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Arrêt
publié le 27 octobre 2001

Extrait de l'arrêt n° 99/2001 du 13 juillet 2001 Numéro du rôle : 1894 En cause : la question préjudicielle concernant l'article 56bis, § 1 er , des lois relatives aux allocations familiales pour travailleurs salariés, coordonné La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et H. Boel, des juges L. François, R. H(...)

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COUR D'ARBITRAGE


Extrait de l'arrêt n° 99/2001 du 13 juillet 2001 Numéro du rôle : 1894 En cause : la question préjudicielle concernant l'article 56bis, § 1er, des lois relatives aux allocations familiales pour travailleurs salariés, coordonnées par l'arrêté royal du 19 décembre 1939, posée par le Tribunal du travail de Huy.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et H. Boel, des juges L. François, R. Henneuse, L. Lavrysen et A. Alen, et, conformément à l'article 60bis de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, du juge honoraire J. Delruelle, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président M. Melchior, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle Par jugement du 18 février 2000 en cause de A. Sacré contre l'Office national d'allocations familiales pour travailleurs salariés, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour d'arbitrage le 28 février 2000, le Tribunal du travail de Huy a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 56bis, § 1er, des lois coordonnées relatives aux allocations familiales pour travailleurs salariés viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'il a pour effet qu'un orphelin est traité différemment selon qu'au moment du décès de l'un de ses parents, l'attributaire est le père ou la mère d'une part, ou une tierce personne d'autre part, puisque cet article ne prévoit, pour l'obtention des allocations majorées d'orphelin, qu'une condition précise qui doit être remplie dans le chef du père ou de la mère uniquement, une tierce personne étant d'office exclue ?" (...) IV. En droit (...) B.1. L'article 56bis des lois coordonnées relatives aux allocations familiales pour travailleurs salariés, tel qu'il était en vigueur au moment où a été posée la question préjudicielle, disposait : « § 1er. Est attributaire des allocations familiales aux taux prévus à l'article 50bis, l'orphelin, si au moment du décès de l'un de ses parents, le père ou la mère a satisfait aux conditions pour prétendre à au moins six allocations forfaitaires mensuelles en vertu des présentes lois, au cours des douze mois précédant immédiatement le décès. § 2. Les allocations familiales prévues au § 1er sont toutefois accordées aux taux prévus à l'article 40, lorsque le père survivant ou la mère survivante est engagé dans les liens d'un mariage ou est établi en ménage. Pour l'application du présent paragraphe, il y a présomption d'établissement en ménage, lorsqu'il y a cohabitation entre personnes de sexe différent, sauf lorsque ces personnes sont parentes ou alliées jusqu'au troisième degré inclusivement. Cette présomption peut être renversée par la preuve contraire.

Le bénéfice du § 1er peut être invoqué à nouveau si les causes d'exclusion prévues à l'alinéa 1er ont cessé d'exister ou si le mariage de l'auteur survivant, non établi en ménage, est suivi d'une séparation de corps ou d'une séparation de fait consacrée par une ordonnance judiciaire assignant une résidence séparée aux époux.

Le présent paragraphe n'est pas applicable lorsque l'orphelin est abandonné par son auteur survivant. » Seul le paragraphe 1er est en cause, la modification apportée au paragraphe 2 est irrelevante en l'espèce.

B.2. La différence de traitement soumise à la Cour par le juge a quo est celle faite entre les orphelins selon que, lors du décès d'un de leurs parents, l'attributaire était l'un de ces derniers ou une tierce personne, en ce que la condition de carrière mise par l'article 56bis, § 1er, pour l'obtention des allocations majorées d'orphelin doit être remplie dans le chef des seuls père ou mère, à l'exclusion d'une tierce personne.

B.3. Les règles constitutionnelles de l'égalité et de la non-discrimination n'excluent pas qu'une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu'elle repose sur un critère objectif et qu'elle soit raisonnablement justifiée.

L'existence d'une telle justification doit s'apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause; le principe d'égalité est violé lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.

B.4. L'article 56bis, § 1er, des lois relatives aux allocations familiales pour travailleurs salariés ouvre le droit à une allocation spéciale, quelle que soit la situation économique dans laquelle le décès place l'orphelin.

En subordonnant l'octroi de cette allocation majorée d'orphelin à ce que, lors du décès de l'un de ses parents, l'un de ceux-ci ait satisfait à la condition de carrière qu'il définit, l'article 56bis, § 1er, a pour effet que n'est pas pris en considération le fait qu'une tierce personne puisse être, au moment du décès, l'attributaire des allocations familiales dont bénéficie l'enfant.

B.5. Il n'appartient pas à la Cour d'apprécier si un système de sécurité sociale est ou non équitable. Il appartient seulement à la Cour d'apprécier si le législateur a traité de manière discriminatoire ou non des catégories de personnes comparables.

B.6. Dans le régime des travailleurs salariés, la qualité d'attributaire est liée, selon le cas, à l'exercice d'une activité professionnelle présente ou passée ou à une situation sociale particulière.

La Cour constate que l'attributaire, répondant à l'une des qualités précitées et du chef duquel un enfant bénéficie d'allocations familiales, est, généralement, son père et/ou sa mère; bien qu'il n'ait appréhendé ainsi la diversité des situations qu'avec un certain degré d'approximation, le législateur a pu présumer, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, que, dans le cadre de la législation en cause en l'espèce, tel est en général le cas.

En considération de ces éléments - et en particulier du lien entre l'allocation d'orphelin et le décès du père ou de la mère, d'une part, et de leur qualité d'attributaires habituels des allocations familiales, d'autre part -, il n'apparaît pas dénué de justification que l'article 56bis, § 1er, ait limité le bénéfice des allocations majorées d'orphelin à l'hypothèse dans laquelle, au moment du décès, l'un ou l'autre des parents était attributaire.

B.7. Cette limitation n'emporte pas des effets disproportionnés dans le chef des orphelins auxquels elle s'applique.

D'une part, la condition selon laquelle le père ou la mère de l'enfant, devenu orphelin, devait être attributaire au moment du décès, n'aboutit pas à priver d'allocations familiales l'enfant dont aucun des parents n'aurait satisfait à cette condition. En effet, à supposer même - encore que ce ne soit pas le cas dans l'espèce qui a donné lieu à la question préjudicielle - qu'il ne puisse bénéficier des allocations familiales sur la base du régime des travailleurs salariés, la loi du 20 juillet 1971Documents pertinents retrouvés type loi prom. 20/07/1971 pub. 19/08/2009 numac 2009000536 source service public federal interieur Loi instituant des prestations familiales garanties. - Coordination officieuse en langue allemande fermer instituant des prestations familiales garanties lui garantit, à titre résiduel, le bénéfice de diverses prestations familiales, dont les allocations familiales.

D'autre part, l'article 57bis, alinéa 2, permet au ministre qui a les affaires sociales dans ses attributions de déroger, "dans des cas dignes d'intérêt", à la condition de carrière prescrite dans le chef du père ou de la mère par l'article 56bis, § 1er.

B.8. La question préjudicielle appelle une réponse négative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 56bis, § 1er, des lois relatives aux allocations familiales pour travailleurs salariés, coordonnées par l'arrêté royal du 19 décembre 1939, ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution.

Ainsi prononcé en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 13 juillet 2001.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux Le président, M. Melchior

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