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Arrêt De La Cour Constitutionelle
publié le 01 juin 2000

Arrêt n° 43/2000 du 6 avril 2000 Numéros du rôle : 1632 et 1714 En cause : les recours en annulation des articles 3 et 7, 1° et 2°, de la loi du 18 décembre 1998 réglant les élections simultanées ou rapprochées pour les Chambres législatives La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et G. De Baets, et des juges H. Boel, P(...)

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COUR D'ARBITRAGE


Arrêt n° 43/2000 du 6 avril 2000 Numéros du rôle : 1632 et 1714 En cause : les recours en annulation des articles 3 et 7, 1° et 2°, de la loi du 18 décembre 1998Documents pertinents retrouvés type loi prom. 18/12/1998 pub. 31/12/1998 numac 1998000798 source ministere de l'interieur Loi réglant les élections simultanées ou rapprochées pour les Chambres législatives fédérales, le Parlement européen et les Conseils de Région et de Communauté fermer réglant les élections simultanées ou rapprochées pour les Chambres législatives fédérales, le Parlement européen et les Conseils de région et de communauté, introduits par H. Wailliez, D. Féret et le Front national.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et G. De Baets, et des juges H. Boel, P. Martens, E. Cerexhe, A. Arts et E. De Groot, assistée du greffier L. Potoms, présidée par le président M. Melchior, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des recours a. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 1er mars 1999 et parvenue au greffe le 2 mars 1999, H.Wailliez, demeurant à 7800 Ath, avenue de la Roselle 14, a introduit un recours en annulation des articles 3 et 7, 1° et 2°, de la loi du 18 décembre 1998Documents pertinents retrouvés type loi prom. 18/12/1998 pub. 31/12/1998 numac 1998000798 source ministere de l'interieur Loi réglant les élections simultanées ou rapprochées pour les Chambres législatives fédérales, le Parlement européen et les Conseils de Région et de Communauté fermer réglant les élections simultanées ou rapprochées pour les Chambres législatives fédérales, le Parlement européen et les Conseils de région et de communauté (publiée au Moniteur belge du 31 décembre 1998, deuxième édition).

La demande de suspension des mêmes dispositions légales, introduite par le même requérant, a été rejetée par l'arrêt n° 43/99 du 1er avril 1999, publié au Moniteur belge du 17 août 1999.

Cette affaire est inscrite sous le numéro 1632 du rôle de la Cour. b. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 24 juin 1999 et parvenue au greffe le 25 juin 1999, D.Féret, demeurant à 1050 Bruxelles, Clos du Parnasse 12/8, et le Front national, dont le siège est établi à 1050 Bruxelles, Clos du Parnasse 12/8, ont introduit un recours en annulation de l'article 3, 1° et 2°, et de l'article 7, 1° et 2°, de la loi du 18 décembre 1998Documents pertinents retrouvés type loi prom. 18/12/1998 pub. 31/12/1998 numac 1998000798 source ministere de l'interieur Loi réglant les élections simultanées ou rapprochées pour les Chambres législatives fédérales, le Parlement européen et les Conseils de Région et de Communauté fermer réglant les élections simultanées ou rapprochées pour les Chambres législatives fédérales, le Parlement européen et les Conseils de région et de communauté (publiée au Moniteur belge du 31 décembre 1998, deuxième édition).

Cette affaire est inscrite sous le numéro 1714 du rôle de la Cour.

II. La procédure a) Dans l'affaire n° 1632 Par ordonnance du 2 mars 1999, le président en exercice a désigné les juges du siège conformément aux articles 58 et 59 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage. Les juges-rapporteurs ont estimé n'y avoir lieu de faire application des articles 71 ou 72 de la loi organique.

Le recours a été notifié conformément à l'article 76 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 5 mars 1999.

L'avis prescrit par l'article 74 de la loi organique a été publié au Moniteur belge du 13 mars 1999.

Des mémoires ont été introduits par : - le Conseil des ministres, rue de la Loi 16, 1000 Bruxelles, par lettre recommandée à la poste le 1er avril 1999; - le Gouvernement wallon, rue Mazy 25-27, 5100 Namur, par lettre recommandée à la poste le 6 avril 1999.

Ces mémoires ont été notifiés conformément à l'article 89 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 22 avril 1999.

Par ordonnance du 29 juin 1999, la Cour a prorogé jusqu'au 1er mars 2000 le délai dans lequel l'arrêt devait être rendu. b) Dans l'affaire n° 1714 Par ordonnance du 25 juin 1999, le président en exercice a désigné les juges du siège conformément aux articles 58 et 59 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage. Les juges-rapporteurs ont estimé n'y avoir lieu de faire application des articles 71 ou 72 de la loi organique.

Le recours a été notifié conformément à l'article 76 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 2 septembre 1999.

L'avis prescrit par l'article 74 de la loi organique a été publié au Moniteur belge du 10 septembre 1999.

Le Conseil des ministres, rue de la Loi 16, 1000 Bruxelles, a introduit un mémoire, par lettre recommandée à la poste le 15 octobre 1999.

Ce mémoire a été notifié conformément à l'article 89 de la loi organique, par lettre recommandée à la poste le 27 octobre 1999.

Les parties requérantes ont introduit un mémoire en réponse, par lettre recommandée à la poste le 23 novembre 1999.

Par ordonnance du 30 novembre 1999, la Cour a prorogé jusqu'au 24 juin 2000 le délai dans lequel l'arrêt doit être rendu. c) Dans les deux affaires Par ordonnance du 7 juillet 1999, la Cour a joint les affaires. Par ordonnance du 9 février 2000, le président en exercice a complété le siège par le juge H. Boel.

Par ordonnance du 9 février 2000, la Cour a déclaré les affaires en état et fixé l'audience au 1er mars 2000.

Cette ordonnance a été notifiée aux parties ainsi qu'à leurs avocats par lettres recommandées à la poste le 10 février 2000.

Par ordonnance du 29 février 2000, la Cour a prorogé jusqu'au 1er septembre 2000 le délai dans lequel l'arrêt doit être rendu.

A l'audience publique du 1er mars 2000 : - ont comparu : . Me H. Laquay, avocat au barreau de Bruxelles, pour les parties requérantes dans l'affaire n° 1714; . Me M. Mahieu, avocat à la Cour de cassation, pour le Conseil des ministres; . Me V. Thiry, avocat au barreau de Liège, pour le Gouvernement wallon; - les juges-rapporteurs P. Martens et E. De Groot ont fait rapport; - les avocats précités ont été entendus; - les affaires ont été mises en délibéré.

La procédure s'est déroulée conformément aux articles 62 et suivants de la loi organique, relatifs à l'emploi des langues devant la Cour.

III. Les dispositions attaquées Aux termes de l'article 3 de la loi du 18 décembre 1998Documents pertinents retrouvés type loi prom. 18/12/1998 pub. 31/12/1998 numac 1998000798 source ministere de l'interieur Loi réglant les élections simultanées ou rapprochées pour les Chambres législatives fédérales, le Parlement européen et les Conseils de Région et de Communauté fermer, les modifications suivantes sont apportées à l'article 20 de la loi du 23 mars 1989 relative à l'élection du Parlement européen : 1° Dans l'alinéa 1er, les mots « par au moins deux parlementaires » sont insérés après les mots « dans l'une ou l'autre chambre ».2° Dans l'alinéa 2, troisième phrase, les mots « Lorsqu'une formation politique est représentée par moins de cinq parlementaires, » sont remplacés par les mots « Lorsque le nombre de parlementaires que compte une formation politique est compris entre deux et cinq, ». Aux termes de l'article 7 de la même loi, les modifications suivantes sont apportées à l'article 115bis du Code électoral : 1° Dans le paragraphe 1er, alinéa 1er, les mots « par au moins deux parlementaires » sont insérés après les mots « dans l'une ou l'autre chambre ».2° Dans le même paragraphe, alinéa 2, troisième phrase, les mots « Lorsqu'une formation politique est représentée par moins de cinq parlementaires, » sont remplacés par les mots « Lorsque le nombre de parlementaires que compte une formation politique est compris entre deux et cinq, ». Il résulte des modifications apportées par les articles 3 et 7 de la loi attaquée du 18 décembre 1998 que l'article 20, alinéas 1er et 2, de la loi du 23 mars 1989 relative à l'élection du Parlement européen et l'article 115bis, § 1er, alinéas 1er et 2, du Code électoral sont désormais rédigés comme suit : Article 20, alinéas 1er et 2, de la loi du 23 mars 1989 : « Chaque formation politique représentée dans l'une ou l'autre Chambre par au moins deux parlementaires peut déposer un acte demandant la protection du sigle qu'elle envisage de mentionner dans l'acte de présentation, conformément à l'article 21, § 2.

L'acte de dépôt du sigle doit être signé par cinq parlementaires au moins appartenant à la formation politique qui utilisera ce sigle. Un parlementaire ne peut signer qu'un seul acte de dépôt. Lorsque le nombre de parlementaires que compte une formation politique est compris entre deux et cinq, la disposition ci-avant est censée être respectée si l'acte de dépôt est signé par tous les parlementaires appartenant à cette formation. » Article 115bis, § 1er, alinéas 1er et 2, du Code électoral : « Chaque formation politique représentée dans l'une ou l'autre Chambre par au moins deux parlementaires peut déposer un acte demandant la protection du sigle qu'elle envisage de mentionner dans l'acte de présentation, conformément à l'article 116, § 4, alinéa 2.

L'acte de dépôt du sigle doit être signé par cinq parlementaires au moins appartenant à la formation politique qui utilisera ce sigle. Un parlementaire ne peut signer qu'un seul acte de dépôt. Lorsque le nombre de parlementaires que compte une formation politique est compris entre deux et cinq, la disposition ci-avant est censée être respectée si l'acte de dépôt est signé par tous les parlementaires appartenant à cette formation. » Il résulte de la modification législative du 18 décembre 1998 que désormais, seules les formations politiques représentées dans l'une ou l'autre Chambre par au moins deux parlementaires peuvent déposer une demande de protection du sigle qu'elles envisagent de mentionner dans l'acte de présentation des candidatures, alors que ces textes, dans leur version antérieure, pouvaient être interprétés comme autorisant toute formation politique représentée dans l'une ou l'autre Chambre à introduire pareille demande, même si sa représentation se limitait à un membre.

IV. En droit - A - Quant à la recevabilité des recours A.1.1. H. Wailliez, requérant dans l'affaire n° 1632, est membre de la Chambre des représentants et vice-président du Front national. Il appartient à une formation politique qui n'a qu'un seul parlementaire fédéral à la date d'introduction du recours. Il s'estime défavorablement affecté par les articles 3 et 7, 1° et 2°, de la loi attaquée du 18 décembre 1998 puisque ces dispositions rendent désormais impossible la protection de son sigle pour une formation politique n'ayant qu'un seul parlementaire fédéral.

A.1.2. Le Conseil des ministres considère que la qualité de vice-président d'un parti politique invoquée par le requérant, pour autant même qu'elle soit établie, quod non, ne lui confère pas la qualité à agir devant la Cour contre les dispositions attaquées. Le parti lui-même, pour autant qu'il justifie d'un intérêt, pourrait agir. En outre, poursuit le Conseil des ministres, la réalité de l'existence du parti en cause serait de plus en plus douteuse, comme le montre notamment le fait qu'une élue de ce parti siège comme député indépendant.

Selon le Conseil des ministres, le requérant ne justifierait d'un intérêt en sa qualité de citoyen que s'il se présentait sur la liste d'un parti ne comptant pas actuellement deux parlementaires fédéraux, ce qu'il n'établirait pas. Il se réfère pour le surplus à l'arrêt n° 43/99 de la Cour.

A.1.3. Le Gouvernement wallon, se référant au même arrêt, conteste également la qualité et l'intérêt du requérant. Il considère que, comme membre de la Chambre des représentants, il ne possède pas la qualité pour agir au nom d'un parti politique et que, comme vice-président de ce dernier, il ne peut remplacer le président, seul habilité, en vertu des statuts, à agir en justice au nom de l'association. En toute hypothèse, selon le Gouvernement wallon, le requérant ne déclare pas agir au nom de son parti; il ne peut donc se prévaloir de l'autorisation donnée par les statuts de remplacer le président en cas d'absence. Le requérant ne pourrait pas se prévaloir d'un intérêt fonctionnel puisque les dispositions entreprises ne portent pas sur une prérogative des parlementaires mais sur les conditions auxquelles les partis politiques peuvent obtenir la protection d'un sigle.

A.2.1. Le Front national, requérant dans l'affaire n° 1714, est une formation politique ne disposant que d'un seul député fédéral. Il en déduit que, représenté conformément à ses statuts par D. Féret, son président, il a qualité pour agir contre des dispositions qui empêchent dorénavant les formations ainsi représentées d'obtenir la protection de leur sigle électoral.

Constitué en association de fait, ce parti est légalement reconnu comme les autres partis en matière de présentation aux élections, de protection du sigle, de financement, etc. Il en conclut, invoquant la jurisprudence de la Cour, qu'il peut agir en annulation de dispositions qui ont pour effet de restreindre ses prérogatives.

A.2.2. Selon le Conseil des ministres, la considération selon laquelle seuls les partis politiques peuvent agir à l'égard des dispositions attaquées ne rend pas nécessairement recevable le recours de l'association de fait requérante. Selon la jurisprudence de la Cour, les associations de fait ne peuvent agir que dans les matières pour lesquelles elles forment une entité distincte et lorsque les conditions de leur association au fonctionnement de services publics sont en cause. Il appartient, selon le Conseil des ministres, à la requérante d'établir que les dispositions attaquées affectent les matières pour lesquelles les formations politiques sont reconnues et pour lesquelles elles interviennent.

A.3.1. Si le recours est irrecevable à l'égard du Front national, il doit être déclaré recevable, selon D. Féret, autre requérant dans la même affaire n° 1714, en ce qui le concerne. Celui-ci fonde son intérêt sur les statuts du Front national, qui l'habilitent à agir seul au nom de cette formation politique.

A.3.2. Le Conseil des ministres demande à la Cour de se fonder sur la motivation de son arrêt n° 43/99 concernant H. Wailliez pour décider que D. Féret ne dispose pas davantage d'un intérêt fonctionnel à agir.

Quant au fond Quant au premier moyen A.4.1. Par leur premier moyen, les requérants soutiennent que les dispositions litigieuses créent une discrimination entre les formations politiques représentées par un seul parlementaire fédéral et celles qui seraient représentées par deux parlementaires. Non seulement les premières ne peuvent plus protéger leur sigle, mais, comme le faisait remarquer le ministre de l'Intérieur, « il importe ici d'observer que pour les élections au Parlement européen, l'obtention d'un sigle protégé va de pair avec l'attribution d'un numéro d'ordre commun tiré au sort au niveau national » (Doc. parl., Chambre, 1997-1998, n° 1729/1, p. 5), ce qui a pour effet l'attribution aux autres listes d'un numéro d'ordre moins favorable, outre le fait qu'elles sont ainsi exposées à voir leur sigle utilisé par une formation concurrente.

La justification donnée à cette modification législative pendant les travaux préparatoires, selon laquelle le but « consiste à éviter que les demandes ne soient introduites [...] en vue de protéger des sigles fantaisistes [...] » (Doc. parl., Chambre, 1997-1998, n° 1729/1, p. 5), ne résisterait pas à l'examen : il ne se justifie pas de refuser la protection du sigle à une formation dont le Peuple belge a élu un représentant dans l'une des Chambres et cet objectif n'est pas atteint dès lors qu'une formation comptant deux élus peut concourir à protéger des sigles fantaisistes. En outre, toute formation représentée par un seul membre n'aurait pas automatiquement un sigle ridicule et toute formation ayant pareil sigle pourrait se présenter aux élections si elle dispose du nombre suffisant de signatures.

Les requérants considèrent que l'objectif ainsi poursuivi porterait atteinte de manière disproportionnée à la liberté d'expression et au droit de protéger le nom d'une formation politique ayant une représentativité parlementaire, même réduite à un membre. Ils poursuivent en indiquant que quiconque peut déposer un sigle non protégé dans une circonscription, ce qui s'est produit lors des élections du 13 juin 1999 au préjudice du Front national. Aucun recours judiciaire ne serait ouvert contre de telles pratiques.

L'arrêt n° 40/90 de la Cour, qui rejette un recours dirigé contre une loi limitant le financement des partis aux seules formations représentées au Parlement, ne saurait, selon les requérants, être invoqué pour rejeter leur recours. La Cour y analyse les buts poursuivis en les déclarant légitimes, le critère étant objectif et proportionnel. Tel ne serait pas le cas en l'espèce, pour les motifs exprimés plus haut. De même, l'arrêt n° 26/90, qui rejette un recours contre la loi du 23 mars 1989 exigeant la signature de cinq parlementaires pour la présentation d'un candidat aux élections européennes, ne pourrait pas davantage être invoqué à leur encontre.

La Cour a en effet considéré discriminatoire dans cet arrêt l'exigence d'une réunion de cinq mille signatures, parmi lesquelles mille par province, pour la présentation.

A.4.2. Le Conseil des ministres relève le caractère objectif de la distinction entre les formations représentées par un parlementaire et celles représentées par plus d'un parlementaire. Il rapproche les dispositions attaquées de celle qui a fait l'objet de l'arrêt n° 26/90 de la Cour, selon lequel il n'est pas incompatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution de faire dépendre la présentation de listes de certaines conditions de représentativité, pour autant qu'elles soient égales pour tous et qu'elles ne soient pas plus lourdes que nécessaire. La loi en cause dans cette affaire exigeait la signature de cinq parlementaires pour la présentation d'un candidat.

Il cite aussi l'arrêt n° 40/90 de la Cour, qui admettait que le financement des partis politiques dépende des résultats électoraux de ces derniers.

Le Conseil des ministres relève que la condition posée dans la législation attaquée en l'espèce est moins stricte que celle résultant des lois des 23 mars et 4 juillet 1989 en cause dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts précités puisque le nombre de parlementaires requis dans la loi attaquée est de deux et non de cinq et qu'ils ne doivent pas être répartis dans les deux assemblées. Il ne serait donc pas déraisonnable de réserver les premières places aux partis justifiant d'une représentativité certaine. Il ne serait pas moins discriminatoire de ranger les partis ne comptant qu'un parlementaire parmi ceux qui en comportent au moins deux plutôt que de les compter parmi les partis faiblement représentatifs et n'ayant obtenu aucun parlementaire fédéral. Toute quantification supposerait des seuils, dont la fixation relèverait du choix d'opportunité du législateur, dont la Cour ne serait pas juge, sauf si ce choix est manifestement déraisonnable.

Quant au deuxième moyen A.5.1. Par leur deuxième moyen, les requérants reprochent aux dispositions attaquées de mettre sur le même pied les formations politiques ayant un seul parlementaire fédéral et n'importe quel groupuscule créé quelques mois avant les élections. Ils estiment injustifié ce traitement identique de personnes qui se trouvent dans des situations différentes.

A.5.2. Le Conseil des ministres estime le moyen confus et, partant, irrecevable.

Il en conteste également le fondement, pour autant qu'on puisse en discerner la portée. En ce que le moyen reproche aux dispositions attaquées d'avoir rangé le Front national dans la catégorie des listes à représentativité faible plutôt que dans l'autre, il se confondrait avec le premier moyen. En tant que le moyen critique le concours entre les partis disposant d'un parlementaire et les groupuscules aptes à les devancer dans l'obtention du sigle lors de la présentation ultérieure des candidats, il serait fondé sur une circonstance prétendument défavorable de la disposition, mais non sur son caractère discriminatoire. - B - Quant à la recevabilité des recours Quant à l'affaire n° 1632 B.1.1. Le requérant fait valoir qu'il découle des articles 3 et 7, 1° et 2°, de la loi du 18 décembre 1998Documents pertinents retrouvés type loi prom. 18/12/1998 pub. 31/12/1998 numac 1998000798 source ministere de l'interieur Loi réglant les élections simultanées ou rapprochées pour les Chambres législatives fédérales, le Parlement européen et les Conseils de Région et de Communauté fermer que seules les formations politiques qui sont déjà représentées par plus d'un parlementaire dans les assemblées législatives fédérales peuvent obtenir la protection de leur sigle. Il se prévaut de ses qualités de membre de la Chambre des représentants et de vice-président du Front national, lequel n'était représenté que par le requérant à la Chambre des représentants à la date à laquelle il a introduit son recours.

B.1.2. Le Conseil des ministres déduit une exception d'irrecevabilité de ce que le requérant n'aurait ni la qualité ni l'intérêt requis pour attaquer ces dispositions.

B.1.3. Les dispositions attaquées portent sur un avantage qui est attribué aux formations politiques et non pas aux membres individuels de ces formations.

B.1.4.1. En tant que membre de la Chambre des représentants, le requérant ne possède pas la qualité requise pour défendre devant la Cour les intérêts de la formation politique à laquelle il appartient.

B.1.4.2. En tant que vice-président du Front national, le requérant n'a pas davantage la qualité requise.

Le Front national est une association de fait. Selon les statuts produits, le président de l'association « initie les actions en justice et peut y représenter le Parti ». Les mêmes statuts disposent que les vice-présidents remplacent le président en son absence mais ne prévoient pas la possibilité pour le président de déléguer sa compétence pour agir.

B.1.4.3. Sans doute le requérant a-t-il fait état d'une pièce signée « Daniel Féret, Président du FN », dans laquelle celui-ci déclare avoir été empêché le jour de l'introduction du recours et autorise le requérant à agir en son nom et au nom du Front national.

Il ressort toutefois de la requête que le requérant agit en l'espèce en son propre nom et en sa qualité de vice-président de cette association et non pas au nom de l'association de fait ou en lieu et place du président.

Il n'apparaît pas que l'association de fait ait décidé d'introduire le recours en annulation dans l'affaire n° 1632 en confiant au requérant le soin d'agir en son nom. Même si la déclaration précitée devait être tenue pour une délégation valable, le requérant ne peut avoir agi sur la base de cette délégation, puisqu'elle date du 17 mars 1999 et est donc postérieure à l'introduction de la requête.

B.1.5. Le requérant se prévaudrait en vain d'un intérêt fonctionnel puisque les dispositions entreprises ne portent pas sur une prérogative propre à des représentants élus de formations politiques mais bien sur les conditions que doivent remplir les formations politiques en tant que telles pour obtenir la protection d'un sigle.

B.1.6. Le requérant ne démontre pas qu'il justifie de la qualité requise pour introduire le recours en annulation. Son recours est donc irrecevable.

Quant à l'affaire n° 1714 B.2.1. En tant que président du Front national ou de membre de la Chambre des représentants, D. Féret ne justifie pas d'un intérêt personnel à son recours.

B.2.2.1. L'association de fait « Front national », seconde partie requérante, s'estime discriminée par les dispositions attaquées parce que, représentée au Parlement fédéral par un seul élu, elle ne peut dorénavant obtenir la protection de son sigle électoral.

B.2.2.2. Selon le Conseil des ministres, il appartient à cette requérante d'établir que les dispositions attaquées affectent les matières pour lesquelles les formations politiques sont reconnues et pour lesquelles elles interviennent, condition à laquelle est soumise la recevabilité d'un recours d'une association de fait.

B.2.2.3. Aux termes de l'article 2, 2°, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, la partie requérante devant la Cour doit être une personne physique ou morale justifiant d'un intérêt. Les partis politiques qui sont des associations de fait n'ont pas en principe la capacité requise pour introduire un recours en annulation devant la Cour. Il en va toutefois autrement lorsqu'ils agissent dans les matières, telle la législation électorale, pour lesquelles ils sont légalement reconnus comme formant des entités distinctes et que, alors que leur intervention est légalement prévue, certains des aspects de celle-ci sont en cause.

B.2.2.4. En l'espèce, les dispositions litigieuses reconnaissent aux partis politiques le droit de demander, dans les conditions qu'elles déterminent, la protection de leur sigle électoral. Les dispositions attaquées affectent directement et défavorablement la partie requérante en ce qu'elles ne lui permettent pas d'obtenir, comme d'autres formations représentées au Parlement fédéral et se présentant aux élections, la protection d'un sigle.

B.2.2.5. Il s'ensuit que la partie requérante doit être considérée comme une personne au sens de l'article 2, 2°, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 précitée et qu'elle justifie de l'intérêt requis.

La partie requérante étant valablement représentée par son président, conformément à ses statuts, son recours est recevable.

Quant au fond Quant au premier moyen B.3.1. Par son premier moyen, la partie requérante soutient que les dispositions litigieuses créent une discrimination entre les formations politiques représentées par un seul parlementaire fédéral et celles représentées par au moins deux parlementaires, d'autant plus que, pour les élections au Parlement européen, l'obtention d'un sigle protégé va de pair avec l'attribution d'un numéro d'ordre commun tiré au sort au niveau national, ce qui a pour effet l'attribution aux autres listes d'un numéro d'ordre moins favorable, outre le fait qu'elles sont ainsi exposées à voir leur sigle utilisé par une formation concurrente.

B.3.2. Il résulte de la modification législative du 18 décembre 1998 que désormais seules les formations politiques représentées dans l'une ou l'autre Chambre par au moins deux parlementaires peuvent déposer une demande de protection du sigle qu'elles envisagent de mentionner dans l'acte de présentation des candidatures, alors que, dans leur version antérieure, les lois en cause pouvaient être interprétées comme autorisant toute formation politique représentée dans l'une ou l'autre Chambre à introduire pareille demande, même si sa représentation se limitait à un membre.

B.3.3. Il existe entre les formations politiques ne comptant qu'un élu dans l'une ou l'autre des deux Chambres législatives fédérales et celles qui en comptent au moins deux une différence objective, fondée sur le niveau de leur représentation.

B.3.4. Les objectifs poursuivis par le législateur consistent « à éviter que des demandes ne soient introduites [...] en vue de protéger des sigles fantaisistes [...] » (Doc. parl., Chambre, 1997-1998, n° 1729/1, p. 5). Le Conseil des ministres ajoute dans ses mémoires que le législateur entend ouvrir le droit à une protection des sigles électoraux aux seules formations politiques atteignant un seuil suffisant de représentativité.

B.3.5. Le souci d'éviter la protection de listes fantaisistes ne serait pas suffisant, eu égard aux exigences du principe d'égalité, si ne s'y ajoutait l'autre objectif consistant à protéger les listes bénéficiant d'un minimum de représentativité. Il appartient à cet égard au législateur, dans le cadre du large pouvoir d'appréciation dont il dispose dans l'aménagement du système électoral, de fixer le seuil en deçà duquel une formation politique représentée au Parlement apparaît comme non suffisamment représentative. La mesure critiquée, soit la présence d'au moins deux parlementaires dans une assemblée, correspond à l'objectif poursuivi.

B.3.6. La mesure en cause ne résiste toutefois au contrôle de constitutionnalité au regard des articles 10 et 11 de la Constitution que si elle n'est pas disproportionnée par rapport aux objectifs poursuivis.

B.3.7. Les personnes et les formations politiques ne sont en aucune manière privées par les dispositions attaquées du droit de se présenter au suffrage des électeurs.

Cette mesure ne porte pas atteinte au droit de toutes les formations politiques de se présenter sous le sigle de leur choix, celui-ci étant seulement privé de la protection organisée par la loi. L'absence de protection n'empêche pas les formations concernées d'obtenir, dès lors que leurs listes de candidats sont présentées, munies de leur sigle, sur la base de l'article 21 de la loi du 23 mars 1989 et de l'article 116 du Code électoral, le bénéfice de l'article 21, § 2, alinéa 5, de la loi du 23 mars 1989 et de l'article 116, § 4, alinéa 4, du Code électoral. Ces deux dispositions, insérées respectivement par les articles 4 et 9 de la loi en cause, énoncent en effet que, lorsque la présentation de candidats est déposée avec la mention d'un sigle, toute autre présentation de candidats ne peut plus utiliser le même sigle.

B.3.8. La compétition qui peut exister à ce moment et la plus grande diligence imposée aux partis pour obtenir la protection de leur sigle ne sont pas de nature à donner à la mesure un caractère manifestement déraisonnable. Ces inconvénients ne sont pas tels qu'ils porteraient atteinte à la substance même du droit d'être élu.

B.3.9. Le moyen n'est pas fondé.

Quant au deuxième moyen B.4.1. Par son deuxième moyen, la partie requérante reproche aux dispositions attaquées de mettre sur le même pied les formations politiques ayant un seul parlementaire fédéral et n'importe quel groupuscule créé quelques mois avant les élections. Elle estime injustifié ce traitement identique de personnes qui se trouvent dans des situations différentes.

B.4.2. Le Conseil des ministres estime le moyen confus et, partant, irrecevable.

B.4.3. Le moyen énonce avec une précision suffisante que, pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, il fait grief aux dispositions attaquées de traiter de la même manière les formations politiques représentées au Parlement fédéral et celles qui ne le sont pas.

L'exception d'irrecevabilité du moyen soulevée par le Conseil des ministres est rejetée.

B.4.4. Présentés de manière différente, les deux moyens reviennent à énoncer la même critique à l'égard des dispositions attaquées. Sans doute y a-t-il une différence entre les partis qui ont un élu et ceux qui n'en ont aucun. Mais les considérations relatives au seuil de représentativité, énoncées en B.3.5 à B.3.8, sont de nature à justifier que ces deux catégories de partis soient traitées de la même manière.

B.4.5. Le moyen n'est pas fondé.

Par ces motifs, la Cour rejette les recours.

Ainsi prononcé en langue française, en langue néerlandaise et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 6 avril 2000.

Le greffier, L. Potoms.

Le président, M. Melchior.

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