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Arrêt
publié le 22 janvier 2008

Extrait de l'arrêt n° 135/2007 du 7 novembre 2007 Numéros du rôle : 4078, 4147 et 4180 En cause : les questions préjudicielles relatives à l'article 1382 du Code civil, posées par le Tribunal de première instance de Charleroi, le Tribunal d La Cour constitutionnelle, composée des présidents M. Melchior et M. Bossuyt, des juges P. Marte(...)

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Extrait de l'arrêt n° 135/2007 du 7 novembre 2007 Numéros du rôle : 4078, 4147 et 4180 En cause : les questions préjudicielles relatives à l'article 1382 du Code civil, posées par le Tribunal de première instance de Charleroi, le Tribunal de police de Liège et le Tribunal de police de Verviers.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents M. Melchior et M. Bossuyt, des juges P. Martens, R. Henneuse, E. De Groot, L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke et J. Spreutels, et, conformément à l'article 60bis de la loi spéciale du 6 janvier 1989, du président émérite A. Arts, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président M. Melchior, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des questions préjudicielles et procédure a. Par jugement du 16 novembre 2006 en cause de Philippe Fontenelle contre Philippe Pussemier et en présence de l'Etat belge et de la SA « KBC Assurances », dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 30 novembre 2006, le Tribunal de première instance de Charleroi a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 1382 du Code civil viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution en ce que cette disposition, telle qu'elle est interprétée par la Cour de Cassation, notamment dans ses arrêts des 19 février 2001, 20 février 2001, 13 juin 2001, 16 octobre 2001, 30 janvier 2002 et 10 avril 2003, induit une différence de traitement entre d'une part le tiers responsable d'un accident dont serait victime un agent du secteur public et d'autre part le tiers responsable d'un accident dont serait victime un travailleur du secteur privé ? ».b. Par jugement du 13 février 2007 en cause de « Ethias Assurance » contre la SA « Corona Direct », dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 19 février 2007, le Tribunal de police de Liège a posé les questions préjudicielles suivantes : 1.« L'article 1382 du Code civil viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution en ce que ses dispositions, telles qu'interprétées par la Cour de Cassation, notamment dans ses arrêts des 19 février 2001, 20 février 2001, 13 juin 2001, 16 octobre 2001, 30 janvier 2002 et 10 avril 2003, induit une différence de traitement entre, d'une part, le tiers responsable d'un accident dont serait victime un agent du secteur public et, d'autre part, le tiers responsable d'un accident dont serait victime un travailleur du secteur privé en raison de leur demande d'indemnisation du préjudice matériel qu'ils subissent à la suite des lésions corporelles encourues à la suite de cet accident ? »; 2. « L'article 1382 du Code civil viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution en ce que ses dispositions, telles qu'interprétées par la Cour de Cassation, notamment dans ses arrêts des 19 février 2001, 20 février 2001, 13 juin 2001, 16 octobre 2001, 30 janvier 2002 et 10 avril 2003, induit une différence de traitement dans le chef de la victime d'un accident survenu dans le secteur public par rapport à la victime d'un accident survenu dans le secteur privé dès lors que la première pourrait se voir réclamer par l'auteur partiellement responsable de l'accident sa part contributive et devoir ainsi rembourser les indemnités qu'elle perçoit en raison de son statut ? ».c. Par jugement du 26 mars 2007 en cause de « Ethias Accidents du Travail » contre la SA « Swiss Life Belgium », dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 30 mars 2007, le Tribunal de police de Verviers a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 1382 du Code civil viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution en ce que cette disposition, telle qu'elle est interprétée par la Cour de Cassation, notamment dans ses arrêts des 19 février 2001, 20 février 2001, 13 juin 2001, 16 octobre 2001, 30 janvier 2002 et 10 avril 2003, induit une différence de traitement entre, d'une part, le tiers responsable d'un accident dont serait victime un agent du secteur public et, d'autre part, le tiers responsable d'un accident dont serait victime un travailleur du secteur privé ? ». Ces affaires, inscrites sous les numéros 4078, 4147 et 4180 du rôle de la Cour, ont été jointes. (...) III. En droit (...) Quant aux mémoires introduits par la SA « Swiss Life Belgium » B.1.1. La SA « Swiss Life Belgium » a introduit un mémoire le 2 mai 2007 et deux mémoires en réponse, le 31 mai et le 7 juin 2007.

Celui-ci indique qu'il constitue une réponse « au mémoire en réponse déposé par la SA 'Ethias Assurance' dans les affaires jointes 4078, 4147 et 4180 ».

B.1.2. L'article 89, § 1er, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 dispose : « Lorsque la Cour statue, à titre préjudiciel, sur les questions visées à l'article 26, le greffier transmet une copie des mémoires déposés aux autres parties ayant introduit une requête ou déposé un mémoire. Elles disposent alors de trente jours à dater du jour de la réception pour faire parvenir au greffe un mémoire en réponse. A l'expiration de ce délai, le greffier transmet aux autres parties ayant introduit une requête, une copie des mémoires de réponse déposés ».

Il résulte de cette disposition que le mémoire en réponse déposé par la SA « Swiss Life Belgium » le 7 juin 2007 n'est pas recevable.

Quant au fond B.2.1. L'article 1382 du Code civil dispose : « Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer ».

B.2.2. L'article 160 de la loi du 21 décembre 1994Documents pertinents retrouvés type loi prom. 21/12/1994 pub. 07/03/2012 numac 2012000130 source service public federal interieur Loi portant des dispositions sociales et diverses . - Traduction allemande d'extraits fermer portant des dispositions sociales et diverses dispose : « § 1er. L'Etat est subrogé de plein droit dans les droits et actions des bénéficiaires à l'égard de tiers responsables, à concurrence des montants dépensés à charge de l'Etat, pour les frais médicaux, pour les traitements, allocations et indemnités déboursés en faveur du membre du personnel pendant la période d'absence pour motif de santé qui résulte de l'acte dommageable et pour les autres frais supportés par l'Etat.

Cette subrogation vaut pour la totalité des sommes qui sont dues en vertu de la législation belge ou étrangère, en réparation totale ou partielle des dommages causés au membre du personnel par les tiers responsables. § 2. Le § 1er est applicable à l'ensemble des services publics fédéraux, qu'ils soient ou non dotés de la personnalité juridique ».

B.2.3. Les articles 52, § 4, et 75 de la loi du 3 juillet 1978Documents pertinents retrouvés type loi prom. 03/07/1978 pub. 12/03/2009 numac 2009000158 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail type loi prom. 03/07/1978 pub. 03/07/2008 numac 2008000527 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail Coordination officieuse en langue allemande fermer relative aux contrats de travail disposent, en ce qui concerne, respectivement, les ouvriers et les employés (en ce compris ceux occupés dans les services publics sur une base contractuelle) : «

Art. 52.[...] § 4. L'employeur dispose contre les tiers responsables de l'accident visé au § 1er, d'une action en remboursement de la rémunération payée à la victime et des cotisations sociales auxquelles l'employeur est tenu par la loi ou par une convention individuelle ou collective de travail ». «

Art. 75.L'employeur dispose contre les tiers responsables des accidents, des accidents du travail, des accidents survenus sur le chemin du travail et des maladies professionnelles ayant entraîné une suspension de l'exécution du contrat au sens des articles 70, 71 et 72, d'une action en remboursement de la rémunération payée à la victime et des cotisations sociales auxquelles il est tenu par la loi ou par une convention individuelle ou collective de travail ».

Quant au tiers responsable (affaires n° 4078 et n° 4180 et première question préjudicielle dans l'affaire n° 4147) B.3.1. Les questions préjudicielles portent sur la différence de traitement que l'article 1382 du Code civil créerait entre les tiers responsables d'un accident suivant que la victime serait un agent des services publics ou un travailleur du secteur privé, en ce que, selon la jurisprudence de la Cour de Cassation, l'autorité publique pourrait, à l'encontre du tiers responsable ou de son assureur, exercer non seulement un recours subrogatoire mais aussi une action fondée sur l'article 1382 du Code civil, alors que cette dernière possibilité ne serait pas ouverte à un employeur du secteur privé.

B.3.2. Contrairement à ce que soutient « Ethias Assurance », il s'agit là de situations comparables puisqu'elles visent l'une et l'autre la mesure dans laquelle l'employeur peut se retourner contre le tiers responsable d'un accident dont la victime accomplissait des prestations de travail au profit du premier.

B.4. L'exposé des motifs de la loi du 21 décembre 1994Documents pertinents retrouvés type loi prom. 21/12/1994 pub. 07/03/2012 numac 2012000130 source service public federal interieur Loi portant des dispositions sociales et diverses . - Traduction allemande d'extraits fermer précitée indique à propos de la disposition devenue l'article 160 : « Elle vise à donner à l'Etat - donc à l'ensemble des services publics fédéraux - le bénéfice d'une subrogation légale pour le remboursement de tous les frais occasionnés par le dommage dont serait victime un membre du personnel par la faute d'un tiers responsable.

Actuellement cette procédure n'existe que dans la loi sur la réparation des accidents du travail dans le secteur public.

Elle remplacera avantageusement la possibilité de subrogation conventionnelle qui, en raison de sa lourdeur, n'est pratiquement jamais utilisée » (Doc. parl., Sénat, 1994-1995, n° 1218-1, p. 69).

B.5. L'autorité publique qui est tenue, en tant qu'employeur, de payer le traitement habituel et les charges et impôts y afférents durant la période d'incapacité de travail d'un agent victime d'un accident dont un tiers est responsable, peut exercer un recours contre celui-ci.

Elle dispose à cette fin d'une action subrogatoire - d'origine législative ou d'origine conventionnelle - qui lui permet d'agir en lieu et place de la victime. La réponse à la question de savoir si l'autorité dispose aussi, pour obtenir le remboursement des charges supportées, d'une action fondée sur l'article 1382 du Code civil et si les paiements effectués par l'employeur public (sur la base de son obligation législative, réglementaire ou contractuelle et sans obtenir de prestations de travail en contrepartie) constituent un préjudice indemnisable, en relation causale avec la faute du tiers, a connu une évolution dans la jurisprudence de la Cour de Cassation. Elle y a dans le passé répondu négativement. Depuis 2001, elle reconnaît le bénéfice de l'article 1382 du Code civil à l'employeur, lequel ne se heurte donc plus aux restrictions découlant de l'action subrogatoire. Elle décide en effet : « Attendu qu'en vertu des articles 1382 et 1383 du Code civil, celui qui cause à autrui un dommage par sa faute est tenu d'indemniser intégralement ce dommage, ce qui implique le rétablissement du préjudicié dans l'état où il serait demeuré si l'acte dont il se plaint n'avait pas été commis;

Que l'autorité qui, à la suite de la faute d'un tiers, est tenue, en vertu d'une obligation légale ou réglementaire qui lui incombe, de continuer à payer le traitement et les cotisations dues sur ce traitement sans recevoir des prestations de travail en contrepartie, a droit à une indemnité dans la mesure où elle subit ainsi un dommage;

Qu'en effet, l'existence d'une obligation contractuelle, légale ou réglementaire n'exclut pas qu'il y ait un dommage au sens de l'article 1382 du Code civil, sauf s'il résulte de la teneur ou de la portée de la convention, de la loi ou du règlement, que la dépense ou la prestation à intervenir doit définitivement rester à charge de celui qui s'y est obligé ou qui doit l'exécuter en vertu de la loi ou du règlement » (Cass., 19 février 2001, Pas. 2001, n° 99; voy. aussi : Cass., 30 janvier 2002, Pas. 2002, n° 63; 4 mars 2002, Pas. 2002, n° 154; 9 avril 2003, Pas. 2003, n° 235; 10 avril 2003, Pas. 2003, n° 245).

B.6. Dans l'interprétation des juges a quo, le bénéfice du cumul de l'action subrogatoire et de l'action fondée sur l'article 1382 du Code civil ne serait ouvert qu'à l'employeur public, l'employeur privé ne disposant que de l'action subrogatoire.

B.7. Les litiges à l'occasion desquels la Cour est interrogée portent tantôt sur un accident du travail ou un accident survenu sur le chemin du travail, tantôt sur un autre accident.

En ce qui concerne les accidents du travail et les accidents survenus sur le chemin du travail B.8. Il peut être admis que le dommage auquel est confronté l'employeur public qui, en raison de l'incapacité de travail frappant son agent victime d'un accident causé par un tiers, doit garantir à cet agent, sans contrepartie, des prestations financières et réorganiser ses services, présente des points communs avec celui auquel serait confronté, dans des circonstances analogues, un employeur du secteur privé.

Il y a lieu, cependant, de tenir compte de ce que la législation sur les accidents du travail dans le secteur privé (article 49 de la loi du 10 avril 1971Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/04/1971 pub. 23/03/2018 numac 2018030615 source service public federal interieur Loi sur les accidents du travail type loi prom. 10/04/1971 pub. 17/10/2014 numac 2014000710 source service public federal interieur Loi sur les accidents du travail type loi prom. 10/04/1971 pub. 11/06/1998 numac 1998000213 source ministere de l'interieur Loi sur les accidents du travail - Traduction allemande fermer) met à charge de l'employeur une obligation que la législation sur les accidents du travail dans le secteur public ( loi du 3 juillet 1967Documents pertinents retrouvés type loi prom. 03/07/1967 pub. 24/10/2001 numac 2001000905 source ministere de l'interieur Loi sur la prévention ou la réparation des dommages résultant des accidents du travail, des accidents survenus sur le chemin du travail et des maladies professionnelles dans le secteur public. - Traduction allemande type loi prom. 03/07/1967 pub. 23/03/2018 numac 2018030614 source service public federal interieur Loi sur la prévention ou la réparation des dommages résultant des accidents du travail, des accidents survenus sur le chemin du travail et des maladies professionnelles dans le secteur public. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer) ne prévoit pas, à savoir celle de souscrire une assurance qui, si elle oblige l'employeur privé au paiement de primes, ne lui impose que des obligations limitées à l'égard du travailleur, lequel peut agir directement contre l'assureur. L'autorité publique, en revanche, reste tenue de rétribuer l'agent, conformément aux dispositions qui lui sont applicables et de lui octroyer les rentes et indemnités prévues par la loi du 3 juillet 1967Documents pertinents retrouvés type loi prom. 03/07/1967 pub. 24/10/2001 numac 2001000905 source ministere de l'interieur Loi sur la prévention ou la réparation des dommages résultant des accidents du travail, des accidents survenus sur le chemin du travail et des maladies professionnelles dans le secteur public. - Traduction allemande type loi prom. 03/07/1967 pub. 23/03/2018 numac 2018030614 source service public federal interieur Loi sur la prévention ou la réparation des dommages résultant des accidents du travail, des accidents survenus sur le chemin du travail et des maladies professionnelles dans le secteur public. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer.

B.9. De ce que tant la victime de l'accident que l'employeur privé ou l'autorité publique se trouvent ainsi dans des situations essentiellement différentes, il découle qu'il en va de même pour le tiers responsable de l'accident et qu'il n'est pas dépourvu de pertinence d'ouvrir une action fondée sur l'article 1382 du Code civil à l'autorité publique qui prend seule en charge les sommes dues à l'agent et le dommage que lui cause son absence, alors que l'employeur privé ou l'assureur subrogé à celui-ci ne dispose que d'une action subrogatoire. Ainsi interprété, l'article 1382 du Code civil ne porte pas une atteinte disproportionnée aux droits des intéressés puisque les obligations de l'employeur privé vis-à-vis de la victime sont limitées et que l'assureur bénéficiant du mécanisme subrogatoire perçoit, pour sa part, des primes d'assurance.

B.10. Les questions préjudicielles appellent une réponse négative.

En ce qui concerne les autres accidents B.11. Le critère sur lequel est fondée la différence de traitement en cause est objectif, mais n'est cependant pas pertinent puisque l'on n'aperçoit pas en quoi le dommage auquel est confronté l'employeur public qui, en raison de l'incapacité de travail frappant son agent victime d'un accident causé par un tiers, doit garantir à cet agent, sans contrepartie, des prestations financières et réorganiser ses services, se distinguerait de celui auquel serait confronté, dans des circonstances analogues, un employeur du secteur privé. La circonstance que l'employeur public est tenu par le principe de la continuité du service public ne suffit pas à justifier un traitement différent puisque, dans les deux cas, l'employeur peut subir un dommage en payant les traitements des intéressés, que l'obligation législative, réglementaire ou conventionnelle, n'exclut pas nécessairement l'existence d'un dommage et que la dépense peut ne pas rester définitivement à charge de l'employeur.

B.12. Dans cette interprétation, les questions préjudicielles appellent une réponse positive.

B.13. La disposition en cause peut toutefois faire l'objet d'une autre interprétation. Bien que la jurisprudence de la Cour de Cassation à laquelle se réfère le juge a quo concerne des litiges intéressant les pouvoirs publics, l'on n'aperçoit aucun obstacle à ce que son application puisse être étendue aux employeurs du secteur privé. Dans un cas comme dans l'autre, c'est le caractère définitif ou non de la charge qui incombe à l'employeur qui est à prendre en compte. Il appartient à l'employeur de démontrer que, sans la faute, le dommage ne se serait pas produit tel qu'il s'est produit in concreto. Il appartient au tiers responsable de réparer, le cas échéant, l'intégralité du préjudice subi par l'employeur. Il n'y a donc pas de différence de traitement.

Sans doute est-il exact que l'indemnisation que l'employeur du secteur privé pourrait obtenir sur la base dudit article 1382 sera en principe inférieure à celle qui serait accordée à l'employeur du secteur public. Une telle différence n'est cependant pas imputable aux dispositions en cause mais à celles qui régissent la rémunération des travailleurs du secteur privé et de ceux du secteur public se trouvant en incapacité de travail à la suite d'un accident dont un tiers est responsable et en vertu desquelles la charge pesant sur l'employeur du secteur privé est inférieure à celle pesant sur l'employeur du secteur public.

B.14. Dans cette interprétation, les questions préjudicielles appellent une réponse négative.

Quant à la victime (seconde question préjudicielle dans l'affaire n° 4147) B.15. La question préjudicielle porte sur la différence de traitement que l'article 1382 du Code civil créerait entre les victimes d'un accident suivant qu'elles seraient agents des services publics ou travailleurs du secteur privé en ce que, selon la jurisprudence de la Cour de Cassation, une action directe peut être exercée par l'autorité publique contre le tiers responsable pour être indemnisée du préjudice qu'elle subit en devant rétribuer un agent qui, étant en incapacité de travail, ne lui fournit pas de prestations, ce qui permettrait à ce tiers, en cas de faute de la victime et de partage de responsabilité, d'exercer contre cette victime un recours contributoire qui aboutirait à la priver des indemnités prévues par son statut d'agent des services publics, alors que la victime qui serait un travailleur du secteur privé ne pourrait être mise dans une telle situation.

B.16. Il apparaît des faits de l'espèce, tels qu'ils sont exposés par les parties à la cause devant le juge a quo, que la responsabilité de l'accident dont l'agent du service public a été victime incombe au seul assuré de la SA « Corona Direct »; la motivation du jugement a quo indique que cette responsabilité lui incombe de façon incontestable.

B.17. C'est au juge qui pose une question préjudicielle qu'il appartient d'apprécier si la réponse à cette question est utile à la solution du litige qu'il doit trancher. Ce n'est que lorsque ce n'est manifestement pas le cas que la Cour peut décider que la question n'appelle pas de réponse.

B.18. Dès lors qu'il apparaît des pièces soumises à la Cour que le litige dont est saisi le juge a quo ne porte pas sur une responsabilité partagée, la réponse à la question préjudicielle ne saurait présenter d'utilité pour la solution du litige dont il doit connaître.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : 1. L'article 1382 du Code civil ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'il est interprété comme ne pouvant être invoqué par un employeur du secteur privé qui, pour obtenir le remboursement des sommes qu'il a dû payer à un travailleur se trouvant en incapacité de travail à la suite d'un accident du travail ou d'un accident survenu sur le chemin du travail, exercerait une action contre le tiers responsable de cet accident.2. - L'article 1382 du Code civil viole les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'il est interprété comme ne pouvant être invoqué par un employeur du secteur privé qui, pour obtenir le remboursement des sommes qu'il a dû payer à un travailleur se trouvant en incapacité de travail à la suite d'un accident autre qu'un accident du travail ou qu'un accident survenu sur le chemin du travail, exercerait une action contre le tiers responsable de cet accident. - L'article 1382 du Code civil ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'il est interprété comme pouvant être invoqué par un employeur du secteur privé qui, pour obtenir le remboursement des sommes qu'il a dû payer à un travailleur se trouvant en incapacité de travail à la suite d'un accident autre qu'un accident du travail ou qu'un accident survenu sur le chemin du travail, exercerait une action contre le tiers responsable de cet accident. 3. La seconde question préjudicielle dans l'affaire n° 4147 n'appelle pas de réponse. Ainsi prononcé en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989, à l'audience publique du 7 novembre 2007.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux.

Le président, M. Melchior.

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