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Arrêt
publié le 10 juin 2010

Extrait de l'arrêt n° 50/2010 du 29 avril 2010 Numéro du rôle : 4858 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 3, § 6, alinéa 2, du livre III, titre VIII, chapitre II, section II, du Code civil La Cour constitutionnelle, composée du président émérite P. Martens, conformément à l'article 60(...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 50/2010 du 29 avril 2010 Numéro du rôle : 4858 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 3, § 6, alinéa 2, du livre III, titre VIII, chapitre II, section II, du Code civil (« Des règles particulières aux baux relatifs à la résidence principale du preneur »), posée par le Juge de paix du canton de Messancy.

La Cour constitutionnelle, composée du président émérite P. Martens, conformément à l'article 60bis de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, et du président M. Bossuyt, et des juges R. Henneuse, E. De Groot, A. Alen, J.-P. Snappe et J. Spreutels, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président émérite P. Martens, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par jugement du 27 janvier 2010 en cause de Frédéric Mayerus contre Mélissa Adam, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 28 janvier 2010, le Juge de paix du canton de Messancy a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 3, § 6, alinéa 1er [lire : 2], du livre III, titre VIII, chapitre II, section II, du Code civil intitulée ' Des règles particulières aux baux relatif à la résidence principale du preneur ' viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'il exclut l'application aux baux relatifs à la résidence du preneur conclus pour une durée égale ou inférieure à trois ans, des dispositions de l'article 3, § 5, alinéa 3, inséré par l'article 73 de la loi-programme (I) du 27 décembre 2006, aux termes duquel ' Après la période de deux mois visée à l'article 32, 5°, du Code des droits d'enregistrement, d'hypothèque et de greffe et aussi longtemps que le contrat de bail n'est pas enregistré, tant le délai du congé visé à l'alinéa 1er que l'indemnité visée à l'alinéa 2 ne sont pas d'application ' ? ».

Le 9 février 2010, en application de l'article 72, alinéa 1er, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, les juges-rapporteurs J. Spreutels et E. De Groot ont informé la Cour qu'ils pourraient être amenés à proposer de rendre un arrêt de réponse immédiate. (...) III. En droit (...) B.1. L'article 3, §§ 1er, 5 et 6, du livre III, titre VIII, chapitre II, section II, du Code civil, inséré par l'article 2 de la loi du 20 février 1991 modifiant et complétant les dispositions du Code civil relatives aux baux à loyer, dispose, depuis sa modification par l'article 73 de la loi-programme (I) du 27 décembre 2006 : « § 1er. Tout bail visé à l'article premier est réputé conclu pour une durée de neuf années.

Il prend fin à l'expiration d'une période de neuf années moyennant un congé notifié par l'une ou l'autre des parties au moins six mois avant l'échéance.

A défaut d'un congé notifié dans ce délai, le bail est prorogé chaque fois pour une durée de trois ans, aux mêmes conditions. [...] § 5. Il peut être mis fin au bail par le preneur à tout moment, moyennant un congé de trois mois.

Toutefois, si le preneur met fin au bail au cours du premier triennat, le bailleur a droit à une indemnité. Cette indemnité est égale à trois mois, deux mois ou un mois de loyer selon que le bail prend fin au cours de la première, de la deuxième ou de la troisième année.

Après la période de deux mois visée à l'article 32, 5°, du Code des droits d'enregistrement, d'hypothèque et de greffe et aussi longtemps que le contrat de bail n'est pas enregistré, tant le délai du congé visé à l'alinéa 1er que l'indemnité visée à l'alinéa 2 ne sont pas d'application.

Lorsque le bailleur met fin au contrat conformément aux §§ 2 à 4, le preneur peut lui aussi à tout moment mettre fin au bail moyennant un congé d'un mois. Dans ce cas, il n'est pas redevable de l'indemnité prévue à l'alinéa précédent. § 6. Par dérogation au § 1er, un bail peut être conclu, par écrit, pour une durée inférieure ou égale à trois ans.

Ce bail n'est pas régi par les dispositions des §§ 2 à 5.

Il ne peut être prorogé qu'une seule fois, et seulement par écrit et sous les mêmes conditions, sans que la durée totale de location ne puisse excéder trois ans.

Il prend fin moyennant un congé notifié par l'une ou l'autre des parties au moins trois mois avant l'expiration de la durée convenue.

Nonobstant toute clause ou toute convention contraires, à défaut d'un congé notifié dans les délais ou si le preneur continue à occuper les lieux sans opposition du bailleur, et même dans l'hypothèse où un nouveau contrat est conclu entre les mêmes parties, le bail est réputé avoir été conclu pour une période de neuf ans à compter de la date à laquelle le bail initial de courte durée est entré en vigueur et est dès lors régi par les §§ 1er à 5. Dans ce cas, le loyer et les autres conditions demeurent inchangés par rapport à ceux convenus dans le bail initial de courte durée, sans préjudice de l'application des articles 6 et 7 ».

B.2. Il ressort de la motivation du jugement a quo que la locataire, partie défenderesse à laquelle le propriétaire réclame notamment le paiement de loyers pour la durée comprise entre le moment où elle a quitté le bien et le moment où le bail d'une durée d'un an devait venir à expiration, fait valoir que, au regard des obligations imposant au preneur mettant fin au bail de le faire moyennant le congé de trois mois et le paiement au bailleur de l'indemnité prévue à l'article 3, § 5, alinéas 1er et 2, de la loi du 20 février 1991 précitée, les locataires se trouvent dans une situation différente suivant que le bail a été conclu pour une durée de neuf ans conformément à l'article 3, § 1er, ou pour une durée inférieure ou égale à trois ans conformément à l'article 3, § 6. Seuls les seconds seraient pénalisés en ce qu'ils ne pourraient, lorsque le bail n'a pas été enregistré, être dispensés de respecter les obligations prévues à l'article 3, § 5, alinéas 1er et 2.

B.3. Dans son arrêt n° 109/2009 du 9 juillet 2009, la Cour a jugé ce qui suit au sujet de plusieurs questions préjudicielles analogues concernant la même disposition législative : « B.3. Il ressort des travaux préparatoires de la loi-programme du 27 décembre 2006Documents pertinents retrouvés type loi-programme prom. 27/12/2006 pub. 28/12/2006 numac 2006021362 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi-programme (1) fermer que le législateur entendait accroître le nombre de baux présentés à l'enregistrement et offrir ainsi une meilleure protection aux preneurs : ' L'accomplissement de la formalité de l'enregistrement donne date certaine au contrat de bail. A partir de cette date, le locataire est protégé contre toute expulsion lorsque le bien loué est vendu.

Le Code des droits d'enregistrement, d'hypothèque et de greffe impose déjà actuellement, tant au propriétaire, qu'au locataire, l'obligation de présenter le contrat de bail à l'enregistrement. Dans la pratique, il semble que les locataires ne sont pas toujours au courant de cette obligation fiscale pas plus que de l'avantage qui en découle pour eux sur le plan de la protection contre l'expulsion par le nouveau propriétaire lors de la vente de l'habitation.

C'est pourquoi le gouvernement a décidé désormais d'imposer, du moins en ce qui concerne les biens immeubles affectés exclusivement à l'habitation, l'obligation de présentation à la formalité de l'enregistrement aux bailleurs qui, normalement, sont bien au courant de cette obligation fiscale.

La formalité est gratuite. Le locataire peut encore toujours présenter le contrat de bail à l'enregistrement - il a en effet toujours tout intérêt à ce que le contrat ait le plus vite possible date certaine - mais il n'y est plus obligé fiscalement et ne sera donc pas non plus sanctionné s'il ne le fait pas. Le bailleur par contre peut encore encourir l'amende pour enregistrement tardif (amende de 25 euros). En outre, du moins lorsque le contrat de bail concerne la résidence principale, le bailleur est incité à demander l'enregistrement par le fait que, aussi longtemps que la formalité n'aura pas été exécutée, il ne pourra pas réclamer l'indemnité prévue par le Code civil en cas de résiliation anticipée du bail par le locataire ' (Doc. parl., Chambre, 2006-2007, DOC 51-2773/001, pp. 53-54).

Quant à la disposition en cause, elle a fait l'objet du commentaire suivant : ' La modification du Code civil entraîne que aussi longtemps que la convention de bail n'est pas enregistrée, le preneur ne sera pas tenu de respecter le délai de préavis et le bailleur ne pourra pas réclamer du locataire l'indemnité pour résiliation anticipée du contrat de bail. Ceci devrait inciter le bailleur à faire enregistrer le contrat de bail. Il faut cependant remarquer que cet incitant ne vaut pas pour tous les contrats de bail visés à l'article 19, 3°, a), du C.enreg., mais seulement pour les contrats de bail relatifs à la résidence principale du locataire. Car c'est dans le cadre de cette dernière sorte de location que le locataire doit être le mieux protégé ' (Doc. parl., Chambre, 2006-2007, DOC 51- 2773/001, p. 56).

B.4. La différence de traitement entre les parties à un contrat de bail de résidence principale repose sur un critère objectif, à savoir la durée du bail pour une durée déterminée.

En outre, la limitation de la mesure aux contrats de bail de neuf ans est raisonnablement justifiée puisque la sanction du non-enregistrement du contrat de bail dans le chef du bailleur concerne exclusivement le régime relatif au délai de préavis des baux et à l'indemnité de préavis qui serait éventuellement due par le locataire à cette occasion, un régime dont l'article 3, § 6, alinéa 2, exclut expressément l'application aux baux de résidence principale de trois ans ou moins.

En effet, en juger autrement perturberait l'économie de la différence de régime des contrats de bail de neuf ans et des contrats de bail de trois ans maximum.

Par ailleurs, le législateur pouvait partir du principe que les effets civils du non-enregistrement du contrat de bail étaient plus sérieux dans le cas des contrats de bail conclus pour une longue durée de neuf ans que pour les contrats de bail à durée limitée, auquel cas le locataire pourrait se protéger en prenant lui-même l'initiative de procéder à l'enregistrement gratuit. Dans cette optique, la mesure n'a donc pas d'effets déraisonnables.

B.5. Les questions préjudicielles appellent une réponse négative ».

B.4. Les arguments invoqués par la partie défenderesse devant le juge a quo dans son mémoire justificatif ne sont pas de nature à infirmer cette conclusion. Le législateur a en effet pu considérer que les circonstances qui justifiaient la protection du preneur et la sanction du défaut d'enregistrement du bail sont, en règle, étrangères à celles dans lesquelles les baux de courte durée sont conclus : la durée de ceux-ci rend généralement moins probable, en effet, la survenance d'événements imprévus pouvant conduire à l'éviction du locataire que lorsqu'il s'agit de baux de longue durée, la multiplication de ces événements pouvant résulter du simple fait de cette durée.

La question préjudicielle appelle une réponse négative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 3, § 6, alinéa 2, du livre III, titre VIII, chapitre II, section II, du Code civil, inséré par l'article 2 de la loi du 20 février 1991 modifiant et complétant les dispositions du Code civil relatives aux baux à loyer, modifié par l'article 73 de la loi-programme (I) du 27 décembre 2006, ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution.

Ainsi prononcé en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, à l'audience publique du 29 avril 2010.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux.

Le président, P. Martens.

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