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Arrêt
publié le 31 décembre 2009

Extrait de l'arrêt n° 189/2009 du 26 novembre 2009 Numéro du rôle : 4609 En cause : la question préjudicielle concernant l'article 3, § 2, du livre III, titre VIII, chapitre II, section 2, du Code civil La Cour constitutionnelle, composée des présidents P. Martens et M. Bossuyt, et des juges M. Mel(...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 189/2009 du 26 novembre 2009 Numéro du rôle : 4609 En cause : la question préjudicielle concernant l'article 3, § 2, du livre III, titre VIII, chapitre II, section 2, du Code civil (« Des règles particulières aux baux relatifs à la résidence principale du preneur »), telle que cette section a été insérée par la loi du 20 février 1991, posée par le Juge de paix du canton de Namur 2.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents P. Martens et M. Bossuyt, et des juges M. Melchior, R. Henneuse, E. De Groot, L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke, J. Spreutels et T. Merckx-Van Goey, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président P. Martens, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par jugement du 13 janvier 2009 en cause de Jacqueline Alin contre Marc Valentour, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 15 janvier 2009, le Juge de paix du canton de Namur 2 a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 3, § 2, de la loi du 20 février 1991, interprété en ce sens que si le preneur fait usage de la faculté de contre-préavis prévue au paragraphe 5, alinéa 3, le bailleur est libéré de son obligation de réaliser le motif du congé dans les conditions prévues au paragraphe 2, viole-t-il les articles 10, 11 et 23 de la Constitution, a) en ce que le preneur qui se voit notifier un congé sur pied du paragraphe 4 conserve le droit de réclamer l'indemnité prévue par cette disposition, même s'il fait usage de la faculté de contre-préavis, b) en ce que le preneur qui se voit notifier un congé sur pied du paragraphe 2 et qui ne fait pas usage du contre-préavis prévu au paragraphe 5, alinéa 3, bénéficie du droit de réclamer une indemnité équivalente à 18 mois de loyers si le bailleur ne réalise pas le motif du congé dans les conditions prévues au paragraphe 2 ? ». (...) III. En droit (...) B.1.1. L'article 3, du livre III, titre VIII, chapitre II, section 2, du Code civil relatif « aux règles particulières aux baux relatifs à la résidence principale du preneur », inséré par la loi du 20 février 1991 et modifié par la loi du 13 avril 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 13/04/1997 pub. 10/11/1999 numac 1998015014 source ministere des affaires etrangeres, du commerce exterieur et de la cooperation internationale Loi portant assentiment à l'Accord euro-méditerranéen établissant une association entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la République tunisienne, d'autre part, Annexes 1 à 7, Protocoles 1 à 5, et Acte final, faits à Bruxelles le 17 juillet 1995 (2) type loi prom. 13/04/1997 pub. 24/06/1997 numac 1997002050 source ministere de la fonction publique Loi modifiant la loi du 22 octobre 1990 remplaçant l'article 54 des lois sur la collation des grades académiques et le programme des examens universitaires, coordonnées par l'arrêté du Régent du 31 décembre 1949 fermer, et avant sa modification par la loi du 27 décembre 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 27/12/2006 pub. 28/12/2006 numac 2006021363 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi portant des dispositions diverses (1) type loi prom. 27/12/2006 pub. 28/12/2006 numac 2006021365 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi portant des dispositions diverses (1) fermer, dispose : « [...] § 2. Le bailleur peut toutefois mettre fin au bail, à tout moment, en donnant congé six mois à l'avance, s'il a l'intention d'occuper le bien personnellement et effectivement ou de le faire occuper de la même manière par ses descendants, ses enfants adoptifs, ses ascendants, son conjoint, les descendants, ascendants et enfants adoptifs de celui-ci, ses collatéraux et les collatéraux de son conjoint jusqu'au troisième degré. Lorsque le congé est donné en vue de permettre l'occupation du bien par des collatéraux du troisième degré, le délai de préavis ne peut expirer avant la fin du premier triennat à partir de l'entrée en vigueur du bail.

Le congé mentionne l'identité de la personne qui occupera le bien et son lien de parenté avec le bailleur. A la demande du preneur, le bailleur doit apporter la preuve du lien de parenté. Le bailleur doit accéder à cette demande dans un délai de deux mois à dater de sa notification, faute de quoi le preneur peut demander la nullité du congé. Cette action doit être intentée à peine de déchéance au plus tard deux mois avant l'expiration du délai de préavis.

Les lieux doivent être occupés dans l'année qui suit l'expiration du préavis donné par le bailleur ou, en cas de prorogation, la restitution des lieux par le preneur. Ils doivent rester occupés de façon effective et continue pendant deux ans au moins.

Lorsque le bailleur, sans justifier d'une circonstance exceptionnelle, ne réalise pas l'occupation dans les conditions ou les délais prévus, le preneur a droit à une indemnité équivalente à dix-huit mois de loyer.

Les parties peuvent cependant convenir d'exclure ou de limiter cette faculté de résiliation anticipée [...] § 4. A l'expiration du premier et du deuxième triennat, le bailleur peut mettre fin au bail, en donnant congé six mois à l'avance, sans motifs, mais moyennant le versement d'une indemnité.

Cette indemnité est équivalente à neuf mois ou six mois de loyer selon que le contrat prend fin à l'expiration du premier ou du deuxième triennat.

Les parties peuvent cependant convenir d'exclure ou de limiter cette faculté de résiliation anticipée. § 5. Il peut être mis fin au bail par le preneur à tout moment, moyennant un congé de trois mois.

Toutefois, si le preneur met fin au bail au cours du premier triennat, le bailleur a droit à une indemnité. Cette indemnité est égale à trois mois, deux mois ou un mois de loyer selon que le bail prend fin au cours de la première, de la deuxième ou de la troisième année.

Lorsque le bailleur met fin au contrat conformément aux §§ 2 à 4, le preneur peut lui aussi à tout moment mettre fin au bail moyennant un congé d'un mois. Dans ce cas, il n'est pas redevable de l'indemnité prévue à l'alinéa précédent. [...] ».

B.1.2. Le juge a quo interroge la Cour sur le point de savoir si l'article 3, § 2, précité, interprété en ce sens que si le preneur fait usage de la faculté de contre-préavis prévue au paragraphe 5, alinéa 3, le bailleur est libéré de son obligation, prévue au paragraphe 2, d'occuper personnellement le bien loué, viole les articles 10, 11 et 23 de la Constitution, d'une part, parce que lorsqu'un bailleur signifie au preneur un congé sans motif, aux termes du paragraphe 4, le preneur a droit à une indemnité, même s'il fait usage du contre-préavis et, d'autre part, parce qu'il y aurait une différence de traitement non justifiée entre les preneurs selon qu'ils feraient ou non usage de leur faculté de contre-préavis.

B.2.1. La loi du 20 février 1991 qui a inséré dans le Code civil une section consacrée « aux règles particulières aux baux relatifs à la résidence principale du preneur » a pour objectif d'assurer une meilleure protection du preneur quant à son logement familial. Les travaux préparatoires précisent : « Le toit qui abrite le preneur et sa famille exige la garantie d'une certaine sécurité pour que puisse s'inscrire en filigrane des dispositions qui y sont consacrées, l'avènement d'un ' droit au logement '.

Les conditions d'exercice de ce droit supposent que chacun puisse disposer d'un logement d'une taille suffisante offrant des conditions de confort et de sérénité. Des règles protectrices du bail ne contribueront que partiellement à l'effectivité de ce droit, mais elles la favoriseront sûrement » (Doc. parl., Chambre, 1990-1991, n° 1357/1, p. 3).

Cet objectif a été confirmé dans les travaux préparatoires de la loi du 13 avril 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 13/04/1997 pub. 10/11/1999 numac 1998015014 source ministere des affaires etrangeres, du commerce exterieur et de la cooperation internationale Loi portant assentiment à l'Accord euro-méditerranéen établissant une association entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la République tunisienne, d'autre part, Annexes 1 à 7, Protocoles 1 à 5, et Acte final, faits à Bruxelles le 17 juillet 1995 (2) type loi prom. 13/04/1997 pub. 24/06/1997 numac 1997002050 source ministere de la fonction publique Loi modifiant la loi du 22 octobre 1990 remplaçant l'article 54 des lois sur la collation des grades académiques et le programme des examens universitaires, coordonnées par l'arrêté du Régent du 31 décembre 1949 fermer modifiant certaines dispositions en matière de baux (Doc. parl., Chambre, 1996-1997, n° 717/1, p. 2).

B.2.2. Afin d'atteindre cet objectif, le législateur a, à titre principal, porté la durée du bail à neuf ans et, parallèlement, afin que le bailleur ne puisse pas porter atteinte à la durée du bail ainsi fixée, le législateur a limité les possibilités de résiliation anticipée du bail. La résiliation du bail relatif à la résidence principale du preneur par le bailleur ne peut avoir lieu que pour des motifs déterminés : l'occupation des lieux loués par le bailleur ou par un membre de sa famille et la réalisation de travaux importants.

Le congé pour ces motifs est donné moyennant préavis mais sans indemnité. A défaut de respecter les deux motifs de renon, le bailleur est tenu au versement d'une indemnité équivalente à dix-huit mois de loyer au moins (article 3, § 2).

B.2.3. Afin d'éviter au preneur qui s'est vu notifier un congé pour occupation personnelle par le bailleur de devoir payer deux loyers en même temps, le législateur a prévu que le preneur puisse mettre fin au contrat de bail, en donnant un contre-préavis. La durée de ce contre-préavis est limitée à un mois (article 3, § 5).

B.2.4. A propos de la faculté de contre-préavis dont peut faire usage le preneur, certains amendements ont été déposés visant à réduire l'indemnité d'éviction due par le bailleur conformément au paragraphe 4 (c'est-à-dire une résiliation non motivée). Ceux-ci ont tous été rejetés, à la suite de la réponse du ministre de la Justice qui soutint que, dans la mesure où cette résiliation « occasionne des frais supplémentaires inattendus pour le preneur », « il ne serait pas équitable de réduire l'indemnité parce que le preneur a trouvé une solution ». Il s'agit en l'occurrence d'« un choix entre l'indemnité du preneur et la rentabilité pour le bailleur » (Doc. parl., Chambre, 1996-1997, n° 717/7, p. 28).

Même si ces amendements ne concernaient que l'hypothèse d'une résiliation non motivée du bail par le bailleur, il n'a jamais été envisagé au cours des travaux préparatoires de prévoir que le contre-préavis du preneur délierait le bailleur de ses obligations. En outre, il n'a jamais été envisagé que l'insertion d'une possibilité de contre-préavis s'inscrive à contre-courant de l'objectif poursuivi par le législateur d'une protection accrue du droit au logement du locataire. Cette possibilité s'explique au contraire dans la perspective du renforcement de ce droit.

B.3. Il résulte de ceci que les obligations consécutives au congé donné par le bailleur pour occupation personnelle, l'obligation de réaliser le motif invoqué et à défaut, le versement d'une indemnité d'éviction naissent dès l'instant où le congé est notifié.

Le contre-préavis n'est, par conséquent, que l'accessoire du congé principal donné par le bailleur, le preneur ne pouvant notifier ce contre-préavis à défaut pour le bailleur d'avoir notifié le congé pour occupation personnelle du bien.

Dès lors que l'indemnité d'éviction en cause tend à garantir la sécurité de logement du preneur et que cette sécurité de logement est en tout état de cause affectée par un congé donné par le bailleur, indépendamment du moment où le preneur trouve un nouveau logement, le moment où est donné le contre-préavis, ou son absence, ne peut être considéré comme un élément pertinent pour maintenir ou non l'indemnité d'éviction.

B.4.1. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que dans l'interprétation selon laquelle les obligations prévues à charge du bailleur seraient anéanties par l'effet du contre-préavis donné par le preneur, conformément à l'article 3, § 5, cette disposition du livre III, titre VIII, chapitre II, section 2, du Code civil, en traitant différemment sans aucune justification les preneurs selon qu'ils font ou non usage de leur faculté de préavis, n'est pas compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution, l'exercice de cette faculté ayant été voulu, comme il a été rappelé en B.3, dans le but de renforcer le droit au logement du preneur, garanti par l'article 23 de la Constitution.

B.4.2. En revanche, dans l'interprétation selon laquelle les obligations à charge du bailleur conformément à l'article 3, § 2, précité s'appliquent indépendamment de l'usage qui est fait ou non de la faculté laissée au preneur de notifier un contre-préavis, l'article 3, § 2, est compatible avec les articles 10, 11 et 23 de la Constitution.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : - Interprété en ce sens que, si le preneur fait usage de la faculté de contre-préavis prévue à l'article 3, § 5, alinéa 3, le bailleur est libéré de son obligation de réaliser le motif du congé dans les conditions prévues au paragraphe 2, l'article 3, § 2, du livre III, titre VIII, chapitre II, section 2, du Code civil, avant sa modification par la loi du 27 décembre 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 27/12/2006 pub. 28/12/2006 numac 2006021363 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi portant des dispositions diverses (1) type loi prom. 27/12/2006 pub. 28/12/2006 numac 2006021365 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi portant des dispositions diverses (1) fermer, viole les articles 10, 11 et 23 de la Constitution. - Interprété en ce sens que, si le preneur fait usage de la faculté de contre-préavis prévue à l'article 3, § 5, alinéa 3, le bailleur n'est pas libéré de son obligation de réaliser le motif du congé dans les conditions prévues au paragraphe 2, l'article 3, § 2, du livre III, titre VIII, chapitre II, section 2, du Code civil, avant sa modification par la loi du 27 décembre 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 27/12/2006 pub. 28/12/2006 numac 2006021363 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi portant des dispositions diverses (1) type loi prom. 27/12/2006 pub. 28/12/2006 numac 2006021365 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi portant des dispositions diverses (1) fermer, ne viole pas les articles 10, 11 et 23 de la Constitution.

Ainsi prononcé en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989, à l'audience publique du 26 novembre 2009.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux.

Le président, P. Martens.

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