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Arrêt
publié le 26 janvier 2018

Extrait de l'arrêt n° 119/2017 du 12 octobre 2017 Numéro du rôle : 6540 En cause : la question préjudicielle relative aux articles 39, 40 et 1056 du Code judiciaire, posée par la Cour d'appel d'Anvers. La Cour constitutionnelle, composé après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédu(...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 119/2017 du 12 octobre 2017 Numéro du rôle : 6540 En cause : la question préjudicielle relative aux articles 39, 40 et 1056 du Code judiciaire, posée par la Cour d'appel d'Anvers.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents E. De Groot et J. Spreutels, et des juges L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke, T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, F. Daoût, T. Giet et R. Leysen, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président E. De Groot, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par arrêt du 31 octobre 2016 en cause de la société de droit néerlandais « ABN AMRO NV » et autres contre la SA « Tessenderlo Chemie » et autres, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 15 novembre 2016, la Cour d'appel d'Anvers a posé la question préjudicielle suivante : « Les articles 39, 40 et 1056 du Code judiciaire violent-ils les articles 10 et 11 de la Constitution, combinés ou non avec l'article 14, paragraphe 1, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, en ce que l'appel est irrecevable dans le cas d'un intimé qui a son domicile ou sa résidence à l'étranger et qui a fait élection de domicile en Belgique, lorsque l'appelant méconnaît cette élection de domicile et forme appel par exploit d'huissier de justice alors que cet appel interjeté en méconnaissance du domicile élu en Belgique d'un intimé qui a son domicile ou sa résidence à l'étranger est recevable s'il est formé par requête déposée au greffe de la juridiction d'appel ? ». (...) III. En droit (...) Quant à la compétence de la Cour B.1. Les parties défenderesses sur opposition dans le litige au fond allèguent, en ordre principal, que la Cour n'est pas compétente pour connaître de la question préjudicielle, en ce que la formulation de celle-ci conduirait le juge a quo à déléguer sa juridiction ou à statuer prématurément sur la recevabilité de l'appel.

B.2. La Cour, statuant au contentieux préjudiciel, doit s'exprimer au sujet d'une norme générale et non sur le cas particulier dont est saisi le juge a quo. Elle n'est pas compétente pour trancher le litige au fond, ni pour se prononcer sur l'application aux faits de la cause de la norme générale.

B.3.1. La question préjudicielle, telle qu'elle est formulée par le juge a quo, invite la Cour à se prononcer sur la différence de traitement entre les parties à l'instance d'appel, selon que l'appel est formé par acte d'huissier ou par requête, sur le plan de la sanction réservée à l'acte d'appel adressé à la partie intimée établie à l'étranger en méconnaissance du domicile élu par celle-ci en Belgique. Une telle question relève de la compétence de la Cour.

B.3.2. L'exception est rejetée.

Quant aux dispositions en cause et à leur contexte B.4.1. L'article 39, alinéa 1er, du Code judiciaire dispose : « Lorsque le destinataire a élu domicile chez un mandataire, la signification et la notification peuvent être faites à ce domicile ».

B.4.2. L'article 40 du même Code dispose : « A ceux qui n'ont en Belgique ni domicile, ni résidence, ni domicile élu connus, la copie de l'acte est adressée par l'huissier de justice sous pli recommandé à la poste, à leur domicile ou à leur résidence à l'étranger et en outre par avion si le point de destination n'est pas dans un Etat limitrophe, sans préjudice des autres modes de transmission convenus entre la Belgique et le pays de leur domicile ou de leur résidence. La signification est réputée accomplie par la remise de l'acte aux services de la poste contre le récépissé de l'envoi dans les formes prévues au présent article.

A ceux qui n'ont en Belgique ni à l'étranger de domicile, de résidence ou de domicile élu connus, la signification est faite au procureur du Roi dans le ressort duquel siège le juge qui doit connaître ou a connu de la demande; si aucune demande n'est ou n'a été portée devant le juge, la signification est faite au procureur du Roi dans le ressort duquel le requérant a son domicile ou, s'il n'a pas de domicile en Belgique, au procureur du Roi à Bruxelles. [...] Les significations peuvent toujours être faites à la personne si celle-ci est trouvée en Belgique.

La signification à l'étranger ou au procureur du Roi est non avenue si la partie à la requête de laquelle elle a été accomplie connaissait le domicile ou la résidence ou le domicile élu en Belgique ou, le cas échéant, à l'étranger du signifié ».

B.4.3. L'article 1056 du même Code dispose : « L'appel est formé : 1° par acte d'huissier de justice signifié à partie.2° par requête déposée au greffe de la juridiction d'appel en autant d'exemplaires qu'il y a de parties en cause, et notifiée par le greffier, sous pli judiciaire, à la partie intimée et, le cas échéant, à son avocat au plus tard le premier jour ouvrable qui suit le dépôt;3° par lettre recommandée à la poste envoyée au greffe, lorsque la loi a formellement prévu ce mode de recours, ainsi que dans les matières prévues aux articles 579, 6°, 580, 2°, 3°, 6°, 7°, 8°, 9°, 10° et 11°, 581, 2°, 582, 1° et 2°, et 583;4° par conclusions à l'égard de toute partie présente ou représentée à la cause ». B.5.1. En vertu de l'article 39, alinéa 1er, du Code judiciaire, lorsque le destinataire a élu domicile chez un mandataire, la signification et la notification peuvent être faites à ce domicile.

Cette disposition n'impose pas la signification ou la notification au domicile élu en Belgique lorsque le destinataire est domicilié en Belgique ou, pour une personne morale, lorsqu'elle y a son siège social (Cass., 12 janvier 2012, Pas., 2012, I, n° 30. Dans le même sens : Cass., 26 février 2010, Pas., 2010, n° 136; 10 mai 2012, Pas., 2012, n° 294).

B.5.2. Si une personne à qui un huissier de justice adresse une signification n'a en Belgique ni domicile, ni résidence, ni domicile élu connus, l'huissier signifie l'acte à cette personne à son domicile ou à sa résidence à l'étranger (article 40, alinéa 1er, du Code judiciaire).

Lorsqu'une personne n'a en Belgique ou à l'étranger ni domicile, ni résidence, ni domicile élu connus, la signification est faite au procureur du Roi dans le ressort duquel siège le juge qui doit connaître ou a connu de la demande (article 40, alinéa 2, du Code judiciaire).

B.5.3. En vertu de l'article 40, alinéa 4, du Code judiciaire, la signification faite à l'étranger ou au procureur du Roi est « non avenue » si la partie à la requête de laquelle elle a été accomplie connaissait le domicile ou la résidence ou le domicile élu en Belgique ou, le cas échéant, à l'étranger du signifié (Cass., 18 septembre 1980, Pas., 1981, I, p. 71; 15 novembre 1991, Pas., 1992, I, n° 144; 9 janvier 1997, Pas., 1997, I, n° 22). Il en résulte que la signification au domicile élu en Belgique est obligatoire lorsque la partie signifiée est établie à l'étranger, si la partie adverse connaissait le domicile élu.

Selon la jurisprudence de la Cour de cassation, l'élection de domicile qui est faite dans l'exploit de signification d'une décision judiciaire vaut pour tous les actes de procédure qui se rattachent à cette décision et, notamment, pour les voies de recours qui peuvent être exercées contre elle (Cass., 18 septembre 1980, Pas., 1981, I, p. 71; 16 octobre 1980, Pas., 1981, I, p. 207; 29 mai 2009, Pas., 2009, n° 359). B.6.1. Le délai d'appel est d'un mois à partir de la signification ou de la notification du jugement entrepris (article 1051, alinéa 1er, du Code judiciaire).

B.6.2. L'appel est formé par acte d'huissier de justice signifié à partie (article 1056, 1°, du Code judiciaire) ou par requête déposée au greffe ou envoyée au greffe par la poste (article 1056, 2°). Il peut aussi être formé par lettre recommandée à la poste, lorsque la loi a formellement prévu ce mode de recours ainsi que dans les cas énumérés à l'article 1056, 3°, ou par conclusions à l'égard de toute partie présente ou représentée à la cause (article 1056, 4°).

Lorsque l'appel est formé par requête, la date de l'appel est celle à laquelle la requête a été déposée au greffe (Cass., 27 novembre 1997, Pas., 1997, II, n° 512) ou, en cas d'envoi de la requête par pli recommandé, la date de la réception de ce pli au greffe (Cass., 10 janvier 2008, Pas., 2008, n° 19). En cas de défaut de l'intimé, le juge peut surseoir à statuer et ordonner la signification de l'acte d'appel par huissier (article 1058 du Code judiciaire). Une telle signification ne doit pas intervenir dans le délai d'appel (Cass., 13 novembre 2000, Pas., 2000, II, n° 617).

Quant à la question préjudicielle B.7. La Cour est interrogée sur la compatibilité des articles 39, 40 et 1056 du Code judiciaire avec les articles 10 et 11 de la Constitution, lus ou non en combinaison avec l'article 14, paragraphe 1, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, en ce qu'ils prévoient que seul l'acte d'appel formé par exploit d'huissier de justice est considéré comme « irrecevable » en cas de méconnaissance du domicile élu en Belgique par une partie intimée établie à l'étranger, et non l'acte d'appel formé par requête.

Contrairement à ce que les parties demanderesses sur opposition suggèrent dans leurs mémoires, il n'appartient pas aux parties d'étendre la portée d'une question préjudicielle. La Cour ne peut dès lors examiner la compatibilité des dispositions en cause avec le principe d'égalité et de non-discrimination en ce qu'elles instaurent une différence de traitement entre les parties intimées établies à l'étranger qui ont élu domicile en Belgique, selon que l'appel est formé par acte d'huissier ou par requête, quant à la manière dont le jugement de première instance acquiert force de chose jugée.

B.8. Il ressort des motifs de la décision de renvoi que le litige au fond porte sur une situation dans laquelle, successivement, les parties demanderesses sur opposition (qui sont également les parties intimées dans la procédure d'appel dont opposition) ont fait élection de domicile en Belgique dans l'exploit de signification du jugement de première instance, les parties défenderesses sur opposition (qui sont également les parties appelantes dans la procédure d'appel dont opposition) ont formé appel contre ce jugement par voie de requête sans mentionner dans celle-ci ni les actes de signification du jugement dont appel, ni l'élection de domicile en Belgique effectuée par les parties demanderesses sur opposition, le greffe de la juridiction d'appel a notifié la requête d'appel au siège social des parties demanderesses sur opposition aux Pays-Bas en méconnaissance du domicile élu par celles-ci en Belgique, la juridiction d'appel a rendu un arrêt par défaut à l'égard des parties demanderesses sur opposition et enfin, celles-ci ont formé opposition en degré d'appel contre cet arrêt.

B.9. Les parties à une procédure d'appel introduite par citation peuvent être comparées aux parties à une procédure d'appel introduite par voie de requête, en particulier en ce qui concerne l'existence ou non d'une sanction de l'acte d'appel communiqué de manière irrégulière à la partie intimée établie à l'étranger en méconnaissance du domicile élu par celle-ci en Belgique, alors que cette élection de domicile avait pourtant été portée à la connaissance de la partie appelante lors de la signification du jugement dont appel.

B.10. La différence de traitement entre les deux catégories de justiciables visées par la question préjudicielle repose sur un critère objectif : le mode d'introduction de l'appel, par citation ou par requête.

B.11. La Cour doit encore examiner si la différence de traitement est raisonnablement justifiée au regard de l'objectif poursuivi par le législateur.

B.12. Il ressort tant du texte que des travaux préparatoires des articles 860 et suivants du Code judiciaire que le législateur entend réduire au minimum les cas de nullité des actes de procédure.

B.13. Dans le projet de loi initial instituant le Code judiciaire, la sanction prévue à l'article 40, alinéa 4, de ce Code n'existait pas (Doc. parl., Sénat, 1963-1964, n° 60, p. 456 (rapport Van Reepinghen)). Elle a été introduite lors de l'examen du projet de loi en commission, sur la base de la justification suivante : « Article 40 (significations aux personnes résidant à l'étranger) Cet article est modifié par les Commissions quant à deux points : 1° en premier lieu, les Commissions ont exprimé le voeu que la signification, lorsqu'elle se fait par la poste aérienne, soit faite en outre par voie ordinaire, sous pli recommandé. [...] 2° d'autre part, les Commissions ont voulu éviter l'inconvénient résultant du fait que les plaideurs, sous prétexte d'ignorer le domicile de la partie adverse à l'étranger, abusent de la signification au procureur du Roi.A cette fin, une sanction éventuelle est prévue : la signification est nulle s'il est prouvé que la partie demanderesse avait connaissance de ce domicile » (Doc. parl., Sénat, 1964-1965, n° 170, pp. 32-33).

B.14.1. La possibilité d'interjeter appel par voie de requête comme le prévoit l'article 1056, 2°, du Code judiciaire a été insérée dans ce Code en 1967 en vue de simplifier la procédure par rapport à celle de l'exploit d'huissier, qui était antérieurement obligatoire (Doc. parl., Chambre, 1965-1966, n° 59/49, p. 157).

En pratique, l'introduction de l'appel par voie de requête est aujourd'hui généralisée.

B.14.2. S'agissant des formes de l'appel, les travaux préparatoires du Code judiciaire énoncent : « [...] l'appel constitue la poursuite d'un litige en cours, entre parties déjà en cause, dont les rapports de fait et de droit ont déjà été établis généralement tant par les conclusions qu'elles ont prises en première instance que par la décision qui a été rendue. Il est donc permis de prévoir des formes plus simples et plus souples pour l'introduction de l'appel, pour la comparution des parties et même pour l'instruction de l'affaire. De plus l'unité qui lie les deux instances permet de donner plus de force à l'effet dévolutif de l'appel et au pouvoir d'évocation qui en découle.

On peut espérer que grâce à cet assouplissement de la procédure d'appel, il sera possible de mieux réaliser les avantages que présente le double degré de juridiction, tout en limitant la perte de temps qui en résulte inévitablement et en écartant les appels dilatoires justement critiqués. [...] L'article 1056 règle les formes de l'appel.

Sous l'empire du Code de procédure civile, la formation de l'appel principal par acte d'huissier constitue la règle. Celle-ci est maintenue dans le projet. Elle ne doit être obligatoirement suivie que lorsqu'il s'agit d'un appel dirigé contre un jugement par défaut. Il faut, en ce cas, prendre des précautions pour que l'intimé soit dûment averti de l'appel. Ce cas excepté, l'appel peut aussi être formé par requête déposée au greffe de la juridiction d'appel, et notifiée à l'intimé par le greffier, au plus tard le premier jour ouvrable qui suit le dépôt. Cette procédure simplifiée se justifie en appel par cela que les parties sont déjà à la cause, que leur identité, leur domicile et le plus généralement leurs avocats sont connus, en sorte que les risques d'erreur, au moment de la notification par pli judiciaire, sont fort réduits. S'il y a lieu de craindre que l'intimé n'ait pas été atteint par la notification, le juge d'appel peut, à tout moment d'ailleurs, ordonner que l'appel soit signifié par acte d'huissier » (Doc. parl., Sénat, 1963-1964, n° 60, pp. 247, 249 et 250 (rapport Van Reepinghen)).

B.14.3. Jusqu'en 1999, l'introduction de l'appel par acte d'huissier était toutefois obligatoire lorsque l'appel était dirigé contre un jugement par défaut, en vertu de l'article 1056, 1°, deuxième alinéa, du Code judiciaire qui disposait : « L'appel est formé : 1° par acte d'huissier signifié à partie.

Cette forme est obligatoire lorsque la décision entreprise a été rendue par défaut contre la partie intimée; ».

La loi du 22 mars 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 22/03/1999 pub. 05/10/1999 numac 1999009976 source ministere de la justice Loi abrogeant l'article 1056, 1°, deuxième alinéa, du Code judiciaire fermer « abrogeant l'article 1056, 1°, deuxième alinéa, du Code judiciaire » a étendu la possibilité de former appel par requête aux appels formés contre des jugements rendus par défaut.

Désormais, l'appel peut être formé indifféremment par requête ou par citation, en ce compris contre un jugement rendu par défaut.

Selon les travaux préparatoires, cette mesure est justifiée comme suit : « La signification par exploit d'huissier de l'acte d'appel n'offre pas, en cas de décision rendue par défaut de la partie concernée, davantage de garanties que si cette démarche était accomplie par voie de requête, du fait que l'intimé est avisé par pli judiciaire de l'acte d'appel. En cas de non-distribution, ce pli reste en dépôt au bureau de poste et, s'il n'est pas retiré, le pli judiciaire est réputé avoir été signifié valablement si l'adresse était correcte. La situation est pratiquement la même en cas de signification de l'exploit d'huissier, sauf que cet exploit peut être retiré en l'étude de l'huissier. Par conséquent, cette forme coûteuse de signification est superflue et constitue un obstacle, qui doit être éliminé, à l'accès à la justice. L'introduction de l'acte d'appel par requête peut parfaitement être étendue aux affaires dans lesquelles une partie a fait défaut » (Doc. parl., Sénat, 1997-1998, n° 1-1063/1, pp. 3-4).

B.15. Il découle de ce qui précède que la sanction de nullité spécifique prévue à l'article 40, alinéa 4, du Code judiciaire a été justifiée par la volonté d'éviter un recours abusif aux significations à l'étranger et au procureur du Roi (Cass., 10 décembre 1971, Pas., 1972, I, p. 356).

La possibilité d'interjeter appel par voie de requête a été justifiée par la volonté de prévoir un mode d'introduction de l'appel plus souple et moins coûteux que la citation, par la circonstance que la continuité entre les deux instances réduit les risques d'erreur au moment de la notification de la requête d'appel et par le fait que la signification par exploit d'huissier n'offre pas plus de garanties que la requête lors de l'introduction de l'appel, y compris en cas d'appel formé contre un jugement rendu par défaut.

B.16. La limitation de la sanction de nullité spécifique prévue à l'article 40, alinéa 4, du Code judiciaire à l'acte d'appel qui est introduit par voie de citation est pertinente par rapport aux objectifs poursuivis par le législateur précités en B.15.

B.17. Le droit d'accès au juge, qui constitue un aspect du droit à un procès équitable, peut être soumis à des conditions de recevabilité, notamment en ce qui concerne l'introduction d'une voie de recours. Ces conditions ne peuvent cependant aboutir à restreindre le droit de manière telle que celui-ci s'en trouve atteint dans sa substance même.

Tel serait le cas si les restrictions imposées ne tendaient pas vers un but légitime et s'il n'existait pas un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé (CEDH, 24 février 2009, L'Erablière ASBL c. Belgique, § 35; 29 mars 2011, RTBF c. Belgique, § 69;18 octobre 2016, Miessen c. Belgique, § 63).

Plus particulièrement, les règles relatives aux formalités et délais fixés pour former un recours visent à assurer une bonne administration de la justice et à écarter les risques d'insécurité juridique.

Toutefois, ces règles ne peuvent empêcher les justiciables de se prévaloir des voies de recours disponibles.

B.18.1. La partie intimée à laquelle la requête d'appel a été notifiée à son domicile réel à l'étranger ou, comme dans le litige soumis au juge a quo, à son siège social à l'étranger, a en principe pu prendre connaissance de la requête d'appel, de manière telle que le but poursuivi par le législateur a été atteint.

B.18.2. En outre, sauf lorsque l'appel est dirigé contre un jugement par défaut, les parties à l'instance d'appel sont en principe déjà à la cause, leur identité, leur domicile et leurs avocats sont le plus souvent connus, en sorte que les risques d'erreur, au moment de la notification par pli judiciaire, sont fort réduits (Doc. parl., Sénat, 1963-1964, n° 60, pp. 247 et 250 (rapport Van Reepinghen)).

En cas de doute, le juge peut surseoir à statuer et ordonner la signification par huissier de l'acte d'appel initialement formé par requête, en application de l'article 1058 du Code judiciaire. Cet acte de régularisation assure le respect des droits de la défense de la partie intimée en permettant que l'acte d'appel lui soit adressé une seconde fois par voie de citation.

B.18.3. Enfin, en cas d'appel formé par citation, la sanction de nullité spécifique prévue à l'article 40, alinéa 4, du Code judiciaire est vouée à s'appliquer uniquement dans des cas exceptionnels compte tenu des articles 860 et suivants du Code judiciaire et de la volonté du législateur de réduire au minimum les nullités pour violation de formes.

B.18.4. La mesure en cause n'entraîne pas de conséquences disproportionnées pour les parties à l'instance d'appel.

B.19. Il résulte de ce qui précède que la différence de traitement à propos de laquelle la Cour est interrogée est raisonnablement justifiée.

B.20. La question préjudicielle appelle une réponse négative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : Les articles 39, 40 et 1056 du Code judiciaire ne violent pas les articles 10 et 11 de la Constitution, combinés ou non avec l'article 14, paragraphe 1, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme.

Ainsi rendu en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 12 octobre 2017.

Le greffier, Le président,F. Meersschaut E. De Groot

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