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Arrêt De La Cour Constitutionelle
publié le 11 mars 2000

Arrêt n° 13/2000 du 2 février 2000 Numéro du rôle : 1590 En cause : le recours en annulation totale ou partielle des articles 5, 6 et 7 du décret de la Communauté flamande du 7 juillet 1998 modifiant les décrets relatifs à la radiodiffusion e La Cour d'arbitrage, composée des présidents G. De Baets et M. Melchior, et des juges H. Boel, (...)

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Arrêt n° 13/2000 du 2 février 2000 Numéro du rôle : 1590 En cause : le recours en annulation totale ou partielle des articles 5, 6 et 7 du décret de la Communauté flamande du 7 juillet 1998 modifiant les décrets relatifs à la radiodiffusion et à la télévision, coordonnés le 25 janvier 1995, introduit par la société anonyme de droit luxembourgeois Radio Flandria et autres.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents G. De Baets et M. Melchior, et des juges H. Boel, E. Cerexhe, A. Arts, R. Henneuse et M. Bossuyt, assistée du greffier L. Potoms, présidée par le président G. De Baets, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 18 janvier 1999 et parvenue au greffe le 20 janvier 1999, la société anonyme de droit luxembourgeois Radio Flandria, dont le siège social est établi à L-2320 Luxembourg, boulevard de la Pétrusse 45/47, la s.p.r.l. Regie Flandria, dont le siège social est établi à 1930 Zaventem, Tuinwijkstraat 65, boîte 1, W. Van Aalst, demeurant à Londres (Royaume-Uni), Balham, Park Road 73, J. Soer, demeurant à Amsterdam (Pays-Bas), Prinsengracht 795, J. Otte, demeurant à 1930 Zaventem, Borreveldlaan 9, et A. Vandenbrembt, demeurant à 9190 Stekene, Kemzekedorp 8, ont introduit un recours en annulation totale ou partielle des articles 5, 6 et 7 du décret de la Communauté flamande du 7 juillet 1998 modifiant les décrets relatifs à la radiodiffusion et à la télévision, coordonnés le 25 janvier 1995 (publié au Moniteur belge du 18 juillet 1998).

II. La procédure Par ordonnance du 20 janvier 1999, le président en exercice a désigné les juges du siège conformément aux articles 58 et 59 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage.

Les juges-rapporteurs ont estimé n'y avoir lieu de faire application des articles 71 ou 72 de la loi organique.

Le recours a été notifié conformément à l'article 76 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 2 février 1999.

L'avis prescrit par l'article 74 de la loi organique a été publié au Moniteur belge du 13 février 1999.

Le Gouvernement flamand, place des Martyrs 19, 1000 Bruxelles, a introduit un mémoire par lettre recommandée à la poste le 22 mars 1999.

Ce mémoire a été notifié conformément à l'article 89 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste les 8 et 13 avril 1999.

Par ordonnance du 11 mai 1999, le président en exercice a prorogé de quinze jours le délai d'introduction d'un mémoire en réponse, à la suite de la demande des parties requérantes du 10 mai 1999.

Cette ordonnance a été notifiée aux parties requérantes par lettres recommandées à la poste le 12 mai 1999.

Les parties requérantes ont introduit un mémoire en réponse, par lettre recommandée à la poste le 28 mai 1999.

Par ordonnance des 29 juin 1999 et 23 décembre 1999, la Cour a prorogé respectivement jusqu'aux 18 janvier 2000 et 18 juillet 2000 le délai dans lequel l'arrêt doit être rendu.

Par ordonnance du 27 octobre 1999, le président en exercice a complété le siège par le juge M. Bossuyt.

Par ordonnance du 27 octobre 1999, la Cour a déclaré l'affaire en état et fixé l'audience au 25 novembre 1999.

Cette dernière ordonnance a été notifiée aux parties ainsi qu'à leurs avocats, par lettres recommandées à la poste le 28 octobre 1999.

A l'audience publique du 25 novembre 1999 : - ont comparu : . Me C. Bossuyt loco Me P. Maeyaert et Me T. De Meese, avocats au barreau de Bruxelles, pour les parties requérantes; . Me P. Van Orshoven et Me J. Stuyck, avocats au barreau de Bruxelles, pour le Gouvernement flamand; - les juges-rapporteurs H. Boel et E. Cerexhe ont fait rapport; - les avocats précités ont été entendus; - l'affaire a été mise en délibéré.

La procédure s'est déroulée conformément aux articles 62 et suivants de la loi organique, relatifs à l'emploi des langues devant la Cour.

III. Objet des dispositions attaquées Les parties requérantes demandent l'annulation partielle des articles 5, 6 et 7 du décret de la Communauté flamande du 7 juillet 1998 modifiant les décrets relatifs à la radiodiffusion et à la télévision, coordonnés le 25 janvier 1995. Ces dispositions énoncent : «

Art. 5.L'article 29 des décrets relatifs à la radiodiffusion et à la télévision, coordonnés le 25 janvier 1995, est remplacé par ce qui suit : `

Article 29.Chaque habitant de la Communauté flamand doit être en mesure d'écouter une radio privée. Il y a deux types de radio privée : 1° la radio locale : cette radio s'adresse à une partie d'une commune, à une commune ou à un groupe limité de communes contiguës;2° la radio d'agglomération : cette radio s'adresse à une agglomération urbaine, à savoir Anvers, Gand et la région bilingue de Bruxelles-Capitale. Les radios privées assurent leurs émissions par les ondes. Le Gouvernement flamand établit un plan de fréquences, l'approuve et fixe le nombre des radios locales et d'agglomération à agréer. Le ` Vlaams Commissariaat voor de Media ' (Commissariat flamand aux Médias) octroie aux radios privées, sur base du plan de fréquences et du nombre à agréer, les agréments et les autorisations d'émission.

L'autorisation, avec les paramètres qui y sont définis, détermine la zone de desserte d'une installation émettrice d'une radio privée. En déterminant les zones de desserte dans le plan de fréquences, il est tenu compte notamment d'indicateurs sociaux, économiques et culturels ainsi que des besoins spécifiques de groupes cibles. ' En vue de l'optimalisation de la zone de desserte, le Vlaams Commissariaat voor de Media peut obliger les radios privées agréées de déplacer leur installation émettrice ou d'utiliser une installation émettrice commune.

Les radios privées peuvent participer, au sein de la Communauté flamande, à des structures de coopération. [La collaboration est possible sur le plan de la collecte d'informations, de la réalisation des programmes et de la prospection d'annonceurs potentiels.] Pour la quote-part minimale de programmation propre, la coopération en matière d'information et de réalisation de programmes est exclue. '

Art. 6.Dans l'article 32 des mêmes décrets, le 1° est remplacé par ce qui suit : ` 1° les radios privées doivent être constituées sous forme de personne morale. L'objet social de la personne morale se limitera à la réalisation de programmes de radio dans la zone de desserte attribuée.

Les administrateurs n'exercent aucun mandat politique, ni un mandat d'administrateur d'une autre personne morale ou gérant une radio privée.

Toute modification au conseil d'administration sera communiquée au Vlaams Commissariaat voor de Media. '

Art. 7.Dans l'article 32 des mêmes décrets, le 2° est remplacé par ce qui suit : ` 2° le siège social ainsi que les installations de production et d'émission doivent être établis dans la région néerlandophone ou dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale, plus particulièrement à l'intérieur de la zone de desserte de la radio pour laquelle un agrément a été accordé. Le déplacement des installations émettrices à l'intérieur de la zone de desserte de la radio pour laquelle un agrément a été accordé est autorisé dans la mesure où cela s'inscrit dans le plan de fréquences et après que l'autorisation d'émission ait été adoptée; ' ».

IV. En droit - A Quant à la recevabilité En ce qui concerne la recevabilité ratione temporis A.1.1. Les parties requérantes font valoir que le recours a été introduit dans les délais. A supposer même que les dispositions entreprises reprendraient partiellement des dispositions antérieures, littéralement ou quant à leur contenu - quod non , la requête serait encore recevable ratione temporis (arrêts nos 124/98, 37/98, 81/95).

A.1.2. Le Gouvernement flamand conteste ce fait. La limitation de la radiodiffusion privée à la radiodiffusion locale n'a pas été instaurée par les dispositions décrétales entreprises, qui ne comportent rien de neuf dans ce domaine. La possibilité de radiodiffusion privée limitée à la radiodiffusion locale date de 1981-1982. Il est certain que la limitation introduite, d'une part, dans l'arrêté royal du 20 août 1981 et, d'autre part, dans le décret du 6 mai 1982, a été reprise dans les dispositions décrétales critiquées, mais le législateur décrétal n'a aucunement fait montre dans ce domaine d'une nouvelle prise en considération et, partant, d'une décision renouvelée. Il n'a au contraire pas voulu se prononcer sur les radios privées nationales. Au demeurant, il n'a fait que se conformer à des normes techniques préexistantes qui limitent la portée des radiodiffuseurs privés.

Il s'ensuit qu'en réalité les requérants n'attaquent pas le décret du 7 juillet 1998 mais le décret du 6 mai 1982 et éventuellement le décret du 7 novembre 1990 ou l'arrêté du Gouvernement flamand du 25 janvier 1995, confirmé par le décret du 8 mars 1995. Le délai d'introduction d'un recours en annulation étant largement dépassé pour tous ces décrets, les recours sont irrecevables ratione temporis (cf. arrêt n° 81/93).

A.1.3. A l'estime des parties requérantes, la référence à l'arrêt n° 81/93 est totalement abusive. Cet arrêt indique en effet clairement que lorsque, dans une législation nouvelle, le législateur reprend une disposition ancienne et s'en approprie ainsi le contenu, cette circonstance ne fait pas obstacle à ce qu'un recours puisse être introduit contre la disposition reprise, dans les six mois de sa publication. Ce n'est que lorsque le législateur se borne à confirmer la coordination de dispositions anciennes réalisée par le Roi, en n'ayant manifestement pas la volonté de légiférer à nouveau en la matière, qu'un recours en annulation est impossible. Le décret attaqué ne se limite aucunement à une simple confirmation de dispositions préexistantes. La volonté du législateur décrétal de légiférer à nouveau dans le paysage radiophonique flamand ne saurait en effet être sérieusement contestée. Un certain nombre de nouveautés sont clairement instaurées par rapport à l'ancienne réglementation, ce que confirment également les travaux préparatoires.

En ce qui concerne l'intérêt A.2.1. La s.a. Radio Flandria est une société de droit luxembourgeois.

Radio Flandria est une radio commerciale assurant, avec une autorisation d'émettre luxembourgeoise, des émissions radiophoniques en langue néerlandaise s'adressant au marché flamand. Le signal radio est transmis par satellite depuis le Luxembourg aux sociétés flamandes de distribution par câble et ne peut s'écouter que via le câble. Outre un programme musical ininterrompu de 24 heures, le radiodiffuseur présente à ses auditeurs un journal toutes les heures ainsi qu'un bulletin météo et un bulletin routier. Tant la direction que la rédaction ont signé un statut de rédaction. Visant un large public, la sélection musicale se compose de succès des années quatre-vingts, de succès actuels et d'airs toujours en vogue. Quelque 30 p.c. de la musique est de souche flamande. L'impossibilité d'écouter Radio Flandria par voie hertzienne constitue un handicap considérable, la radio câblée étant en effet soumise à diverses restrictions. Les ondes permettent de toucher plus efficacement un public beaucoup plus vaste.

Radio Flandria souhaite dès lors émettre, elle aussi, sur les ondes.

Les dispositions décrétales attaquées forment à cet égard un obstacle fondamental, en empêchant que des stations commerciales nationales n'émettent sur les ondes. Les stations privées désireuses d'émettre sur les ondes doivent restreindre leurs activités au territoire d'une commune ou d'un groupe limité de communes contiguës ou à une agglomération urbaine. Dans le contexte législatif actuel, la seule possibilité de couvrir l'ensemble du territoire flamand par voie hertzienne consiste dès lors à créer une structure de coopération regroupant des radios locales et d'agglomération. Ce qui n'est cependant pas une solution, ni sur le plan commercial, ni sur le plan technique. A l'estime de la première partie requérante, les dispositions entreprises lui sont donc préjudiciables.

A.2.2. La s.p.r.l. Regie Flandria est une régie publicitaire qui commercialise auprès des annonceurs le temps d'antenne publicitaire de Radio Flandria. Le monopole légal de la « Vlaamse Radio- en Televisieomroep » (V.R.T.) en ce qui concerne l'offre de radiodiffusion commerciale nationale par voie hertzienne, tel qu'il a été maintenu par les dispositions décrétales attaquées, a des répercussions considérables, en termes de marché dérivé, pour la publicité radiodiffusée en Flandre. Au cours du premier semestre de 1998, près de 94 p.c. des investissements flamands dans la publicité radiodiffusée sont allés aux stations de la V.R.T. Pour la deuxième partie requérante, point n'est besoin de longs développements pour comprendre que les dispositions attaquées lui causent un préjudice.

A.2.3. Les troisième et quatrième requérants sont gérants/administrateurs des première et deuxième parties requérantes.

A leur estime, ils sont incontestablement lésés du fait des restrictions qu'imposent les dispositions décrétales en matière de composition du conseil d'administration des radios privées. Par ailleurs, en leur qualité d'administrateur/gérant, ils sont, à leurs dires, directement concernés par les dispositions qui définissent ou limitent le champ d'activités des radios privées.

A.2.4. Les cinquième et sixième requérants sont des habitants de la Communauté flamande. Conformément au décret relatif à la radiodiffusion, chaque habitant de la Communauté flamande doit être en mesure d'écouter une radio privée. Toutefois, le décret relatif à la radiodiffusion ne garantit nullement que les requérants puissent écouter la station de leur choix. Les requérants s'en trouvent d'autant plus lésés, selon eux, qu'ils se voient imposer une redevance radio et télévision en faveur d'une station qui émet par ailleurs de la publicité et qui ne constitue pas nécessairement le poste de leur choix.

A.2.5. Selon le Gouvernement flamand, les parties requérantes ne justifient pas d'un intérêt. Les requérants reprochent aux dispositions décrétales critiquées de ne pas permettre aux radiodiffuseurs commerciaux nationaux d'émettre sur les ondes ou de faire de la radiodiffusion nationale un monopole pour la radiodiffusion publique. Ce faisant, ils confèrent toutefois une portée erronée aux dispositions attaquées, lesquelles ne comportent effectivement aucune interdiction en tant que telle et ne créent a fortiori aucune position monopolistique. Elles offrent par contre la possibilité ou plus précisément : elles laissent subsister la possibilité existant depuis fort longtemps d'une radiodiffusion privée, bien que cette possibilité soit limitée à une radiodiffusion à portée restreinte. Il appert des travaux préparatoires que le législateur décrétal n'a même pas voulu se prononcer sur la radiodiffusion privée nationale.

En substance, les requérants dénoncent donc une lacune dans les décrets coordonnés relatifs à la radiodiffusion, en ce que ceux-ci ne prévoient pas de radiodiffusion privée nationale. Fondamentalement, ils n'agissent donc pas tellement contre un préjudice qu'ils subissent mais contre une faveur dont bénéficient d'autres qu'eux-mêmes. Ils n'y ont pas d'intérêt (arrêt n° 38/91).

Par ailleurs, l'annulation demandée par les requérants n'aurait pas pour effet qu'ils puissent dorénavant assurer une radiodiffusion commerciale nationale, mais ne ferait au contraire que rétablir le statu quo ante, c'est-à-dire les dispositions originaires des décrets coordonnés relatifs à la radiodiffusion, qui ne prévoyaient pas davantage la possibilité d'une radiodiffusion privée nationale. Pour cette raison également, ils ne justifient pas d'un intérêt (arrêt n° 43/94).

On pourra sans doute opposer à cette argumentation que l'annulation demandée offrirait une nouvelle chance à la radiodiffusion nationale par voie hertzienne, pas encore autorisée aujourd'hui. Cette position est toutefois totalement irréaliste parce que, d'une part, un accès totalement libre aux ondes n'est pas pensable et que, d'autre part, la suppression de fréquences appartenant à la radiodiffusion publique ou aux radiodiffusions locales ne serait pas justifiée.

A.2.6. Les parties requérantes font valoir que, contrairement à ce que prétend le Gouvernement flamand, elles n'agissent pas contre une lacune dans les décrets coordonnés relatifs à la radiodiffusion mais contre les restrictions qu'impose le décret attaqué en matière d'exploitation d'activités de radios privées diffusées sur les ondes.

Point n'est besoin de démontrer que les quatre premiers requérants s'en trouvent directement et défavorablement affectés dans leur situation juridique. En effet, les restrictions décrétales ne leur permettent pas de développer des activités radiodiffusées commerciales sur les ondes et de lutter ainsi à armes égales avec les programmes radio de la V.R.T. sur le marché flamand de la publicité radio. Les cinquième et sixième requérants sont directement et défavorablement affectés par les dispositions entreprises, qui limitent sensiblement leurs possibilités d'écouter le programme radio de leur choix.

L'argument selon lequel l'annulation demandée rétablirait le statu quo ante ne saurait être admis. Le Gouvernement flamand perd manifestement de vue que les requérantes ne demandent que l'annulation partielle du décret attaqué. Au demeurant, la Cour tient plutôt compte du fait que par suite de l'annulation, le requérant retrouve une chance de voir adopter une réglementation plus favorable (arrêts nos 109/98 et 128/98).

Sur le fond Premier moyen A.3.1. Le premier moyen est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, « en ce que, première branche, les dispositions décrétales entreprises imposent aux radios privées émettant par voie hertzienne de se limiter au territoire d'une ou de plusieurs communes, ou au territoire d'une agglomération, alors que la radiodiffusion publique, la société anonyme de droit public V.R.T., peut s'adresser à l'ensemble de la Communauté flamande; en ce que, deuxième branche, les dispositions décrétales entreprises imposent aux radios privées qui émettent sur les ondes de se limiter au territoire d'une ou de plusieurs communes ou au territoire d'une agglomération, alors que les radios câblées ont la liberté de s'adresser à l'ensemble de la Communauté flamande ».

A.3.2. Les parties requérantes font valoir, en ce qui concerne la première branche, que les radios de la V.R.T. et les autres stations qui émettent sur les ondes appartiennent à des catégories parfaitement comparables. La V.R.T. a pris la forme d'une société anonyme et devient une concurrente pour l'obtention des revenus de la publicité provenant du marché flamand de la publicité radio. La seule distinction entre la V.R.T. et les radios privées se situe au niveau de la mission de radiodiffusion publique de la V.R.T. La différence de traitement entre la radio publique et les autres radios qui émettent sur les ondes ne peut trouver son explication dans un critère objectif, raisonnablement justifié. Le point de départ officiel sur la base duquel la réglementation actuelle exclut toute radio privée nationale diffusant par voie hertzienne est « l'argument de la rareté ». Cette rareté a toutefois été créée artificiellement par la gestion inefficace du spectre disponible par suite de l'attribution irresponsable de fréquences à la V.R.T. par le Gouvernement flamand (14.5 MHz soit les trois quarts du spectre disponible). La Cour européenne des droits de l'homme a d'ailleurs déjà déclaré expressément dans son arrêt du 24 novembre 1993 que l'argument de la rareté n'était plus acceptable, compte tenu des progrès technologiques de ces dernières décennies. Et c'est précisément parce que la Flandre ne prend pas non plus en compte ces progrès technologiques que la « rareté » évoquée se trouve maintenue.

A supposer même que l'on admette, quod non, qu'existe une rareté des fréquences et que la mission de radio publique de la V.R.T. requière qu'elle puisse être captée par voie hertzienne dans l'ensemble de la Communauté flamande, il faudrait encore observer qu'en l'occurrence, les moyens mis en oeuvre ne sont pas proportionnés à l'objectif poursuivi. Pour assurer la mission de radiodiffusion publique, il n'est d'abord nullement nécessaire de réserver toutes les fréquences disponibles entre 87.6 et 102.1 MHz aux radios de la V.R.T. Le commissaire européen Van Miert confirmait dans sa lettre du 4 mars 1997 que la largeur de bande réservée à la V.R.T. est disproportionnée par rapport à l'objectif d'intérêt public. Par ailleurs, l'objectif, à savoir assurer la mission de radiodiffusion publique, est également disproportionné par rapport à l'exclusion par principe de radios privées nationales. En effet, il n'existe pas de solutions de remplacement adéquates pour les radios privées : ni la transmission par câble avec les limitations qui y sont inhérentes (immobilité, limitation du nombre de raccordements, couverture non intégrale) ni la mise en place d'un réseau de radios locales (par suite de nombreux obstacles importants, comme l'aspect financier et l'infrastructure requise, les restrictions en matière de programmation et de gestion) ne leur permettent de modifier cet état de fait. Les autres moyens mis en oeuvre, à savoir la limitation obligatoire de l'objet social, ainsi que la localisation obligatoire du siège social et des installations de production et d'émission dans la zone de desserte de la radio, non seulement ne sont pas raisonnables mais manquent également de pertinence. L'on comprend difficilement, en effet, en quoi ces restrictions qui s'imposent aux radios privées seraient indispensables à l'accomplissement de la mission de radiodiffusion publique de la V.R.T. Il ressort une fois de plus et très clairement de ces moyens où se situent les véritables intentions politico-économiques du législateur décrétal : renforcer le monopole de radio sur les ondes de la V.R.T. A.3.3. Les parties requérantes font valoir, en ce qui concerne la deuxième branche, que les dispositions attaquées instaurent une discrimination fondamentale entre les radios privées qui émettent sur les ondes et qui ne peuvent le faire que dans une zone de desserte limitée et les radios câblées qui peuvent être actives au niveau national et ne sont donc pas liées à une zone de desserte limitée. Il s'agit de deux catégories de radios privées n'ayant pas de mission de radiodiffusion publique. La seule distinction se situe au niveau du média utilisé. La différence de traitement ne peut se justifier par un critère raisonnable et objectif. En effet, l'argument de la rareté ne saurait être invoqué.

A.3.4. Pour sa part, le Gouvernement flamand observe que les parties requérantes ne sont apparemment pas intéressées par un agrément comme radio locale ou comme radio d'agglomération. Elles ne sont donc pas victimes de la limitation de desserte dénoncée au premier moyen, en sorte que le moyen est irrecevable à défaut d'intérêt.

A.3.5. S'agissant du fond de l'affaire, le Gouvernement flamand observe que le législateur dispose d'un vaste pouvoir d'appréciation discrétionnaire, en sorte que cette appréciation ne peut être mise en cause devant la Cour, qui exerce un contrôle de légalité et non d'opportunité, que si elle est manifestement déraisonnable, c'est-à-dire lorsque selon une opinion juridique communément admise, il n'est pas pensable qu'une autorité décidant raisonnablement puisse porter une telle appréciation.

Les inégalités de traitement entre la radiodiffusion privée qui émet sur les ondes et la radiodiffusion publique, d'une part, et entre ces mêmes radios locales et d'agglomération et la radiodiffusion câblée privée, d'autre part, reviennent à limiter la percée du monopole public en matière de radiodiffusion aux seules radiodiffusions locale et d'agglomération, d'une part, et radiodiffusion câblée, d'autre part. La justification de ces restrictions est donc automatiquement la justification des traitements inégaux dénoncés et comporte trois parties.

Il y a tout d'abord la question technique des fréquences radio revenant à la Belgique et, au sein de celle-ci, à la Communauté flamande. Quoi que puissent prétendre les requérants, même si l'évolution technique de ces dernières années a évidemment créé davantage d'espace, elle n'a pas supprimé le problème de la rareté propre aux ondes, comme le fait ressortir, entre autres, l'étude effectuée par Alcatel Telecom à la demande de la Communauté flamande, étude qui souligne la saturation des ondes flamandes. Lors des travaux préparatoires des décrets flamands relatifs à la radiodiffusion, ce problème a été souligné à plusieurs reprises et a été révélé de manière spectaculaire lorsque la Communauté française a autorisé des radios disposant d'une plus grande puissance. La saturation des ondes a pour effet qu'une radio nationale privée n'est possible que si des fréquences sont retirées soit au radiodiffuseur public soit aux autres radiodiffuseurs privés. La question de droit soulevée par les parties requérantes porte donc en substance sur l'attribution exclusive de moyens rares à la radiodiffusion publique et aux radios locales et d'agglomération.

En ce qui concerne la radiodiffusion publique, la suppression d'un groupe de fréquences signifie qu'une seule radiodiffusion privée nationale est possible. La question se pose alors de savoir comment ce fait peut se justifier puisqu'une nouvelle inégalité de traitement apparaît entre une seule radiodiffusion privée nationale et toutes les autres radiodiffusions privées. Un monopole privé serait ainsi créé.

Contrairement à ce que prétendent les parties requérantes, les radiodiffusions publique et privée ne sont pas parfaitement comparables. En tout état de cause, le traitement inégal des radios publiques et de toutes les radios privées est manifestement davantage justifié que le traitement inégal d'une seule radio privée par rapport à toutes les autres. Ce qui explique que c'est le monopole d'une entreprise de télévision privée qui a causé des problèmes au niveau du droit européen et non pas le monopole de radiotélévision publique de l'époque. En deuxième lieu, la radiodiffusion publique accomplit une tâche d'intérêt général, face à laquelle le besoin ou les intérêts d'une radiodiffusion nationale privée d'inspiration purement commerciale a fortiori lorsque celle-ci entend explicitement se limiter aux « hits des années quatre-vingts, aux succès actuels et de toujours » - ne font manifestement pas le poids. La radiodiffusion publique est obligée d'atteindre les groupes qui ne se sentent attirés par aucun émetteur, et il s'agit pour commencer des auditeurs les moins nombreux de Radio 1 et de Radio 3. Ce sont sans doute ces émetteurs qui ont intéressé le secteur privé, vraisemblablement parce que celui-ci part du principe que ce sont là ceux auxquels on peut le plus facilement renoncer, mais il ne fait aucun doute que ce même secteur privé ne reprendra pas les auditeurs de ces émetteurs. Par ailleurs, la radiodiffusion publique ne saurait être contrainte à se limiter aux groupes cibles les moins importants et, de ce fait, négligés par la radiodiffusion commerciale, puisque les plus grands groupes cibles seraient dans ce cas privés du service public qui n'est manifestement pas rempli par le secteur privé. Sans doute est-il exact que les fréquences attribuées à la V.R.T. ne sont pas utilisées de manière optimale. C'est là cependant le résultat d'une longue évolution qui ne peut plus être simplement mise à néant, à moins de consentir d'énormes investissements. Ce n'est pas non plus nécessairement possible, puisqu'il n'est pas certain que les permis de bâtir requis pourront être obtenus. Dans le meilleur des cas, l'optimalisation créerait de l'espace pour une radiodiffusion commerciale nationale, en sorte que l'énorme investissement ne fait pas le poids face au peu qu'il rapporte.

Quant à la préférence pour les radios locales, il convient d'abord d'observer qu'une radio privée nationale unique ne peut être créée qu'en faisant le sacrifice de nombreuses radios locales ou d'agglomération. Il échet de relever ensuite que l'interdiction de fait frappant la radiodiffusion privée n'a pas tant été supprimée parce que les évolutions techniques permettaient la création de telles radios mais parce qu'on rencontrait ainsi un important besoin social : le développement et l'encadrement du tissu socio-culturel local, éléments sur lesquels les radios locales ont embrayé avec enthousiasme. En ce qui concerne l'exercice local de fonctions socio-culturelles, la radiodiffusion publique s'est avérée moins appropriée. Il a été fait usage de l'espace apparu à la suite des évolutions techniques pour asseoir la complémentarité entre la radiodiffusion publique et la radiodiffusion privée : la première se charge des radios nationale et régionales, la seconde des besoins locaux. Il n'en demeure pas moins que le décret attaqué prévoit la possibilité, pour les radios locales et d'agglomération, de renoncer librement en partie à leur statut local par le biais de la technique d'un accord de coopération. Sans doute cette coopération est-elle limitée à la collecte d'informations, à la programmation et à la prospection d'annonceurs potentiels et est-elle exclue pour la part minime de programmation propre, mais cela est à nouveau justifié par les objectifs socio-culturels. C'est pour cette raison aussi que le traitement inégal des radios locales et d'agglomération n'est pas disproportionné : ce qui n'est pas typiquement local peut être national.

A.3.6. Contrairement à ce que soutient le Gouvernement flamand, les trois premières parties requérantes sont effectivement intéressées par le statut de radio privée, mais uniquement pour autant que soient supprimées les restrictions qui sont liées à ce statut en matière d'importance de la desserte.

Le postulat du Gouvernement flamand est inexact étant donné (1) que la rareté des fréquences sur la bande F.M. est dans une large mesure artificielle et découle en l'occurrence d'une gestion inefficace du spectre et (2) que de l'espace peut être créé sur la bande F.M. pour une radio commerciale nationale, sans que cela doive se faire aux dépens de la radiodiffusion publique ou des radios locales et d'agglomération.

L'étude dite d'Alcatel citée par le Gouvernement flamand a été très fortement critiquée, et à juste titre, entre autres, par la « Vlaamse Federatie van lokale radio's », par les représentants de « Broadcast Partners » et par le vice-président de la « Vereniging van Vlaamse Onafhankelijke Radio's ». La valeur limitée de cette étude ressort également des déclarations faites lors des travaux préparatoires par l'ingénieur qui l'a réalisée. La référence aux travaux préparatoires des années quatre-vingts et du début des années nonante est totalement dépourvue de pertinence, compte tenu de l'évolution technologique. A côté des points névralgiques déjà cités dans la requête concernant la gestion inefficace de la bande F.M. en Flandre, il faut également renvoyer, entre autres, à la recommandation 412 du secteur radiocommunications de l'Union internationale des télécommunications, qui prévoit une modulation de fréquence de 400 KHz pour protéger les émissions contre les parasites, alors qu'en Flandre on applique des modulations de fréquence de 600 KHz et que la V.R.T. elle-même ne respecte pas cette modulation de fréquence. Il faut également tenir compte de certaines techniques modernes comme le Near Single Frequency Networking et le Single Frequency Networking, appliquées, par exemple, aux Pays-Bas. Les cinq radios de la V.R.T. ne pourraient de la sorte disposer que de 10 ou au maximum de 15 fréquences au lieu des 32 fréquences actuelles. Il appert des plans de la V.R.T. visant à lancer un nouveau réseau radio national sur la bande F.M. que les techniciens de la V.R.T. eux-mêmes estiment manifestement qu'il y a encore suffisamment d'espace pour créer une station radio nationale supplémentaire. Plusieurs partis politiques estiment qu'à l'heure actuelle l'argument de la rareté ne résiste plus à l'analyse. Le planning des fréquences en Wallonie et dans les pays voisins fait apparaître qu'une autre approche est possible sans compromettre ni la tâche de la radiodiffusion publique ni l'existence des radios locales souhaitées par le législateur.

En ordre subsidiaire, les parties requérantes soulignent que le simple fait que le Gouvernement flamand refuse même d'autoriser une seule radio commerciale nationale, dont elle reconnaît explicitement la possibilité, indique clairement que le principe de proportionnalité est en l'espèce violé. Le raisonnement du Gouvernement flamand est totalement inexact sur ce point. Le Gouvernement flamand ne peut évidemment maintenir une discrimination injustifiée en s'abritant derrière une possible nouvelle discrimination qui pourrait peut-être apparaître si la première discrimination était mise à néant. Compléter l'espace disponible sur la bande F.M. par une seule ou par un nombre limité de radios commerciales nationales peut parfaitement se faire de manière non discriminatoire, par exemple par le biais d'une procédure d'agrément où les candidats sont sélectionnés et les fréquences disponibles attribuées sur la base de critères objectifs et raisonnablement justifiés.

Deuxième moyen A.4.1. Le deuxième moyen est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution en combinaison avec la liberté de commerce et d'industrie ainsi qu'avec les articles 86 (ancien) et 90, paragraphe 1, (ancien) du Traité C.E., « en ce que les dispositions décrétales entreprises, sans justification raisonnable et objective, maintiennent le monopole légal de la V.R.T. dans le domaine de la radio nationale diffusant par voie hertzienne, au détriment de la liberté des radios privées de déployer des activités radiophoniques commerciales nationales, lésant ainsi ces radios dans leur concurrence avec la V.R.T. sur le marché dérivé de la publicité radio en Flandre ».

Les parties requérantes font valoir que les règles d'égalité et de non-discrimination contenues aux articles 10 et 11 de la Constitution s'appliquent à tous les droits et à toutes les libertés et dès lors aussi à la liberté de commerce et d'industrie et au droit de la libre concurrence ayant acquis valeur de prescrit constitutionnel.

Les dispositions attaquées violent les articles 10 et 11 de la Constitution, en combinaison avec les articles 86 (ancien) et 90, paragraphe 1, (ancien) du Traité C.E. Les radios nationales qui émettent sur les ondes se trouvent exclues de la définition de radio privée. C'est ainsi que se trouve maintenu le monopole de la radiodiffusion publique sur le marché des radios commerciales nationales diffusant par voie hertzienne, situation qui est contraire à l'article 86 (ancien) du Traité C.E. La V.R.T. occupe une position dominante sur le marché dont il s'agit et elle abusera inévitablement de cette position. Cela est contraire au Traité C.E., comme le fait apparaître l'arrêt ERT de la C.J.C.E. du 18 juin 1991. Il échet également de renvoyer à l'arrêt de la Cour d'arbitrage n° 37/95.

A.4.2. Le Gouvernement flamand répond à cette argumentation que les parties requérantes ne font pas valoir que les dispositions entreprises limitent la liberté de commerce sans qu'existe une quelconque nécessité pour ce faire (arrêt n° 29/96), ni qu'elles limitent la liberté de commerce d'une manière qui est manifestement disproportionnée par rapport au but poursuivi (arrêt n° 57/98). Lors de l'examen du premier moyen, le Gouvernement flamand a démontré que les dispositions critiquées servent un but d'intérêt général et sont nécessaires pour atteindre ce but. La branche du moyen qui renvoie à la liberté de commerce est donc, pour autant que nécessaire, réfutée.

A.4.3. On ne voit pas très clairement, selon le Gouvernement flamand, comment il faut comprendre la corrélation entre la règle d'égalité exprimée aux articles 10 et 11 de la Constitution et les règles de concurrence de la C.E. invoquées par les parties requérantes.

Mentionner ces dispositions en même temps que les articles 10 et 11 de la Constitution ne suffit évidemment pas comme moyen permettant de demander l'annulation d'un décret pour cause de violation du Traité C.E. En outre, la référence aux articles 86 (ancien) et 90, paragraphe 1, (ancien) est également imprécise en soi et en tout état de cause abusive. L'article 90 (ancien) est lui-même une norme de référence.

De son côté, l'article 86 (ancien) interdit l'abus d'une position dominante par une entreprise, pour autant que le commerce entre Etats membres en soit affecté. L'abus peut consister, entre autres, en une discrimination et un Etat membre peut agir en contradiction avec l'article 90, paragraphe 1, (ancien) en mettant une entreprise occupant une position dominante dans une situation où elle abusera inévitablement de cette position dominante, par exemple en excluant d'autres entreprises du courant des échanges économiques ou en discriminant des acheteurs. Une mesure qui est contraire à l'article 90, paragraphe 1, (ancien) n'est toutefois pas nécessairement contraire au principe d'égalité. Qui plus est, dans le système du Traité, un traitement inégal d'entreprises est admis comme principe, puisque l'article 90, paragraphe 1, (ancien) part sans plus de l'existence d'entreprises, en particulier d'entreprises publiques, auxquelles sont accordés des droits exclusifs ou particuliers. Les parties requérantes ne démontrent pas que le législateur décrétal ou le Gouvernement flamand aurait violé le principe d'égalité en accordant des droits particuliers à la V.R.T. Elles se contentent de renvoyer à un obiter dictum provenant de l'arrêt n° 37/95. Dans cette affaire, le requérant avait fait référence aux articles 3, littera f), (ancien), 86 (ancien) et 90 (ancien) du Traité C.E., au motif qu'ils permettaient à Belgacom de conserver des compétences réglementaires.

Le Gouvernement flamand se permet d'observer que cette référence est inexacte dès lors que l'article 90 (ancien) ne porte pas sur la délégation de compétences réglementaires à une entreprise. Une telle délégation peut être contraire aux articles 5 (ancien) juncto 85 (ancien) ou 86 (ancien) du Traité C.E. Enfin, les parties requérantes ne citent que partiellement l'arrêt n° 37/95. En d'autres termes, la violation du principe d'égalité, pas même constatée en l'espèce, n'aurait pu être inférée que d'une disposition particulière de la législation belge, qui (mettant en oeuvre la réglementation européenne spécifique en matière de libéralisation du secteur des télécommunications) prévoyait explicitement l'égalité de concurrence entre les entreprises publiques et les entreprises privées dans le secteur concerné. Il faut dès lors conclure que les parties requérantes ne démontrent pas que le législateur décrétal a violé le principe d'égalité.

A.4.4. En ordre subsidiaire, pour le cas où la Cour estimerait malgré tout que, dans le cadre du deuxième moyen, elle peut contrôler les dispositions entreprises au regard de l'article 90, paragraphe 1, (ancien) juncto l'article 86 (ancien) du Traité C.E., le Gouvernement flamand souhaiterait observer ce qui suit. (i) Le Gouvernement flamand ne nie pas que la V.R.T. soit une entreprise au sens desdites dispositions. (ii) La V.R.T. est une entreprise publique à laquelle le législateur décrétal flamand a accordé un statut particulier en matière de radio. (iii) Sur la base de l'article 90, paragraphe 1, (ancien) le législateur décrétal flamand doit s'abstenir de toute mesure contraire aux règles de concurrence, parmi lesquelles l'article 86 (ancien) du Traité C.E. (iv) L'article 86 (ancien) du Traité C.E. interdit, dans la mesure où le commerce entre Etats membres est susceptible d'en être affecté, le fait pour une ou plusieurs entreprises d'exploiter de façon abusive une position dominante sur le marché commun ou dans une partie substantielle de celui-ci. (v) En tant qu'entreprise publique chargée d'une tâche d'intérêt économique général, la V.R.T. bénéficie cependant, le cas échéant, de l'exception de l'article 90, paragraphe 2, (ancien) du Traité C.E. Selon cette disposition, les entreprises chargées de la gestion de services d'intérêt économique général ou présentant le caractère d'un monopole fiscal sont soumises aux règles du Traité, notamment aux règles de concurrence, dans les limites où l'application de ces règles ne fait pas échec à l'accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière qui leur a été impartie. Le développement des échanges ne doit pas être affecté dans une mesure contraire à l'intérêt de la Communauté. (vi) Enfin, l'article 90, paragraphe 3, (ancien) énonce que la Commission veille à l'application des dispositions de cet article et adresse, en tant que de besoin, les directives ou décisions appropriées aux Etats membres. La Commission européenne a fait usage de cette compétence en adoptant des directives dans le secteur des télécommunications, mais pas, cependant, dans le secteur des médias.

Une décision importante de la Commission prise en vertu de cette disposition est celle qui a jugé contraire à l'article 90, paragraphe 1, (ancien) juncto l'article 52 (ancien) le droit exclusif de télévision commerciale accordé en Flandre à V.T.M. Dès lors qu'il est établi que la V.R.T. est une entreprise publique au sens de l'article 90, paragraphe 1, (ancien) du Traité C.E., le Gouvernement flamand reconnaît qu'il doit s'abstenir à l'égard de la V.R.T. de mesures qui auraient pour effet que celle-ci abusera inévitablement de la position dominante dont elle disposerait éventuellement.

Pour qu'il puisse être question en l'espèce d'une violation de l'article 90, paragraphe 1, (ancien) juncto l'article 86 (ancien) du Traité C.E., les requérants devraient successivement démontrer : (a) que le commerce entre les Etats membres est défavorablement affecté; (b) que la V.R.T. dispose d'une position dominante sur le marché dont il s'agit; (c) que la V.R.T. abuse de sa position dominante; (d) que le droit exclusif ou particulier qui a été accordé à la V.R.T. aboutit inévitablement à un tel abus. Si les parties requérantes pouvaient administrer cette preuve, les dispositions attaquées seraient malgré tout compatibles avec le Traité si (e) elles sont nécessaires à la tâche de radiodiffusion publique de la V.R.T. Les parties requérantes ne parviennent pas à démontrer qu'il est satisfait à ces exigences. En tout état de cause, les conditions d'application de l'article 90, paragraphe 2, (ancien) sont remplies.

A.4.5. Selon les parties requérantes, il ne fait aucun doute que les dispositions attaquées limitent leur liberté de commerce et d'industrie. En effet, elle sont contraintes, si elles souhaitent déployer sur les ondes des activités radiophoniques commerciales en Flandre, de limiter ces activités à quelques communes avoisinantes ou à une agglomération urbaine. La radiodiffusion publique, la V.R.T., n'est, par contre, pas soumise à des restrictions analogues. Les dispositions litigieuses imposent pour le moins à la liberté de commerce et d'industrie des restrictions plus vastes que ce que peut justifier la rareté des fréquences, en grande partie artificielle, qui est invoquée, en sorte que l'exigence de proportionnalité a été violée.

La liberté de commerce et d'industrie inclut également la liberté de concurrence. Une violation des articles 86 (ancien) et 90, paragraphe 1, (ancien) du Traité C.E. est dès lors également constitutive d'une violation de la liberté de commerce et d'industrie. La corrélation entre les articles 10 et 11 de la Constitution et les articles 86 (ancien) et 90, paragraphe 1, (ancien) du Traité C.E. réside dans le fait qu'à la suite des dispositions critiquées, les parties requérantes sont privées de manière discriminatoire (par comparaison avec les radios câblées et la radiodiffusion publique) de la liberté de concourir effectivement sur le marché radiophonique flamand en matière de revenus publicitaires.

Il est bel et bien satisfait aux cinq conditions citées par le Gouvernement flamand pour que l'on puisse parler d'une violation de l'article 90, paragraphe 1, (ancien) juncto l'article 86 (ancien) du Traité C.E. La V.R.T. dispose d'une position dominante sur le marché concerné, à savoir celui des émissions radiophoniques nationales sur les ondes, dès lors qu'elle détient un monopole sur ce marché. Elle dispose donc également d'une position dominante substantielle sur le marché de la publicité radiophonique. La V.R.T. abuse de cette position dominante, puisque l'existence d'un autre droit exclusif est déjà suffisante en soi pour considérer qu'il y a abus. L'élimination de toute concurrence sur le marché de la publicité radiophonique nationale sur les ondes doit être considérée comme un abus. Le monopole de la V.R.T. en matière de radio commerciale nationale sur les ondes est susceptible d'affecter défavorablement le commerce entre les Etats membres. Le marché radiophonique flamand est une part essentielle du marché communautaire et le monopole de la radiodiffusion publique peut affecter la structure concurrentielle sur cette part essentielle du marché communautaire, en sorte que cela a déjà en soi pour effet d'influencer le commerce entre Etats membres.

Le monopole empêche également des entreprises étrangères comme celle de la première partie requérante de faire concurrence en vue de l'obtention des budgets de publicité radio. Les dispositions attaquées ne sont pas nécessaires à la tâche de radiodiffusion de la V.R.T. et ne sont donc pas couvertes par l'article 90, paragraphe 2, (ancien) du Traité C.E. Le Protocole sur le système de radiodiffusion publique dans les Etats membres confirme la règle de l'article 90, paragraphe 2, (ancien) du Traité C.E. Le financement du service public de radiodiffusion ne peut déroger aux règles de la concurrence qu'aux fins de l'accomplissement de la mission de service public. Soustraire la V.R.T. à pratiquement toute forme de concurrence tant sur le marché de la radio nationale sur les ondes que sur celui de la publicité radiophonique nationale sur les ondes n'est aucunement nécessaire pour permettre à la V.R.T. d'accomplir sa mission de radiodiffusion publique. Il est possible de dégager suffisamment d'espace sur la bande F.M. pour les radios commerciales nationales diffusées sur les ondes sans compromettre les cinq programmes radiophoniques nationaux de la V.R.T. La V.R.T. dispose d'une dotation minimale indexée de pas moins de 7,6 milliards de francs et les autorités flamandes se sont engagées dans le contrat de gestion à augmenter la dotation de la radiodiffusion publique si les recettes publicitaires devaient être moins élevées par suite d'une modification législative y afférente. La question se pose enfin de savoir si « Studio Brussel » et « Radio Donna » peuvent être inclus dans la mission de radiodiffusion publique de la V.R.T. Troisième moyen A.5.1. Le troisième moyen est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution combinés avec la liberté d'expression garantie par l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme et par l'article 19 de la Constitution, « en ce que les dispositions décrétales entreprises limitent la liberté des radios privées de diffuser par voie hertzienne des programmes radio destinés à l'ensemble de la Communauté flamande, alors que des restrictions semblables n'ont été imposées ni à la radiodiffusion publique, ni aux radios câblées ».

Les parties requérantes font valoir que la liberté d'expression inscrite à l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme doit être considérée comme faisant partie de l'essence même de la démocratie. Il a un champ d'application large, tant en ce qui concerne les médias qu'en ce qui concerne les diverses étapes de la communication. Il protège les actes relevant de la communication, comme la liberté de collecter des informations et la liberté de réception. Le refus d'un agrément pour une radio privée nationale diffusant par voie hertzienne est une ingérence illicite des autorités, constitutive d'une atteinte au droit, dans le chef des auditeurs, de recevoir des informations ou des idées et au droit, dans le chef des radios, de communiquer des informations et des idées par le biais de ce média sans ingérence d'autorités publiques et sans considération de frontières. Il n'existe aucune nécessité sociale impérative justifiant cette ingérence. Le législateur décrétal invoque l'argument de la rareté, lequel ne fait pas partie d'une des causes de justification énumérées à l'article 10.2, comme le fait apparaître l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme dans l'affaire Lentia. La restriction contestée de la liberté d'expression a un effet discriminatoire dans la mesure où elle n'est imposée qu'aux radios privées désireuses d'émettre sur les ondes, mais pas à la V.R.T. ni aux radios câblées.

A.5.2. Le Gouvernement flamand observe que les parties requérantes invoquent à nouveau en substance les griefs du premier moyen, avec cette différence qu'ils les développent cette fois en tant que violation de la liberté d'expression.

Le moyen est irrecevable parce qu'il appert de ses développements qu'il a été pris en substance de la violation de la liberté d'expression. La Cour n'est pas compétente pour connaître de tels moyens. Même dans la mesure où les parties requérantes lient la violation dénoncée de la liberté d'expression à une violation du principe d'égalité, le moyen est irrecevable, puisque cette liaison ne s'est faite que de manière artificielle, manifestement pour contourner les limitations de la compétence de la Cour.

Du reste, la liberté d'expression n'est pas illimitée. En l'espèce, il est satisfait aux exigences y relatives de l'article 10.2 de la Convention européenne, comme exposé lors de l'examen du premier moyen.

Au demeurant, la décision de la Cour européenne des droits de l'homme dans l'affaire Lentia est beaucoup moins radicale que ce que soutiennent les parties requérantes. Il découle du considérant 42 de cet arrêt où est évoquée la situation flamande actuelle que le moyen des parties requérantes aurait éventuellement été pertinent pour la régularisation des radios locales en 1982 mais certainement plus à l'heure actuelle.

A.5.3. Les parties requérantes observent que contrairement à ce que prétend le Gouvernement flamand, elles ne se limitent aucunement à attaquer simplement une violation de la liberté d'expression en tant que telle. Ce qu'elles attaquent, en définitive, c'est le fait que les restrictions mises à la liberté d'expression ne s'appliquent qu'aux radios privées diffusées sur les ondes et non pas à la radiodiffusion publique, ni aux radios câblées, bien qu'il n'existe aucune motif objectif et raisonnablement justifié pour ce traitement inégal. Compte tenu du caractère artificiel de la rareté des fréquences, cette rareté ne peut faire office de justification objective et raisonnable pour la restriction inégale de la liberté d'expression des radios privées diffusées sur les ondes. Cette rareté ne saurait davantage se trouver à la base de la nécessité sociale impérative dans une société démocratique dont il est question à l'article 10.2 de la Convention européenne des droits de l'homme, comme le fait apparaître la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme. Le Gouvernement flamand fait du reste une lecture erronée de l'arrêt dans l'affaire Lentia.

Quatrième moyen A.6.1. Le quatrième moyen est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution combinés avec les articles 52 (ancien) et suivants du Traité C.E, « en ce que les dispositions entreprises impliquent que seule la V.R.T. peut s'établir en Belgique pour y exercer des activités de radiodiffusion nationale par voie hertzienne, si bien que les autres organismes de radiodiffusion, dont les radios privées, se trouvent entravés de manière discriminatoire dans leur liberté de s'établir en Belgique pour y exercer les mêmes activités. » Les parties requérantes font valoir que l'article 52 (ancien) du Traité C.E prescrit la suppression des restrictions à la liberté d'établissement des ressortissants d'un Etat membre dans le territoire d'un autre Etat membre. Le monopole de la V.R.T. pour émettre sur les ondes des publicités radiophoniques destinées à l'ensemble de la Flandre exclut tout organisme de radiodiffusion originaire d'un autre Etat membre qui voudrait s'établir en Flandre ou y créer une succursale afin d'émettre sur les ondes des messages publicitaires destinés à l'ensemble de la Flandre. Il existe incontestablement un objectif protectionniste et un effet protectionniste. Pareilles discriminations camouflées ou conséquences protectionnistes devraient être admises dans la mesure où elles s'avéreraient justifiées en raison de motifs contraignants d'intérêt général si elles sont de nature à assurer la réalisation de l'objectif poursuivi et ne vont pas au-delà de ce qui est nécessaire à la réalisation de celui-ci. Or, ces causes de justification font défaut en l'espèce.

A.6.2. Le Gouvernement flamand observe que les parties requérantes ne fournissent pas d'explication sur la corrélation entre les dispositions constitutionnelles précitées et l'article 52 (ancien) du Traité C.E. Le moyen est donc déjà défectueux pour cette raison.

Les considérations que les parties requérantes consacrent à la prétendue violation de l'article 52 (ancien) du Traité C.E. sont particulièrement succinctes et ne permettent pas de saisir comment doit se comprendre la prétendue contradiction des dispositions attaquées avec l'article 52 (ancien). En tout état de cause, il est acquis que les dispositions entreprises n'entravent aucunement l'établissement de radios privées en Flandre. La référence à la décision V.T.M. de la Commission européenne n'est pas sérieuse. La V.R.T. est en effet un service public de radiodiffusion. Le moyen est donc manifestement dépourvu de fondement.

A.6.3. Selon les parties requérantes, le postulat du moyen est la constatation que les restrictions à la liberté d'établissement qui découlent des dispositions décrétales entreprises ne s'appliquent pas de manière égale à la radiodiffusion publique et aux radios privées.

Les parties requérantes critiquent le fait qu'en vertu des dispositions attaquées, seule la V.R.T. peut exercer en Belgique des activités de radiodiffusion nationale par voie hertzienne, cependant que les radios privées diffusant par voie hertzienne sont entravées de manière discriminatoire dans leur liberté de s'établir en Belgique aux fins d'y exercer des activités analogues. Il est évident que le monopole de la V.R.T. pour émettre sur les ondes des programmes radiophoniques et de la publicité destinés à l'ensemble de la Flandre exclut toutes les entreprises étrangères qui voudraient s'établir en Flandre ou y créer une succursale afin d'offrir le même service sur les ondes. La simple constatation que la V.R.T. est une radiodiffusion publique ne suffit pas pour justifier les restrictions discriminatoires mises à la liberté d'établissement. La V.R.T. ne démontre en aucune manière que l'accomplissement de la mission de radiodiffusion publique requiert que d'autres radiodiffusions ne puissent pas s'établir en Flandre pour y déployer des activités radiophoniques commerciales nationales sur les ondes, ni que cette entrave est proportionnée à cette mission d'intérêt général.

Cinquième moyen A.7.1. Le cinquième moyen est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution combinés avec les articles 59 (ancien) et suivants du Traité C.E., « en ce que l'article 7 du décret du 7 juillet 1998 implique que seules les radios privées établies dans la Communauté flamande peuvent être reconnues pour exercer des activités radiophoniques par voie hertzienne, les entreprises étrangères se trouvant ainsi entravées de manière discriminatoire dans leur liberté de fournir les mêmes services dans la Communauté flamande ».

Les parties requérantes font valoir que les principes d'égalité et de non-discrimination en matière de libre circulation des services s'opposent à ce que pour la prestation de services dans un Etat membre, une distinction soit faite entre les personnes établies dans cet Etat membre et celles établies dans un autre Etat membre.

L'article 7 du décret attaqué viole les règles susmentionnées en imposant que le siège social et les installations de production des radios privées soient établis dans la région de langue néerlandaise ou dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale, plus particulièrement dans la zone de desserte de la radio pour laquelle l'agrément est accordé. Il s'ensuit que les entreprises établies dans un autre Etat membre de l'Union européenne ne peuvent exercer des activités radiophoniques par voie hertzienne en Flandre. Cette violation du principe de la libre circulation des services ne trouve pas de justification. Les causes de justification de l'article 56, paragraphe 1, (ancien) du Traité C.E. sont limitatives. L'imposition d'un lieu d'établissement semble s'inspirer du souci d'assurer le lien entre la radio et la zone qu'elle dessert, motivation qui n'est nullement prévue dans la disposition précitée. En outre, le moyen mis en oeuvre est disproportionné par rapport à l'objectif poursuivi. Cet objectif peut en effet être assuré par d'autres moyens, d'ailleurs déjà largement prévus par le cadre législatif actuel.

A.7.2. Le Gouvernement flamand souligne que les parties requérantes reconnaissent qu'il ne peut être question d'une violation de l'article 59 (ancien) que si la mesure attaquée n'est pas justifiée pour la réalisation d'un objectif d'intérêt général, mais soutiennent que la disposition entreprise ne sert aucunement un objectif d'intérêt général ou, pour le moins, que le moyen choisi n'est pas proportionné au but poursuivi.

La disposition critiquée n'est, par définition, applicable qu'aux radiodiffusions établies en Flandre. Il va sans dire que le décret n'est pas applicable aux radiodiffusions établies en dehors de la Flandre, puisque l'autorité flamande ne possède pas de compétence extraterritoriale en matière de radiodiffusion. La portée internationale d'émissions radiophoniques sur les ondes (et la répartition des fréquences radiophoniques) est fixée conformément à des arrangements pris au sein de l'Union internationale des télécommunications. L'article 59 (ancien) n'est applicable qu'aux entraves mises par les Etats membres à la circulation transfrontalière des services. Les parties requérantes postulent néanmoins que la disposition attaquée relève de l'interdiction de l'article 59 (ancien). Le moyen est manifestement dépourvu de fondement.

A.7.3. Selon les parties requérantes, le Gouvernement flamand ne démontre aucunement qu'en l'espèce l'exigence selon laquelle le siège social et les installations de production des radios privées doivent être situés dans la région de langue néerlandaise ou dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale, plus précisément à l'intérieur de la zone de desserte de la radio, se justifie à la lumière des causes de justification développées dans le cadre de la rule of reason. Il est manifeste que le Gouvernement flamand ne conteste pas que la mesure soit en tout état de cause disproportionnée au but visé, à savoir assurer un lien étroit entre la radio et la zone de desserte. Cet objectif peut en effet s'atteindre par d'autres moyens, d'ailleurs déjà largement prévus par le cadre législatif actuel. Une jurisprudence constante veut du reste qu'un Etat membre ne puisse généralement pas interdire que certains services soient effectués par des entreprises établies dans d'autres Etats membres, parce que cela reviendrait à supprimer le principe de la libre prestation de services. Il faut savoir en effet que le Gouvernement flamand n'a pas de compétence extraterritoriale en matière de radiodiffusion. Cela signifie concrètement que du point de vue territorial, le décret ne s'applique qu'aux radiodiffusions auxquelles des fréquences ont été attribuées en Flandre. Toutefois, cela ne veut absolument pas dire que le Gouvernement flamand ne serait plus compétent pour une radiodiffusion dont le siège social est établi dans un autre Etat membre. - B Quant à la recevabilité B.1.1. Le Gouvernement flamand soutient que le recours n'est pas recevable, parce que ce ne sont pas les dispositions attaquées qui ont limité la radiodiffusion privée à la radiodiffusion locale, mais bien une réglementation pour laquelle le délai d'introduction d'un recours en annulation est depuis longtemps dépassé. Et il ajoute que le législateur décrétal a certes repris les limitations existantes dans les dispositions attaquées, mais n'a nullement manifesté à ce propos la volonté de réexaminer cette question et donc de prendre une nouvelle décision.

B.1.2. Lorsque, dans une législation nouvelle, le législateur reprend une disposition ancienne et s'en approprie ainsi le contenu, cette circonstance, en principe, ne fait pas obstacle, sauf dans l'hypothèse d'une simple codification, à ce qu'un recours puisse être introduit contre la disposition reprise, dans les six mois de sa publication.

L'exception d'irrecevabilité ratione temporis ne peut être accueillie.

B.2.1. Le Gouvernement flamand conteste l'intérêt des parties requérantes à l'annulation demandée par celles-ci.

B.2.2. Les dispositions attaquées concernent les radios privées diffusant par voie hertzienne. Au sein de la Communauté flamande, les seules radios privées qui sont autorisées sont les radios locales et les radios d'agglomération. Pour obtenir leur agrément et conserver celui-ci, elles doivent remplir une série de conditions strictes. Les dispositions attaquées excluent les radios régionales et nationales privées, et en particulier les radios commerciales.

B.2.3. La première partie requérante, la société anonyme de droit luxembourgeois Radio Flandria, est une radio commerciale produisant, en vertu d'une autorisation d'émission luxembourgeoise, des émissions radiophoniques en langue néerlandaise destinées au marché flamand et actuellement transmises par câble. Elle est directement et défavorablement affectée par des dispositions qui l'empêchent de diffuser ses programmes par voie hertzienne à destination de toute la Communauté flamande.

La deuxième partie requérante, la s.p.r.l. Regie Flandria, est une régie publicitaire qui vend aux annonceurs du temps d'antenne publicitaire sur Radio Flandria. Elle est directement et défavorablement affectée dans sa situation par les dispositions attaquées qui l'empêchent de vendre du temps d'antenne publicitaire pour l'ensemble du marché flamand de la publicité radiodiffusée.

Les troisième et quatrième requérants, W. Van Aalst et J. Soer, sont, en leurs qualités respectives d'administrateur- délégué et d'administrateur de la première partie requérante et en leur qualité de gérants de la deuxième partie requérante, également affectés directement et défavorablement dans leur situation, en particulier par la disposition qui les empêche d'être membres du conseil d'administration d'autres personnes morales gérant des radios privées.

Le fait qu'une annulation éventuelle rendrait vigueur à des dispositions qui limiteraient tout autant sinon davantage leurs possibilités que ne le font les dispositions décrétales attaquées n'y change rien. En effet, elles recouvrent néanmoins une chance de voir régir plus favorablement leur situation.

B.2.4. Les cinquième et sixième parties requérantes, J. Otte et A. Vandenbrembt, invoquent leur qualité d'habitant de la Communauté flamande. Les dispositions attaquées limiteraient considérablement la possibilité d'écouter le programme radiophonique de leur choix.

Les dispositions attaquées n'ont qu'un effet indirect sur la situation de ces parties requérantes. Celles-ci ne justifient donc pas de l'intérêt requis en droit. Le recours n'est pas recevable en tant qu'il est introduit par les cinquième et sixième parties requérantes.

Quant au fond Sur le premier moyen B.3.1. Dans le premier moyen, pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, les parties requérantes critiquent la différence de traitement qu'instaurent les dispositions attaquées entre, d'une part, les radios privées qui diffusent leurs programmes par voie hertzienne et doivent se limiter au territoire d'une ou de plusieurs communes ou au territoire d'une agglomération et, d'autre part, la société anonyme de droit public V.R.T. (« Vlaamse Radio- en Televisieomroep ») et les radios distribuées par câble, qui peuvent s'adresser à l'ensemble de la Communauté flamande.

B.3.2. Selon les travaux préparatoires du décret attaqué, celui-ci, en apportant une série de modifications aux dispositions concernant les radios locales qui figurent dans les décrets relatifs à la radiodiffusion et à la télévision, coordonnés le 25 janvier 1995, s'efforce de fournir une réponse pragmatique au problème de la viabilité des radios locales (Doc., Parlement flamand, 1997-1998, n° 763/1, pp. 2 et 3).

Les travaux préparatoires du décret attaqué font également apparaître que le législateur décrétal n'a pas voulu s'écarter du choix fait antérieurement, qui consiste à réserver la radio nationale par voie hertzienne au service public de radiodiffusion et à réserver à l'initiative privée les radios locales par voie hertzienne de taille réduite (Doc., Parlement flamand, 1997-1998, n° 763/4, pp. 4, 18 et 19).

B.3.3. S'agissant de la radiodiffusion par voie hertzienne, l'appréciation de la place qu'il convient d'accorder respectivement à l'initiative publique et à l'initiative privée constitue un jugement d'opportunité qui relève du législateur décrétal compétent. La Cour excéderait sa compétence si elle substituait sur ce point son appréciation au choix du législateur décrétal.

Le contrôle exercé par la Cour porte toutefois sur le caractère objectif de la distinction, sur la conformité des mesures à l'objectif poursuivi et sur l'existence d'un rapport raisonnable entre les moyens utilisés et le but poursuivi.

La différence de traitement entre les radios libres et la radio publique se fonde sur le critère objectif du caractère public ou privé de la personne morale qui organise les émissions radiophoniques.

Compte tenu notamment du nombre limité de fréquences disponibles pour les émissions radiophoniques au sein de la Communauté concernée et à supposer même que les fréquences disponibles puissent être utilisées d'une manière plus rationnelle, la différence de traitement se justifie par la mission spécifique d'intérêt général de la radio publique, entre autres par la nécessité d'assurer une information minimale qui soit accessible à toutes les composantes de la société et qui ne soit pas dictée par des considérations d'ordre lucratif visant uniquement les groupes cibles présentant de l'intérêt du point de vue commercial.

B.3.4. La différence de traitement entre les radios publiques et les radios privées qui émettent sur les ondes n'est pas, en ce qui concerne la portée d'émission et sous réserve de l'examen des autres moyens , contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution.

B.3.5. La circonstance que les radios privées diffusées par câble peuvent s'adresser à l'ensemble de la Communauté flamande, contrairement aux radios privées diffusées par voie hertzienne, ne saurait conduire à une autre conclusion. Le critère de distinction suivi pour cette différence de traitement est objectif et pertinent.

En tant que média, la radio distribuée par le câble diffère en effet fondamentalement de la radio diffusée par voie hertzienne, en ce qui concerne son accessibilité, tant pour les auditeurs que pour les diffuseurs. Les possibilités de réception sont plus limitées, parce qu'elles dépendent de la disponibilité de liaisons par câble et de raccordements, ainsi que de l'offre des câblodistributeurs. Les possibilités d'émission dépendent des diverses possibilités techniques des différents câblodistributeurs et de la conclusion des conventions nécessaires entre les radiodiffuseurs et les câblodistributeurs en ce qui concerne la diffusion du signal.

La différence de traitement en matière de portée d'émission entre les radios privées distribuées par le câble et les radios privées diffusées par voie hertzienne n'est pas disproportionnée par rapport à l'objectif poursuivi.

Le fait que l'on admet la possibilité de radios privées nationales distribuées par le câble ne porte, contrairement à ce qui pourrait être le cas pour la radiodiffusion privée par voie hertzienne, pas préjudice à la portée d'émission des radios privées locales et correspond donc à l'objectif que le législateur décrétal s'est assigné.

B.3.6. Le premier moyen ne peut être admis.

Sur le deuxième moyen B.4.1. Dans le second moyen, pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution combinés avec la liberté de commerce et d'industrie et avec les articles 82 (ancien article 86) et 86, paragraphe 1, (ancien article 90, paragraphe 1) du Traité C.E., les parties requérantes dénoncent le fait que les dispositions attaquées maintiennent, sans justification objective et raisonnable, le monopole légal de la V.R.T. en matière de radio nationale par voie hertzienne, au détriment de la liberté des radios privées de déployer une activité radiophonique commerciale nationale, de sorte que ces radios sont également défavorisées sur le plan de la concurrence qu'elles livrent à la V.R.T. sur le marché dérivé de la publicité radiodiffusée en Flandre.

B.4.2. Les articles 10 et 11 de la Constitution ont une portée générale. Ils interdisent toute discrimination, quelle qu'en soit l'origine : les règles constitutionnelles de l'égalité et de la non-discrimination sont applicables à l'égard de tous les droits et de toutes les libertés, en ce compris ceux résultant des conventions internationales liant la Belgique, rendues applicables dans l'ordre juridique interne par un acte d'assentiment et ayant effet direct.

B.4.3. Les articles 82 (ancien article 86) et 86, paragraphes 1 et 2 (ancien article 90, paragraphes 1 et 2), du Traité instituant la Communauté européenne, modifié en dernier lieu par le Traité d'Amsterdam du 2 octobre 1997, concernent de tels droits et libertés.

L'article 82 du Traité C.E. interdit, dans la mesure où le commerce entre Etats membres est susceptible d'en être défavorablement affecté, le fait pour une ou plusieurs entreprises d'exploiter de façon abusive une position dominante sur le marché commun ou dans une partie substantielle de celui-ci. Bien qu'il vise les comportements des entreprises et non les mesures législatives, administratives et autres prises par les Etats membres, l'article 82 a cependant pour effet que les Etats membres ne peuvent pas prendre ou maintenir en vigueur des mesures susceptibles d'éliminer l'effet utile des règles de concurrence (Cour de justice, 16 novembre 1977, INNO, 13/77, Rec.

C.J.C.E., 1977, pp. 2144-2145, considérants 31 et 32; Cour de justice, 23 avril 1991, Höfner et Elser, C-41/90, Rec. C.J.C.E., 1991, I-2017, considérant 26; Cour de justice, 18 juin 1991, ERT, C-260/89, Rec.

C.J.C.E., 1991, I-2960, considérant 35; Cour de justice, 19 mai 1993, Corbeau, C-320/91, Rec. C.J.C.E., 1993, I-2567, considérants 10 et 11).

En vertu de l'article 86, paragraphe 2, les entreprises chargées de la gestion d'un service d'intérêt économique général demeurent soumises aux règles de la concurrence, tant qu'il n'est pas démontré que lesdites interdictions sont incompatibles avec l'exercice de leur mission particulière (Cour de justice, 30 avril 1974, Sacchi, 155/73, Rec. C.J.C.E., 1974, p. 430, considérants 14 et 15; Cour de justice, 3 octobre 1985, CBEM/CLT et IPB, 311/94, Rec. C.J.C.E., 1985, p. 3275, considérant 17; Cour de justice, 23 avril 1991, Höfner et Elser, C-41/90, Rec. C.J.C.E., 1991, I-2017, considérant 24; Cour de justice, 18 juin 1991, ERT, C-260/89, Rec. C.J.C.E., 1991, I-2957-2961, considérants 10 et 33).

Rien dans le Traité ne s'oppose à ce que les Etats membres, pour des motifs d'intérêt général de nature non économique, soustraient les émissions de radiodiffusion et de télévision, y compris les émissions par câble, au jeu de la concurrence, en conférant un droit exclusif à un ou plusieurs établissements. Plus précisément, des entreprises chargées de la gestion de services d'intérêt économique général peuvent échapper à l'application des règles du Traité sur la concurrence, dans la mesure où des restrictions à la concurrence - voire une exclusion de toute concurrence - de la part d'autres opérateurs économiques sont nécessaires pour assurer l'accomplissement de la mission particulière qui leur a été impartie (Cour de justice, 19 mai 1993, Corbeau, C-320/91, Rec. C.J.C.E., 1993, I-2533, considérant 14; Cour de justice, 27 avril 1994, Almelo, Rec. C.J.C.E., 1994, C-393/92, I-1520, considérant 46).

B.4.4. Il doit être admis en l'espèce que le choix du législateur décrétal de réserver la radiodiffusion nationale par voie hertzienne au service public de radiodiffusion est dicté par des motifs d'intérêt général de nature non économique et, en particulier, par la sauvegarde de la mission du service public de radiodiffusion, telle que celle-ci est fixée dans les articles 8, 23, 27, 27bis, 27ter et 27quater des décrets relatifs à la radiodiffusion et à la télévision, coordonnés le 25 janvier 1995, et telle qu'elle est définie plus explicitement dans le contrat de gestion visé à l'article 16 de ces décrets. Le législateur décrétal a considéré qu'il était nécessaire d'exclure toute concurrence de la part de radios commerciales nationales diffusées par voie hertzienne, afin de permettre à la V.R.T. d'accomplir correctement cette mission particulière d'intérêt général.

Il n'apparaît pas que cette conception se fonde sur une appréciation manifestement erronée. Il convient de renvoyer, sur ce point, à l'article 16 (ancien article 7D) du Traité et plus particulièrement au protocole n° 32 du 2 octobre 1997 sur le système de radiodiffusion publique dans les Etats membres.

B.4.5. S'il est vrai qu'il découle de l'article 29 des décrets coordonnés relatifs à la radiodiffusion et à la télévision une différence de traitement entre la V.R.T. et les radios privées locales en ce qui concerne la publicité, cette différence de traitement se justifie dans la mesure où la V.R.T. dispose d'un monopole en ce qui concerne les émissions nationales sur les ondes, et que ce monopole est inséparablement lié aux missions de service public et d'intérêt général qui lui ont été confiées.

B.4.6. Les parties requérantes se réfèrent également à la liberté de commerce et d'industrie.

La liberté de commerce et d'industrie ne peut cependant être conçue comme une liberté absolue. Le législateur compétent peut être amené - que ce soit dans le secteur économique ou dans d'autres secteurs à limiter la liberté d'action des personnes ou des entreprises concernées, ce qui aura nécessairement une incidence sur la liberté de commerce et d'industrie. La liberté de commerce et d'industrie ne serait violée que si le législateur décrétal limitait cette liberté sans qu'existe une quelconque nécessité pour ce faire ou si cette limitation était manifestement disproportionnée au but poursuivi ou portait atteinte à ce principe en manière telle que l'union économique serait compromise.

Il résulte des considérations développées en B.3.4 et B.4.4 que ce n'est pas le cas en l'espèce.

B.4.7. Le moyen ne peut être admis.

Quant au troisième moyen B.5.1. Dans le troisième moyen, pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution lus conjointement avec la liberté d'expression garantie par l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme et avec l'article 19 de la Constitution, les parties requérantes critiquent le fait que les dispositions décrétales attaquées restreignent la liberté des radios privées de transmettre des programmes radiophoniques par voie hertzienne à toute la Communauté flamande, alors qu'il n'est imposé aucune restriction semblable au service public de radiodiffusion ou aux radios diffusées par le câble.

B.5.2. Selon le Gouvernement flamand, le moyen n'est pas recevable en tant qu'il dénonce une violation directe du droit à la liberté d'expression.

Le moyen est toutefois pris de la violation du principe d'égalité et de non-discrimination, combiné avec la liberté d'expression. Il est dès lors recevable.

B.5.3. La liberté d'expression constitue l'un des fondements essentiels d'une société démocratique.

Le droit à la liberté d'expression comprend, aux termes de l'article 10.1 de la Convention européenne des droits de l'homme, la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques et sans considération de frontière.

Les dispositions attaquées limitent le droit des parties requérantes de communiquer des informations ou des idées.

B.5.4. Le droit à la liberté d'expression n'est toutefois pas absolu.

L'article 10.1, dernière phrase, de la Convention précitée dispose tout d'abord que cet article n'empêche pas les Etats de soumettre les entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un régime d'autorisations. L'objet et le but de cette disposition doivent s'envisager dans le contexte de l'article 10 pris dans son ensemble et notamment au regard des conditions du paragraphe 2 auxquelles les mesures d'autorisation demeurent soumises (Cour eur. D.H., 28 mars 1990, Groppera Radio AG et autres c. Suisse, série A, n° 173, p. 24, § 61; 22 mai 1990, Autronic AG c. Suisse, série A, n° 178, p. 24, § 52; 24 novembre 1993, Informationsverein Lentia et autres, série A, n° 276, pp. 13 et 14, § 29).

L'article 10.1, dernière phrase, tend à préciser que les Etats peuvent réglementer, par un système de licences, l'organisation de la radiodiffusion sur leur territoire, en particulier ses aspects techniques. D'autres considérations peuvent elles aussi conditionner l'octroi ou le refus d'une autorisation, parmi lesquelles celles qui concernent la nature et les objectifs d'une future station, ses possibilités d'insertion au niveau national, régional ou local, les droits et besoins d'un public donné ainsi que les obligations issues d'instruments juridiques internationaux (Cour eur. D.H., 24 novembre 1993, Informationsverein Lentia et autres, série A, n° 276, p. 15, § 32; 20 octobre 1997, Radio ABC c. Autriche, Recueil des arrêts et décisions, 1997-VI, p. 2199, § 33).

Le système instauré par le législateur décrétal, qui réserve la radiodiffusion nationale et régionale par voie hertzienne dans la Communauté flamande au service public de radiodiffusion et la radiodiffusion locale et d'agglomération à l'initiative privée, peut contribuer à la qualité et à la diversité des émissions radiophoniques et cadre donc avec le prescrit de l'article 10.1, troisième phrase. Il convient de vérifier s'il remplit aussi les autres exigences inscrites à l'article 19 de la Constitution et à l'article 10.2 de la Convention européenne des droits de l'homme.

B.5.5. Indépendamment du fait que chacun est tenu de respecter la liberté d'opinion d'autrui constitutionnellement protégée, il résulte de l'article 19 de la Constitution combiné avec l'article 10.2 de la Convention européenne des droits de l'homme que la liberté d'expression peut être soumise à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions, prévues par la loi, qui constituent, dans une société démocratique, des mesures nécessaires à la protection des objectifs mentionnés dans les dispositions conventionnelles précitées.

B.5.6. Les restrictions sont instaurées par le législateur décrétal et poursuivent, comme il est dit au B.5.4, un but légitime. Seule reste encore posée la question de leur nécessité dans une société démocratique.

Ainsi qu'il a été exposé plus haut (B.3.3), les fréquences disponibles dans la Communauté flamande pour les émissions radiophoniques ne sont pas illimitées. Autoriser l'existence de radios privées nationales et régionales émettant par voie hertzienne à côté des radios privées locales et d'agglomération aurait inévitablement pour conséquence que les fréquences disponibles pour la radiodiffusion de service public devraient être réorganisées. Bien qu'elle semble aujourd'hui techniquement possible, une telle mesure nécessiterait, ainsi que le déclare le Gouvernement flamand, des investissements très importants de la part du service public de radiodiffusion et ne créerait qu'un espace limité pour des radios privées nationales ou régionales émettant par voie hertzienne, si l'on ne veut pas porter atteinte aux missions définies par le législateur décrétal et imposées au service public de radiodiffusion. Il peut dès lors être admis que l'interdiction de radios privées nationales ou régionales émettant par voie hertzienne, alors que sont autorisées les radios privées locales et d'agglomération et les radios privées nationales distribuées par câble, répond à une nécessité sociale impérieuse et que le moyen utilisé n'est pas disproportionné à l'objectif visé. On ne se trouve donc pas en présence d'une atteinte illicite et discriminatoire à la liberté d'expression.

B.5.7. Le moyen ne peut être admis.

Quant au quatrième moyen B.6.1. Dans le quatrième moyen, pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution lus conjointement avec les articles 43 (ancien article 52) et suivants du Traité C.E., les parties requérantes critiquent les dispositions attaquées parce qu'elles impliqueraient que seule la V.R.T. peut s'établir en Belgique pour exercer des activités de radiodiffusion nationale par voie hertzienne.

Ainsi, d'autres organismes de radiodiffusion, parmi lesquels des radios privées, verraient entravée de façon discriminatoire leur liberté de s'établir en Belgique afin d'y exercer les mêmes activités.

B.6.2. L'article 43 (ancien article 52) du Traité C.E., qui a effet direct dans les Etats membres, dispose que les restrictions à la liberté d'établissement des ressortissants d'un Etat membre dans le territoire d'un autre Etat membre sont interdites. Cette interdiction s'étend également à la création d'agences, de succursales ou de filiales, par les ressortissants d'un Etat membre établis sur le territoire d'un Etat membre. La liberté d'établissement comporte l'accès aux activités non salariées et leur exercice, ainsi que la constitution et la gestion d'entreprises, et notamment de sociétés au sens du deuxième alinéa de l'article 48 (ancien article 58), dans les conditions définies par la législation du pays d'établissement pour ses propres ressortissants, sous réserve des dispositions du chapitre relatif aux capitaux.

B.6.3. L'article 43 s'applique exclusivement aux personnes physiques et morales qui ressortissent à un Etat membre de la Communauté européenne et souhaitent exercer de manière durable une activité autre que salariée, dans un autre Etat membre. Les personnes qui ne quittent pas un Etat membre et n'exercent pas leurs activités dans un autre Etat membre ne relèvent pas du champ d'application de la disposition précitée. Par conséquent, seules les première, troisième et quatrième parties requérantes peuvent invoquer cette disposition. Le moyen est irrecevable en tant qu'il est pris par la deuxième partie requérante.

B.6.4. Les dispositions attaquées n'empêchent nullement les parties requérantes de s'établir en Belgique, et en particulier dans la Communauté flamande, en vue de l'exercice effectif d'une activité économique au moyen d'une installation stable et pour une durée indéterminée. Elles empêchent par contre les parties requérantes de s'établir en Belgique en vue d'y exercer des activités de radiodiffusion nationale par voie hertzienne dans la Communauté flamande, mais l'interdiction s'applique sans distinction de nationalité et est la conséquence du fait que le législateur décrétal a attribué un droit exclusif en la matière au service public de radiodiffusion, à savoir la V.R.T. Dès lors qu'il est apparu de l'examen du second moyen que l'attribution de ce droit exclusif est conforme à l'article 86 du Traité C.E., il y a lieu de considérer que les restrictions qui en résultent nécessairement en ce qui concerne l'accès au marché ne portent pas atteinte de manière discriminatoire à la liberté d'établissement.

B.6.5. Le moyen ne peut être admis.

Quant au cinquième moyen B.7.1. Dans le cinquième moyen, pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution lus conjointement avec les articles 49 (ancien article 59) et suivants du Traité C.E., les parties requérantes critiquent le fait que, suite à l'article 7 du décret attaqué, seules les radios privées établies dans la Communauté flamande peuvent être agréées en vue d'exercer des activités de radiodiffusion par la voie hertzienne, de sorte que les entreprises étrangères voient entravées de manière discriminatoire leur liberté de fournir les mêmes services dans la Communauté flamande.

B.7.2. Conformément à l'article 49 du Traité C.E., les restrictions à la libre prestation des services à l'intérieur de la Communauté européenne sont interdites, dans le cadre des dispositions du Traité qui suivent cet article, à l'égard des ressortissants des Etats membres établis dans un pays de la Communauté autre que celui du destinataire de la prestation.

L'article 50, premier alinéa, du Traité C.E. considère comme services les prestations fournies normalement contre rémunération, dans la mesure où elles ne sont pas régies par les dispositions relatives à la libre circulation des marchandises, des capitaux et des personnes.

Selon l'article 50, deuxième alinéa, il s'agit notamment des activités de caractère commercial. La prestation de service ne doit pas nécessairement être payée par les destinataires du service, mais il doit s'agir de services principalement payés par des fonds privés. Les émissions de radio, en particulier les émissions radiophoniques commerciales, doivent par conséquent être considérées comme des services au sens du Traité.

Les articles 49 et suivants peuvent être invoqués par les ressortissants des Etats membres établis dans un pays de la Communauté autre que celui du destinataire de la prestation. Par conséquent, les première, troisième et quatrième parties requérantes peuvent invoquer cette disposition, cependant que la deuxième partie requérante ne le peut pas. Le moyen n'est pas recevable dans son chef.

B.7.3. La disposition attaquée l'article 32, 2°, des décrets de la Communauté flamande relatifs à la radiodiffusion et à la télévision, coordonnés le 25 janvier 1995 empêche qu'une personne morale dont le siège social est établi en dehors de la région de langue néerlandaise ou de la région bilingue de Bruxelles-Capitale, et en particulier celle dont le siège social est établi hors de la zone de desserte de la radio pour laquelle un agrément est accordé, puisse être agréée en tant que radio locale ou d'agglomération. Cette disposition implique que les personnes morales établies dans un autre Etat membre n'entrent pas en ligne de compte en vue de cet agrément. La disposition attaquée concerne donc une restriction, en principe prohibée par l'article 49 du Traité C.E., de la libre prestation de services.

B.7.4. L'interdiction formulée à l'article 49 du Traité C.E. n'est toutefois pas absolue. En vertu de l'article 55 du Traité C.E., un Etat membre peut établir ou maintenir des restrictions à la libre circulation des services en fonction de la provenance du service, sur la base des articles 45 ou 46 du Traité C.E. L'article 46, paragraphe 1, du Traité C.E., lu conjointement avec l'article 55, autorise l'application par les Etats membres de dispositions législatives et administratives prévoyant un régime spécial pour certains services, justifiées notamment par des raisons d'ordre public.

Les radios privées visées par les décrets coordonnés relatifs à la radiodiffusion et à la télévision ont pour mission de diffuser une diversité de programmes d'information, de culture et de divertissement dans le but de promouvoir la communication dans leur zone de réception (article 28). Elles remplissent indéniablement une fonction socioculturelle complémentaire à celle du service public national et régional de radiodiffusion et contribuent ainsi au maintien du pluralisme dans les médias.

La disposition attaquée qui, à côté d'autres conditions d'agrément mentionnées à l'article 32, tend à garantir le caractère local effectif des radios privées locales et d'agglomération en imposant l'obligation d'établir le siège social et les installations d'émission à l'intérieur de la zone de desserte, cadre avec l'objectif non économique que le législateur décrétal entendait poursuivre et n'est pas disproportionnée à celui-ci.

Il est par conséquent satisfait aux conditions d'application de l'article 46, paragraphe 1, du Traité C.E. B.7.5. Le moyen ne peut être admis.

Par ces motifs, la Cour rejette le recours.

Ainsi prononcé en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 2 février 2000.

Le greffier, L. Potoms.

Le président, G. De Baets.

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