscale ou si elle laisse la sanction au juge pénal. Si la prise en compte de causes de justification, de causes d'excuse et de circonstances atténuantes devait être exclue lors de l'infliction d'une amende fiscale de T.V.A., un fonctionnaire de la T.V.A. pourrait donc priver un redevable de la T.V.A. de tout droit à une défense (en supposant que celle-ci soit fondée sur des causes de justification, des causes d'excuse ou des circonstances atténuantes), en veillant simplement à infliger une amende fiscale avant l'intentement de poursuites pénales, ce qui ne saurait aucunement se justifier.

L'article 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme et l'article 14.1 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques exigent, comme l'a explicitement confirmé la Cour de cassation française dans son arrêt du 29 avril 1997, que le juge qui est saisi du litige relatif à l'amende administrative puisse se prononcer en toute compétence sur la débition de principe et sur le montant de l'amende.

A.1.4. Il faut donc répondre à la première question préjudicielle qu'il y a violation du principe constitutionnel de non-discrimination (pour autant que nécessaire, lu en combinaison avec les dispositions conventionnelles citées ci-dessus) si l'amende fiscale de T.V.A. est due indépendamment de la faute du redevable, si le juge ne peut pas se prononcer sur cette faute et si le juge ne peut réduire ou « remettre » l'amende infligée par l'administration en tenant compte de causes de justification, de causes d'excuse ou de circonstances atténuantes.

A.2.1. La deuxième question préjudicielle concerne spécifiquement les infractions plus légères à la réglementation sur la T.V.A. Celles-ci ne peuvent être sanctionnées que d'amendes fiscales. La question se pose de savoir si le juge est également compétent dans ces cas pour se prononcer sur le montant des amendes fiscales.

A.2.2. A l'estime de la s.a. Metad, le juge doit effectivement posséder également ce pouvoir d'appréciation à l'égard des infractions plus légères et des amendes plus légères qu'elles entraînent, et ce sur la base du principe de proportionnalité. Eu égard au fait que, conformément à la réponse donnée à la première question préjudicielle, des circonstances atténuantes ou des causes de justification et d'excuse doivent pouvoir être prises en compte pour les amendes infligées par l'administration pour des infractions qui ont été commises dans une intention frauduleuse ou à dessein de nuire, il faut conclure a priori que ces circonstances atténuantes ou ces causes de justification et d'excuse doivent certainement pouvoir être invoquées aussi par un redevable qui a commis la même infraction sans intention frauduleuse et sans dessein de nuire et qui ne peut donc être sanctionné que d'une amende fiscale. Il faut en effet tenir compte à cet égard du principe de proportionnalité, selon lequel une infraction plus légère ne peut faire l'objet d'une sanction plus sévère - et même pas d'une sanction aussi sévère, précise la Cour de justice des Communautés européennes - que pour une infraction plus grave. Si un juge qui constate la faute d'un redevable en ce qui concerne une infraction légère ne pouvait prononcer aucune réduction de l'amende infligée par l'administration, ce redevable serait discriminé de manière déraisonnable et disproportionnée par rapport à un autre redevable qui a commis exactement la même infraction dans une intention frauduleuse ou à dessein de nuire. Il est en effet fort possible que ce dernier obtienne une amende beaucoup moins importante, compte tenu du fait que dans son cas, le juge, conformément à la réponse donnée à la première question préjudicielle, peut et doit tenir compte de circonstances atténuantes ou de causes de justification et d'excuse.

Dans son appréciation, la Cour doit prendre en considération le principe de proportionnalité parce que celui-ci fait partie du principe constitutionnel de non-discrimination et que la réglementation belge en matière de T.V.A. a été édictée en exécution de directives européennes. Selon la jurisprudence de la Cour de justice, il découle de l'article 5 du Traité C.E. que les Etats membres doivent respecter la proportionnalité dans l'infliction de sanctions pour cause de non-respect du droit communautaire et des mesures adoptées par le législateur national en exécution du droit communautaire. C'est le juge national qui doit apprécier si les sanctions prévues par le législateur national satisfont au principe de proportionnalité. Si le juge belge estime une amende fiscale de T.V.A. trop lourde, il a non seulement le droit mais également le devoir de réduire ou éventuellement de supprimer totalement l'amende infligée par l'administration.

Il découle de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, et en particulier de l'arrêt Garyfallou du 24 septembre 1997, que même si une sanction administrative n'est pas véritablement « lourde », elle ne sort pas pour autant du champ d'application de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, puisque toutes les amendes fiscales administratives, tant légères que lourdes, ont en substance un caractère répressif et préventif. Si quelqu'un qui a commis une grave infraction, et qui risque pour cette raison une lourde sanction, a droit à la prise en compte de circonstances atténuantes et de causes de justification ou d'excuse, le principe de non-discrimination exige qu'il soit tenu compte des mêmes circonstances réduisant ou excluant la répression au profit de quelqu'un qui a commis une infraction plus légère. Il est d'ailleurs irréalisable dans la pratique d'établir une distinction entre des sanctions administratives légères et lourdes.

Les infractions à la T.V.A. ne peuvent être poursuivies devant le juge pénal que si elles sont graves, à savoir si elles ont été commises « dans une intention frauduleuse ou à dessein de nuire ». Or, puisque lors de la répression de ces infractions graves, il peut et il doit être tenu compte de causes de justification, de causes d'excuse et de circonstances atténuantes, il ne serait pas raisonnablement justifié qu'on ne puisse tenir compte des mêmes circonstances lors de l'infliction d'amendes pour des infractions légères (cf. arrêt n° 40/97, considérant B.7.2).

A.2.3. En ce qui concerne les infractions à la réglementation de la T.V.A. qui n'ont pas été commises dans une intention frauduleuse ou à dessein de nuire et qui peuvent néanmoins donner lieu à une amende fiscale mais qui ne peuvent être punies d'une sanction visée à l'article 73 du Code de la T.V.A., il faut donc conclure que le principe constitutionnel de non-discrimination, combiné pour autant que nécessaire avec les dispositions et principes cités, doit s'interpréter comme interdisant que ces infractions soient sanctionnées si le redevable n'a pas commis de faute; et comme interdisant aussi que le juge ne soit pas compétent pour apprécier la faute du redevable ou pour réduire ou même totalement « remettre » l'amende fiscale, compte tenu de causes de justification, de causes d'excuse ou de circonstances atténuantes.

Mémoire du Conseil des ministres A.3.1. Dans les deux questions, l'avis de la Cour est demandé sur la compatibilité avec le prescrit constitutionnel d'égalité d'une réglementation par laquelle des amendes fiscales sont dues, a) quelle que soit la faute ou la bonne foi du redevable;b) sans que le pouvoir judiciaire soit jugé compétent pour apprécier s'il existe une quelconque faute ou mauvaise foi pour fonder l'infliction de l'amende;c) sans que le pouvoir judiciaire soit jugé compétent pour apprécier la proportionnalité de l'amende infligée et, le cas échéant, pour accorder une réduction ou une remise, compte tenu de circonstances atténuantes ou de causes de justification. Le jugement de renvoi ne demande pas à la Cour de dire si telle est effectivement la réglementation relative aux amendes fiscales; ni quelles modérations peuvent ou doivent être prises en compte à cet égard. Le jugement se situe donc dans l'hypothèse, qu'a manifestement décrite le juge de la manière la plus précise possible, des effets d'un régime qui attribue aux amendes fiscales un caractère indemnitaire. Enfin, il n'est pas non plus demandé si les amendes prévues par la loi sont trop élevées pour répondre à ce caractère indemnitaire.

A.3.2. L'inégalité sur laquelle la demanderesse dans l'instance principale construit sa thèse existerait entre les personnes qui ont commis une infraction aux lois fiscales, et en l'espèce à la législation en matière de T.V.A., et les personnes qui sont poursuivies et condamnées pour des infractions à d'autres lois. Cette conception renferme déjà en soi une confusion. La prise en considération de circonstances atténuantes, bien qu'érigée en règle générale dans le Code pénal, connaît malgré tout un certain nombre d'exceptions. En dehors du Code pénal, les circonstances atténuantes ne peuvent être prises en compte par le juge que lorsque la loi, qui réprime les infractions visées, le prévoit explicitement. Il existe pour certaines infractions une présomption juris et de jure de l'élément moral. Les causes d'excuse ne peuvent être invoquées que dans les cas fixés par la loi. Il est relativement simpliste d'opposer purement et simplement les situations où le juge apprécie en totale liberté la faute et la peine et celles où le juge n'a aucune liberté.

Il est normal que la loi instaure des différences dans le traitement de situations différentes.

A.3.3. Dans l'analyse des infractions fiscales en général et des infractions à la législation en matière de T.V.A. en particulier, il échet de prendre en compte les particularités suivantes : a) d'un point de vue individuel, il convient d'infliger une sanction appropriée pour chaque infraction à une loi fiscale;il s'agit là de l'aspect proprement pénal de la sanction; b) en outre, on ne saurait nier que l'infraction fiscale représente une perte budgétaire pour le Trésor;cette perte doit être compensée; c) la perte n'est pas limitée à la taxe éludée;cela vaut en particulier pour la T.V.A., qui est conçue en vue d'imposer un produit par des perceptions intervenant dans le cycle de production et de distribution; une irrégularité qui élude la perception dans l'une des phases entraîne des conséquences pour les phases suivantes et aboutit généralement aussi à une fraude en matière d'impôts sur les revenus; d) la fraude fiscale en tant que phénomène social oblige les pouvoirs publics à mettre en oeuvre et à rétribuer une administration complexe en vue d'exercer un contrôle sur l'application de la loi;globalement, le coût financier du contrôle doit être repris parmi les effets de la fraude fiscale.

Même si l'on attribue aux amendes administratives un caractère mixte, pénal et indemnitaire, le dommage à réparer est suffisamment important pour soumettre ces amendes à un régime juridique propre.

A.3.4. Le problème du prescrit constitutionnel d'égalité peut être abordé sous deux aspects.

Première possibilité : on renonce à la doctrine traditionnelle, et le caractère indemnitaire de l'amende fiscale est nié. Mais même dans ce cas, il ne peut être nié que les infractions fiscales présentent des caractères très spécifiques et qu'elles diffèrent de ce fait profondément des infractions réprimées par le Code pénal. Etant donné que la répression de la fraude présente de l'intérêt pour le Trésor et qu'une perception correcte des impôts est importante en vue d'assurer un bon fonctionnement de tous les services publics, il est raisonnable que la loi limite au maximum les dérogations possibles dans l'infliction des sanctions prescrites.

Deuxième possibilité : le caractère indemnitaire traditionnel de l'amende fiscale est reconnu. Dans ce cas, il faut admettre que le juge ne peut être autorisé à modifier, sur la base d'une appréciation subjective, les indemnités légalement fixées. Le juge qui doit statuer sur un accident de voiture peut moduler la sanction pénale en raison de blessures involontaires; mais il ne peut prendre en compte des circonstances atténuantes pour la réparation du dommage prouvé de la partie civile. Ce qui justifie à nouveau la règle selon laquelle seul le ministre des Finances peut accorder une remise ou une réduction de l'amende. Il échet à cet égard d'observer que la fixation des amendes selon une échelle des infractions préalablement établie prévient les décisions administratives arbitraires mais est incompatible avec la libre appréciation du juge.

A.3.5. Selon la première question posée dans le jugement de renvoi, le problème doit être analysé « eu égard au fait que conformément à l'article 73quinquies du Code de la T.V.A., l'appréciation et les modérations susvisées sont effectivement autorisées pour la répression des mêmes faits par le biais d'amendes pénales ». Il convient d'observer à ce sujet que l'application de l'article 85 du Code pénal ne vaut, selon l'article 73, que « sans préjudice des amendes fiscales ». Le système est donc logique : pour les sanctions pénales proprement dites, la liberté d'appréciation du juge pénal est maintenue; pour les sanctions indemnitaires, il convient au contraire d'appliquer les barèmes de la loi.

L'amende administrative et l'amende pénale répondent à des constructions juridiques différentes ayant une ratio legis différente.

Elles peuvent donc présenter des caractéristiques différentes : les sanctions pénales disparaissent à la suite du décès du condamné, ce qui n'est pas le cas des amendes administratives; les sanctions pénales sont mentionnées au casier judiciaire, les amendes administratives n'y figurent pas; les règles en matière de récidive, de complicité et de concours sont applicables aux sanctions pénales, mais pas aux amendes administratives; les amendes pénales ne sont jamais déductibles au titre de charges professionnelles, alors que les amendes administratives fiscales le sont effectivement; les sanctions administratives ne donnent pas lieu à des peines privatives de liberté. Par conséquent, la possibilité d'appliquer des circonstances atténuantes à des sanctions pénales ne fait pas obstacle au caractère contraignant des amendes fiscales et n'est pas en contradiction avec celui-ci.

A.3.6. La deuxième question posée dans le jugement de renvoi ne diffère de la première qu'en ce qu'il est en outre fait référence au principe de proportionnalité. La question est posée au cas où la réponse à la première question serait positive. La signification de la question n'est pas très claire. En effet, si la réponse à la première question est positive, il paraît évident que le reproche d'inconstitutionnalité doit s'étendre à la situation visée dans la deuxième question. De plus, il ne saurait être affirmé que l'application de l'article 73 du Code de la T.V.A. entraînerait l'infliction d'une sanction plus légère pour une infraction plus grave. Comme il a été observé ci-dessus, l'article 73 est en effet applicable « sans préjudice des amendes fiscales », lesquelles restent donc intégralement dues.

Il faut toutefois observer, pour être complet, que le principe de proportionnalité invoqué est une construction propre au droit communautaire européen. Le présent litige est de nature purement interne et le droit communautaire ne lui est, en soi, pas applicable.

A.3.7. Dans ses arrêts nos 40/97 et 45/97, la Cour a répondu à des questions présentant une certaine analogie avec les questions actuelles. Il échet toutefois d'observer à cet égard que l'analogie dans les termes des questions posées ne correspond nullement à une analogie dans les situations de fait. Il s'agissait, dans ces affaires, d'infractions commises dans le secteur social. Or, pour la répression de la fraude fiscale, il faut tenir compte du fait que c'est le fonctionnement même des services publics qui rend nécessaire la répression de la fraude fiscale. Les arguments précédemment avancés pour justifier la différence entre les procédures fiscales et les procédures de droit commun sont également d'application pour la différence existant entre les procédures fiscale et sociale.

A.3.8. Les limitations à la compétence du pouvoir judiciaire, décrites dans les questions posées, se justifient pleinement pour ce qui concerne la répression des infractions fiscales. La première question appelle une réponse négative. La seconde question, qui n'est posée que si la réponse à la première est positive, n'entre donc pas en ligne de compte.

Mémoire en réponse du Conseil des ministres A.4.1. La thèse de la demanderesse repose entièrement sur le postulat que les amendes fiscales ont exclusivement la nature d'une sanction pénale. Elle nie totalement le caractère pourtant indemnitaire de ces amendes, que fait apparaître la jurisprudence de la Cour de cassation.

Le règlement de cette discussion sort des limites de la présente procédure. L'administration est tenue de se conformer à l'interprétation de la loi fournie par la jurisprudence de la Cour de cassation. Au demeurant, même si l'on attribuait aux amendes examinées un caractère mixte, le caractère indemnitaire serait suffisamment important pour justifier que le juge ne puisse apprécier l'opportunité de leur infliction.

A.4.2. Les arguments tirés de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et de l'article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ne sauraient être accueillis.

Selon la jurisprudence de la Cour de cassation, ces dispositions conventionnelles ne sont pas applicables aux matières fiscales. C'est en vain que la demanderesse attaque cette jurisprudence. Il lui est loisible de défendre ses thèses devant la Cour européenne, à laquelle il appartient d'interpréter les notions propres de la Convention et d'en définir le champ d'application. Tant que cela n'a pas eu lieu, l'administration demeure liée par l'interprétation de la loi donnée par la Cour de cassation.

Par ailleurs, la disposition de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ne signifie aucunement que l'ensemble du domaine des dispositions pénales doive s'interpréter dans le sens proposé par la demanderesse. L'application de circonstances atténuantes connaît également des exceptions dans le domaine proprement pénal. Il est inadmissible de soumettre, globalement et sans nuance, les sanctions légales en matière de T.V.A. à l'application de l'article 85 du Code pénal. De surcroît, les tribunaux sont pleinement compétents pour apprécier la légalité des amendes infligées. Il est ainsi satisfait au droit de voir juger sa cause par une instance judiciaire indépendante et impartiale. Ce droit n'implique pas nécessairement une compétence pour en tempérer l'application sur la base de considérations subjectives ou pour dispenser de cette application. Enfin, les dispositions conventionnelles précitées ne peuvent avoir pour effet que le juge apprécie librement l'opportunité d'une condamnation à réparer un dommage. Comme dans les autres litiges ayant pour objet une indemnisation, le juge doit apprécier la légalité de la prétention.

Mais il n'est pas compétent pour réduire, en fonction de son appréciation personnelle, l'indemnisation fixée dans la loi elle-même.

L'amende est d'ailleurs infligée par la loi et n'est due par le redevable qu'en vertu de la loi, sans la moindre intervention de l'administration.

A.4.3. Il est erroné d'opposer les articles 70 et 73 du Code de la T.V.A. en les présentant comme des sanctions « alternatives », où la répression d'infractions plus graves serait plus légère que pour des faits moins graves. En effet, ces dispositions législatives ne doivent pas s'appliquer de manière « alternative » mais bien cumulative.

Le principe non bis in idem ne signifie aucunement que sur la base d'une infraction identique, le législateur ne pourrait infliger des sanctions cumulatives. Par ailleurs, la thèse de la demanderesse n'est pas conforme au déroulement général de la répression de la fraude fiscale. Les pratiques frauduleuses se constatent dans une entreprise, presque toujours dans une société. Les sociétés ne sont pas poursuivies au pénal; pour les sociétés, il n'est pas davantage question de considérations subjectives. Les amendes légales sont dès lors appliquées à ces infractions. En revanche, les poursuites pénales frappent les personnes physiques qui sont intervenues en tant que dirigeants de cette entreprise et, dans ce cas, la question de l'intention frauduleuse est bel et bien soulevée. Le cumul de sanctions critiqué par la demanderesse est donc inexistant dans la pratique pour ce qui est de la personne concernée. Il est dès lors totalement inexact d'affirmer qu'un fonctionnaire de la T.V.A. puisse priver un redevable de la T.V.A. de tout droit de défense en veillant simplement à infliger une amende fiscale avant l'intentement de poursuites pénales. L'amende n'est pas infligée par un fonctionnaire; elle est due en vertu de la loi. Le redevable peut en contester la légalité devant le juge.

A.4.4. La thèse de la demanderesse selon laquelle il existerait une disproportion entre la répression (plus légère) d'infractions plus graves, en application de l'article 73 du Code de la T.V.A., et la répression, qualifiée de beaucoup plus sévère, d'infractions plus légères, éventuellement commises sans intention frauduleuse, comme le prévoit l'article 70 du Code de la T.V.A., se fonde sur le postulat erroné que les deux régimes seraient « alternatifs » au lieu d'être cumulatifs.

De surcroît, la demanderesse cite une notion du droit communautaire européen en la retirant de son contexte et elle l'interprète et l'applique de manière erronée. La Cour de justice a appliqué le principe de proportionnalité en réponse à la question de savoir si la sanction qui frappe une firme étrangère serait ou non plus sévère que les sanctions qui sont infligées dans les échanges commerciaux internes pour les mêmes infractions. Ce principe ne signifie donc aucunement que le juge se voit accorder une compétence générale pour apprécier l'opportunité de prescriptions légales.

L'actuel litige concerne la taxe sur la valeur ajoutée, dont les fondements sont effectivement fixés dans le droit communautaire.

L'amende légale est une majoration, imposée par la loi, de la dette fiscale proprement dite. Il est loisible à la demanderesse d'engager une procédure aboutissant à l'envoi d'une question préjudicielle à la Cour de justice aux fins d'établir si cette augmentation de taxe est ou non contraire aux directives applicables.

En droit interne, c'est la tâche du législateur de prendre les mesures qui s'imposent pour assurer la correcte application des lois fiscales.

La proportionnalité de l'amende légale doit s'apprécier en l'espèce à la lumière de la fraude fiscale commise. Une augmentation de taxe de 200 p.c. revient à tripler la taxe (63 p.c. au lieu de 21 p.c.). Cela doit s'apprécier dans le cadre du chiffre d'affaires d'une entreprise.

Le fait qu'il s'agisse d'une augmentation strictement proportionnelle supprime tout risque d'arbitraire. Il faut par ailleurs tenir compte du fonctionnement particulier de la T.V.A. Dans la présente affaire, il a été abondamment fait usage de factures fictives. Cette pratique peut avoir des conséquences fort complexes, parmi lesquelles la déduction illicite de la taxe en amont fictive, la répercussion sur l'acheteur de la T.V.A. non versée au Trésor, des charges fictives et/ou des bénéfices occultes dans l'entreprise du fraudeur, généralement aussi de son client, etc.

En outre, il faut attirer l'attention sur le fait qu'il ne saurait être question d'inégalité en l'espèce. L'amende légale, fixée dans la loi elle-même, est identique pour chaque personne qui commet une infraction.

A.4.5. On peut dire en conclusion que les amendes légales revêtent, sinon intégralement, du moins essentiellement un caractère indemnitaire. En effet, le dommage subi par le Trésor par suite de la fraude fiscale est complexe et n'est aucunement compensé par le paiement du montant d'un manquement individuel, fût-ce avec des intérêts compensatoires. Le fait que l'indemnisation soit fixée par la loi elle-même est donc pleinement justifié, d'autant qu'elle est entièrement proportionnelle au montant du manquement constaté.

L'application de ces amendes légales est soumise au contrôle du pouvoir judiciaire pour ce qui concerne sa légalité. La compétence de contrôle d'une instance judiciaire indépendante ne doit pas s'étendre à la possibilité de tenir compte de circonstances atténuantes, et encore moins de réduire, sur la base de considérations subjectives, l'indemnisation légalement fixée.

Les différences de traitement vis-à-vis des infractions pénales ordinaires et des infractions prévues à l'article 73 du Code de la T.V.A. se justifient : a) à l'égard des infractions pénales ordinaires par le caractère indemnitaire des amendes prescrites par l'article 70 du Code de la T.V.A.; il faut y ajouter le fait que pour d'autres infractions, la possibilité pour le juge de tenir compte de circonstances atténuantes n'est pas non plus générale; b) à l'égard des amendes prévues par l'article 73 du Code de la T.V.A. : les articles 70 et 73 comportent deux régimes indépendants l'un de l'autre, qui sont appliqués chacun en fonction de son propre fondement et qui ne s'excluent nullement. Il est donc inexact de soutenir que pour une infraction plus légère il peut être infligé une sanction plus sévère que pour une infraction plus grave.

Mémoire en réponse de la s.a. Metad A.5.1. Dans les questions préjudicielles, le juge a quo n'a reconnu explicitement ni le caractère pénal ni la nature indemnitaire des amendes. La formulation des questions proposée par la s.a. Metad fait cependant clairement apparaître que ces questions partent de la conception selon laquelle un caractère pénal peut être attribué aux amendes fiscales. Cette thèse a d'ailleurs été confirmée par la Cour européenne des droits de l'homme dans son arrêt du 27 mars 1998 en cause de J.J. contre les Pays-Bas.

A.5.2. La comparaison que fait la s.a. Metad concerne, d'une part, les redevables de la T.V.A. auxquels une amende est infligée par l'administration sur la base des articles 70, 71 et 72 du Code de la T.V.A. et, d'autre part, les redevables de la T.V.A. auxquels une amende est infligée par le juge pénal sur la base des articles 73 et suivants. La s.a. Metad est consciente du fait que des circonstances atténuantes ne sont, dans un certain nombre de cas exceptionnels, pas prises en compte et que des causes d'excuse ne peuvent être invoquées que dans les cas définis par la loi. Ces considérations n'ont toutefois aucune importance en l'espèce, dès lors que la comparaison porte sur les redevables de la T.V.A. qui font l'objet d'une amende administrative et sur ceux qui peuvent se voir infliger une amende par le juge pénal. Ces derniers peuvent, en application de l'article 73quinquies du Code de la T.V.A., bénéficier des dispositions du livre Ier du Code pénal, en ce compris son article 85.

A.5.3. L'affirmation du Conseil des ministres selon laquelle la doctrine traditionnelle confère un caractère indemnitaire aux amendes fiscales administratives n'est pas aussi traditionnelle qu'on le dit.

A l'origine, la législation et la jurisprudence n'ont pas douté du caractère pénal des amendes fiscales, en ce compris celles qui étaient infligées par l'administration. Ce n'est qu'au cours des travaux préparatoires de la loi du 8 juin 1867 instaurant le Code pénal que l'on a affirmé que ces amendes fiscales pouvaient également avoir un caractère indemnitaire, plus précisément afin de pouvoir également les répercuter sur les héritiers. C'est sur la base du caractère pénal que l'on a rendu le ministre compétent pour en accorder la remise. La motivation qui était à l'origine de la thèse selon laquelle un caractère indemnitaire doit également être reconnu aux amendes fiscales administratives est depuis lors dépassée. La Cour européenne des droits de l'homme a en effet décidé que lorsque le redevable qui a commis l'infraction fiscale est décédé avant l'infliction de l'amende, celle-ci ne peut plus être répercutée par la suite sur les héritiers, eu égard au caractère personnel de la peine.

La perte budgétaire encourue par le Trésor est répercutée ou peut être répercutée d'une autre manière. Si les amendes doivent servir à couvrir les frais de l'administration, il s'agit d'un impôt et la compétence du ministre en matière de remise serait contraire à l'article 172, alinéa 2, de la Constitution. Le fait que les amendes fiscales administratives ont de toute manière un caractère pénal est reconnu ailleurs dans le mémoire du Conseil des ministres et a été défendu par le fisc dans des procédures relatives à la question de savoir si elles constituent ou non une dépense professionnelle déductible.

De surcroît, il échet de toute façon d'observer que qualifier en droit interne les amendes fiscales administratives de peines ou de réparations ne porte en aucune manière atteinte à la qualification qui doit être attribuée aux amendes fiscales sur la base de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et de l'article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. La Cour européenne des droits de l'homme a pris en considération quatre critères, à considérer comme « alternatifs », pour déterminer si l'amende fiscale a un caractère pénal et relève de la disposition conventionnelle précitée. Lorsqu'on les contrôle au regard de ces critères, les amendes en cause ont incontestablement un caractère pénal. Le fait que les amendes soient fixées selon une échelle préalablement établie ne signifie pas que le redevable ne doive pas avoir la possibilité de soumettre la question de l'existence d'une faute à un juge indépendant et impartial, comme le prévoient les dispositions conventionnelles précitées.

Le fait que les amendes soient infligées dès qu'est établi le fait matériel de l'infraction, quelle que soit la faute du redevable, et que la faute ne puisse être appréciée par un juge indépendant et impartial est contraire au principe de non-discrimination contenu aux articles 10 et 11 de la Constitution combinés avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et avec l'article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Les échelles fixées dans les arrêtés royaux nos 41 et 44 ne tiennent d'ailleurs pas compte des circonstances concrètes dans lesquelles se trouve le contrevenant. Les circonstances atténuantes et les causes de justification ou d'excuse doivent pourtant pouvoir s'apprécier in concreto. Ces arrêtés royaux ne sont du reste pas incompatibles avec un pouvoir d'appréciation judiciaire, dès lors que l'actuel projet de loi relatif à la réforme de la procédure fiscale prévoit explicitement que le juge est compétent pour remettre et réduire les amendes, sans qu'il soit fait mention de l'abrogation des arrêtés royaux précités. - B - Quant aux dispositions en cause B.1. Les questions préjudicielles concernent les articles 70 et 84, alinéa 2, de la loi du 3 juillet 1969Documents pertinents retrouvés type loi prom. 03/07/1969 pub. 02/05/2013 numac 2013000278 source service public federal interieur Code de la taxe sur la valeur ajoutée type loi prom. 03/07/1969 pub. 11/04/2016 numac 2016000216 source service public federal interieur Code de la taxe sur la valeur ajoutée Traduction allemande de dispositions modificatives fermer créant le Code de la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après Code de la T.V.A.). Elles font également référence aux articles 73 et 73quinquies du même Code.

B.2. L'article 70 du Code de la T.V.A., qui figure dans la section 1ère (« Amendes fiscales ») du chapitre XI (« Sanctions »), est libellé comme suit : « § 1er. Pour toute infraction à l'obligation d'acquitter la taxe, il est encouru une amende égale à deux fois la taxe éludée ou payée tardivement.

Cette amende est due individuellement par chacune des personnes qui, en vertu des articles 51, §§ 1er, 2 et 4, 51bis, 52, 53, 53ter, 53nonies, 54, 55 et 58, ou des arrêtés pris en exécution de ces articles, sont tenues au paiement de la taxe. § 1bis. Quiconque a obtenu indûment la déduction de la taxe, encourt une amende égale au double du montant de cette taxe dans la mesure où cette infraction n'est pas réprimée par le § 1er, alinéa 1er. § 2. Lorsque la facture ou le document en tenant lieu, dont la délivrance est prescrite par les articles 53, 53octies et 54, ou par les arrêtés pris en exécution de ces articles, n'a pas été délivré ou qu'il contient des indications inexactes quant au numéro d'identification, au nom ou à l'adresse des parties intéressées à l'opération, à la nature ou à la quantité des biens livrés ou des services fournis, au prix ou à ses accessoires, il est encouru une amende égale à deux fois la taxe due sur l'opération, avec un minimum de deux mille francs.

Cette amende est due individuellement par le fournisseur et par son cocontractant. Elle n'est cependant pas applicable lorsque les irrégularités peuvent être considérées comme purement accidentelles, notamment eu égard au nombre et à l'importance des opérations non constatées par des documents réguliers, comparés au nombre et à l'importance des opérations qui ont fait l'objet de documents réguliers, ou lorsque le fournisseur n'avait pas de raison sérieuse de douter de la qualité de non-assujetti du cocontractant.

Quand une personne encourt, pour une même infraction, à la fois l'amende prévue au § 1er et l'amende prévue au § 2, seule cette dernière est applicable. § 3. Lorsque le document d'importation qui doit être présenté en vertu de l'article 52 contient des indications inexactes en ce qui concerne la nature ou la quantité des biens importés, le prix ou ses accessoires, le nom ou l'adresse de la personne dans le chef de qui le paiement de la taxe due pour l'importation peut ou doit avoir lieu, il est encouru une amende égale à deux fois le montant de cette taxe, avec un minimum de deux mille francs.

Cette amende est due solidairement par les personnes qui, en vertu de l'article 52, sont tenues au paiement de la taxe. Elle n'est cependant pas applicable lorsque l'irrégularité peut être considérée comme purement accidentelle.

Quand une personne encourt, pour une même infraction, à la fois l'amende prévue au § 1er et l'amende prévue au § 3, seule cette dernière est applicable. § 4. Les infractions aux articles 39 à 42, 52 à 54bis, 55, 56, § 2, 57, 58, 60 à 63, 64, § 4, 76, § 1er, et 80, ou aux arrêtés pris en exécution de ces articles, autres que celles qui sont visées aux §§ 1er, 2 et 3, sont réprimées par une amende de mille francs à cent mille francs par infraction. Le montant de cette amende est fixé selon une échelle dont les graduations sont déterminées par le Roi.

Les personnes qui ne sont pas tenues au paiement de la taxe, mais auxquelles des obligations sont imposées par les articles 39 à 42, 52 à 54bis et 58 ou par les arrêtés pris en exécution de ces articles, sont en outre, en cas d'infraction constatée à leur charge, solidairement responsables du paiement de la taxe, des intérêts et des amendes encourues. Lorsqu'il s'agit de biens introduits irrégulièrement en Belgique, cette responsabilité solidaire s'étend aux personnes qui ont participé à l'importation ou à la tentative d'importation, au détenteur des biens et, le cas échéant, à la personne pour le compte de qui ce détenteur a agi. § 5. Lorsqu'il est reconnu que la taxe a été acquittée sur une base insuffisante pour les biens et les services sujets à l'expertise visée à l'article 59, § 2, le débiteur de la taxe supplémentaire encourt une amende égale au montant de cette taxe lorsque l'insuffisance atteint ou dépasse un huitième de la base sur laquelle la taxe a été acquittée. » B.3. L'article 73 du Code de la T.V.A., qui figure dans la section 2 (« Peines correctionnelles ») du chapitre XI (« Sanctions »), dispose : « Sans préjudice des amendes fiscales, sera puni d'un emprisonnement de huit jours à deux ans et d'une amende de 10.000 à 500.000 francs ou de l'une de ces peines seulement, celui qui, dans une intention frauduleuse ou à dessein de nuire, contreviendra aux dispositions du présent Code ou des arrêtés pris pour son exécution. » B.4. L'article 73quinquies du Code de la T.V.A., qui figure dans cette même section, est libellé comme suit : « § 1er. Toutes les dispositions du Livre premier du Code pénal, y compris l'article 85, sont applicables aux infractions visées par les articles 73, 73bis et 73quater. [...] § 3. La loi du 5 mars 1952Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/03/1952 pub. 13/01/2010 numac 2009000850 source service public federal interieur Loi relative aux décimes additionnels sur les amendes pénales Coordination officieuse en langue allemande fermer, modifiée par les lois des 22 décembre 1969 et 25 juin 1975, relative aux décimes additionnels sur les amendes pénales, n'est pas applicable aux infractions visées aux articles 73, 73bis et 73quater. » B.5. L'article 84 du Code de la T.V.A., qui figure au chapitre XIV (« Poursuites et instances. Sûretés données au Trésor ») est libellé comme suit : « La solution des difficultés qui peuvent s'élever relativement à la perception de la taxe avant l'introduction des instances appartient au Ministre des Finances.

Le Ministre des Finances statue sur les requêtes ayant pour objet la remise des amendes fiscales et conclut les transactions avec les redevables, pourvu qu'elles n'impliquent pas exemption ou modération d'impôt.

Dans les limites prévues par la loi, le montant des amendes fiscales proportionnelles prévues par le présent Code ou par les arrêtés pris pour son exécution, est fixé selon une échelle dont les graduations sont déterminées par le Roi. » Quant à la première question préjudicielle B.6. La première question préjudicielle concerne l'article 70 du Code de la T.V.A., lu, pour autant que nécessaire, en combinaison avec l'article 84, alinéa 2, du même Code. La question est de savoir s'il est compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution de considérer que les amendes fiscales prévues par les dispositions précitées soient dues - contrairement aux amendes correctionnelles visées à l'article 73 du même Code - sans égard à la faute ou à la bonne foi du redevable et sans que le pouvoir judiciaire soit reconnu compétent pour vérifier l'existence d'une quelconque faute ou mauvaise foi, pour apprécier la proportionnalité de l'amende infligée et accorder, le cas échéant, une réduction ou une remise de cette amende, compte tenu de circonstances atténuantes ou de causes de justification.

B.7. Les amendes visées à l'article 70 du Code de la T.V.A. ont été explicitement conçues par le législateur comme des amendes administratives (article 72 du Code de la T.V.A.).

Si l'on excepte les cas particuliers visés au paragraphe 4 de cette disposition, ces amendes sont, selon le cas, proportionnelles à la taxe éludée ou payée tardivement (§ 1er), à la déduction indûment obtenue (§ 1bis), à la taxe due sur l'opération (§ 2), à la taxe due pour l'importation (§ 3) ou à la taxe supplémentaire (§ 5). Sauf dans le cas visé au paragraphe 5, elles s'élèvent au plus à deux fois la taxe concernée.

En vertu de l'article 84, alinéa 2, du Code de la T.V.A., le ministre des Finances statue sur les requêtes ayant pour objet la remise des amendes fiscales et conclut les transactions avec les redevables, pourvu qu'elles n'impliquent pas exemption ou modération d'impôt.

Aux termes de l'article 84, alinéa 3, du Code de la T.V.A., inséré par la loi du 4 août 1986, le montant des amendes fiscales proportionnelles est fixé, dans les limites prévues par la loi, selon une échelle dont les graduations sont déterminées par le Roi. Le Roi a établi cette échelle par l'arrêté royal n° 41 du 30 janvier 1987 fixant le montant des amendes fiscales proportionnelles en matière de taxe sur la valeur ajoutée.

B.8. Ces amendes sont encourues d'office de par la simple constatation, par l'administration, que les obligations prescrites par l'article 70 du Code de la T.V.A. n'ont pas été respectées. La preuve de l'existence d'un élément moral n'est en principe pas requise; les amendes ne s'effacent pas à la mort du contrevenant et elles sont transmissibles aux héritiers. Elles sont applicables aux personnes morales.

B.9. Les amendes fiscales prévues à l'article 70, § 2, du Code de la T.V.A. ont pour objet de prévenir et de sanctionner les infractions commises par tous les redevables, sans distinction aucune, qui ne respectent pas les obligations imposées par le Code de la T.V.A. Le redevable, connaissant à l'avance la sanction qu'il risque d'encourir, sera incité à respecter ses obligations. Le caractère répressif de la sanction prédomine.

B.10. Le législateur a la liberté de confier au fisc la tâche de poursuivre les infractions fiscales et de les réprimer. Il peut également imposer des peines particulièrement lourdes dans des secteurs où l'importance et la multiplicité des fraudes portent gravement atteinte aux intérêts de la collectivité. Rien ne lui interdit, pour des raisons d'efficacité, de confier au ministre des Finances la tâche de poursuivre les infractions en matière de T.V.A., de lui donner la compétence de statuer sur les demandes de remises et de lui permettre de conclure des transactions.

Il convient cependant d'examiner si le système mis en place par le législateur n'aboutit pas à priver, de manière discriminatoire, une catégorie de personnes du droit à un recours juridictionnel effectif, garanti tant par un principe général de droit que par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme.

B.11. Lorsque le fonctionnaire chargé du recouvrement a décerné une contrainte portant sur le paiement d'amendes fiscales, il en est donné notification à l'intéressé. L'exécution de la contrainte peut être interrompue par une opposition motivée formée par le redevable devant le tribunal de première instance dans le ressort duquel est situé le bureau du fonctionnaire taxateur.

Le tribunal doit vérifier si les faits qui motivent l'amende sont prouvés et contrôler la légalité de la décision attaquée, mais il ne peut, dans l'interprétation que donne le juge a quo de l'article 70 du Code de la T.V.A., exercer sur la décision administrative contestée un contrôle de pleine juridiction.

B.12. Dans cette interprétation, la catégorie des personnes frappées d'une amende administrative en matière de T.V.A. est privée du recours lui permettant de faire contrôler par un juge si une décision administrative à caractère répressif est justifiée en fait et en droit et si elle respecte l'ensemble des dispositions législatives et des principes généraux qui s'imposent à l'administration, parmi lesquels le principe de proportionnalité.

B.13. Une telle différence de traitement n'est pas raisonnablement justifiée.

Il appartient au législateur d'apprécier s'il y a lieu de contraindre l'administration et le juge à la sévérité quand une infraction nuit particulièrement à l'intérêt général. Mais s'il estime devoir permettre à l'administration de moduler l'importance de la sanction, rien de ce qui relève de l'appréciation de l'administration ne doit pouvoir échapper au contrôle du juge.

B.14. En raison de la discrimination constatée ci-avant, il n'y a pas lieu de procéder aux comparaisons mentionnées, in fine, dans les deux questions préjudicielles.

B.15. La Cour observe toutefois que le texte des dispositions soumises à son contrôle ne s'oppose pas à ce que le juge, saisi d'une opposition à contrainte, exerce une compétence de pleine juridiction lui permettant de contrôler tout ce qui relève de l'appréciation de l'administration en matière d'amende fiscale. Dans cette interprétation, il n'y a pas de discrimination.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : - En tant qu'il est interprété comme n'autorisant pas le juge, saisi d'une opposition à contrainte, à exercer sur la décision d'infliger une amende fiscale un contrôle de pleine juridiction, l'article 70 du Code de la T.V.A. viole les articles 10 et 11 de la Constitution. - En tant qu'il est interprété comme autorisant le juge, saisi d'une opposition à contrainte, à exercer sur la décision d'infliger une amende fiscale un contrôle de pleine juridiction, l'article 70 du Code de la T.V.A. ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution.

Ainsi prononcé en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 24 février 1999.

Le président, L. De Grève.

Le greffier, L. Potoms.

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