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Arrêt De La Cour Constitutionelle
publié le 17 mars 2000

Arrêt n° 7/2000 du 19 janvier 2000 Numéro du rôle : 1681 En cause : le recours en annulation de la loi du 11 décembre 1998 modifiant le titre préliminaire du Code de procédure pénale, en ce qui concerne la prescription de l'action publique, i La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et G. De Baets, et des juges H. Boel, L(...)

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COUR D'ARBITRAGE


Arrêt n° 7/2000 du 19 janvier 2000 Numéro du rôle : 1681 En cause : le recours en annulation de la loi du 11 décembre 1998Documents pertinents retrouvés type loi prom. 11/12/1998 pub. 16/12/1998 numac 1998010043 source ministere de la justice Loi modifiant le titre préliminaire du Code de procédure pénale, en ce qui concerne la prescription de l'action publique fermer modifiant le titre préliminaire du Code de procédure pénale, en ce qui concerne la prescription de l'action publique, introduit par M.-C. F. La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et G. De Baets, et des juges H. Boel, L. François, J. Delruelle, H. Coremans et M. Bossuyt, assistée du greffier L. Potoms, présidée par le président M. Melchior, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 19 mai 1999 et parvenue au greffe le 20 mai 1999, M.-C. F. a introduit un recours en annulation de la loi du 11 décembre 1998Documents pertinents retrouvés type loi prom. 11/12/1998 pub. 16/12/1998 numac 1998010043 source ministere de la justice Loi modifiant le titre préliminaire du Code de procédure pénale, en ce qui concerne la prescription de l'action publique fermer modifiant le titre préliminaire du Code de procédure pénale, en ce qui concerne la prescription de l'action publique (publiée au Moniteur belge du 16 décembre 1998).

La demande de suspension des mêmes dispositions légales, introduite par la même requérante, a été rejetée par l'arrêt n° 91/99 du 15 juillet 1999, publié au Moniteur belge du 9 octobre 1999.

II. La procédure Par ordonnance du 20 mai 1999Documents pertinents retrouvés type ordonnance prom. 20/05/1999 pub. 25/09/1999 numac 1999031276 source ministere de la region de bruxelles-capitale Ordonnance modifiant la procédure d'élaboration et de modification des plans particuliers d'affection du sol et diverses dispositions de l'ordonnance du 29 août 1991 organique de la planification et de l'urbanisme type ordonnance prom. 20/05/1999 pub. 29/07/1999 numac 1999031277 source ministere de la region de bruxelles-capitale Ordonnance relative à la Société de Développement pour la Région de Bruxelles-Capitale fermer, le président en exercice a désigné les juges du siège conformément aux articles 58 et 59 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage.

Les juges-rapporteurs ont estimé n'y avoir lieu de faire application des articles 71 ou 72 de la loi organique.

Le recours a été notifié conformément à l'article 76 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 10 juin 1999.

L'avis prescrit par l'article 74 de la loi organique a été publié au Moniteur belge du 18 juin 1999.

Le Conseil des ministres, rue de la Loi 16, 1000 Bruxelles, a introduit un mémoire par lettre recommandée à la poste le 23 juillet 1999.

Ce mémoire a été notifié conformément à l'article 89 de la loi organique, par lettre recommandée à la poste le 11 août 1999.

Par ordonnance du 26 octobre 1999, la Cour a prorogé jusqu'au 19 mai 2000 le délai dans lequel l'arrêt doit être rendu.

Par ordonnance du 10 novembre 1999, la Cour a déclaré l'affaire en état et fixé l'audience au 7 décembre 1999.

Cette ordonnance a été notifiée aux parties ainsi qu'à leurs avocats par lettres recommandées à la poste le 15 novembre 1999.

A l'audience publique du 7 décembre 1999 : - a comparu Me W. Timmermans loco Me P. Traest, avocats au barreau de Bruxelles, pour le Conseil des ministres; - les juges-rapporteurs L. François et H. Coremans ont fait rapport; - l'avocat précité a été entendu; - l'affaire a été mise en délibéré.

La procédure s'est déroulée conformément aux articles 62 et suivants de la loi organique, relatifs à l'emploi des langues devant la Cour.

III. En droit - A - Quant aux faits et à l'intérêt à agir A.1.1. La requérante expose qu'elle a interjeté appel d'un jugement, prononcé le 24 novembre 1998, par lequel le Tribunal de première instance de Bruxelles l'a condamnée à un emprisonnement de 18 mois assorti du sursis, ainsi qu'à diverses peines d'amende; elle ajoute que l'affaire sera introduite devant la Cour d'appel le 19 mai 1999 et expose que, pour certaines des préventions du chef desquelles elle a été condamnée en première instance, la prescription de l'action publique lui eût été acquise, si la loi qu'elle attaque n'avait pas modifié les règles applicables en cette matière, le 27 mai 1999.

A.1.2. Elle indique, quant à son intérêt à agir, que même si certaines préventions étaient retenues à sa charge (alors qu'elle plaide l'acquittement), la « période infractionnelle initiale pourrait néanmoins s'en trouver fortement réduite, la prescription pouvant dès lors intervenir à très bref délai ». Or, elle se voit potentiellement privée du bénéfice de celle-ci puisque la loi attaquée suspend le cours de la prescription pour une durée d'un an à dater de la fixation de l'affaire devant la Cour d'appel.

A.1.3. Le Conseil des ministres relève que le recours n'indique ni la nature des infractions pour lesquelles la requérante a été condamnée, ni la date à laquelle la prescription aurait dû être acquise sous le régime antérieur à la modification entreprise par la loi attaquée.

Quant à l'objet du recours A.1.4. Le Conseil des ministres entend que l'objet du recours soit limité à l'article 3, 1°, quatrième tiret, de la loi attaquée, les moyens ne visant que cette disposition. Il constate que la Cour, dans l'arrêt se prononçant sur la demande de suspension, a limité son examen à l'article 24, 1°, du titre préliminaire du Code de procédure pénale.

Quant au fond A.2.1. La requérante fait valoir que l'instruction de dossiers complexes, relatifs à la délinquance financière ou ayant des aspects extraterritoriaux, a amené le législateur à porter de trois à cinq ans le délai de prescription des délits. Une proposition de loi fut par ailleurs déposée afin de suspendre le cours de la prescription de l'action publique lorsque, pour des raisons tierces, cette dernière se trouve dans l'impossibilité de s'exercer. Etait visée l'hypothèse dans laquelle le délai d'exécution de commissions rogatoires internationales ou de transmission de pièces dépasse six mois.

A.2.2. Tous les moyens de la requérante sont fondés sur la violation des articles 10 et 11 de la Constitution combinés avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme.

Premier moyen A.3.1. Selon la requérante, la disposition attaquée est une loi de circonstance visant à permettre la répression de délits imputés à des personnes spécifiques, impliquées dans l'affaire « Securitas », l'opinion publique s'étant émue de l'imminence de la prescription résultant, selon le ministre de la Justice lui-même, interpellé à la Chambre, de retards considérables lors de l'examen du dossier. Les chroniqueurs judiciaires ont fustigé une loi adoptée dans l'urgence afin de venir au secours d'un parquet qui n'a pas fait preuve de diligence et de sérénité. Les travaux préparatoires confirment qu'il s'agit d'une loi de circonstance. Elle est discriminatoire en ce que l'ensemble des justiciables - et tout particulièrement ceux qui font l'objet de poursuites judiciaires - voient leur situation aggravée par une loi qui a pour seul but de permettre la sanction pénale de quelques individus, alors que la prescription de l'action publique est l'une des bases fondamentales du droit pénal.

A.3.2. Selon le Conseil des ministres, la disposition attaquée s'applique à toutes les personnes se trouvant dans une situation identique et ne contient donc aucune différence de traitement pouvant être contrôlée par la Cour. Le fait que le législateur modifie les règles de prescription ou qu'il intervienne à l'occasion d'un cas précis pour le faire alors qu'il est saisi d'une proposition de loi n'est pas en soi discriminatoire; la Cour n'est pas habilitée à contrôler l'opportunité d'une option politique.

Deuxième moyen A.4.1. Selon la requérante, la disposition attaquée et sa ratio legis sont contradictoires.

D'une part, le législateur invoque la complexité croissante des affaires financières internationales afin d'introduire une nouvelle cause de suspension de la prescription et se réfère notamment à un avant-projet qui se bornait à prévoir une suspension de l'action publique lorsque la commission rogatoire ou la demande de transmission de pièces n'avait pas reçu de fin favorable après un délai de six mois. D'autre part, on observe que la loi est adoptée uniquement afin de sanctionner les auteurs supposés d'attaques à main armée dans une affaire retentissante. Enfin, les attaques en question ne relèvent nullement de la criminalité internationale financière. Plus grave, il ressort clairement des discussions en Commission de la justice que le retard pris par le parquet pour diligenter les poursuites utiles n'est nullement dû à la complexité de l'affaire ou à son caractère international, mais tout simplement à sa négligence et à son inaction pendant une période de cinq ans. Ceci confirme à suffisance que le législateur n'a agi que dans le but inavouable de sanctionner certains individus mais a, pour ce faire, adopté une loi d'application générale, qui est par là discriminatoire.

A.4.2. Le Conseil des ministres considère que le texte adopté permet de réaliser les objectifs poursuivis par le législateur, à savoir éviter que l'action publique soit prescrite lorsqu'une affaire est portée devant la juridiction de jugement tout en empêchant l'imprescriptibilité de facto de l'action publique; il ne voit pas, dès lors, comment le texte de la loi attaquée serait contraire à la ratio legis de la loi, ni comment un tel argument pourrait constituer une violation des articles 10 et 11 de la Constitution.

Troisième moyen A.5.1. Selon la requérante, la disposition attaquée crée des discriminations non justifiables entre citoyens en raison de l'application immédiate de la loi et de l'absence de mesures transitoires.

L'entrée en vigueur immédiate de la nouvelle loi (le 16 décembre 1998) et l'absence de mesures transitoires pour les procès en cours aggravent objectivement la situation de la requérante, puisqu'elle restera sous le coup du poids d'accusations infamantes, pour une période allongée. Cela constitue incontestablement une discrimination injustifiée par rapport aux personnes auxquelles sont reprochés des faits commis à la même époque que ceux reprochés à la requérante, mais qui ont eu la chance de bénéficier d'une instruction diligente et d'un jugement dans un délai raisonnable, et qui, dès lors, ne doivent pas, comme la requérante, subir les affres d'une accusation prolongée.

A.5.2. Selon le Conseil des ministres, la différence de traitement critiquée par la requérante résulte de la politique criminelle du parquet (laquelle échappe à la compétence de la Cour) et non de l'application immédiate de la loi ou de l'absence de mesures transitoires. Ces éléments ne sont d'ailleurs pas de nature à créer la discrimination critiquée et la jurisprudence bien établie de la Cour ne permet pas de la censurer. La loi attaquée ne traite pas la requérante d'une manière différente de celle réservée à des catégories de personnes auxquelles elle pourrait être comparée.

Quatrième moyen A.6.1. Selon la requérante, la disposition attaquée crée une discrimination injustifiée entre les parties au procès pénal ainsi qu'entre justiciables selon que le parquet se sera plus ou moins bien acquitté de son devoir d'information.

En prévoyant que le délai de la prescription recommencera à courir si des devoirs complémentaires sont ordonnés d'office ou à la requête du parquet, l'article 24, 1°, alinéa 2, deuxième tiret, a voulu éviter que des instructions bâclées soient fixées en catastrophe juste avant le terme de la prescription et que, dans ce cas, le juge du fond puisse, par la suite, autoriser des devoirs d'enquête complémentaires et prolonger ainsi sans difficulté le traitement du dossier.

A.6.2. Cet objectif n'est cependant pas atteint selon la requérante car, la plupart du temps, les instructions se font à charge et non à décharge. Il suffit ainsi au parquet dans de très nombreuses hypothèses de citer devant le tribunal correctionnel alors que l'enquête a été bâclée, mais que le dossier comprend une série d'indices à charge. La défense n'aura alors d'autre recours que de solliciter elle-même que soient diligentés les devoirs à décharge, le cours de la prescription étant alors suspendu pour une période d'un an. La disposition attaquée crée ainsi une discrimination entre les parties au procès et, d'autre part, une discrimination injustifiable entre citoyens qui, selon que l'instruction dont ils font l'objet aura été bâclée ou incorrectement effectuée, resteront plus ou moins longtemps sous le coup d'une inculpation.

Pareille discrimination existe également dans l'hypothèse où les devoirs d'instruction complémentaires sont demandés à la requête de la partie civile. Ainsi, si des devoirs complémentaires sont nécessaires à la thèse de l'accusation et qu'une partie civile est présente au procès, il suffira que la demande de devoirs complémentaires émane de la partie civile plutôt que du parquet pour que le cours de la prescription soit effectivement suspendu, ce qui place de manière injustifiée les inculpés qui sont confrontés à une partie civile dans une situation plus défavorable que ceux qui ne sont confrontés qu'au ministère public, ce qui est évidemment injustifiable eu égard aux critères des articles 10 et 11 de la Constitution et de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme.

A.6.3. Selon le Conseil des ministres, l'inégalité possible dont se plaint la requérante ne résulte pas de la loi mais de l'application de cette loi suivant la pratique de recherche et de poursuite suivie par le ministère public. Il appartient à celui-ci de s'organiser afin de remplir les missions qui lui sont confiées, en se conformant aux dispositions légales applicables et aux directives de politique criminelle arrêtées par le ministre de la Justice (articles 22 à 47 du Code d'instruction criminelle et 138 à 143ter du Code judiciaire). La Cour n'est pas compétente pour vérifier si l'application des lois est conforme aux articles 10 et 11 de la Constitution.

Cinquième moyen A.7.1. Selon la requérante, la disposition attaquée n'a pas prévu de mesures transitoires pour les procédures en cours au moment de son entrée en vigueur et notamment pour les cas où, comme en l'espèce, un premier jugement a déjà sanctionné le dépassement du délai raisonnable, alors qu'elle allonge de facto le délai de prescription et place ainsi la requérante dans une position plus défavorable.

A.7.2. Le Conseil des ministres se réfère à sa réponse au troisième moyen et ajoute qu'il appartient au juge du fond d'apprécier le caractère raisonnable du délai visé par la Convention européenne, l'appréciation de celui-ci étant fonction de principes que la loi attaquée n'a pas entendu modifier.

Sixième moyen A.8.1. Selon la requérante, la disposition attaquée a pour effet d'allonger la période de prescription à un maximum possible de douze années, alors que le législateur a reconnu lui-même qu'une période de dix ans devait être suffisante : il n'a nullement fait valoir que la période de deux fois cinq ans était intrinsèquement insuffisante et a clairement précisé qu'il venait au secours d'un parquet incompétent.

Cette loi particulière est discriminatoire à l'égard de l'ensemble des citoyens, qui se trouvent ainsi dans une situation où le délai de prescription est allongé pour une durée incompressible d'un an ou deux ans selon qu'ils se trouvent en première instance ou qu'ils sont déjà en appel, et ce, non pas parce que le législateur a estimé que le délai de prescription, tel qu'il était établi, n'était pas suffisant, mais simplement pour sanctionner les auteurs supposés de délits commis dans une affaire retentissante.

A.8.2. Le Conseil des ministres se réfère à sa réponse au second moyen et à l'arrêt se prononçant sur la demande de suspension (B.12).

Septième moyen A.9.1. Selon la requérante, la disposition attaquée a pour conséquence de facto de mettre à néant la notion de délai raisonnable.

A.9.2. Elle fait valoir, dans une première branche, que le régime de la prescription est une application légale de la notion de délai raisonnable en ce qu'il fixe une limite extrême où le dépassement du délai raisonnable aura pour conséquence l'impossibilité de sanctionner bien que la notion de dépassement du délai raisonnable ne se résume pas à une simple question de savoir si le terme de la prescription est ou non atteint. Pour l'un comme pour l'autre, l'élément à prendre en considération est l'écoulement du temps et la disposition attaquée est discriminatoire en ce qu'elle revient à suspendre le temps, à considérer que, pendant un laps de temps donné, l'écoulement du temps est nul et non avenu et ne peut être pris en considération par les cours et tribunaux. Or, l'écoulement du temps est une question objective et il n'appartient pas au législateur de considérer celui-ci comme nul et non avenu.

A.9.3. Dans une deuxième branche, la requérante fait valoir que la mesure en cause ne vise pas, ce que l'on pourrait admettre, à allonger le délai de prescription pendant la phase d'instruction en raison de devoirs lourds et complexes anormalement longs, mais à allonger ce délai pendant la phase de jugement, en raison de l'encombrement des cours et tribunaux. Cette justification n'est pas conforme aux exigences de l'article 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme et la disposition attaquée crée d'injustifiables discriminations entre citoyens, selon que ceux-ci auront eu la chance de bénéficier d'instructions raisonnablement rapides d'un tribunal non encombré ou qu'ils pâtiront d'instructions lentes et de tribunaux surencombrés, et pourront ainsi voir le fardeau de l'accusation peser sur eux jusqu'à douze années et notamment jusqu'à deux années entières pour ce qui concerne la procédure de jugement proprement dite.

A.9.4. Le Conseil des ministres se réfère à sa réponse aux troisième et cinquième moyens; il relève que la requérante invoque le seul article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et n'expose pas en quoi consiste la discrimination dont elle fait mention. - B - B.1. La requérante demande l'annulation de la loi du 11 décembre 1998Documents pertinents retrouvés type loi prom. 11/12/1998 pub. 16/12/1998 numac 1998010043 source ministere de la justice Loi modifiant le titre préliminaire du Code de procédure pénale, en ce qui concerne la prescription de l'action publique fermer « modifiant le titre préliminaire du Code de procédure pénale, en ce qui concerne la prescription de l'action publique ». Cette loi a notamment pour objet de remplacer l'article 24 de ce titre préliminaire.

La Cour, qui doit déterminer l'étendue du recours sur la base du contenu de la requête, constate qu'elle est limitée à l'article 24, 1°, du titre précité.

B.2.1. L'article 3 de la loi du 11 décembre 1998Documents pertinents retrouvés type loi prom. 11/12/1998 pub. 16/12/1998 numac 1998010043 source ministere de la justice Loi modifiant le titre préliminaire du Code de procédure pénale, en ce qui concerne la prescription de l'action publique fermer remplace l'article 24 du titre préliminaire du Code de procédure pénale par la disposition suivante : « La prescription de l'action publique est suspendue à l'égard de toutes les parties : 1° à partir du jour de l'audience où l'action publique est introduite devant la juridiction de jugement selon les modalités fixées par la loi. La prescription recommence toutefois à courir : - à partir du jour où la juridiction de jugement décide, d'office ou sur requête du ministère public, de reporter l'examen de l'affaire pour une durée indéterminée et ce, jusqu'au jour où la juridiction de jugement reprend ledit examen; - à partir du jour où la juridiction de jugement décide, d'office ou sur requête du ministère public, de reporter l'examen de l'affaire en vue de l'accomplissement d'actes d'instruction complémentaires concernant le fait mis à charge et ce, jusqu'au jour où la juridiction de jugement reprend ledit examen; - à partir de la déclaration d'appeler, visée à l'article 203, ou de la notification de recours, visée à l'article 205, jusqu'au jour où l'appel est introduit, selon les modalités fixées par la loi, devant la juridiction de jugement en degré d'appel, si l'appel du jugement sur l'action publique émane uniquement du ministère public; - à l'échéance d'un délai d'un an, à compter du jour de l'audience au cours de laquelle, selon le cas, l'action publique est introduite devant la juridiction de jugement en degré de première instance ou devant la juridiction de jugement en degré d'appel ou au cours de laquelle cette dernière juridiction décide de statuer sur l'action publique et ce, jusqu'au jour du jugement de la juridiction de jugement considérée statuant sur l'action publique; 2° dans les cas de renvoi pour la décision d'une question préjudicielle;3° dans le cas prévu à l'article 447, alinéa 3, du Code pénal;4° pendant le traitement d'une exception d'incompétence, d'irrecevabilité ou de nullité soulevée devant la juridiction de jugement par l'inculpé, par la partie civile ou par la personne civilement responsable.Si la juridiction déclare l'exception fondée ou que la décision sur l'exception est jointe au fond, la prescription n'est pas suspendue. » B.2.2. En vertu de l'article 4 de la loi du 11 décembre 1998Documents pertinents retrouvés type loi prom. 11/12/1998 pub. 16/12/1998 numac 1998010043 source ministere de la justice Loi modifiant le titre préliminaire du Code de procédure pénale, en ce qui concerne la prescription de l'action publique fermer, l'article 24 précité est entré en vigueur le 16 décembre 1998.

B.3. Les sept moyens sont pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution lus en combinaison avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. Il y a lieu de les examiner ensemble, comme dénonçant une discrimination, en premier lieu, entre l'ensemble des justiciables qui font l'objet de poursuites judiciaires et certains d'entre eux en ce que les premiers auraient à subir les effets défavorables d'une loi de circonstance ne visant qu'à sanctionner les seconds (premier, deuxième et sixième moyens), en second lieu, entre justiciables faisant l'objet de poursuites pour des faits commis à la même époque et échappant ou non à l'allongement du délai de prescription de l'action publique, résultant des dispositions attaquées, suivant que les préventions qui les concernent auraient ou non fait l'objet d'une instruction diligente et d'un jugement dans un délai raisonnable (troisième, quatrième, cinquième et septième moyens).

B.4. Les règles constitutionnelles de l'égalité et de la non-discrimination n'excluent pas qu'une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu'elle repose sur un critère objectif et qu'elle soit raisonnablement justifiée.

L'existence d'une telle justification doit s'apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause; le principe d'égalité est violé lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.

B.5. Ne sont pas pertinentes les comparaisons faites par la requérante, dans l'exposé des troisième et cinquième moyens, entre la situation qui était la sienne sous l'ancienne loi et celle qui résulte de l'application de la loi attaquée. Ces comparaisons portent en effet sur des situations régies par des dispositions applicables à des moments différents et, à peine de rendre impossible toute modification de la législation, ne sont pas de celles qui doivent être examinées pour vérifier si les dispositions attaquées sont conformes aux articles 10 et 11 de la Constitution.

B.6. Les dispositions attaquées prévoient une cause nouvelle de suspension de la prescription de l'action publique : l'introduction de celle-ci devant la juridiction de jugement. Cette suspension prend fin, et le délai de prescription se remet donc à courir, lorsque, à l'initiative de la juridiction de jugement elle-même ou du ministère public, l'examen de l'affaire est reporté pour une durée indéterminée ou en vue de l'accomplissement d'actes d'instruction complémentaires, lorsque le ministère public interjette appel et lorsqu'un an s'est écoulé sans que la juridiction de jugement ait statué.

B.7. A l'origine des dispositions attaquées est une proposition de loi qui visait à prévoir une suspension pour une durée de six mois de la prescription de l'action publique « dans le cas où la durée d'exécution d'une commission rogatoire internationale ou de transmission de pièces relatives à ladite exécution dépasse six mois » (Doc. parl., Chambre, 1997-1998, n° 1387/2, p. 2, se référant au Doc. parl., Chambre, 1996-1997, n° 1004/1) et qui se limitait donc aux difficultés liées à un type particulier de devoirs à accomplir au cours de la phase préparatoire du procès pénal.

La discussion parlementaire aboutit à une évaluation plus générale de l'opportunité de suspendre la prescription de l'action publique. Dans cette nouvelle perspective, quatre hypothèses relatives à la phase de jugement du procès pénal furent envisagées.

B.8. La circonstance qu'une disposition législative serait adoptée à la suite d'une manifestation, par l'opinion publique, de son inquiétude ou de sa crainte de voir des abus commis et tolérés ne suffit pas à établir que cette disposition serait contraire aux dispositions invoquées par le moyen. Quelles que soient les circonstances et les considérations qui ont provoqué ou facilité la naissance d'une norme, c'est sur son seul contenu que celle-ci doit être jugée discriminatoire ou non.

B.9. Le législateur a pu considérer, sans violer les dispositions invoquées par le moyen, que lorsqu'une action publique est introduite devant une juridiction de jugement, une des justifications classiques de l'institution de la prescription disparaît, à savoir que l'écoulement du temps sans que s'ouvre un procès entraîne progressivement un oubli qui atténue le trouble social causé par une infraction. Il a assorti la mesure qu'il prenait de garanties visant notamment à éviter, d'une part, que le magistrat chargé de l'instruction, constatant que l'expiration du délai de prescription est imminente, clôture hâtivement le dossier alors que le magistrat du fond pourrait toujours par la suite autoriser des devoirs d'enquête complémentaires et prolonger ainsi sans difficulté le traitement du dossier (ibid., n° 1387/6, p. 9) et, d'autre part, que la nouvelle cause de suspension du délai de prescription engendre une imprescriptibilité de facto de l'action publique (ibid., n° 1387/6, p. 20).

Il a observé que le droit belge était, en matière de prescription de l'action publique, particulièrement favorable à l'inculpé (ibid., n° 1387/6, p. 3); il a relevé notamment que la prescription pouvait donner lieu à des abus « par exemple dans le chef de personnes déjà déclarées coupables en première instance et qui parviennent, en interjetant appel, à prolonger la procédure jusqu'à ce que la prescription intervienne. La proposition visant à ce que le délai de prescription cesse de courir au moment où l'instruction est clôturée et où l'affaire est renvoyée de manière juridiquement valable devant la juridiction de jugement pourrait remédier à ce problème » (ibid., p. 6);il a aussi relevé que la réforme des règles en matière de prescription est devenue encore plus nécessaire depuis l'entrée en vigueur de la loi du 12 mars 1998Documents pertinents retrouvés type loi prom. 12/03/1998 pub. 02/04/1998 numac 1998009267 source ministere de la justice Loi relative à l'amélioration de la procédure pénale au stade de l'information et de l'instruction fermer relative à l'amélioration de la procédure pénale au stade de l'information et de l'instruction : « Le nombre de procédures qui peuvent être menées au cours de l'information a tellement augmenté que le risque de prescription s'est considérablement accru, surtout dans les affaires complexes » (ibid., p. 16). De tels propos dépassent l'hypothèse particulière à laquelle la requérante fait référence pour qualifier les dispositions attaquées de loi de circonstance et pour y voir les discriminations qu'elle dénonce. Ses arguments ne peuvent être admis.

B.10.1. Dans son quatrième moyen, la requérante dénonce plus particulièrement une discrimination dont le prévenu serait victime par rapport au ministère public, le délai de prescription reprenant son cours lorsque, après l'introduction de l'affaire à l'audience, des devoirs complémentaires sont ordonnés à la requête du ministère public alors que ce délai reste suspendu lorsque de tels devoirs sont ordonnés à la requête du prévenu.

Il est manifeste qu'une telle requête risque dans un cas plus que dans l'autre d'être mue par le souci de faire courir le délai de prescription si elle produisait cet effet dans les deux cas.

B.10.2. Quant à l'argument tiré, dans le même moyen, de ce que le délai de prescription reste suspendu lorsque les devoirs sont ordonnés à la requête de la partie civile alors que ce délai se remet à courir si la requête émane du ministère public, de telle sorte que la situation du prévenu serait moins favorable dans le premier cas que dans le second, il n'est pas davantage fondé : dès lors que la disposition critiquée (article 24, 1°, alinéa 2, deuxième tiret) vise à éviter que le traitement du dossier puisse être prolongé indéfiniment par le fait d'insuffisances qui seraient à imputer au ministère public, il ne se justifie pas que la requête de la partie civile soit régie par un principe analogue.

B.11. Ne peut davantage être admis l'argument, contenu dans le sixième moyen, selon lequel les dispositions attaquées seraient discriminatoires par cela que le législateur, après avoir jugé suffisante une prescription d'une durée maximale de deux fois cinq ans pour les délits, augmenterait cette durée de deux ans.

Le législateur peut en effet modifier sa politique. La mesure en cause ne s'analyse d'ailleurs pas en un allongement du délai de prescription de l'action publique mais en une suspension de celui-ci, dans des hypothèses déterminées qui sont limitées à la phase de jugement du procès pénal.

B.12.1. La requérante critique encore l'absence discriminatoire de mesures transitoires et l'application immédiate de la loi attaquée, aboutissant à ce que la mesure critiquée ne s'applique pas aux justiciables dont le dossier a été examiné de manière diligente et dans un délai raisonnable, mais bien aux autres.

B.12.2. Sans doute les conditions auxquelles la prescription était acquise en vertu de la loi en vigueur au moment des faits peuvent-elles faire naître l'expectative d'une prescription dans le délai fixé par cette loi. La différence de traitement critiquée est alors celle qui affecte les prévenus dont les attentes suscitées par la loi ancienne sont déjouées par la loi nouvelle. Une telle critique revient à faire grief à celle-ci de n'avoir pas prévu de régime transitoire.

B.12.3. Il eût été concevable de prendre de telles attentes en considération par une généralisation du souci que le législateur manifeste dans une hypothèse à certains égards analogue lorsqu'il dispose, dans l'article 2 du Code pénal, que « nulle infraction ne peut être punie de peines qui n'étaient pas portées par la loi avant que l'infraction fût commise ». Mais alors que l'insécurité juridique résultant de l'introduction de peines qui n'étaient pas prévues au moment où l'infraction a été commise n'est pas susceptible de justification, il en va autrement de l'insécurité qui tient à ce qu'une infraction, déjà punissable au moment où elle est commise, peut encore être punie des mêmes peines après l'expiration du délai escompté.

B.12.4. En ne prévoyant pas de mesure transitoire, le législateur n'a pas violé les articles 10 et 11 de la Constitution combinés avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme.

B.13. La requérante reproche enfin aux dispositions attaquées de violer la notion de délai raisonnable dans lequel toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue, conformément à l'article 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme.

Elle reste cependant en défaut d'établir en quoi la suspension du délai de prescription de l'action publique qu'elle critique porte atteinte par elle-même à ce droit, en dehors de la référence faite à des arguments auxquels la Cour a déjà répondu.

Il appartient au juge de vérifier, en tenant compte des circonstances de la cause et notamment de la complexité de l'affaire, de la conduite du justiciable et du comportement des autorités compétentes, si le délai raisonnable n'a pas été dépassé dans une affaire déterminée. Ce pouvoir du juge s'exerce vis-à-vis de tous les justiciables, quelle que soit la catégorie décrite par la requérante à laquelle ils appartiennent.

B.14. Il ressort de ce qui précède que les moyens ne peuvent être admis.

Par ces motifs, la Cour rejette le recours.

Ainsi prononcé en langue française, en langue néerlandaise et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 19 janvier 2000.

Le greffier, L. Potoms Le président, M. Melchior

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