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Arrêt
publié le 10 mars 2005

Extrait de l'arrêt n° 17/2005 du 19 janvier 2005 Numéro du rôle : 3094 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 318, § 3, alinéa 1 er , 2°, du Code civil, posée par le Tribunal de première instance de Termonde La Cour d'arbitrage, composée des présidents A. Arts et M. Melchior, et des juges P. Martens, R.(...)

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COUR D'ARBITRAGE


Extrait de l'arrêt n° 17/2005 du 19 janvier 2005 Numéro du rôle : 3094 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 318, § 3, alinéa 1er, 2°, du Code civil, posée par le Tribunal de première instance de Termonde.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents A. Arts et M. Melchior, et des juges P. Martens, R. Henneuse, M. Bossuyt, E. De Groot et L. Lavrysen, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président A. Arts, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par jugement du 23 septembre 2004 en cause de Johan W. contre N. Araamoune et S. Wauman, en sa qualité de tuteur ad hoc de l'enfant mineur Jonas W., dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour d'arbitrage le 4 octobre 2004, le Tribunal de première instance de Termonde a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 318, § 3, alinéa 2, du Code civil ne viole-t-il pas le principe d'égalité et de non-discrimination (violation des articles 10 et 11 de la Constitution) dès lors qu'à moins que l'enfant n'ait la possession d'état à l'égard des deux époux ou qu'il n'y ait eu réunion de fait de ceux-ci au temps de la conception, la demande est déclarée fondée lorsque l'enfant est né plus de 300 jours après la date de la séparation de fait, en cas de divorce prononcé en vertu des articles 229, 231 ou 232, mais non lorsque le divorce a été prononcé en application de l'article 233 du Code civil ? » Le 27 octobre 2004, en application de l'article 72, alinéa 1er, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, les juges-rapporteurs M. Bossuyt et P. Martens ont informé la Cour qu'ils pourraient être amenés à proposer de rendre un arrêt de réponse immédiate. (...) III. En droit (...) B.1. L'article 318 du Code civil dispose : « § 1er. La paternité du mari peut être contestée s'il est prouvé qu'il ne peut être le père de l'enfant. § 2. Cette preuve peut être fournie par toutes voies de droit. § 3. A moins que l'enfant n'ait la possession d'état à l'égard des deux époux ou qu'il n'y ait eu réunion de fait de ceux-ci au temps de la conception, la demande est déclarée fondée : 1° lorsque l'enfant est né plus de 300 jours après l'audience d'introduction visée à l'article 1258 du Code judiciaire et qu'un procès-verbal de conciliation n'a pas été établi, ou après l'ordonnance du président siégeant en référé et autorisant les époux à résider séparément, ou après la déclaration prévue à l'article 1289 du même Code, et moins de 180 jours après le rejet définitif de la demande ou depuis la conciliation des époux;2° lorsque l'enfant est né plus de 300 jours après la date de la séparation de fait en cas de divorce prononcé en vertu des articles 229, 231 ou 232;3° lorsque l'enfant est né plus de 300 jours après une ordonnance du juge de paix rendue en vertu de l'article 223 du présent Code et autorisant les époux à résider séparément, et moins de 180 jours après que cette mesure a pris fin, ou après la réunion de fait des époux;4° lorsque la filiation maternelle est établie par reconnaissance ou par décision judiciaire;5° lorsque le mari introduit l'action avant que la filiation maternelle ne soit établie. Dans tous ces cas, la preuve de la paternité peut être administrée par toutes voies de droit. § 4. La demande n'est pas recevable si le mari a consenti à l'insémination artificielle ou à un autre acte ayant la procréation pour but, sauf si la conception de l'enfant ne peut en être la conséquence. » B.2. L'article 318, § 3, alinéa 1er, 2°, du Code civil crée, entre les personnes qui veulent introduire une action en contestation de paternité, une différence de traitement en ce que l'action peut être introduite lorsque le divorce a été prononcé sur la base des articles 229, 231 ou 232 du même Code, mais non lorsqu'il s'agit d'un divorce par consentement mutuel prononcé sur la base de l'article 233 de ce Code.

B.3. Les règles constitutionnelles de l'égalité et de la non-discrimination n'excluent pas qu'une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu'elle repose sur un critère objectif et qu'elle soit raisonnablement justifiée.

L'existence d'une telle justification doit s'apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause; le principe d'égalité est violé lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.

B.4.1. La différence de traitement en cause repose sur un critère objectif, à savoir le mode d'obtention du divorce. La Cour doit toutefois vérifier si ce critère est pertinent par rapport au but poursuivi par la loi.

B.4.2. La disposition en cause trouve son origine dans la loi du 1er juillet 1974 modifiant certains articles du Code civil et du Code judiciaire relatifs au divorce, qui institua le divorce pour cause de séparation de fait de plus de dix ans (durée raccourcie par la suite).

Le législateur a estimé que la paternité du mari de la mère de l'enfant né plus de 300 jours après le début de la séparation de fait de la mère et de son époux peut être contestée, s'il est démontré que le mari ne peut être le père de l'enfant. La loi du 31 mars 1987 qui réforma le droit de la filiation reprit cette hypothèse à l'article 318, § 3, alinéa 1er, 2°, du Code civil. Dans la rédaction qui avait été donnée à l'article 318 lors de la réforme du droit de la filiation par la loi du 31 mars 1987, la contestation de paternité aux conditions de cet article était limitée à la seule hypothèse où le divorce est prononcé pour cause de séparation de fait. Cette possibilité de contestation fut ensuite étendue par la loi du 27 décembre 1994Documents pertinents retrouvés type loi prom. 27/12/1994 pub. 02/02/2016 numac 2016015011 source service public federal affaires etrangeres, commerce exterieur et cooperation au developpement Loi portant assentiment de l'Accord relatif à la perception d'un droit d'usage pour l'utilisation de certaines routes par des véhicules utilitaires lourds, signé à Bruxelles le 9 février 1994, entre les gouvernements de la République fédérale d'Allemagne, du Royaume de Belgique, du Royaume du Danemark, du grand-duché de Luxembourg et du Royaume des Pays-Bas et instaurant une Eurovignette, conformément à la Directive 93/89/CEE du Conseil des Communautés européennes du 25 octobre 1993 type loi prom. 27/12/1994 pub. 03/09/2019 numac 2019041954 source service public federal affaires etrangeres, commerce exterieur et cooperation au developpement Loi portant assentiment de l'Accord relatif à la perception d'un droit d'usage pour l'utilisation de certaines routes par des véhicules utilitaires lourds, signé à Bruxelles le 9 février 1994, entre les Gouvernements de la République fédérale d'Allemagne, du Royaume de Belgique, du Royaume du Danemark, du grand-duché de Luxembourg et du Royaume des Pays-Bas et instaurant une Eurovignette, conformément à la Directive 93/89/CEE du Conseil des Communautés européennes du 25 octobre 1993. -- Addendum fermer aux cas où la séparation de fait est suivie d'un divorce pour cause déterminée en vertu des articles 229 ou 231 du Code civil.

En revanche, cette possibilité ne fut pas étendue aux cas où la séparation de fait est suivie d'un divorce par consentement mutuel.

B.4.3. La possibilité de contester la paternité du conjoint de la mère lorsque l'enfant est né plus de 300 jours après la séparation de fait de sa mère et de celui-ci, répond à l'un des objectifs poursuivis par le législateur lors de l'adoption de la loi du 31 mars 1987. Il s'agissait en effet, en ce qui concerne la filiation, de « cerner le plus près possible la vérité », c'est-à-dire la « filiation biologique » (Doc. parl., Sénat, 1977-1978, n° 305-1, p. 3). Cet objectif était toutefois tempéré par la volonté du législateur de prendre en considération et de protéger « la paix des familles » (ibid., p. 15).

Pour concilier, dans une certaine mesure, ces deux objectifs, le législateur a soumis à certaines conditions la contestation de paternité visée à l'article 318, § 3, alinéa 1er, 2°, du Code civil et il l'a exclue lorsque l'enfant a la possession d'état à l'égard des deux époux ou qu'il y a eu réunion de fait de ceux-ci au temps de la conception. Il appartient au juge d'examiner cas par cas si ces conditions sont réunies.

B.4.4. Le critère du mode de divorce ne présente pas de lien de pertinence avec les objectifs ainsi poursuivis. Si la paternité du mari n'est pas corroborée par la possession d'état, dès lors qu'une séparation de fait est suivie d'un divorce et qu'un enfant est né plus de 300 jours après cette séparation de fait, il n'existe plus aucune raison de refuser le droit de contester la paternité du conjoint. Le juge doit vérifier qu'une séparation de fait a réellement eu lieu plus de 300 jours avant la naissance, de manière à rencontrer le souci du législateur d'approcher autant que possible la réalité lors de l'établissement de la filiation.

En outre, lorsque le divorce est prononcé, qu'il le soit pour séparation de fait, pour cause déterminée ou par consentement mutuel, le noyau familial disparaît et il n'y a donc plus, dans aucune hypothèse, de « paix des familles » à protéger.

B.5. La question préjudicielle appelle une réponse positive.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 318, § 3, alinéa 1er, 2°, du Code civil viole les articles 10 et 11 de la Constitution en tant qu'il ne mentionne pas le divorce par consentement mutuel.

Ainsi prononcé en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 19 janvier 2005.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux.

Le président, A. Arts.

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