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Arrêt De La Cour Constitutionelle
publié le 11 août 1999

Arrêt n° 45/99 du 20 avril 1999 Numéro du rôle : 1310 En cause : la question préjudicielle concernant les articles 82, §§ 2 et 3, juncto 131 de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail, posée par la Cour du travail La Cour d'arbitrage, composée des présidents L. De Grève et M. Melchior, et des juges P. Martens(...)

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COUR D'ARBITRAGE


Arrêt n° 45/99 du 20 avril 1999 Numéro du rôle : 1310 En cause : la question préjudicielle concernant les articles 82, §§ 2 et 3, juncto 131 de la loi du 3 juillet 1978Documents pertinents retrouvés type loi prom. 03/07/1978 pub. 12/03/2009 numac 2009000158 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail type loi prom. 03/07/1978 pub. 03/07/2008 numac 2008000527 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail Coordination officieuse en langue allemande fermer relative aux contrats de travail, posée par la Cour du travail d'Anvers.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents L. De Grève et M. Melchior, et des juges P. Martens, J. Delruelle, E. Cerexhe, H. Coremans et A. Arts, assistée du greffier L. Potoms, présidée par le président L. De Grève, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle Par arrêt du 11 mars 1998 en cause de G. Delvaux contre l'a.s.b.l.

A.Z. Sint-Camillus Sint-Augustinus, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour d'arbitrage le 19 mars 1998, la Cour du travail d'Anvers a posé la question préjudicielle suivante : « La loi relative aux contrats de travail du 3 juillet 1978, et plus particulièrement l'article 82, § 2 et § 3, juncto l'article 131 de cette loi, qui fixent les montants de rémunération servant de critère de distinction entre "les employés inférieurs" et "les employés supérieurs" au sens de la loi et ses règles en matière de licenciement et en matière de fixation des délais de préavis à observer par l'employeur lors du licenciement, sont-ils compatibles avec le principe d'égalité et avec l'interdiction de discrimination garantis par les articles 10 et 11 de la Constitution coordonnée, en tant que ledit montant de rémunération qui sert de critère de distinction entre les "employés inférieurs" et les "employés supérieurs" est identique, indépendamment de la question de savoir si l'employé travaille selon un horaire à temps plein ou selon un horaire à temps partiel ? » II. Les faits et la procédure antérieure G. Delvaux travaillait depuis 1974 en tant que laborantine au service de l'a.s.b.l. A.Z. Sint-Camillus Sint-Augustinus. En 1984, son emploi à temps plein a été transformé en un emploi à temps partiel.

L'employeur a mis fin, en 1996, au contrat de travail moyennant le paiement d'une indemnité de rupture équivalant à quinze mois de rémunération.

Pour calculer cette indemnité, compte tenu de l'article 82, §§ 2 et 3, de la loi du 3 juillet 1978Documents pertinents retrouvés type loi prom. 03/07/1978 pub. 12/03/2009 numac 2009000158 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail type loi prom. 03/07/1978 pub. 03/07/2008 numac 2008000527 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail Coordination officieuse en langue allemande fermer relative aux contrats de travail, l'employeur a pris pour base un revenu annuel qui était inférieur au seuil de 896.000 francs (en 1996) fixé par l'article 131 de la loi précitée, ce qui fait que G. Delvaux a reçu seulement une indemnité d'« employée inférieure ».

G. Delvaux soutenait qu'en tant que laborantine travaillant à temps partiel, elle ne saurait, lors du calcul des indemnités de préavis, perdre sa qualification d'employée supérieure pour le seul motif que son emploi à temps partiel ne lui procure qu'un salaire inférieur. Une telle modification de sa qualité impliquerait une violation des articles 10 et 11 de la Constitution. Elle ajoutait qu'il fallait, le cas échéant, poser une question préjudicielle à la Cour d'arbitrage.

Le premier juge a considéré qu'il n'y avait pas de violation manifeste des articles 10 et 11 de la Constitution. La Cour du travail d'Anvers considère par contre qu'il ne saurait être affirmé en l'espèce qu'il n'y a manifestement pas de violation des articles constitutionnels précités et pose la question préjudicielle mentionnée plus haut.

III. La procédure devant la Cour Par ordonnance du 19 mars 1998, le président en exercice a désigné les juges du siège conformément aux articles 58 et 59 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage.

Les juges-rapporteurs ont estimé n'y avoir lieu de faire application des articles 71 ou 72 de la loi organique.

La décision de renvoi a été notifiée conformément à l'article 77 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 15 avril 1998.

L'avis prescrit par l'article 74 de la loi organique a été publié au Moniteur belge du 22 avril 1998.

Des mémoires ont été introduits par : - G. Delvaux, Guido Gezellestraat 56, 2630 Aartselaar, par lettre recommandée à la poste le 25 mai 1998; - le Conseil des ministres, rue de la Loi 16, 1000 Bruxelles, par lettre recommandée à la poste le 29 mai 1998.

Ces mémoires ont été notifiés conformément à l'article 89 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 11 juin 1998.

Des mémoires en réponse ont été introduits par : - le Conseil des ministres, par lettre recommandée à la poste le 6 juillet 1998; - G. Delvaux, par lettre recommandée à la poste le 9 juillet 1998.

Par ordonnances des 30 juin 1998 et 24 février 1999, la Cour a prorogé respectivement jusqu'aux 19 mars 1999 et 19 septembre 1999 le délai dans lequel l'arrêt doit être rendu.

Par ordonnance du 13 janvier 1999, la Cour a déclaré l'affaire en état et fixé l'audience au 10 février 1999.

Cette ordonnance a été notifiée aux parties ainsi qu'à leurs avocats, par lettres recommandées à la poste le 14 janvier 1999.

A l'audience publique du 10 février 1999 : - ont comparu : . Me H. Schyvens, avocat au barreau d'Anvers, pour G. Delvaux; . Me P. Peeters, avocat au barreau de Bruxelles, pour le Conseil des ministres; - les juges-rapporteurs A. Arts et J. Delruelle ont fait rapport; - les avocats précités ont été entendus; - l'affaire a été mise en délibéré.

La procédure s'est déroulée conformément aux articles 62 et suivants de la loi organique, relatifs à l'emploi des langues devant la Cour.

IV. En droit - A - Position de G. Delvaux A.1. Selon G. Delvaux, partie appelante devant la juridiction a quo, l'indemnité résultant de la rupture du contrat de travail d'un employé à temps partiel doit être calculée sur la base de la rémunération dont bénéficierait cet employé dans le cadre d'un emploi à temps plein.

En application de ce principe de proportionnalité, elle avait droit, en qualité d'employée supérieure et compte tenu de son ancienneté, de son âge, de sa fonction et de son salaire, à un délai de préavis de 22 mois.

Elle fait observer que l'article 82, §§ 2 et 3, de la loi du 3 juillet 1978Documents pertinents retrouvés type loi prom. 03/07/1978 pub. 12/03/2009 numac 2009000158 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail type loi prom. 03/07/1978 pub. 03/07/2008 numac 2008000527 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail Coordination officieuse en langue allemande fermer relative aux contrats de travail instaure une distinction entre les « employés inférieurs » et les « employés supérieurs », sur la base de la rémunération annuelle.

Contrairement aux employés inférieurs, pour lesquels l'employeur ne doit respecter qu'un délai de préavis légal minimum, les employés supérieurs ont droit à un délai de préavis correspondant à leurs chances de retrouver un emploi équivalent, compte tenu de leur rémunération, de leur fonction, de leur ancienneté et de leur âge. Ce délai est fixé par le juge, à moins que les parties n'en conviennent entre elles.

La partie appelante devant la juridiction a quo considère que l'interprétation de l'article 82, §§ 2 et 3, de la loi relative aux contrats de travail qui prévaut actuellement dans la jurisprudence aboutit à ce qu'un employé supérieur perd sa protection contre le licenciement lorsqu'il se met à travailler à temps partiel.

La loi fait qu'il est seulement tenu compte de la rémunération annuelle nominale comme telle, sans référence au temps de travail.

Selon G. Delvaux, on peut difficilement soutenir que la rémunération constitue de cette manière un critère de distinction pertinent.

Traiter également les situations égales et inégalement les situations inégales suppose que l'on n'établisse pas de comparaisons boiteuses.

En vue de comparer la rémunération d'un employé à temps partiel avec celle d'un employé à temps plein, il convient de donner d'abord à ces deux rémunérations le même dénominateur.

La partie appelante devant la juridiction a quo fait encore observer que le facteur « fonction » a perdu de son importance pour déterminer le délai de préavis des employés supérieurs et que ce facteur n'est plus pris en compte que de manière indirecte, compte tenu de la hauteur de la rémunération. La rémunération ne peut constituer un instrument sérieux pour mesurer l'importance d'une fonction que lorsque les rémunérations sont comparées sur une base identique.

La partie appelante se rallie à l'avis de l'avocat général près la juridiction a quo, lequel a notamment déclaré : « Il est tout à fait évident que si on l'applique au cas présent, la distinction établie à l'article 82, §§ 2 et 3, de la loi du 3 juillet 1978Documents pertinents retrouvés type loi prom. 03/07/1978 pub. 12/03/2009 numac 2009000158 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail type loi prom. 03/07/1978 pub. 03/07/2008 numac 2008000527 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail Coordination officieuse en langue allemande fermer et les limitations y afférentes qui sont imposées à une catégorie de travailleurs, en l'espèce les employés inférieurs, excèdent ce que la Constitution autorise, étant donné qu'il en résulte un traitement inégal des employés supérieurs travaillant à temps partiel par rapport aux employés supérieurs travaillant à temps plein (desquels ils ne diffèrent pas fondamentalement) et par rapport aux employés inférieurs (desquels ils diffèrent de façon essentielle). » Position du Conseil des ministres A.2.1. Le Conseil des ministres rappelle les arrêts de la Cour nos 56/93 du 8 juillet 1993 et 20/94 du 3 mars 1994.

Dans le premier arrêt cité, la Cour a laissé entendre que la rémunération annuelle peut constituer une indication de la nature particulière du travail effectué par l'employé, et dans le second arrêt, la Cour a déclaré que la distinction entre les différentes catégories d'employés, en ce qui concerne le délai de préavis à respecter, n'est pas manifestement déraisonnable.

Le Conseil des ministres considère que le critère de distinction entre les catégories d'employés utilisé pour le calcul du délai de préavis, à savoir la rémunération annuelle, est objectif et qu'il existe un rapport raisonnable entre les moyens utilisés, c'est-à-dire une réglementation distincte en matière de délais de préavis en fonction de la rémunération annuelle de l'employé, et l'objectif poursuivi, à savoir une meilleure protection de la stabilité d'emploi pour la catégorie de travailleurs qui supporte des responsabilités plus lourdes et qui trouvera par conséquent plus difficilement un emploi équivalent sur le plan des conditions de travail et de rémunération.

Le Conseil des ministres fait observer qu'il est unanimement admis par la doctrine et la jurisprudence que le délai de préavis doit être calculé sur la base du salaire réel, également pour les personnes employées à temps partiel.

Contrairement à ce que prétend la partie appelante, la distinction entre employés « supérieurs » et « inférieurs » n'est pas déterminée, selon le Conseil des ministres, sur la base de leur niveau de formation, de leur statut social ou d'autres critères qui seraient plutôt de nature subjective. La description donnée par la juridiction a quo, selon laquelle la partie appelante devant cette Cour devrait être vue comme « une employée supérieure qui, en raison du travail à temps partiel, serait considérée comme une employée inférieure », n'est pas conforme à la loi, qui utilise le salaire annuel comme unique critère.

Le Conseil des ministres estime qu'un employé qui travaille seulement à temps partiel ne saurait assumer les mêmes responsabilités qu'un employé à temps plein. En outre, les employés travaillant à temps partiel sont moins tributaires du revenu de leur travail et risquent de ce fait moins d'être menacés dans leurs moyens d'existence. Le salaire annuel constitue par conséquent une indication raisonnablement justifiée de la mesure dans laquelle un employé porte des responsabilités et mérite dès lors une meilleure protection.

A.2.2. Le Conseil des ministres fait enfin observer que la partie appelante devant la juridiction a quo déduit de la constatation selon laquelle le facteur « fonction » a perdu de son importance pour la fixation du délai de préavis des employés supérieurs que l'importance de la fonction doit être prise en compte de manière indirecte, à savoir par la hauteur de la rémunération, qui doit être mesurée sur la base d'une même quantité de travail.

Pour le Conseil des ministres, il s'agit d'une conclusion inexacte. La constatation que la fonction ne joue plus qu'un rôle indirect n'est pas contraire à la thèse du Conseil des ministres selon laquelle la hauteur du salaire annuel réel constitue un critère objectif et raisonnablement justifié.

Réplique de G. Delvaux A.3.1. Selon la partie appelante devant la juridiction a quo, le Conseil des ministres suggère que le salaire annuel fictif - le salaire annuel qui serait obtenu pour un emploi à temps plein - ne saurait constituer un critère objectif pour déterminer à quelle catégorie appartiennent les employés travaillant à temps partiel, en vue de l'application de l'article 82 de la loi relative aux contrats de travail. Le salaire annuel en question peut cependant être clairement déterminé pour G. Delvaux.

A.3.2. Contrairement à ce que voudrait faire croire le Conseil des ministres, la question préjudicielle ne porte pas sur le statut social ou le niveau de formation, mais uniquement sur le « salaire ». La partie appelante devant la juridiction a quo conteste que le critère de distinction dont elle fait état pour départager les employés travaillant à temps partiel serait subjectif.

La partie appelante fait seulement valoir qu'il est fait usage d'une notion de rémunération qui n'est pas pertinente.

Selon elle, le Conseil des ministres voudrait faire croire que quelqu'un qui travaille beaucoup sur une base annuelle, parce qu'il travaille à temps plein, trouvera plus difficilement un emploi que quelqu'un qui travaille moins sur une base annuelle, parce qu'il travaille à temps partiel. La partie appelante considère que le temps nécessaire pour trouver un emploi équivalent est précisément influencé par les aspects qualitatifs de l'emploi, qui déterminent l'importance de la fonction et qui peuvent être mesurés au moyen du salaire obtenu pour le travail presté.

A.3.3. La partie appelante devant la juridiction a quo déclare enfin que le Conseil des ministres affirme sans aucune justification scientifique que les employés à temps partiel seraient moins tributaires de leurs revenus que les employés à temps plein. Selon elle, on serait plutôt enclin à supposer que les employés à temps partiel dépendent dans une plus grande mesure du revenu de leur travail. - B - B.1. La question préjudicielle porte sur l'article 82, §§ 2 et 3, de la loi du 3 juillet 1978Documents pertinents retrouvés type loi prom. 03/07/1978 pub. 12/03/2009 numac 2009000158 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail type loi prom. 03/07/1978 pub. 03/07/2008 numac 2008000527 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail Coordination officieuse en langue allemande fermer relative aux contrats de travail, lu conjointement avec l'article 131 de cette loi.

Les paragraphes 2 et 3 de l'article 82 de la loi relative aux contrats de travail disposent : « § 2. Lorsque la rémunération annuelle ne dépasse pas 650.000 francs, le délai de préavis à observer par l'employeur est d'au moins trois mois pour les employés engagés depuis moins de cinq ans.

Ce délai est augmenté de trois mois dès le commencement de chaque nouvelle période de cinq ans de service chez le même employeur.

Si le congé est donné par l'employé, les délais de préavis prévus aux alinéas 1er et 2 sont réduits de moitié sans qu'ils puissent excéder trois mois. § 3. Lorsque la rémunération annuelle excède 650.000 francs, les délais de préavis à observer par l'employeur et par l'employé sont fixés soit par convention conclue au plus tôt au moment où le congé est donné, soit par le juge.

Si le congé est donné par l'employeur, le délai de préavis ne peut être inférieur aux délais fixés au § 2, alinéas 1er et 2.

Si le congé est donné par l'employé, le délai de préavis ne peut être supérieur à quatre mois et demi si la rémunération annuelle est supérieure à 650.000 francs sans excéder 1.300.000 francs, ni supérieur à six mois si la rémunération annuelle excède 1.300.000 francs. » L'article 131 de la loi relative aux contrats de travail est libellé comme suit : « Pour l'application des articles 65, 67, 69, 82, 84, 85, 86 et 104, les commissions et avantages variables sont calculés sur le montant de la rémunération des douze mois antérieurs.

Les montants de rémunération prévus aux articles 65, 67, 69, 82, 84, 85, 86 et 104, sont adaptés, chaque année, à l'indice des salaires conventionnels pour employés du troisième trimestre conformément à la formule suivante : le nouveau montant est égal au montant de base multiplié par le nouvel indice et divisé par l'indice de départ. Le résultat obtenu est arrondi au millier supérieur.

Les nouveaux montants sont publiés au Moniteur belge. Ils entrent en vigueur le 1er janvier de l'année qui suit celle de leur adaptation.

Pour l'application de l'alinéa 2, il faut entendre par : 1° indice des salaires conventionnels pour employés : l'indice établi par le ministère de l'emploi et du travail sur base du calcul de la moyenne du traitement des employés adultes du secteur privé tel qu'il est fixé par convention collective de travail;2° montant de base : le montant en vigueur au 1er janvier 1985;3° nouvel indice : l'indice du troisième trimestre 1985 et des années suivantes;4° indice de départ : l'indice du troisième trimestre 1984.» Il ressort des faits de l'instance principale et de l'arrêt de renvoi qu'il est tenu compte des dispositions précitées telles que celles-ci étaient en vigueur en 1996. Selon l'avis du Moniteur belge du 1er novembre 1995, les montants mentionnés dans l'article 82 (650.000 francs et 1.300.000 francs) devaient être portés respectivement à 896.000 francs et 1.792.000 francs à partir du 1er janvier 1996.

B.2. La Cour du travail d'Anvers demande si les dispositions précitées sont compatibles avec les articles 10 et 11 de la Constitution, en tant que le montant susvisé de la rémunération qui sert de critère de distinction entre les « employés inférieurs » et les « employés supérieurs » est identique, indépendamment du fait que l'employé travaille à temps plein ou à temps partiel.

La question posée porte exclusivement sur le traitement identique qui est réservé aux employés à temps plein et aux employés à temps partiel concernant le délai de préavis, en ce que, pour les deux catégories de travailleurs, c'est la rémunération annuelle réelle qui est prise en considération pour l'application des paragraphes 2 ou 3 respectifs de l'article 82 de la loi relative aux contrats de travail, lu conjointement avec l'article 131 de cette même loi.

La juridiction a quo, suivant en cela la jurisprudence et la doctrine dominantes, considère que la rémunération à prendre en compte pour fixer le délai de préavis en application de l'article 82, §§ 2 et 3, de la loi relative aux contrats de travail est la rémunération annuelle réelle, sans qu'il faille appliquer, pour les emplois à temps partiel, une règle de proportionnalité en vue de déterminer la rémunération annuelle fictive qui correspondrait à un emploi à temps plein.

B.3. En réglementant, à l'article 82, §§ 2 et 3, de la loi relative aux contrats de travail, lu conjointement avec l'article 131 de cette même loi, le calcul du délai de préavis des employés, le législateur vise à compenser les effets de la résiliation d'un contrat de travail pour les parties respectives à ce contrat. Dans le cas d'un congé donné par l'employeur - comme en l'espèce -, le délai de préavis doit permettre à l'employé de trouver un nouvel emploi adapté et équivalent, compte tenu de son ancienneté, de son âge, de l'importance de sa fonction et du montant de sa rémunération.

Les dispositions en cause retiennent comme critère unique de distinction entre les employés « inférieurs » et les employés « supérieurs » le montant de la rémunération annuelle.

Elles ont pour effet que les employés à temps partiel et les employés à temps plein qui exercent des fonctions d'importance équivalente sont traités de la même manière.

B.4. Les dispositions en cause fondent donc le pouvoir d'appréciation du juge sur un critère unique : le montant de la rémunération. Le juge ne peut pas tenir compte de ce que la rémunération d'un travailleur à temps partiel est généralement inférieure à celle d'un travailleur à temps plein exerçant un emploi équivalent. Il convient d'examiner si ce traitement égal de situations différentes est justifié.

B.5. Pour les employés à temps plein, il existe habituellement une corrélation entre l'ancienneté, l'âge, l'importance de la fonction et le montant de la rémunération. Pour les employés à temps partiel, le montant de la rémunération est réduit en proportion du temps occupé.

Ceci a pour conséquence que les employés à temps partiel perçoivent un salaire réel dont le montant n'est pas en corrélation directe pour ce qui concerne le délai de préavis avec les autres critères énumérés ci-dessus, en particulier l'importance de la fonction.

B.6. Il relève du pouvoir d'appréciation du législateur de décider quelles règles particulières doivent être adoptées pour calculer le préavis à accorder aux travailleurs à temps partiel. Mais en prenant en considération, pour le calcul du délai de préavis, le même montant de rémunération annuelle pour les travailleurs à temps plein et pour les travailleurs à temps partiel et en retenant donc ce montant comme élément unique pour déterminer si un travailleur est rangé dans la catégorie des « employés supérieurs » ou dans celle des « employés inférieurs », le législateur utilise un critère qui, en ce qui concerne les travailleurs à temps partiel, n'est pas pertinent par rapport à l'objectif qu'il poursuit.

B.7. Il s'ensuit que les dispositions en cause ne sont pas compatibles avec les articles 10 et 11 de la Constitution.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 82, §§ 2 et 3, de la loi du 3 juillet 1978Documents pertinents retrouvés type loi prom. 03/07/1978 pub. 12/03/2009 numac 2009000158 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail type loi prom. 03/07/1978 pub. 03/07/2008 numac 2008000527 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail Coordination officieuse en langue allemande fermer relative aux contrats de travail, lu conjointement avec l'article 131 de cette même loi, viole les articles 10 et 11 de la Constitution en tant que le montant de la rémunération qui sert de critère pour la distinction entre les employés « inférieurs » et « supérieurs » est identique, que l'employé travaille à temps plein ou qu'il travaille à temps partiel.

Ainsi prononcé en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 20 avril 1999.

Le greffier, L. Potoms.

Le président, L. De Grève.

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