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Arrêt
publié le 26 septembre 2017

Extrait de l'arrêt n° 77/2017 du 15 juin 2017 Numéro du rôle : 6517 En cause : les questions préjudicielles relatives aux articles 1382 et 1383 du Code civil, posées par le Tribunal de première instance de Liège, division Verviers. La Cour composée des présidents J. Spreutels et E. De Groot, et des juges L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Moerm(...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 77/2017 du 15 juin 2017 Numéro du rôle : 6517 En cause : les questions préjudicielles relatives aux articles 1382 et 1383 du Code civil, posées par le Tribunal de première instance de Liège, division Verviers.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents J. Spreutels et E. De Groot, et des juges L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Moerman, E. Derycke et F. Daoût, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président J. Spreutels, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des questions préjudicielles et procédure Par jugement du 21 septembre 2016 en cause de la Communauté française contre la SA « AXA Belgium », dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 26 septembre 2016, le Tribunal de première instance de Liège, division Verviers, a posé les questions préjudicielles suivantes : 1. « Les articles 1382 et 1383 du Code civil violent-ils les articles 10, 11 et 24 de la Constitution en ce qu'ils permettent à la Communauté française en sa qualité d'employeur public d'agir directement contre le tiers responsable de l'incapacité de travail d'un de ses enseignants aux fins de récupérer les traitements qu'il a continué à lui payer pendant son incapacité de travail mais ne permettent pas à la Communauté française en sa qualité de pouvoir subsidiant d'agir directement contre le tiers responsable de l'incapacité de travail d'un enseignant d'un établissement subsidié par elle aux fins de récupérer les subventions-traitements qu'elle a, par application des articles 24 et 127 de la Constitution et des articles 25 à 27, 29, 36, § 1er, de la loi du 29 mai 1959 continué à lui verser pendant son incapacité de travail, alors que dans les deux hypothèses l'enseignant n'a pas effectué de prestations de travail ? »;2. « Les articles 1382 et 1383 du Code civil en ce qu'ils sont interprétés par la Cour de cassation, chambre francophone, comme ne pouvant s'appliquer à la Communauté française, agissant en qualité de pouvoir subsidiant et limitant ainsi son dommage à la subrogation légale alors qu'ils sont interprétés par la Cour de cassation, chambre néerlandophone, comme permettant à la Communauté, qu'elle agisse en sa qualité d'employeur public ou en sa qualité de pouvoir subsidiant, d'obtenir le remboursement de la totalité de la rémunération et des charges grevant la rémunération d'un enseignant durant son incapacité temporaire consécutive à un accident imputable à la faute d'un tiers car elle n'a pas pu bénéficier de ses prestations de travail en contrepartie, ne violent-ils pas les articles 10, 11 et 24 de la Constitution, en ce que, sur base des mêmes dispositions, la chambre néerlandophone de la Cour de cassation octroie une réparation plus large à la Communauté que la chambre francophone de la même Cour ? ». (...) III. En droit (...) B.1. L'article 1382 du Code civil dispose : « Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer ».

L'article 1383 du Code civil dispose : « Chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence ».

B.2.1. L'article 25 de la loi du 29 mai 1959 « modifiant certaines dispositions de la législation de l'enseignement », modifié par l'article 4, 2°, de l'arrêté royal n° 413 du 29 avril 1986 « portant des dispositions relatives aux moyens de fonctionnement de l'enseignement de l'Etat et aux subventions de fonctionnement allouées à l'enseignement subventionné » et par l'article 46 du décret de la Communauté française du 4 février 2016 « portant diverses dispositions en matière d'enseignement », dispose : « Les frais de l'instruction donnée par les établissements ou sections d'établissement d'enseignement organisés par les personnes publiques et privées sont à charge des pouvoirs organisateurs.

Toutefois, l'Etat accorde aux établissements ou sections d'enseignement du niveau maternel, primaire ou secondaire, aux établissements d'enseignement de promotion sociale et aux établissements d'enseignement secondaire artistique à horaire réduit visés à l'article 24 et qui répondent aux conditions légales et réglementaires : a) Des subventions-traitements;b) Des subventions de fonctionnement ». B.2.2. L'article 26 de la loi du 29 mai 1959 dispose : « Sans préjudice des dispositions de l'article 38 et de la présente loi, les pouvoirs organisateurs des établissements subventionnés sont tenus d'accorder aux membres laïcs de leur personnel visés à l'article 27 des rétributions au moins égales aux subventions-traitements accordées par l'Etat pour les intéressés ».

B.2.3. L'article 27 de la loi du 29 mai 1959, remplacé par l'article 6 de la loi du 11 juillet 1973 « modifiant la loi du 29 mai 1959 relative à l'enseignement gardien, primaire, moyen, normal, technique, artistique et spécial », puis modifié par l'article 59 de la loi du 1er août 1985 « portant des mesures fiscales et autres » et par l'article 4 du décret de la Communauté française du 16 avril 1991 « modifiant la loi du 29 mai 1959 modifiant certaines dispositions de la législation de l'enseignement en ce qui concerne l'enseignement de promotion sociale », dispose : « § 1er. Les subventions-traitements sont accordées pour les membres du personnel directeur et enseignant et pour les membres du personnel auxiliaire d'éducation.

Elles peuvent être accordées aux catégories de membres du personnel administratif fixées par arrêté royal délibéré en Conseil des ministres.

Elles ne sont pas accordées pour le personnel des internats autres que les homes pour enfants dont les parents n'ont pas de résidence fixe.

Le personnel auxiliaire d'éducation des écoles, nommé après le 31 août 1985, peut être occupé en tout ou en partie dans l'internat subventionné qui est attaché à l'école ou au groupe d'écoles, tandis que le personnel auxiliaire d'éducation de l'internat peut être occupé en tout ou en partie dans l'école ou groupe d'écoles auxquels il est attaché pour autant qu'il réponde aux conditions requises.

Les prestations subsidiables sont fixées sur la base des normes applicables à l'enseignement de l'Etat pour le même niveau et le même type d'enseignement. § 2. Toutefois, dans l'enseignement spécial, des subventions-traitements sont également accordées aux membres du personnel médical, paramédical, psychologique et social sur la base des normes applicables aux divers types d'enseignement spécial de l'Etat ou sur la base d'autres normes fixées par le Roi lorsqu'il s'agit d'un type d'enseignement spécial non organisé par l'Etat. § 3. Dans l'enseignement de promotion sociale de régime 1, des subventions-traitements sont accordées aux experts ».

B.2.4. L'article 29 de la loi du 29 mai 1959, remplacé par l'article 8 de la loi du 11 juillet 1973, dispose : « La subvention-traitement est égale au traitement majoré des allocations diverses, auquel l'intéressé aurait droit, compte tenu de ses titres de capacité, s'il était membre du personnel de l'enseignement de l'Etat.

Le Roi détermine les modalités de fixation des subventions-traitements des membres du personnel porteurs de titres équivalents ainsi que celles des membres du personnel d'un type d'établissement non organisé par l'Etat ».

B.2.5. L'article 36, § 1er, de la loi du 29 mai 1959, modifié par l'article 4, 2°, de l'arrêté royal n° 413 du 29 avril 1986, par l'article 1er de l'arrêté royal n° 447 du 20 août 1986 « modifiant l'article 36 de la loi du 29 mai 1959 modifiant certaines dispositions de la législation de l'enseignement » et par l'article 105 du décret de la Communauté française du 1er février 1993 « fixant le statut des membres du personnel subsidiés de l'enseignement libre subventionné », dispose : « Les subventions de fonctionnement sont payées au pouvoir organisateur de chaque établissement.

L'Etat paye directement et mensuellement les subventions-traitements aux membres du personnel des établissements subventionnés. A cette fin, le Ministre de l'Instruction publique peut leur imposer l'obligation de faire ouvrir à leur nom un compte de chèques postaux.

La règle du paiement direct des subventions-traitements n'est pas applicable au personnel religieux vivant en communauté ni aux chargés de cours occasionnels et conférenciers ».

B.3. L'article 14, § 3, de la loi du 3 juillet 1967Documents pertinents retrouvés type loi prom. 03/07/1967 pub. 24/10/2001 numac 2001000905 source ministere de l'interieur Loi sur la prévention ou la réparation des dommages résultant des accidents du travail, des accidents survenus sur le chemin du travail et des maladies professionnelles dans le secteur public. - Traduction allemande type loi prom. 03/07/1967 pub. 23/03/2018 numac 2018030614 source service public federal interieur Loi sur la prévention ou la réparation des dommages résultant des accidents du travail, des accidents survenus sur le chemin du travail et des maladies professionnelles dans le secteur public. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer « sur la prévention ou la réparation des dommages résultant des accidents du travail, des accidents survenus sur le chemin du travail et des maladies professionnelles dans le secteur public », rétabli par l'article 69 de la loi du 20 décembre 1995 « portant des dispositions fiscales, financières et diverses », puis modifié par l'article 5 de la loi du 20 mai 1997 « portant diverses mesures en matière de fonction publique », dispose : « L'application des dispositions de la présente loi implique, de plein droit, subrogation au profit des personnes morales ou des établissements susvisés qui supportent la charge de la rente dans tous les droits, actions et moyens généralement quelconques que la victime ou ses ayants droit seraient en droit de faire valoir conformément au § 1er contre la personne responsable de l'accident du travail ou de la maladie professionnelle et ce, à concurrence du montant des rentes et des indemnités prévues par la présente loi et du montant égal au capital représentatif de ces rentes.

En outre, les personnes morales ou les établissements susvisés qui supportent la charge de la rémunération sont subrogés de plein droit dans tous les droits, actions et moyens généralement quelconques que la victime serait en droit de faire valoir conformément au § 1er contre la personne responsable de l'accident du travail ou de la maladie professionnelle jusqu'à concurrence de la rémunération payée pendant la période d'incapacité temporaire.

En ce qui concerne les membres du personnel visés à l'article 1er, 5°, 6° et 7°, la Communauté ou la Commission communautaire est subrogée de plein droit jusqu'à concurrence de la subvention-traitement ou du salaire qui est payé en faveur de la victime pendant la période d'incapacité temporaire ». B.4. Par un arrêt du 7 novembre 2014, la Cour de cassation a jugé : « 1. En vertu des articles 1382 et 1383 du Code civil, celui qui, par sa faute, cause un dommage à autrui est tenu de le réparer intégralement, ce qui implique le rétablissement du préjudicié dans l'état où il serait demeuré si l'acte dont il se plaint n'avait pas été commis.

Les pouvoirs publics qui, suite à la faute d'un tiers, doivent continuer à payer la rémunération et les charges grevant la rémunération en vertu d'obligations légales ou réglementaires qui leur incombent sans bénéficier de prestations de travail en contrepartie, ont droit à une indemnité dans la mesure où ils subissent ainsi un dommage. 2. L'existence d'une obligation contractuelle, légale ou réglementaire, n'exclut pas l'existence d'un dommage au sens des articles 1382 et 1383 du Code civil, pour autant qu'il n'apparaisse pas du contenu ou de la portée du contrat, de la loi ou du règlement que les dépenses ou prestations supportées doivent rester définitivement à charge de ceux qui s'y sont engagés ou qui y sont obligés par la loi ou le règlement.3. Il ressort de l'article 18, alinéa 1er, de l'arrêté royal du 15 janvier 1974 pris en application de l'article 160 de l'arrêté royal du 22 mars 1969 fixant le statut des membres du personnel directeur et enseignant, du personnel auxiliaire d'éducation, du personnel paramédical des établissements d'enseignement gardien, primaire, spécial, moyen, technique, artistique et normal de l'Etat, des internats dépendant de ces établissements et des membres du personnel du service d'inspection chargé de la surveillance de ces établissements, que si un membre du personnel nommé à titre définitif d'un établissement d'enseignement de la Communauté flamande est absent à la suite d'un accident causé par la faute d'un tiers, ce membre du personnel perçoit son traitement d'activité à condition qu'il subroge l'Etat dans ses droits, lors de chaque paiement, à concurrence du montant versé par l'Etat, à l'encontre de celui qui a causé l'accident. Cet arrêté royal du 15 janvier 1974 s'applique non seulement aux membres du personnel des établissements d'enseignement organisés par ou au nom de la Communauté flamande mais aussi aux membres du personnel des établissements d'enseignement subsidiés par la Communauté flamande. 4. Conformément aux articles 25, 26 et 36, § 2, de la loi du 29 mai 1959 modifiant certaines dispositions de la législation de l'enseignement, les subventions-traitements sont payées directement et mensuellement par la Communauté flamande aux membres du personnel des établissements subsidiés.5. La circonstance qu'un membre du personnel atteint d'une incapacité temporaire de travail soit occupé dans un établissement d'enseignement subsidié et que la Communauté flamande ne soit pas l'employeur proprement dit ne déroge pas au fait que la Communauté flamande qui verse la rémunération de ce membre du personnel au cours de la période d'incapacité temporaire de ce dernier, ensuite d'un accident causé par la faute d'un tiers en dehors de tout lien de subordination, et sans bénéficier des prestations de travail correspondantes, subit un dommage propre indemnisable au sens de l'article 1382 du Code civil.6. Dans la mesure où les juges d'appel ont fondé le rejet de la demande de la demanderesse sur le défaut de qualité d'employeur de la victime, ils n'ont pas légalement justifié leur décision. [...] [Il] ressort de l'article 18 de l'arrêté royal du 15 janvier 1974 que la Communauté flamande qui verse la rémunération d'un membre du personnel d'un établissement d'enseignement au cours de la période d'incapacité temporaire de travail de celui-ci, ensuite d'un accident causé par la faute d'un tiers en dehors du service, et sans bénéficier des prestations de travail correspondantes, subit un dommage propre indemnisable au sens de l'article 1382 du Code civil, en raison du paiement de cette rémunération [...] [...] 11. Il peut se déduire de la subrogation visée à l'article 18 de l'arrêté royal du 15 janvier 1974 que le législateur n'avait pas l'intention de mettre la prestation définitivement à charge des pouvoirs publics.L'étendue de la subrogation est sans intérêt à cet égard » (Pas., 2014, n° 679).

B.5. L'article 23 du décret de la Communauté française du 4 février 1997 « fixant le régime des congés et de disponibilité pour maladie et infirmité de certains membres du personnel de l'enseignement » a, pour la Communauté française, abrogé l'article 18 de l'arrêté royal du 15 janvier 1974.

L'article 4, alinéa 1er, du décret de la Communauté française du 5 juillet 2000 « fixant le régime des congés et de disponibilité pour maladie ou infirmité de certains membres du personnel de l'enseignement » dispose néanmoins : « Le membre du personnel dont l'absence est due à un accident causé par la faute d'un tiers perçoit son traitement d'activité ou son traitement d'attente à la condition de subroger la Communauté française dans ses droits contre l'auteur de l'accident jusqu'à concurrence des sommes versées par la Communauté française ».

B.6. Par un arrêt du 5 mars 2015, la Cour de cassation a jugé : « L'employeur public qui, en vertu de ses obligations légales ou réglementaires, est tenu de verser une rémunération à son agent sans recevoir de prestations en contrepartie a droit à une indemnité lorsqu'il subit ainsi un dommage.

Le jugement attaqué constate qu'' [une] enseignante [d'] un établissement appartenant au réseau libre subventionné par la [Communauté française] a été victime d'un accident de la circulation survenu sur le chemin du travail ', que ' l'accident est dû à la faute de [l']assurée [de la défenderesse] ', que ' [la Communauté française] a continué de payer le traitement de [la victime] pendant ses périodes d'incapacité temporaire ', qu'' elle en a sollicité le remboursement auprès de [la défenderesse] ' et qu'elle ' ne fonde pas son action contre l'assureur de la personne responsable de l'accident sur [l'article 14, § 3, de la loi du 3 juillet 1967Documents pertinents retrouvés type loi prom. 03/07/1967 pub. 24/10/2001 numac 2001000905 source ministere de l'interieur Loi sur la prévention ou la réparation des dommages résultant des accidents du travail, des accidents survenus sur le chemin du travail et des maladies professionnelles dans le secteur public. - Traduction allemande type loi prom. 03/07/1967 pub. 23/03/2018 numac 2018030614 source service public federal interieur Loi sur la prévention ou la réparation des dommages résultant des accidents du travail, des accidents survenus sur le chemin du travail et des maladies professionnelles dans le secteur public. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer], qui instaure un système de subrogation, mais sur l'article 1382 du Code civil, sollicitant ainsi la réparation d'un préjudice propre '.

Le jugement attaqué, qui considère que ' ce n'est pas le paiement de la rémunération qui constitue le dommage propre mais l'absence de contrepartie à ce paiement ' et que, ' s'agissant [...] d'un enseignant du réseau subsidié, ce n'est pas [la Communauté française] qui subit les inconvénients liés à l'absence de prestations mais bien l'employeur ', justifie légalement sa décision que ' [la Communauté française] n'est pas en droit [...] de fonder son action sur l'article 1382 du Code civil et qu'elle ne peut invoquer que le mécanisme prévu par l'article 14 de la loi du 3 juillet 1967Documents pertinents retrouvés type loi prom. 03/07/1967 pub. 24/10/2001 numac 2001000905 source ministere de l'interieur Loi sur la prévention ou la réparation des dommages résultant des accidents du travail, des accidents survenus sur le chemin du travail et des maladies professionnelles dans le secteur public. - Traduction allemande type loi prom. 03/07/1967 pub. 23/03/2018 numac 2018030614 source service public federal interieur Loi sur la prévention ou la réparation des dommages résultant des accidents du travail, des accidents survenus sur le chemin du travail et des maladies professionnelles dans le secteur public. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer ' » (Pas., 2015, n° 164).

B.7. Il ressort des motifs de la décision de renvoi et du libellé des deux questions préjudicielles que la Cour est invitée à statuer sur la compatibilité de l'article 1382 du Code civil avec les articles 10, 11 et 24, § 4, de la Constitution, en ce que, interprétée comme ne conférant pas à la Communauté française le droit d'obtenir, de la personne qui est responsable d'un accident sur le chemin du travail causé à un enseignant travaillant au sein d'un établissement d'enseignement subventionné par la Communauté française, le remboursement des subventions-traitements que cette autorité a payées à cet enseignant durant ses absences résultant d'une incapacité de travail de celui-ci causée par l'accident, la disposition législative en cause introduirait une différence de traitement entre, d'une part, la Communauté française en sa qualité de pouvoir subsidiant d'un tel établissement et, d'autre part, la Communauté française qui, en sa qualité de pouvoir organisateur d'un établissement d'enseignement, a, en application de cette disposition législative, et comme l'indiquent les deux arrêts précités de la Cour de cassation, le droit d'obtenir de la personne responsable d'un accident sur le chemin du travail causé à un enseignant travaillant au sein d'un tel établissement, le remboursement intégral des traitements versés à cet enseignant durant ses absences résultant de son incapacité de travail.

B.8.1. Le principe d'égalité et de non-discrimination garanti par les articles 10 et 11 de la Constitution n'exclut pas qu'une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu'elle repose sur un critère objectif et qu'elle soit raisonnablement justifiée.

L'existence d'une telle justification doit s'apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause; le principe d'égalité et de non-discrimination est violé lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.

B.8.2. L'article 24, § 4, de la Constitution dispose : « Tous les élèves ou étudiants, parents, membres du personnel et établissements d'enseignement sont égaux devant la loi ou le décret.

La loi et le décret prennent en compte les différences objectives, notamment les caractéristiques propres à chaque pouvoir organisateur, qui justifient un traitement approprié ».

Cette disposition énonce, dans le domaine de l'enseignement, le principe d'égalité et de non-discrimination garanti par les articles 10 et 11 de la Constitution.

B.9.1. Bien qu'elle ne soit pas l'employeur d'un enseignant qui est membre du personnel d'un établissement d'enseignement qu'elle subventionne, la Communauté française supporte sa rémunération, par le paiement d'une subvention-traitement, en contrepartie du travail qu'il accomplit au bénéfice des élèves et étudiants inscrits dans cet établissement. Ce travail est identique à celui qui est accompli par le membre du personnel d'un établissement d'enseignement organisé par la Communauté française, vis-à-vis duquel elle est considérée comme l'employeur, au bénéfice des élèves et étudiants inscrits dans ce dernier établissement.

Les conséquences de l'absence temporaire d'un membre du personnel, qu'il exerce ses fonctions dans un établissement subventionné par la Communauté française ou dans un établissement organisé par celle-ci, sont identiques tant pour les élèves ou les étudiants que pour la direction et les autres membres du personnel de l'établissement concerné. Les conséquences sont également les mêmes pour la Communauté française dans la mesure notamment où, si l'absence se prolonge et que le membre du personnel victime de l'accident vient à être temporairement remplacé, elle doit supporter la rémunération payée au remplaçant ainsi que des charges grevant celle-ci, quel que soit le type d'établissement concerné.

B.9.2. Dans la mesure où la Communauté française a, en application de l'article 1382 du Code civil, le droit d'obtenir réparation du dommage résultant du paiement de la rémunération et des charges qui la grèvent au profit d'un agent dont l'absence au travail découle d'un accident sur le chemin du travail causé par un tiers, il n'est pas justifié de ne pas reconnaître le même droit à la Communauté française lorsque, en sa qualité de pouvoir subsidiant de l'enseignement subventionné, elle a supporté, par le paiement d'une subvention-traitement, la rémunération d'un membre du personnel d'un établissement d'enseignement subventionné absent pour le même motif.

En effet, le préjudice subi par la Communauté française en sa qualité d'employeur est identique à celui qu'elle subit en sa qualité de pouvoir subsidiant. La circonstance que la Communauté française n'est ni le pouvoir organisateur, ni l'employeur du membre du personnel de l'établissement d'enseignement subventionné ne porte pas atteinte au fait que c'est la Communauté qui a payé la rémunération et les charges la grevant sans que les prestations constituant la contrepartie de cette rémunération aient été accomplies.

B.9.3. Enfin, la subrogation prévue par l'article 14, § 3, de la loi du 3 juillet 1967Documents pertinents retrouvés type loi prom. 03/07/1967 pub. 24/10/2001 numac 2001000905 source ministere de l'interieur Loi sur la prévention ou la réparation des dommages résultant des accidents du travail, des accidents survenus sur le chemin du travail et des maladies professionnelles dans le secteur public. - Traduction allemande type loi prom. 03/07/1967 pub. 23/03/2018 numac 2018030614 source service public federal interieur Loi sur la prévention ou la réparation des dommages résultant des accidents du travail, des accidents survenus sur le chemin du travail et des maladies professionnelles dans le secteur public. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer n'est pas de nature à justifier la différence de traitement en cause, dès lors qu'elle existe aussi au profit de la Communauté française, en sa qualité d'employeur, qui peut, en vertu de l'interprétation de l'article 1382 du Code civil rappelée par les deux arrêts précités de la Cour de cassation, choisir de réclamer l'indemnisation de son dommage de manière directe ou par la voie subrogatoire.

B.10. L'article 1382 du Code civil, interprété comme ne conférant pas à la Communauté française le droit d'obtenir, de la personne qui est responsable d'un accident sur le chemin du travail causé à un enseignant travaillant au sein d'un établissement d'enseignement subventionné par la Communauté française, le remboursement des subventions-traitements visées aux articles 25, 26, 27, 29 et 36, § 1er, de la loi du 29 mai 1959 que cette autorité a dû continuer à verser à cet enseignant durant la période d'incapacité de travail de celui-ci causée par l'accident, n'est pas compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution.

B.11. L'article 1382 du Code civil est toutefois susceptible d'être interprété comme conférant ce droit à la Communauté française, comme l'indique l'arrêt de la Cour de cassation du 7 novembre 2014, cité en B.4.

Dans cette interprétation, la disposition législative en cause ne crée pas la différence de traitement mentionnée en B.7.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : - Interprété comme ne conférant pas à la Communauté française le droit d'obtenir, de la personne qui est responsable d'un accident sur le chemin du travail causé à un enseignant travaillant au sein d'un établissement d'enseignement subventionné par la Communauté française, le remboursement des subventions-traitements visées aux articles 25, 26, 27, 29 et 36, § 1er, de la loi du 29 mai 1959 « modifiant certaines dispositions de la législation de l'enseignement » payées à cet enseignant durant ses absences résultant d'une incapacité de travail de celui-ci causée par cet accident, l'article 1382 du Code civil viole les articles 10 et 11 de la Constitution. - Interprété comme conférant à la Communauté française le droit d'obtenir, de la personne qui est responsable d'un accident sur le chemin du travail causé à un enseignant travaillant au sein d'un établissement d'enseignement subventionné par la Communauté française, le remboursement des subventions-traitements visées aux articles 25, 26, 27, 29 et 36, § 1er, de la loi du 29 mai 1959 « modifiant certaines dispositions de la législation de l'enseignement » payées à cet enseignant durant ses absences résultant d'une incapacité de travail de celui-ci causée par cet accident, l'article 1382 du Code civil ne viole pas les articles 10, 11 et 24, § 4, de la Constitution.

Ainsi rendu en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 15 juin 2017.

Le greffier, F. Meersschaut Le président, J. Spreutels

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