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Arrêt De La Cour Constitutionelle
publié le 27 octobre 2000

Arrêt n° 104/2000 du 11 octobre 2000 Numéro du rôle : 1795 En cause : le recours en annulation de l'article 17 de la loi du 24 mars 1999 organisant les relations entre les autorités publiques et les organisations syndicales du personnel des s La Cour d'arbitrage, composée des juges H. Boel et L. François, faisant fonction de présidents, (...)

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2000021480
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COUR D'ARBITRAGE


Arrêt n° 104/2000 du 11 octobre 2000 Numéro du rôle : 1795 En cause : le recours en annulation de l'article 17 de la loi du 24 mars 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 24/03/1999 pub. 08/05/1999 numac 1999000340 source ministere de l'interieur Loi organisant les relations entre les autorités publiques et les organisations syndicales du personnel des services de police fermer organisant les relations entre les autorités publiques et les organisations syndicales du personnel des services de police, introduit par l'a.s.b.l. Syndicat autonome de la police judiciaire et autres.

La Cour d'arbitrage, composée des juges H. Boel et L. François, faisant fonction de présidents, et des juges P. Martens, J. Delruelle, H. Coremans, R. Henneuse et M. Bossuyt, assistée du greffier L. Potoms, présidée par le juge H. Boel, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 5 novembre 1999 et parvenue au greffe le 8 novembre 1999, un recours en annulation de l'article 17 de la loi du 24 mars 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 24/03/1999 pub. 08/05/1999 numac 1999000340 source ministere de l'interieur Loi organisant les relations entre les autorités publiques et les organisations syndicales du personnel des services de police fermer organisant les relations entre les autorités publiques et les organisations syndicales du personnel des services de police (publiée au Moniteur belge du 8 mai 1999) a été introduit par l'a.s.b.l. Syndicat autonome de la police judiciaire, dont le siège est établi à 1060 Bruxelles, avenue Henri Jaspar 114/19, l'a.s.b.l. Fédération syndicale policière de la Région bruxelloise et extension, dont le siège est établi à 1070 Bruxelles, rue des Parfums 23, l'a.s.b.l. Fédération wallonne des syndicats de police, dont le siège est établi à 4000 Liège, rue Sainte-Walburge 285, et l'a.s.b.l. Syndicat national de la police belge, dont le siège est établi à 1030 Bruxelles, avenue E. Zola 62.

La demande de suspension de la même disposition légale a été rejetée par l'arrêt n° 139/99 du 22 décembre 1999, publié au Moniteur belge du 22 février 2000.

II. La procédure Par ordonnance du 8 novembre 1999, le président en exercice a désigné les juges du siège conformément aux articles 58 et 59 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage.

Les juges-rapporteurs ont estimé n'y avoir lieu de faire application des articles 71 ou 72 de la loi organique.

Le recours a été notifié conformément à l'article 76 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 24 novembre 1999.

L'avis prescrit par l'article 74 de la loi organique a été publié au Moniteur belge du 4 décembre 1999.

Le Conseil des ministres, rue de la Loi 16, 1000 Bruxelles, a introduit un mémoire par lettre recommandée à la poste le 7 janvier 2000.

Ce mémoire a été notifié conformément à l'article 89 de la loi organique, par lettre recommandée à la poste le 29 février 2000.

Les parties requérantes ont introduit un mémoire en réponse par lettre recommandée à la poste le 28 mars 2000.

Par ordonnance du 27 avril 2000Documents pertinents retrouvés type ordonnance prom. 27/04/2000 pub. 27/09/2000 numac 2000031320 source ministere de la region de bruxelles-capitale Ordonnance portant assentiment au Protocole à la Convention sur la pollution atmosphérique transfrontière à longue distance de 1979, relatif à la lutte contre les émissions des composés organiques volatils ou de leurs flux transfrontières et aux annexes I, II, III et IV, faits à Genève le 18 novembre 1991 type ordonnance prom. 27/04/2000 pub. 27/09/2000 numac 2000031319 source ministere de la region de bruxelles-capitale Ordonnance portant assentiment au Protocole à la Convention sur la pollution atmosphérique transfrontière à longue distance de 1979, relatif à la lutte contre les émissions d'oxydes d'azote ou leurs flux transfrontières et à son annexe technique, faits à Sofia, le 31 octobre 1988 type ordonnance prom. 27/04/2000 pub. 27/09/2000 numac 2000031321 source ministere de la region de bruxelles-capitale Ordonnance portant assentiment au Protocole à la Convention de 1979 sur la pollution atmosphérique transfrontière à longue distance, relatif à une nouvelle réduction des émissions de soufre et aux annexes I, II, III, IV et V, signés à Oslo le 14 juin 1994 fermer, la Cour a prorogé jusqu'au 5 novembre 2000 le délai dans lequel l'arrêt doit être rendu.

Par ordonnance du 12 juillet 2000, la Cour a déclaré l'affaire en état et fixé l'audience au 26 septembre 2000, après avoir constaté que les présidents G. De Baets et M. Melchior, légitimement empêchés, étaient remplacés par les juges H. Boel et L. François, et avoir complété le siège par le juge E. Cerexhe.

Cette ordonnance a été notifiée aux parties ainsi qu'à leurs avocats, par lettres recommandées à la poste le 13 juillet 2000.

Par ordonnance du 26 septembre 2000, le juge E. Cerexhe, légitimement empêché, a été remplacé par le juge J. Delruelle.

A l'audience publique du 26 septembre 2000 : - a comparu Me R. Heijse loco Me D. D'Hooghe et Me F. Vandendriessche, avocats au barreau de Bruxelles, pour le Conseil des ministres; - les juges-rapporteurs H. Coremans et L. François ont fait rapport; - l'avocat précité a été entendu; - l'affaire a été mise en délibéré.

La procédure s'est déroulée conformément aux articles 62 et suivants de la loi organique, relatifs à l'emploi des langues devant la Cour.

III. En droit - A - Quant à l'intérêt A.1. Les parties requérantes estiment qu'elles justifient de l'intérêt requis puisque leur fonctionnement est menacé par l'interdiction de récolter des fonds à l'aide de pratiques de démarchage. Elles affirment qu'elles ne disposeront plus, de ce fait, de moyens financiers suffisants pour réaliser leur objet social et développer des activités syndicales.

Quant aux moyens A.2. Les parties requérantes infèrent leurs moyens d'une violation des articles 10 et 11 de la Constitution.

Elles constatent que la disposition attaquée fait naître un traitement inégal des organisations syndicales du personnel des services de police par rapport, d'une part, aux associations de police autres que des organisations syndicales et, d'autre part, aux organisations syndicales d'autres agents de services publics.

Elles font valoir, en outre, que deux catégories de personnes qui se trouvent dans des situations essentiellement différentes au regard de la disposition attaquée, à savoir le personnel des services de police qui relève du cadre opérationnel et le personnel des services de police qui relève du cadre logistique et administratif, sont traitées de manière identique.

A.3. Pour les parties requérantes, une analyse des travaux préparatoires démontre qu'il n'existe pas de justification raisonnable au critère de distinction utilisé par le législateur.

Le législateur, qui a constaté que « les citoyens n'apprécient pas toujours les contacts souvent agressifs ou du moins imposés par les démarcheurs », voudrait faire en sorte, par la disposition entreprise, que les citoyens ne se sentent plus contraints de répondre à une demande de soutien financier d'une organisation syndicale des services de police. La référence à l'article 8 de la loi du 25 mars 1998Documents pertinents retrouvés type loi prom. 25/03/1998 pub. 18/04/1998 numac 1998000203 source ministere de l'interieur Loi portant modification du statut syndical du personnel du corps opérationnel de la gendarmerie fermer portant modification du statut syndical du personnel du corps opérationnel de la gendarmerie et aux travaux préparatoires de cette loi ferait également apparaître qu'en adoptant la mesure critiquée, le législateur a voulu garantir l'autorité hiérarchique, la disponibilité et la neutralité des membres du corps opérationnel.

L'alignement du personnel du cadre administratif et logistique sur le personnel du cadre opérationnel se justifierait, aux termes des travaux préparatoires, « par la garantie que ce personnel du cadre administratif et logistique doit constamment apporter l'appui nécessaire au personnel de police ».

A.4. Les parties requérantes affirment que des associations de police autres que les organisations syndicales et les organisations syndicales d'autres agents de services publics peuvent collecter sans limitation légale des fonds de fonctionnement, bien que les citoyens pourraient également se sentir contraints, à l'égard de ceux-ci, de répondre à une demande de soutien financier et que de telles associations pourraient également voir compromises l'autorité hiérarchique, la disponibilité et la neutralité des membres.

Les parties requérantes soulignent que de très nombreux fonctionnaires publics ont un pouvoir de police et que certains sont même officiers de police judiciaire, ce qui les place dans une situation identique à celle d'un membre du personnel du service de police (par exemple les conducteurs de trains, les percepteurs des postes, les fonctionnaires des douanes, les inspecteurs du travail, les fonctionnaires de l'Inspection spéciale des impôts, etc.), alors qu'aucune mesure limitative ne s'applique à leurs organisations syndicales.

Il pourrait même être affirmé, aux dires des parties requérantes, que la neutralité, par exemple, d'un fonctionnaire du ministère des Finances qui demande un soutien financier aux citoyens pour son organisation syndicale est plus rapidement compromise que la neutralité d'un membre du personnel d'un service de police qui agit de même pour son organisation syndicale et que le citoyen se sentira plus rapidement contraint, à l'égard d'un fonctionnaire du ministère des Finances, d'accéder à sa demande de soutien financier de son organisation syndicale qu'à une demande analogue d'un policier, « qui est davantage un allié pour le citoyen, car il est le gardien de la sécurité de celui-ci ».

A.5. Aux yeux des parties requérantes, il n'y a pas de justification raisonnable au traitement égal du personnel du cadre administratif et logistique et du personnel du cadre opérationnel. Le fait que le personnel du cadre administratif et logistique doive toujours fournir l'appui nécessaire au personnel de police ne saurait, à leur estime, être utilisé pour justifier un traitement égal de leurs organisations syndicales respectives.

Les parties requérantes observent du reste que, pour justifier la disposition attaquée, le législateur ne renvoie qu'à l'influence exercée par des membres du personnel du cadre opérationnel des services de police et non par les membres du personnel du cadre administratif et logistique.

A.6. Les parties requérantes font valoir qu'il n'existe pas de rapport raisonnable entre les moyens employés et le but visé et que la disposition attaquée ne saurait dès lors résister au contrôle de proportionnalité.

Elles estiment d'abord que l'exigence de neutralité doit être nuancée puisqu'il est permis à un fonctionnaire de police d'être membre d' « un syndicat traditionnel, donc à coloration politique, adhésion par laquelle le fonctionnaire de police affiche sa couleur politique et philosophique et abandonne ainsi sa neutralité ».

Elles observent ensuite que l'article 8 de la loi du 25 mars 1998Documents pertinents retrouvés type loi prom. 25/03/1998 pub. 18/04/1998 numac 1998000203 source ministere de l'interieur Loi portant modification du statut syndical du personnel du corps opérationnel de la gendarmerie fermer, auquel le législateur s'est référé dans les travaux préparatoires de la disposition attaquée, ne s'applique qu'aux organisations syndicales du personnel du cadre opérationnel et n'interdit que la collecte directe de fonds de fonctionnement. En excluant également la possibilité qu'un intermédiaire tente de récolter des fonds de fonctionnement pour l'organisation syndicale, la disposition actuellement entreprise imposerait une limitation qui va au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l'objectif recherché. Les parties requérantes estiment que « lorsqu'un tiers, par exemple une agence de publicité, tente de récolter des fonds de fonctionnement pour une organisation syndicale d'un service de police, la neutralité est garantie et le citoyen ne se sent pas contraint de répondre à la demande, à supposer même qu'il en serait ainsi en cas de collecte directe, quod non ».

De l'avis des parties requérantes, la sanction prévue n'est pas davantage proportionnée au but fixé.

A.7. Les parties requérantes estiment enfin que le principe d'égalité est violé au motif que la disposition critiquée est dirigée contre les organisations syndicales autonomes, dénommées « professionnelles » ou « corporatistes » dans les travaux préparatoires, puisqu'elles seules doivent récolter des moyens financiers pour soutenir leur action syndicale de la manière définie par la disposition attaquée. Les organisations syndicales traditionnelles n'auraient pas besoin de ce type de collectes puisqu'elles obtiennent suffisamment de fonds de fonctionnement de leurs organisations politiques respectives.

Les parties requérantes affirment que les organisations syndicales autonomes risquent de perdre leur principale source de revenus par suite de la disposition entreprise, ce qui aura pour effet qu'elles n'auront plus de moyens pour poursuivre leurs activités syndicales et qu'elles seront donc menacées dans leur existence. La disposition attaquée irait ainsi à l'encontre de l'objectif général de la loi du 24 mars 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 24/03/1999 pub. 08/05/1999 numac 1999000340 source ministere de l'interieur Loi organisant les relations entre les autorités publiques et les organisations syndicales du personnel des services de police fermer, pour lequel les parties requérantes renvoient aux travaux préparatoires.

A.8. Le Conseil des ministres souligne tout d'abord que la disposition entreprise, dans le prolongement de ce qui a déjà été instauré par l'article 8 de la loi du 25 mars 1998Documents pertinents retrouvés type loi prom. 25/03/1998 pub. 18/04/1998 numac 1998000203 source ministere de l'interieur Loi portant modification du statut syndical du personnel du corps opérationnel de la gendarmerie fermer pour les organisations syndicales du corps opérationnel de la gendarmerie et par l'article 130 de la loi du 7 décembre 1998Documents pertinents retrouvés type loi prom. 07/12/1998 pub. 05/01/1999 numac 1998021488 source services du premier ministre Loi organisant un service de police intégré, structuré à deux niveaux fermer pour le personnel de police, étend l'interdiction de démarchage à toutes les associations agréées qui font état de leur qualité d'organisation syndicale du personnel de police.

A.9. En ce qui concerne le traitement inégal des organisations syndicales du personnel des services de police par rapport aux associations de police autres que les organisations syndicales, le Conseil des ministres estime que les catégories précitées ne sont pas comparables et que, à supposer qu'elles le soient, la distinction est néanmoins objectivement et raisonnablement justifiée. En effet, les organisations syndicales agréées, contrairement aux autres associations de police, entretiennent des rapports privilégiés avec les pouvoirs publics. Du fait de leur agrément, elles reçoivent des compétences spéciales et elles sont associées au fonctionnement des services publics.

Selon le Conseil des ministres, ces privilèges particuliers et l'agrément par l'autorité doivent être assortis de certaines mesures de contrôle et de certaines conditions « afin d'éviter que des pratiques répréhensibles de ces associations agréées - de par leur association à l'organisation et au fonctionnement des services publics - jettent une lumière négative sur le fonctionnement de ces services ». L'interdiction dénoncée des pratiques de démarchage constitue également une telle condition d'agrément. En effet, il découle de la sanction prévue à l'article 17 en cas d'infraction à cette interdiction - le retrait de l'agrément - que l'interdiction ne vaut que pour les organisations syndicales agréées.

A.10. Les parties requérantes répliquent à ce propos que les deux types d'associations comptent parmi leurs affiliés des membres du personnel des services de police et que les deux types d'associations de police font du démarchage auprès des citoyens pour collecter des fonds en vue de leur fonctionnement. L'objectif de la disposition entreprise n'est pas d'imposer aux organisations syndicales des services de police des conditions supplémentaires en vue de la reconnaissance de rapports privilégiés avec les pouvoirs publics, mais d'assurer au citoyen une certaine protection contre les « pratiques de démarchage » de la part de membres du personnel des services de police.

A.11. Pour ce qui est du traitement inégal des organisations syndicales du personnel des services de police par rapport aux organisations syndicales d'autres membres du personnel des pouvoirs publics, le Conseil des ministres renvoie, en guise de justification, aux travaux préparatoires de la disposition entreprise, ainsi qu'à la jurisprudence de la Cour, dont il ressort que le caractère spécifique d'un service de police - à savoir le fait qu'il s'agit d'un service qui se caractérise par excellence (donc encore plus que les autres services publics) par sa disponibilité, sa neutralité et son impartialité - peut non seulement justifier un statut (syndical) particulier pour les membres du personnel d'un tel service, mais peut également justifier des conditions particulières (d'agrément) pour les organisations syndicales de ce personnel.

A l'estime du Conseil des ministres, ces exigences particulières en matière de neutralité, d'impartialité et d'intégrité, ainsi que le passage des services de police vers une community policing que l'on tente de réaliser, justifient en l'espèce également de manière objective et raisonnable l'interdiction de démarchage, qui est conçue comme une condition d'agrément des organisations syndicales du personnel de police - et non des organisations syndicales des autres membres du personnel des pouvoirs publics.

A.12. Selon les parties requérantes, le Conseil des ministres n'a pas répondu de manière précise à cette branche du moyen. En effet, il ne justifie pas le traitement distinct des organisations syndicales des services de police par rapport aux organisations syndicales d'autres membres du personnel des services publics investis d'un pouvoir de police.

A.13. Pour ce qui est du traitement égal des organisations syndicales du personnel du corps opérationnel des services de police et des organisations syndicales du personnel administratif et logistique des services de police, le Conseil des ministres, se référant aux travaux préparatoires, estime que ce traitement égal est conforme à l'uniformisation du statut du corps opérationnel et du cadre administratif et logistique du personnel de police, laquelle a été entamée par l'instauration du code déontologique inscrit aux articles 123 à 132 de la loi du 7 décembre 1998Documents pertinents retrouvés type loi prom. 07/12/1998 pub. 05/01/1999 numac 1998021488 source services du premier ministre Loi organisant un service de police intégré, structuré à deux niveaux fermer. S'agissant de l'interdiction de démarchage, cet alignement se justifie encore plus dans le statut particulier commun à tous les membres du personnel des services de police. En effet, l'article 130 de la loi précitée avait déjà opéré cet alignement pour les membres du personnel eux-mêmes. L'article présentement attaqué opère le même alignement à l'égard des organisations syndicales.

Par ailleurs, le Conseil des ministres estime que le démarchage effectué par les organisations syndicales du personnel logistique et administratif des services de police pourrait, autant que le démarchage effectué par les organisations syndicales du corps opérationnel, compromettre l'exigence absolue d'impartialité et d'intégrité des services de police et la relation de confiance entre le citoyen et la police.

A.14. Selon les parties requérantes, les travaux préparatoires cités par le Conseil des ministres ne justifient la mise sur pied d'égalité du personnel des deux cadres que pour ce qui est des limitations apportées à l'exercice de leurs droits et libertés, mais non sur le plan de la collecte, par leurs organisations syndicales respectives, des fonds destinés à leur fonctionnement.

A.15. En ce qui concerne la distinction alléguée entre les organisations syndicales autonomes et les organisations syndicales traditionnelles, le Conseil des ministres précise que la disposition entreprise n'opère pas pareille distinction et qu'elle est dès lors indistinctement applicable à toutes les organisations syndicales (agréées) qui font état de leur qualité d'organisation syndicale du personnel des services de police. La distinction alléguée manque dès lors en fait.

Le Conseil des ministres souligne que l'interdiction ne s'applique à l'évidence pas aux organisations syndicales qui ne font pas état de leur qualité d'organisation syndicale du personnel de police. En effet, le lien manifeste entre une organisation syndicale et les services de police qui fait que les pratiques de démarchage de cette association peuvent compromettre l'intégrité et l'impartialité de ces services n'est présent que dans la mesure où cette organisation syndicale se profile comme représentant du personnel de police. Par conséquent, à supposer que la distinction dénoncée soit réelle, elle ne découle pas de la disposition entreprise, mais d'une situation purement factuelle.

A.16. Les parties requérantes ne répliquent pas à ce sujet.

A.17. Enfin, le Conseil des ministres réfute l'affirmation selon laquelle la disposition entreprise serait disproportionnée. Il est tout d'abord souligné que la relation de confiance que l'on veut instaurer entre la police et la population n'est pas compatible avec une situation dans laquelle les pratiques de démarchage visées créent, auprès de la population, un sentiment de contrainte et de menace potentielle émanant de ceux qui doivent la protéger.

Pour ce qui est des effets de la mesure entreprise, il ne saurait, selon le Conseil des ministres, être question de disproportion, étant donné que l'interdiction n'implique nullement que les organisations syndicales agréées ne puissent plus publier d'annonces dans leurs revues destinées aux membres. En effet, la mesure n'interdit pareille collecte de fonds qu'en tant qu'elle s'accompagne de pratiques de démarchage.

L'interdiction de démarchage ne conditionne du reste pas de manière absolue l'existence des organisations syndicales du personnel de police. Le non-respect de l'interdiction ne conduit pas à leur dissolution ou liquidation, mais uniquement au retrait de l'agrément.

Une organisation syndicale peut cependant aussi exercer ses activités sans cet agrément, sans toutefois pouvoir bénéficier des prérogatives mentionnées aux articles 14 et 15 de la loi du 24 mars 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 24/03/1999 pub. 08/05/1999 numac 1999000340 source ministere de l'interieur Loi organisant les relations entre les autorités publiques et les organisations syndicales du personnel des services de police fermer.

Le Conseil des ministres renvoie également à l'exemple des organisations syndicales du corps opérationnel de la gendarmerie, pour lesquelles l'interdiction de démarchage a déjà été instaurée par la loi du 25 mars 1998Documents pertinents retrouvés type loi prom. 25/03/1998 pub. 18/04/1998 numac 1998000203 source ministere de l'interieur Loi portant modification du statut syndical du personnel du corps opérationnel de la gendarmerie fermer. Cette interdiction ne les a nullement empêchées de déployer leurs activités et n'a pas davantage entraîné une diminution démontrable du nombre de membres. Dans la mesure où les parties requérantes réunissent les conditions pour pouvoir être considérées comme organisations syndicales représentatives, elles peuvent, pour assurer la continuité de leur fonctionnement, recourir aussi au régime des primes syndicales ( loi du 1er septembre 1980Documents pertinents retrouvés type loi prom. 01/09/1980 pub. 05/10/2012 numac 2012000585 source service public federal interieur Loi relative à l'octroi et au paiement d'une prime syndicale à certains membres du personnel du secteur public. - Coordination officieuse en langue allemande de la version fédérale fermer).

A l'estime du Conseil des ministres, la disproportion entre la mesure et les objectifs poursuivis ne se déduit pas davantage de la circonstance que l'interdiction porte tant sur le démarchage direct que sur le démarchage par un intermédiaire. Si seul le démarchage direct était interdit, cette interdiction pourrait facilement être contournée et la même pression pourrait toujours être exercée sur les citoyens. Cette interdiction générale s'inscrit par ailleurs dans le prolongement de l'interdiction comparable contenue dans l'article 130 de la loi du 7 décembre 1998Documents pertinents retrouvés type loi prom. 07/12/1998 pub. 05/01/1999 numac 1998021488 source services du premier ministre Loi organisant un service de police intégré, structuré à deux niveaux fermer pour le personnel de police lui-même et dans l'article 8 de la loi du 25 mars 1998Documents pertinents retrouvés type loi prom. 25/03/1998 pub. 18/04/1998 numac 1998000203 source ministere de l'interieur Loi portant modification du statut syndical du personnel du corps opérationnel de la gendarmerie fermer pour les organisations syndicales du personnel de la gendarmerie. En effet, cette dernière disposition est formulée de façon suffisamment extensive pour porter sur les pratiques de démarchage directes comme sur les pratiques de démarchage indirectes.

Enfin, le Conseil des ministres indique qu'il est apparu des plaintes qui ont nécessité l'intervention du législateur que la pression morale a été ressentie par la population uniquement - ou en tout cas au plus haut point - lors de la collecte de fonds par et pour les organisations syndicales des services de police. - B - B.1. Les parties requérantes demandent l'annulation de l'article 17 de la loi du 24 mars 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 24/03/1999 pub. 08/05/1999 numac 1999000340 source ministere de l'interieur Loi organisant les relations entre les autorités publiques et les organisations syndicales du personnel des services de police fermer organisant les relations entre les autorités publiques et les organisations syndicales du personnel des services de police. Cet article dispose : « Sous réserve de l'article 15, 2°, il est interdit aux organisations syndicales, en faisant état de leur qualité d'organisation syndicale du personnel des services de police, de solliciter, elles-mêmes ou par personne interposée, des fonds destinés à assurer leur fonctionnement, au moyen de pratiques de démarchage, sous quelque forme que ce soit.

Le non-respect de cette interdiction entraîne le retrait de l'agrément de l'organisation syndicale. » Aux termes du susdit article 15, 2°, les organisations syndicales représentatives peuvent percevoir les cotisations syndicales dans les locaux pendant les heures de service.

B.2. La disposition entreprise s'inscrit dans le cadre de la réglementation des relations entre les pouvoirs publics et les organisations syndicales agréées du personnel des services de police.

Ce régime se rapproche du régime de droit commun tel qu'il est compris dans la loi du 19 décembre 1974Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/12/1974 pub. 05/10/2012 numac 2012000586 source service public federal interieur Loi organisant les relations entre les autorités publiques et les syndicats des agents relevant de ces autorités. - Coordination officieuse en langue allemande fermer organisant les relations entre les autorités publiques et les syndicats des agents relevant de ces autorités, mais prévoit également une série de dispositions particulières dictées par les exigences essentielles de disponibilité, de neutralité et d'impartialité (Doc. parl., Chambre, 1998-1999, n° 1959/1, pp. 1-2).

L'article 17 entrepris peut être considéré comme une telle disposition particulière. Il impose une interdiction de démarchage aux organisations syndicales du personnel des services de police parce que « les citoyens n'appréciaient pas toujours les contacts souvent agressifs ou du moins imposés par les démarcheurs. Encore plus qu'avant, ils ne doivent pas se sentir contraints, sur la base de cette disposition, de répondre à une demande de soutien financier d'une organisation syndicale des services de police, sous la forme d'insertion de publicités, de vente de gadgets, de cartes de soutien, d'autocollants, de vidéos, boîtes à pansements, agendas, ... » (ibid., p. 12). B.3.1. Selon les parties requérantes, la disposition entreprise viole les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'elle traite les organisations syndicales du personnel des services de police différemment des autres associations du personnel de police, d'une part, et des organisations syndicales d'autres catégories de membres du personnel des pouvoirs publics, d'autre part.

B.3.2. Les deux griefs portent essentiellement sur le fait que le législateur, en instaurant une interdiction pour la catégorie à laquelle appartiennent les requérants et non pour d'autres, aurait créé une discrimination au détriment de la première catégorie.

B.3.3. Il n'appartient pas à la Cour d'apprécier si la mesure critiquée est opportune ou souhaitable. L'adoption d'une réglementation qui, en vue d'assurer réellement la neutralité et l'impartialité des services de police, prémunit les citoyens contre toute forme d'abus de pouvoir exercé par des membres d'organisations syndicales du personnel de police, relève de la liberté politique du législateur.

Il appartient seulement à la Cour d'apprécier si le législateur, en imposant l'interdiction de démarchage à certaines organisations, respecte ou non les articles 10 et 11 de la Constitution.

B.3.4. Les règles constitutionnelles de l'égalité et de la non-discrimination n'excluent pas qu'une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu'elle repose sur un critère objectif et qu'elle soit raisonnablement justifiée. Les mêmes règles s'opposent, par ailleurs, à ce que soient traitées de manière identique, sans qu'apparaisse une justification raisonnable, des catégories de personnes se trouvant dans des situations qui, au regard de la mesure considérée, sont essentiellement différentes.

L'existence d'une telle justification doit s'apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause; le principe d'égalité est violé lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.

B.3.5. La seule circonstance que l'interdiction de démarchage n'est imposée qu'à une catégorie déterminée d'associations du personnel de police ne peut pas en soi être considérée comme suffisante pour en démontrer le caractère discriminatoire.

Lorsque le législateur prend des mesures à l'égard de certaines catégories d'associations en vue d'assurer la neutralité et l'impartialité d'un service public déterminé, en l'espèce le service de police, juger discriminatoire pareille façon d'agir reviendrait à utiliser le principe d'égalité pour s'opposer à tout changement qui ne se réaliserait que par étapes.

B.3.6. Pour ce qui est des autres catégories du personnel des pouvoirs publics, même le personnel investi d'une forme particulière de pouvoir de police, il convient d'observer que - sans préjudice de la différence fondamentale entre une organisation syndicale dont les membres relèvent tous du personnel de police et une organisation syndicale dont seuls certains membres ont une compétence de police - le service spécifique de maintien de l'ordre du personnel de police, qui implique un rapport d'autorité particulier et un contact permanent avec les citoyens, peut être considéré comme étant tel que les agents de police, lorsqu'ils se livrent à des pratiques de démarchage en tant que membres d'organisations syndicales du personnel de police, s'exposent à un risque accru d'abus de pouvoir et d'atteinte à leur neutralité et leur impartialité.

B.3.7. Pour ce qui est des autres associations du personnel de police, il échet d'observer que l'interdiction litigieuse s'inscrit dans le cadre d'un régime global qui concerne en particulier les organisations syndicales du personnel de police et que les organisations syndicales, à l'inverse des autres associations, en raison du rôle qu'elles jouent dans les procédures de concertation et d'avis s'agissant des questions de personnel, se trouvent dans une situation privilégiée dans leurs rapports avec les pouvoirs publics. En effet, leur agrément leur confère des compétences particulières et elles sont de ce fait associées au fonctionnement des services publics.

B.3.8. Il relève du pouvoir d'appréciation du législateur de considérer l'objectif consistant à garantir un service public neutre et impartial comme primordial à l'égard des organisations syndicales du personnel de police.

B.4.1. Selon les parties requérantes, le traitement égal du personnel des services de police qui appartient au cadre opérationnel et du personnel des services de police qui appartient au cadre logistique et administratif est lui aussi constitutif d'une violation des articles 10 et 11 de la Constitution.

B.4.2. Le législateur a estimé que le traitement égal était justifié par « la garantie que ce personnel du cadre administratif et logistique doit constamment apporter l'appui nécessaire au personnel de police » et par la circonstance que les différentes catégories de membres du personnel des services de police « collaborent de façon totalement complémentaire » (Doc. parl., Chambre, 1998-1999, n° 1959/1, p. 3).

B.4.3. Il résulte de ce qui précède qu'en l'espèce, les catégories de membres du personnel respectives ne se trouvent pas dans des situations fondamentalement différentes. En effet, rien ne permet de supposer que la circonstance que les prestations des membres des cadres respectifs, en particulier eu égard à la complémentarité des prestations du personnel concerné, sont d'une nature différente amenuiserait sensiblement le risque mentionné au B.3.6 lorsque les uns ou les autres, en tant que membres d'une organisation du personnel de police, se livrent à des pratiques de démarchage.

B.5.1. La Cour doit encore examiner si la disposition entreprise résiste au contrôle de proportionnalité.

B.5.2. Selon les parties requérantes, la disposition entreprise, en excluant également la possibilité de collecter des moyens de fonctionnement par personne interposée, irait au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre le but poursuivi. Elles estiment encore que la mesure affecte les organisations syndicales autonomes de façon disproportionnée par comparaison avec les organisations syndicales traditionnelles. Elles considèrent enfin que la sanction prévue par la disposition entreprise n'est pas proportionnée au but poursuivi.

B.5.3. Le fait que l'interdiction des pratiques de démarchage s'applique également aux fonds de fonctionnement collectés par des intermédiaires repose sur les mêmes motifs que ceux qui fondent l'interdiction de collecte directe. La mesure peut raisonnablement être considérée comme nécessaire pour éviter que l'on contourne l'interdiction.

Ce constat n'est pas remis en cause par une comparaison avec l'article 8 de la loi du 25 mars 1998Documents pertinents retrouvés type loi prom. 25/03/1998 pub. 18/04/1998 numac 1998000203 source ministere de l'interieur Loi portant modification du statut syndical du personnel du corps opérationnel de la gendarmerie fermer portant modification du statut syndical du personnel du corps opérationnel de la gendarmerie, disposition qui interdit aux organisations syndicales faisant état de leur qualité d'organisation syndicale du personnel de la gendarmerie « de récolter des fonds destinés à assurer leur fonctionnement au moyen de pratiques de démarchage, sous quelque forme que ce soit ». Contrairement à ce que soutiennent les requérants, il ne se déduit pas du libellé de cette disposition que les organisations syndicales du personnel de la gendarmerie seraient autorisées à collecter des fonds de fonctionnement par personne interposée.

B.5.4. La disposition entreprise est indistinctement applicable aux organisations syndicales autonomes et traditionnelles qui font état de leur qualité d'organisation syndicale du personnel de police des services de police. La circonstance qu'il en résulterait que, comme l'observent les parties requérantes, le financement des seules organisations syndicales autonomes serait affecté ne rend pas en soi la mesure disproportionnée par rapport aux objectifs poursuivis.

B.5.5. Enfin, la sanction prévue par la disposition entreprise ne peut être considérée comme disproportionnée, dès lors que le non-respect de l'interdiction de démarchage a pour seul effet le retrait de l'agrément de l'organisation syndicale. L'organisation syndicale n'est pas, de ce fait, empêchée de poursuivre ses activités; elle ne pourra seulement plus faire valoir les prérogatives mentionnées à l'article 14 de la loi du 24 mars 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 24/03/1999 pub. 08/05/1999 numac 1999000340 source ministere de l'interieur Loi organisant les relations entre les autorités publiques et les organisations syndicales du personnel des services de police fermer.

B.5.6. Pour le surplus, les parties requérantes ne démontrent pas que l'interdiction litigieuse serait disproportionnée, ni qu'elle pourrait compromettre l'existence de certaines organisations syndicales.

B.6. Les moyens ne sont pas fondés.

Par ces motifs, la Cour rejette le recours.

Ainsi prononcé en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 11 octobre 2000.

Le greffier, L. Potoms.

Le président f.f., H. Boel.

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