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Arrêt
publié le 03 août 2015

Extrait de l'arrêt n° 87/2015 du 11 juin 2015 Numéro du rôle : 5952 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 488bis, h), § 2, du Code civil, combiné avec l'article 488bis, b), § 6, du même Code, posée par la Cour de La Cour constitutionnelle, composée des présidents J. Spreutels et A. Alen, et des juges E. De G(...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 87/2015 du 11 juin 2015 Numéro du rôle : 5952 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 488bis, h), § 2, du Code civil, combiné avec l'article 488bis, b), § 6, du même Code, posée par la Cour de cassation.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents J. Spreutels et A. Alen, et des juges E. De Groot, L. Lavrysen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke, T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, F. Daoût, T. Giet et R. Leysen, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président J. Spreutels, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par arrêt du 13 juin 2014 en cause de Olga Xanthopoulo contre Luc de Vogelaere et autres, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 2 juillet 2014, la Cour de cassation a posé la question préjudicielle suivante : « Interprété en ce sens que le défaut de production d'un certificat médical circonstancié joint à la requête, ou produit, en cas d'urgence, dans les huit jours de la demande du juge de paix, entraîne l'irrecevabilité de la demande tendant à entendre autoriser la personne protégée à disposer de ses biens par donations entre vifs ou par dispositions de dernières volontés et ne peut être couvert par une expertise médicale ordonnée par le juge de paix, l'article 488bis-H, § 2, spécialement alinéa 6, du Code civil, combiné avec l'article 488bis-B, § 6, viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution, en traitant de manière identique deux situations différentes, à savoir, d'une part, la demande tendant à faire mettre une personne majeure sous administration provisoire et, d'autre part, la demande tendant à ce qu'une personne pourvue d'un administrateur provisoire soit autorisée à disposer de ses biens par donations entre vifs ou par dispositions de dernières volontés ? ». (...) III. En droit (...) B.1.1. L'article 488bis, h), § 2, du Code civil, tel qu'il a été inséré par l'article 8 de la loi du 3 mai 2003Documents pertinents retrouvés type loi prom. 03/05/2003 pub. 31/12/2003 numac 2003009448 source service public federal justice Loi modifiant la législation relative à la protection des biens des personnes totalement ou partiellement incapables d'en assumer la gestion en raison de leur état physique ou mental fermer « modifiant la législation relative à la protection des biens des personnes totalement ou partiellement incapables d'en assumer la gestion en raison de leur état physique ou mental », tel qu'il est applicable au litige en cause, dispose : « La personne protégée ne peut disposer valablement par donations entre vifs ou par dispositions de dernières volontés qu'après autorisation par le juge de paix à sa requête. Le juge de paix juge de l'aptitude de la volonté de la personne protégée.

Le juge de paix peut refuser l'autorisation à disposer par donations si la personne protégée ou ses créanciers d'aliments sont menacés d'indigence par la donation.

Les dispositions des articles 1026 à 1034 du Code judiciaire sont d'application. Conformément à l'article 1026, 5°, du même Code, la signature du requérant est suffisante.

Le juge de paix peut désigner un expert médical qui doit rendre son avis sur l'état de santé de la personne à protéger.

Le juge de paix rassemble toutes les informations utiles et peut convoquer tous ceux qu'il pense pouvoir l'éclairer, par pli judiciaire afin de les entendre en chambre du conseil. Dans tous les cas, il appelle à la cause l'administrateur provisoire en cas de donation.

La procédure de l'article 488bis, b), § 6, est applicable par analogie ».

B.1.2. L'article 488bis, b), § 6, du Code civil dispose : « Sous peine d'irrecevabilité, est joint à la requête, sauf en cas d'urgence, un certificat médical circonstancié, ne datant pas de plus de quinze jours, décrivant l'état de santé de la personne à protéger.

Le certificat précise si la personne à protéger peut se déplacer et, dans l'affirmative, s'il est indiqué qu'elle se déplace, compte tenu de son état. Ce certificat précise par ailleurs si la personne à protéger est encore à même de prendre connaissance du compte rendu de la gestion.

Ce certificat médical ne peut être établi par un médecin parent ou allié de la personne à protéger ou du requérant, ou attaché à un titre quelconque à l'établissement dans lequel la personne à protéger se trouve.

Lorsque, pour des raisons d'urgence, aucun certificat médical n'est joint à la requête, le juge de paix vérifie si le motif d'urgence invoqué est avéré.

Dans l'affirmative, le juge de paix demande, dans les huit jours à dater de la réception de la requête, que le requérant lui fournisse un certificat circonstancié, qui répond aux conditions prévues aux alinéas 1er à 3 ».

B.2. La Cour est invitée à statuer sur la compatibilité, avec les articles 10 et 11 de la Constitution, de l'article 488bis, h), § 2, alinéa 6. Dans l'interprétation selon laquelle la disposition en cause, par analogie avec la procédure tendant à pourvoir la personne à protéger d'un administrateur provisoire prévue par l'article 488bis, b), § 6, auquel elle renvoie, prévoit que, sous peine d'irrecevabilité, un certificat médical circonstancié ne datant pas de plus de quinze jours est joint à la requête sans qu'une couverture ne soit possible par une expertise médicale ordonnée par le juge de paix, la disposition en cause traiterait de manière identique deux situations différentes, à savoir, d'une part, la demande tendant à placer une personne sous administration provisoire et, d'autre part, la demande tendant à ce qu'une personne protégée, pourvue d'un administrateur provisoire, soit autorisée à disposer de ses biens par donations entre vifs ou par testament.

B.3. Par son arrêt n° 112/2010 du 14 octobre 2010, en réponse à une question préjudicielle qui portait sur la même disposition en tant qu'elle s'applique au testament, la Cour a jugé : « B.6.1. La personne protégée visée par la disposition en cause est une personne majeure ' qui, en raison de son état de santé ', est considérée comme ' totalement ou partiellement hors d'état de gérer ses biens ' (article 488bis, a), du Code civil), et qui, en vue de la protection de ceux-ci, est pourvue d'un administrateur provisoire dont la mission est ' de gérer, en bon père de famille, les biens de la personne protégée, ou d'assister la personne protégée dans cette gestion ' (article 488bis, f), § 1er, alinéa 1er, du Code civil).

Un testament est un acte par lequel une personne dispose de ses biens à titre gratuit (article 893 du Code civil). Il s'agit d'un ' acte par lequel le testateur dispose, pour le temps où il n'existera plus, de tout ou partie de ses biens, et qu'il peut révoquer ' (article 895 du Code civil).

La disposition en cause, qui a pour objectif de protéger une personne qui se trouve dans une situation de faiblesse, relève de l'intérêt général.

B.6.2. La disposition en cause n'interdit pas aux personnes qu'elle vise de disposer de leurs biens par testament, mais elle subordonne la validité de cet acte à l'obtention d'une autorisation préalable du juge de paix.

La demande d'autorisation est déposée ou adressée au greffe sous la forme d'une requête unilatérale qui ne doit pas être signée par un avocat (article 488bis, h), § 2, alinéa 3, du Code civil combiné avec l'article 1027 du Code judiciaire). La procédure d'autorisation n'est pas publique (article 488bis, h), § 2, alinéa 3, première phrase, du Code civil combiné avec les articles 1028 et 1029, alinéa 1er, du Code judiciaire; article 488bis, h), § 2, alinéa 5, première phrase, du Code civil) et l'ordonnance d'autorisation est, en principe, exécutoire par provision (article 1029, alinéa 2, du Code judiciaire).

Le juge de paix ne peut refuser l'autorisation de tester que si la personne protégée ne dispose pas de l'' aptitude de la volonté ' requise, c'est-à-dire une ' aptitude à émettre une volonté juridique valable [...], à apprécier à la lumière des facultés mentales ' (Doc. parl., Sénat, 2002-2003, n° 2-1087/6, p. 11).

Il statue sur la base d'un ' certificat médical circonstancié ' récent, établi par un médecin indépendant, et qui doit être produit par la personne protégée qui demande l'autorisation de tester (article 488bis, h), § 2, alinéa 6, combiné avec l'article 488bis, b), § 6, du Code civil) et après avoir rassemblé toutes les informations utiles (article 488bis, h), § 2, alinéa 5, du Code civil). Il peut, en outre, demander l'avis d'un expert médical sur l'état de santé de la personne protégée et entendre tous ceux qui, selon lui, peuvent l'éclairer (article 488bis, h), § 2, alinéas 4 et 5, du Code civil).

B.6.3. Pour le surplus, il n'y a pas lieu de distinguer, en ce qui concerne l'exigence d'une autorisation préalable du juge de paix pour les dispositions testamentaires des personnes placées sous le régime de l'administration provisoire, selon que la personne protégée serait partiellement ou totalement incapable de gérer ses biens, dès lors que l'autorisation préalable du juge a précisément pour objet de vérifier et d'établir si la personne protégée est apte à disposer de ses biens par testament.

B.7. Par conséquent, la mesure en cause est raisonnablement proportionnée à l'objectif poursuivi et ne crée pas de différence de traitement injustifiée ».

B.4. Dans l'arrêt précité, la Cour ne s'est pas prononcée sur la compatibilité de la disposition en cause avec les articles 10 et 11 de la Constitution en tant qu'elle subordonne la recevabilité de la demande d'autorisation de tester introduite auprès du juge de paix à la production d'un certificat médical. C'est sur ce point que la Cour est interrogée en ce que, selon l'interprétation du juge a quo, la disposition en cause traiterait de manière identique, sans justification au regard des articles 10 et 11 de la Constitution, deux situations différentes, ainsi qu'il est dit en B.2.

B.5.1. Même si, comme la Cour l'a jugé dans l'arrêt précité, le choix du législateur de soumettre la personne protégée à l'autorisation préalable du juge de paix lorsqu'elle désire disposer de ses biens par testament et la règle selon laquelle le juge de paix peut refuser l'autorisation de tester à une personne qui ne dispose pas de la volonté requise sont raisonnablement justifiés, la disposition en cause, en renvoyant purement et simplement à la procédure prévue pour la demande de désignation d'un administrateur provisoire, a pour conséquence de faire de la production d'un certificat médical au moment de l'introduction de la demande d'autorisation de tester, une condition de recevabilité de cette demande.

B.5.2. En ce qui concerne la procédure relative à la demande de désignation d'un administrateur provisoire, il est justifié qu'un certificat médical soit joint, sous peine d'irrecevabilité : la demande peut priver une personne majeure de sa capacité de droit commun et du droit de gérer elle-même son patrimoine, de sorte que pareille demande doit être justifiée en raison de motifs médicaux établis avant même que le juge ne puisse se prononcer sur le fond de la demande.

B.5.3. En revanche, s'agissant d'une demande introduite par la personne même qui est protégée, la condition de la production d'un certificat médical, qui est inscrite comme condition de recevabilité de l'autorisation demandée au juge de paix, ne permet pas d'atteindre l'objectif de protection poursuivi.

B.5.4. A cet égard, il convient de rappeler que l'article 901 du Code civil dispose que « pour faire une donation entre vifs ou un testament, il faut être sain d'esprit » et que l'article 902 du même Code dispose que « toutes personnes peuvent disposer et recevoir, soit par donation entre vifs, soit par testament, excepté celles que la loi en déclare incapables ».

Or, il ne découle pas de la disposition en cause que la personne pourvue d'un administrateur provisoire doté d'un pouvoir général de représentation est déclarée en état d'incapacité totale puisque cette disposition organise précisément les modalités d'exercice du droit de tester.

B.5.5. Alors que le législateur n'a pas voulu frapper d'une incapacité totale de tester la personne mise sous administration provisoire qui n'est atteinte de démence que de manière intermittente, le fait qu'il fasse de la production d'un certificat médical la condition de recevabilité de la demande en autorisation de tester a en réalité pour conséquence de priver la personne de ce droit, lorsqu'elle ne produit pas ce certificat.

B.6. Par conséquent, la disposition en cause n'est pas raisonnablement justifiée.

B.7. Dans l'interprétation de la disposition en cause mentionnée dans la question préjudicielle, celle-ci appelle une réponse affirmative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : Interprété en ce sens que le défaut de production d'un certificat médical circonstancié joint à la requête, ou produit, en cas d'urgence, dans les huit jours de la demande du juge de paix, entraîne l'irrecevabilité de la demande tendant à entendre autoriser la personne protégée à disposer de ses biens par donations entre vifs ou par dispositions de dernières volontés et ne peut être couvert par une expertise médicale ordonnée par le juge de paix, l'article 488bis, h), § 2, alinéa 6, combiné avec l'article 488bis, b), § 6, du Code civil, viole les articles 10 et 11 de la Constitution.

Ainsi rendu en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 11 juin 2015.

Le greffier, F. Meersschaut Le président, J. Spreutels

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