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Arrêt De La Cour Constitutionelle
publié le 07 octobre 1999

Arrêt n° 85/99 du 15 juillet 1999 Numéro du rôle : 1376 En cause : les questions préjudicielles concernant l'article 88, 5°, du décret de la Communauté flamande du 27 mars 1991 relatif au statut de certains membres du personnel de l'enseignem La Cour d'arbitrage, composée des présidents L. De Grève et M. Melchior, et des juges H. Boel, (...)

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Arrêt n° 85/99 du 15 juillet 1999 Numéro du rôle : 1376 En cause : les questions préjudicielles concernant l'article 88, 5°, du décret de la Communauté flamande du 27 mars 1991 relatif au statut de certains membres du personnel de l'enseignement communautaire, posées par le Conseil d'Etat.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents L. De Grève et M. Melchior, et des juges H. Boel, L. François, J. Delruelle, R. Henneuse et M. Bossuyt, assistée du greffier L. Potoms, présidée par le président L. De Grève, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des questions préjudicielles Par arrêt n° 74.935 du 3 juillet 1998 en cause de R. Osier contre la Communauté flamande et le Conseil autonome de l'enseignement communautaire (ARGO), dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour d'arbitrage le 16 juillet 1998, le Conseil d'Etat a posé les questions préjudicielles suivantes : 1. « L'article 88, 5°, du décret du 27 mars 1991 relatif au statut de certains membres du personnel de l'Enseignement communautaire viole-t-il le principe d'égalité inscrit aux articles 10, 11 et 24, § 4, de la Constitution, en ce qu'il prescrit le licenciement pour les membres du personnel de l'enseignement de la Communauté flamande, alors qu'une disposition similaire fait défaut pour le personnel de l'enseignement subventionné et de l'enseignement de la Communauté française ? » 2.« L'article 88, 5°, du décret du 27 mars 1991 relatif au statut de certains membres du personnel de l'Enseignement communautaire viole-t-il le principe d'égalité inscrit aux articles 10, 11 et 24, § 4, de la Constitution, en ce qu'il n'établit aucune distinction ou ne laisse aucune latitude pour faire une distinction entre, d'une part, des membres du personnel aux prestations insuffisantes desquels il ne peut pas être remédié en réaffectant les intéressés dans une autre fonction, et, d'autre part, les membres du personnel dont il ne peut être exclu sans plus qu'ils puissent fournir des prestations suffisantes dans une autre fonction et contribuer ainsi à un service public de qualité ? » II. Les faits et la procédure antérieure R. Osier est nommé à titre définitif en qualité de professeur de cours généraux dans l'enseignement secondaire depuis le 1er septembre 1971.

Sur la base du décret de la Communauté flamande du 27 mars 1991 relatif au statut de certains membres du personnel de l'enseignement communautaire, ses prestations ont fait l'objet d'une évaluation négative au cours de l'année scolaire 1991-1992 et de l'année scolaire 1992-1993, la première fois par le chef d'établissement et la seconde fois par le chef d'établissement et par un membre des services du Conseil autonome de l'enseignement communautaire (ARGO).

Par lettre du 1er juillet 1993, R. Osier a demandé à être entendu par la chambre de recours de l'enseignement communautaire qui, le 19 janvier 1995, a déclaré son recours recevable mais non fondé. Le 30 mars 1995, le conseil central de l'ARGO a décidé d'exécuter la décision de la chambre de recours, ce qui a eu pour effet, sur la base du décret précité, la cessation définitive des fonctions. Pour la durée du délai de préavis, fixée sous réserve à 24 mois, R. Osier a été affecté temporairement à l'athénée royal de Mortsel.

R. Osier a introduit auprès du Conseil d'Etat deux recours en annulation, contre la décision de la chambre de recours et contre la décision du conseil central de l'ARGO. Le Conseil d'Etat, par son arrêt n° 74.935 du 3 juillet 1998, a déclaré le premier recours recevable mais non fondé. Dans le cadre du second recours, le Conseil d'Etat pose, dans le même arrêt, deux questions préjudicielles.

III. La procédure devant la Cour Par ordonnance du 16 juillet 1998Documents pertinents retrouvés type ordonnance prom. 16/07/1998 pub. 14/08/1998 numac 1998031347 source ministere de la region de bruxelles-capitale Ordonnance modifiant l'ordonnance du 29 août 1991 organique de la planification et de l'urbanisme fermer, le président en exercice a désigné les juges du siège conformément aux articles 58 et 59 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage.

Les juges-rapporteurs ont estimé n'y avoir lieu de faire application des articles 71 ou 72 de la loi organique.

La décision de renvoi a été notifiée conformément à l'article 77 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 30 octobre 1998.

L'avis prescrit par l'article 74 de la loi organique a été publié au Moniteur belge du 13 novembre 1998.

Des mémoires ont été introduits par : - le Gouvernement de la Communauté française, place Surlet de Chokier 15-17, 1000 Bruxelles, par lettre recommandée à la poste le 11 décembre 1998; - l'ARGO, rue Belliard 12, 1040 Bruxelles, par lettre recommandée à la poste le 16 décembre 1998; - le Gouvernement flamand, place des Martyrs 19, 1000 Bruxelles, par lettre recommandée à la poste le 18 décembre 1998.

Ces mémoires ont été notifiés conformément à l'article 89 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 23 février 1999.

Par ordonnance du 30 mars 1999, le président en exercice a prorogé de quinze jours le délai pour introduire un mémoire en réponse, à la demande du Gouvernement flamand.

Cette ordonnance a été notifiée au Gouvernement flamand, par lettre recommandée à la poste le 1er avril 1999.

Des mémoires en réponse ont été introduits par : - le Gouvernement de la Communauté française, par lettre recommandée à la poste le 23 mars 1999; - l'ARGO, par lettre recommandée à la poste le 24 mars 1999; - le Gouvernement flamand, par lettre recommandée à la poste le 12 avril 1999.

Par ordonnance du 16 décembre 1998, la Cour a prorogé jusqu'au 16 juillet 1999 le délai dans lequel l'arrêt doit être rendu.

Par ordonnance du 5 mai 1999, la Cour a déclaré l'affaire en état et fixé l'audience au 26 mai 1999.

Cette ordonnance a été notifiée aux parties ainsi qu'à leurs avocats, par lettres recommandées à la poste le 6 mai 1999.

A l'audience publique du 26 mai 1999 : - ont comparu : . Me R. Rombaut, avocat au barreau d'Anvers, pour l'ARGO; . Me F. Liebaut loco Me P. Devers, avocats au barreau de Gand, pour le Gouvernement flamand; . Me P. Levert, avocat au barreau de Bruxelles, pour le Gouvernement de la Communauté française; - les juges-rapporteurs M. Bossuyt et R. Henneuse ont fait rapport; - les avocats précités ont été entendus; - l'affaire a été mise en délibéré.

La procédure s'est déroulée conformément aux articles 62 et suivants de la loi organique, relatifs à l'emploi des langues devant la Cour.

IV. En droit - A - Position du Gouvernement de la Communauté française A.1.1. Dans son mémoire, le Gouvernement de la Communauté française n'aborde qu'un seul aspect de la première question préjudicielle, à savoir la comparaison entre les régimes applicables aux membres du personnel de la Communauté flamande et au personnel enseignant de la Communauté française.

Il souligne que, depuis la réforme institutionnelle de 1980, la Belgique s'est construite sur le modèle d'un Etat fédéral. Selon une jurisprudence constante de la Cour, une différence de traitement dans les matières où les communautés et les régions disposent de compétences propres est la conséquence possible de politiques distinctes permises par l'autonomie qui leur est accordée par la Constitution ou en vertu de celle-ci. Une telle différence de traitement ne peut en soi être jugée contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution. Cette autonomie serait dépourvue de signification si le seul fait qu'il existe des différences de traitement entre les destinataires de règles s'appliquant à une même matière dans les diverses communautés et régions était jugé contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution. Le Gouvernement de la Communauté française conclut que le même raisonnement doit être tenu dans les affaires relatives à l'enseignement auxquelles, à côté des articles 10 et 11 de la Constitution, s'applique également l'article 24 de celle-ci.

A.1.2. Dans son mémoire en réponse, le Gouvernement de la Communauté française constate que le Gouvernement flamand et l'ARGO partagent le point de vue exposé ci-dessus.

A.1.3. En ce qui concerne la deuxième distinction soulevée dans la première question préjudicielle, à savoir la distinction entre le personnel de l'enseignement communautaire et le personnel de l'enseignement subventionné, le Gouvernement de la Communauté française fait observer que cette distinction est liée à un choix d'opportunité opéré par le législateur décrétal et autorisé par l'article 24, § 4, de la Constitution. Il n'appartient pas à la Cour d'apprécier de tels choix de politique.

L'enseignement libre subventionné est organisé par des personnes privées. Dans notre société, la relation de travail entre un employeur personne privée et un travailleur est en règle générale de nature contractuelle, avec toutes les conséquences qui en découlent.

Position du Conseil autonome de l'enseignement communautaire (ARGO) A.2.1. Concernant la première question préjudicielle et plus spécifiquement la différence de traitement entre le personnel enseignant de la Communauté flamande et celui de la Communauté française, l'ARGO soutient que, sauf les exceptions mentionnées à l'article 127, § 1er, alinéa 1er, 2°, de la Constitution, le Constituant a transféré aux communautés l'entière compétence en matière d'enseignement, y compris les règles qui concernent le statut du personnel. En vertu de l'article 87, §§ 3 et 4, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, les communautés et les régions sont compétentes pour fixer, dans les limites des principes généraux désignés par l'arrêté royal du 26 septembre 1994 et dans le respect des autres dispositions constitutionnelles et législatives, le statut de leur personnel.

L'ARGO fait ensuite abondamment référence à la jurisprudence de la Cour dont il ressort qu'en raison de l'autonomie des entités fédérées, les réglementations différentes en vigueur dans les diverses communautés ne sauraient, pour ce seul motif, être considérées comme contraires aux principes constitutionnels d'égalité et de non-discrimination.

A.2.2. S'agissant de la différence de traitement entre le personnel de l'enseignement communautaire flamand et le personnel de l'enseignement libre subventionné qui est également soulevée dans la première question préjudicielle, l'ARGO observe en premier lieu qu'il existe entre les deux réseaux d'enseignement une différence fondamentale, en ce que la situation juridique est dans le premier cas de nature statutaire et dans le second de nature contractuelle. La Cour a déjà admis que les natures juridiques différentes d'un établissement d'enseignement libre et d'un établissement d'enseignement officiel peuvent conduire à des régimes juridiques différents.

L'ARGO affirme ensuite, en faisant référence au décret du 27 mars 1991 relatif au statut de certains membres du personnel de l'enseignement subventionné et des centres psycho-médico-sociaux subventionnés, qu'un régime de licenciement similaire existe dans l'enseignement subventionné, de sorte qu'il n'y a pas de différence fondamentale.

Enfin, l'ARGO souligne que les statuts juridiques différents du personnel de l'enseignement communautaire, d'une part, et de l'enseignement libre subventionné, d'autre part, aboutissent à une protection juridique différente, en ce que seule la première catégorie peut introduire un recours en annulation auprès du Conseil d'Etat et obtenir ainsi une éventuelle réintégration. Si ceci devait être considéré comme une discrimination, elle n'opère pas ici, en tout état de cause, en défaveur du requérant.

A.2.3. En ce qui concerne la deuxième question préjudicielle, l'ARGO souligne que la disposition en cause a pour objectif de tendre vers un enseignement de qualité, ce qui n'est possible qu'avec des enseignants fournissant un travail de qualité suffisante. Antérieurement à cette disposition, il n'existait aucune possibilité de licencier des membres du personnel remplissant mal leurs fonctions. L'ARGO indique qu'il existe un système similaire dans l'enseignement libre et dans le statut de la fonction publique flamande.

Le régime de licenciement est, en outre, entouré de garanties suffisantes : d'une part, il existe un mécanisme d'accompagnement intensif après une première évaluation « insuffisant » et cette première mention « insuffisant » a une fonction d'avertissement sérieux; d'autre part, des voies de recours sont ouvertes auprès de la chambre de recours de l'enseignement communautaire et auprès du Conseil d'Etat, pour attaquer les décisions prises.

S'agissant de la proposition sous-jacente à la question préjudicielle, qui suggère qu'une distinction pourrait être faite dans la réglementation du licenciement, selon qu'il serait encore possible ou non de remédier aux prestations insuffisantes du membre du personnel concerné par une affectation à un autre emploi, l'ARGO répond ne pas apercevoir en quoi pareille réaffectation inciterait un membre du personnel travaillant de façon déficiente à mieux remplir ses fonctions. L'ARGO considère par ailleurs qu'il est déjà fait un usage inadéquat de la réaffectation, ce qui, d'une part, conduit à la crainte qu'on ne trouvera plus suffisamment d'enseignants prêts à enseigner dans certaines orientations d'études et, d'autre part, a pour conséquence que des emplois qui devraient normalement être attribués à des personnes ayant suivi une formation spécifique à cette fin sont revendiqués par le biais de cette réaffectation, ce qui aboutit également à une discrimination.

Position du Gouvernement flamand A.3.1. Dans son mémoire, le Gouvernement flamand déclare réserver ses remarques de fond pour son mémoire en réponse, après qu'il aura pris connaissance des positions des parties dans l'instance principale.

S'agissant de la première question préjudicielle, le Gouvernement flamand renvoie à la jurisprudence de la Cour, qui considère que le fait qu'il existe des réglementations différentes dans les différentes communautés n'est pas contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution.

A.3.2. Dans son mémoire en réponse, le Gouvernement flamand se rallie au point de vue exposé par le Gouvernement de la Communauté française en ce qui concerne la première partie de la première question.

S'agissant de la distinction entre l'enseignement communautaire et l'enseignement subventionné, le Gouvernement flamand observe qu'une politique constante du législateur décrétal tend à faire converger autant que possible les statuts du personnel des différents réseaux d'enseignement.

Ceci n'empêche pas que certaines différences continuent d'exister en la matière, qui résultent du fait que, même après le décret du 27 mars 1991, la relation de travail dans l'enseignement libre est restée de nature contractuelle, ce qui a évidemment des conséquences sur les motifs pour lesquels et sur la manière dont il est mis fin à un emploi.

Le Gouvernement flamand observe encore qu'en ce qui concerne la cessation définitive de fonctions après une évaluation négative, le système en vigueur dans l'enseignement communautaire est calqué sur le droit commun de la fonction publique.

L'existence d'une différence de traitement entre le personnel de l'enseignement communautaire et le personnel de l'enseignement officiel subventionné, outre qu'elle découle de l'article 24, §§ 1er et 4, de la Constitution, est également liée au respect de l'intérêt provincial et communal que garantissent les articles 41 et 162 de la Constitution et à la liberté conférée aux provinces et aux communes dans l'organisation de l'enseignement dont elles sont le pouvoir organisateur.

Le Gouvernement flamand conclut que la deuxième partie de la première question appelle également une réponse négative.

A.3.3. En ce qui concerne la seconde question préjudicielle, le Gouvernement flamand se rallie à l'argumentation de l'ARGO telle qu'elle a été exposée plus haut.

Il observe que la Cour ne saurait répondre à la question sans porter atteinte à la liberté politique du législateur décrétal. Il souligne la possibilité de « remédiation » avec l'aide de l'ARGO, qui est prévue entre la première et la seconde évaluation, et le fait que les deux évaluations doivent être distantes de huit mois au moins, période devant permettre à l'intéressé d'améliorer ses prestations.

La possibilité, suggérée par le Conseil d'Etat, d'une réaffectation à un autre emploi se heurte, selon le Gouvernement flamand, à l'objection pratique que cette réaffectation fait l'objet d'une réglementation détaillée avec laquelle la suggestion faite ne cadre pas. La solution avancée par le Conseil d'Etat néglige le fait que la réaffectation à un autre emploi est réservée aux membres du personnel qui sont mis en disponibilité par défaut d'emploi, pour des motifs qui ne leur sont pas imputables. Le risque existe également que cette double évaluation négative ne finisse par devenir un moyen pour obtenir une réaffectation à un autre emploi plus reposant, avec le maintien du traitement, nonobstant le fait que des prestations insuffisantes aient été fournies antérieurement. - B - B.1.1. Les questions préjudicielles portent sur l'article 88, 5°, du décret du 27 mars 1991 relatif au statut de certains membres du personnel de l'enseignement communautaire. Cette disposition est libellée comme suit : «

Art. 88.En ce qui concerne les membres du personnel nommés à titre définitif, la cessation définitive des fonctions [résulte] : [...] 5° du fait qu'ils ont obtenu la mention ` insuffisant ' pendant deux années scolaires successives, lors d'une évaluation à l'égard de la fonction à laquelle l'évaluation se rapporte.Cette période est suspendue, lorsque le membre du personnel ne rend pas de services dans la fonction pour laquelle la mention ` insuffisant ' lui a été attribuée. Une mention ` insuffisant ' à l'examen en chambre de recours conformément à l'article 69, ne produit ses effets qu'à partir de la date de la décision finale de la chambre de recours.

Un préavis est accordé dont la durée est égale à la période nécessaire pour pouvoir bénéficier de la sécurité sociale et des allocations de chômage. Pendant ledit préavis, l'agent est considéré comme étant désigné à titre temporaire.

Pendant ce préavis, le membre du personnel est censé être désigné à titre temporaire; il est affecté, en dehors des normes, à un établissement et mis au travail par le conseil central, qui peut le charger d'une mission; il peut, au prorata de l'importance de cette mission, être remplacé. L'agent jouit du traitement brut lié à la fonction dans laquelle il est nommé à titre définitif.

Pendant cette période, le conseil central peut charger l'agent d'une mission, tandis que l'établissement concerné obtient une extension de l'encadrement lui étant attribué, afin de pourvoir au remplacement de ce membre du personnel. » B.2.1. Le Conseil d'Etat demande tout d'abord à la Cour si cette disposition viole les articles 10, 11 et 24, § 4, de la Constitution en ce qu'une réglementation similaire fait défaut pour le personnel de l'enseignement subventionné et de l'enseignement de la Communauté française.

B.2.2. En vertu de l'article 127, § 1er, alinéa 1er, 2°, de la Constitution, les communautés sont compétentes pour régler le statut du personnel enseignant.

Une différence de traitement dans des matières où les communautés et les régions disposent de compétences propres est la conséquence possible de politiques distinctes permises par l'autonomie qui leur est accordée par la Constitution ou en vertu de celle-ci. Une telle différence ne peut en soi être jugée contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution. Cette autonomie serait dépourvue de signification si le seul fait qu'il existe des différences de traitement entre les destinataires de règles s'appliquant à une même matière dans les diverses communautés et régions était jugé contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution.

B.3.1. La juridiction a quo demande également si la disposition soumise à la Cour viole les articles 10, 11 et 24, § 4, de la Constitution en ce qu'une réglementation similaire fait défaut pour le personnel de l'enseignement subventionné.

B.3.2. L'article 88, 5°, du décret du 27 mars 1991 relatif au statut de certains membres du personnel de l'enseignement communautaire prévoit la cessation définitive des fonctions lorsqu'un membre du personnel a obtenu la mention « insuffisant » pendant deux années scolaires consécutives, lors de l'évaluation de la fonction exercée.

La mesure répond à l'objectif général du décret, lequel vise à améliorer la qualité de l'enseignement communautaire et à dynamiser et revaloriser la fonction d'enseignant (Doc., Conseil flamand, 1990-1991, n° 470/4, p. 9).

Bien qu'une règle identique ne figure pas dans le décret du 27 mars 1991 relatif au statut de certains membres du personnel de l'enseignement subventionné et des centres psycho-médico-sociaux subventionnés, l'article 62, 3°, de ce décret prévoit cependant la possibilité de déclarer un membre du personnel définitivement inapte, par mesure disciplinaire, ce qui peut être le cas lorsque ce membre du personnel n'accomplit pas convenablement sa tâche.

La durée du délai de préavis et les modalités du licenciement sont sensiblement les mêmes pour l'enseignement communautaire et pour l'enseignement subventionné.

B.3.3. Il ressort de ce qui précède que la différence de traitement ne réside pas tant dans la sanction même du licenciement et dans ses conséquences que dans le fait que dans l'enseignement subventionné, une marge d'appréciation est laissée au pouvoir organisateur pour infliger cette sanction.

B.3.4. L'article 24, § 4, de la Constitution dispose : « Tous les élèves ou étudiants, parents, membres du personnel et établissements d'enseignement sont égaux devant la loi ou le décret.

La loi et le décret prennent en compte les différences objectives, notamment les caractéristiques propres à chaque pouvoir organisateur, qui justifient un traitement approprié. » B.3.5. Bien que l'égalité de traitement des membres du personnel constitue le principe, l'article 24, § 4, de la Constitution n'exclut pas un traitement différencié, à la condition que celui-ci soit fondé « sur les caractéristiques propres à chaque pouvoir organisateur ».

Le principe d'égalité en matière d'enseignement ne saurait toutefois être dissocié des autres garanties établies par l'article 24 de la Constitution.

La liberté d'enseignement comprend la liberté, pour le pouvoir organisateur, de choisir le personnel qui sera chargé de la réalisation des objectifs pédagogiques propres. La liberté de choix a des répercussions sur les relations de travail entre ce pouvoir organisateur et son personnel.

Compte tenu de la liberté d'enseignement, garantie aux citoyens par l'article 24, § 1er, de la Constitution, et de l'autonomie des autorités provinciales et communales pour ce qui est de l'enseignement officiel subventionné, le législateur décrétal pouvait raisonnablement laisser une marge d'appréciation aux pouvoirs organisateurs de l'enseignement subventionné en ce qui concerne la cessation définitive de fonction d'un membre du personnel lorsque celui-ci n'accomplit pas convenablement sa mission.

Du point de vue de l'enseignement communautaire, prévoir expressément et automatiquement une sanction pour les membres du personnel dont les prestations sont insuffisantes se justifie par la volonté du législateur décrétal de garantir la qualité de l'enseignement, ouvert à tous, dont la Communauté a la responsabilité.

La différence de traitement entre le personnel de l'enseignement communautaire et celui de l'enseignement subventionné repose sur un critère objectif et est pertinente.

B.3.6. Les effets de la mesure ne sont pas disproportionnés aux objectifs du législateur décrétal : d'une part, une première évaluation négative constitue un avertissement pour le membre du personnel concerné, de sorte que le licenciement peut encore être évité; d'autre part, le décret prévoit la possibilité de contester une évaluation négative devant la chambre de recours, ce qui suspend la sanction.

Pour le surplus, ainsi qu'il a été observé ci-dessus, les modalités et les conséquences du régime de licenciement sont à peu près identiques dans les différents réseaux d'enseignement.

B.3.7. La première question préjudicielle appelle une réponse négative.

B.4. Dans la seconde question préjudicielle, le juge a quo demande si la disposition litigieuse viole les articles 10, 11 et 24, § 4, de la Constitution en ce qu'elle n'établit aucune distinction - ou ne laisse aucune latitude pour faire une distinction - parmi les membres du personnel dont les prestations sont jugées insuffisantes, selon qu'ils sont ou non susceptibles de fournir dans une autre fonction des prestations suffisantes.

B.5.1. Dans cette seconde question, il est fait état d'une possibilité de passage d'une fonction à une autre. Cette hypothèse - selon laquelle il serait possible de confier sans délai et définitivement une nouvelle fonction à un membre du personnel qui par ailleurs vient d'être démis d'une autre fonction n'est pas conciliable avec la procédure et les garanties de qualité en matière de recrutement applicables à l'ensemble du personnel enseignant.

B.5.2. Même en se plaçant dans cette hypothèse, il ne peut être reproché au législateur décrétal de ne pas avoir fait la distinction visée dans la seconde question préjudicielle.

Tout d'abord, il n'est pas possible d'établir, a priori et de manière objective, que le membre du personnel concerné pourrait fournir des prestations de niveau suffisant dans une autre fonction.

Ensuite, la Cour observe que, sauf limite d'âge, le membre du personnel concerné peut, pour autant qu'il soit porteur du titre requis, se porter candidat et parcourir, comme d'autres candidats, les différentes étapes de la procédure de recrutement pour être nommé dans une autre fonction. Il ne peut dès lors être soutenu que le membre du personnel faisant l'objet d'une mesure de cessation définitive de ses fonctions mais justifiant de qualités de nature à lui permettre d'exercer une autre fonction serait, du fait de la mesure de cessation, privé de toute possibilité de valoriser ces qualités.

B.6. La seconde question préjudicielle appelle une réponse négative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : - L'article 88, 5°, du décret de la Communauté flamande du 27 mars 1991 relatif au statut de certains membres du personnel de l'enseignement communautaire ne viole pas le principe d'égalité inscrit aux articles 10, 11 et 24, § 4, de la Constitution, en ce qu'il prescrit le licenciement pour les membres du personnel de l'enseignement de la Communauté flamande, alors qu'une disposition similaire fait défaut pour le personnel de l'enseignement subventionné et celui de l'enseignement de la Communauté française; - L'article 88, 5°, du décret de la Communauté flamande du 27 mars 1991 relatif au statut de certains membres du personnel de l'enseignement communautaire ne viole pas le principe d'égalité inscrit aux articles 10, 11 et 24, § 4, de la Constitution, en ce qu'il n'établit aucune distinction ou ne laisse aucune latitude pour faire une distinction entre, d'une part, des membres du personnel aux prestations insuffisantes desquels il ne peut pas être remédié en réaffectant les intéressés dans une autre fonction, et, d'autre part, les membres du personnel dont il ne peut être exclu qu'ils puissent fournir des prestations suffisantes dans une autre fonction.

Ainsi prononcé en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 15 juillet 1999.

Le greffier, L. Potoms.

Le président, L. De Grève.

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