Etaamb.openjustice.be
Arrêt
publié le 25 février 2005

Extrait de l'arrêt n° 29/2005 du 9 février 2005 Numéro du rôle : 2928 En cause : le recours en annulation partielle de l'article 160, 1°, 2° et 3°, du décret de la Communauté flamande du 4 avril 2003 relatif à la restructuration de l'ensei La Cour d'arbitrage, composée des présidents A. Arts et M. Melchior, et des juges P. Martens, R.(...)

source
cour d'arbitrage
numac
2005200489
pub.
25/02/2005
prom.
--
moniteur
https://www.ejustice.just.fgov.be/cgi/article_body(...)
Document Qrcode

COUR D'ARBITRAGE


Extrait de l'arrêt n° 29/2005 du 9 février 2005 Numéro du rôle : 2928 En cause : le recours en annulation partielle de l'article 160, 1°, 2° et 3°, du décret de la Communauté flamande du 4 avril 2003 relatif à la restructuration de l'enseignement supérieur en Flandre, introduit par l'« Universiteit Gent ».

La Cour d'arbitrage, composée des présidents A. Arts et M. Melchior, et des juges P. Martens, R. Henneuse, M. Bossuyt, E. De Groot, A. Alen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman et E. Derycke, assistée du greffier L. Potoms, présidée par le président A. Arts, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours et procédure Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 13 février 2004 et parvenue au greffe le 16 février 2004, l'« Universiteit Gent », dont le siège est établi à 9000 Gand, Sint-Pietersnieuwstraat 25, a introduit un recours en annulation partielle de l'article 160, 1°, 2° et 3°, du décret de la Communauté flamande du 4 avril 2003 relatif à la restructuration de l'enseignement supérieur en Flandre (publié au Moniteur belge du 14 août 2003). (...) II. En droit (...) B.1. La partie requérante a introduit un recours en annulation de l'article 160, 1° à 3°, du décret flamand du 4 avril 2003 relatif à la restructuration de l'enseignement supérieur en Flandre (ci-après : le décret sur la restructuration), - pour ce qui concerne le 1° de cette disposition, en tant qu'il remplace, dans l'article 130, § 1er, du décret du 12 juin 1991 relatif aux universités dans la Communauté flamande, modifié en dernier lieu par le décret du 14 février 2003, les mots « 2001, 2002, 2003 et 2004 » par les mots « 2001 jusque 2006 inclus »; - pour ce qui concerne les 2° et 3° de cette disposition, en tant qu'ils fixent dans l'article 130, § 2, 2°, et § 3, 2°, du décret précité du 12 juin 1991 respectivement le « montant forfaitaire » visé et les « allocations de fonctionnement supplémentaires » pour les années 2005 et 2006.

Quant à la recevabilité B.2. En tant qu'il est dirigé contre le 1° de l'article 160 du décret sur la restructuration, le recours n'est pas recevable, étant donné que la partie requérante n'expose pas en quoi le remplacement des mots « 2001, 2002, 2003 et 2004 » par les mots « 2001 jusque 2006 inclus » violerait les règles dont la Cour garantit le respect, de sorte que le moyen ne satisfait pas - dans cette mesure - aux exigences de l'article 6 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage.

L'article 130, § 1er, du décret du 12 juin 1991 sur les universités que modifie le 1° de l'article 160 du décret sur la restructuration ne comporte du reste qu'une énumération des éléments qui composent - désormais aussi pour les années 2005 et 2006 - l'allocation de fonctionnement octroyée aux universités et il est sans rapport avec les griefs formulés par la partie requérante. Ceux-ci concernent uniquement la concrétisation chiffrée de deux de ces éléments - « le montant forfaitaire » et les « allocations de fonctionnement supplémentaires » - telle qu'elle est fixée aux 2° et 3° de l'article 160 précité.

B.3.1. Selon le Gouvernement flamand, le recours en annulation n'est pas recevable en raison de sa tardiveté, étant donné que le texte du décret attaqué, publié au Moniteur belge du 14 août 2003, avait déjà été notifié à la partie requérante le 10 avril 2003. Le Gouvernement flamand considère que la date du 10 avril 2003 doit être prise comme point de départ du délai de recours.

B.3.2. Le recours en annulation a été introduit dans les délais dès lors que, conformément à l'article 3, § 1er, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, il a été introduit dans les six mois de la publication du décret attaqué au Moniteur belge .

Le terme « publication » utilisé dans l'article 3, § 1er, précité vise la publication au Moniteur belge . La circonstance que la partie requérante a reçu notification du texte de l'acte avant même que celui-ci ait été publié au Moniteur belge n'y change rien.

B.3.3. L'exception est rejetée.

B.4.1. Le Gouvernement flamand considère que le recours n'est pas recevable faute de l'intérêt requis, étant donné que la disposition attaquée n'affecterait pas directement la partie requérante et qu'une éventuelle annulation ne lui procurerait aucun avantage.

B.4.2. L'« Universiteit Gent » peut être directement et défavorablement affectée, en tant que bénéficiaire d'allocations de fonctionnement, aussi bien en ce qui concerne le montant forfaitaire qu'en ce qui concerne les allocations de fonctionnement supplémentaires, que la disposition attaquée maintient dans les deux cas, pour les années 2005 et 2006, au même niveau que pour l'année 2004.

Pour que la partie requérante justifie de l'intérêt requis, il n'est en outre pas nécessaire qu'une éventuelle annulation lui procure un avantage direct. La circonstance que la partie requérante obtienne à nouveau une chance que sa situation soit réglée plus favorablement à la suite de l'annulation de la disposition attaquée suffit à justifier son intérêt à attaquer cette disposition.

B.4.3. La partie requérante n'a toutefois pas un intérêt direct à l'annulation de la disposition attaquée en tant que celle-ci fixe les allocations de fonctionnement précitées qui sont octroyées aux universités autres que l' « Universiteit Gent » pour les années 2005 et 2006.

Le recours est par conséquent recevable seulement en tant qu'il est dirigé, d'une part, contre le montant forfaitaire, fixé à 150.114, exprimé en milliers d'euros, octroyé à l' « Universiteit Gent » pour les années 2005 et 2006 (article 160, 2°), et, d'autre part, contre les allocations de fonctionnement supplémentaires, fixées à 14.616, exprimé en milliers d'euros, attribuées à l' « Universiteit Gent » pour les années 2005 et 2006 (article 160, 3°).

Quant au fond Contexte de la disposition attaquée B.5.1. Avant l'adoption de la disposition attaquée, les allocations de fonctionnement attribuées aux universités dans la Communauté flamande étaient fixées par le décret du 7 décembre 2001 relatif au financement des universités en Communauté flamande et aux dispositions connexes - appelé « décret de financement » -, qui a remplacé entre autres l'article 130 du décret du 12 juin 1991 relatif aux universités dans la Communauté flamande - appelé « décret sur les universités ».

L'exposé des motifs du décret de financement du 7 décembre 2001 mentionne que : « La révision du financement des universités s'opérera en deux phases : - une période transitoire 2001-2004, pendant laquelle, notamment, l'enveloppe globale des allocations de fonctionnement sera progressivement augmentée, un certain nombre de corrections étant apportées et un cadre étant créé en vue d'optimiser l'offre d'enseignement; - un nouveau modèle de financement à long terme à partir de 2005, pour lequel le travail d'études nécessaire devra être réalisé au cours de la période transitoire afin d'élaborer le matériel de base non encore disponible à ce jour. Ce modèle entrera progressivement en fonction à partir de 2005.

Le régime transitoire 2001-2004 présente des accents qui lui sont propres : - les différentes enveloppes sont fixées sans tenir compte du nombre d'étudiants; - des anomalies existant dans le régime de financement sont éliminées; [...]. » (Doc., Parlement flamand, 2001-2002, n° 838/1, p. 4) B.5.2. La « première correction » prévue par le régime transitoire concernait une modification du financement par unité de charge d'enseignement (UCE), dans le sens d'un relèvement vers la moyenne flamande.

Les travaux préparatoires indiquent à ce propos que : « Avec l'introduction des règles de financement dans le décret de 1991, les universités flamandes recevaient globalement 50 p.c. environ de leurs allocations de fonctionnement sous la forme d'une partie forfaitaire et 50 p.c. environ sur la base de leur nombre d'étudiants pondéré suivant les trois grandes orientations d'études. Ce nombre pondéré d'étudiants est exprimé en UCE. Au cours des dix années écoulées, le rapport entre les universités flamandes, quant au nombre pondéré d'étudiants, s'est fortement modifié. Cette évolution conduit à ce que le financement par étudiant (pondéré) ou par UCE diffère actuellement fort [...].

Pour les établissements pour lesquels l'allocation par UCE est inférieure à la moyenne flamande (calculée sur la base des données de 2000), il est suggéré de supprimer, durant la période 2001-2004, la différence entre leur allocation actuelle par UCE et l'allocation flamande moyenne par UCE. » (ibid., p. 10) Une « seconde correction » - visant spécifiquement l'« Universiteit Gent » - a été appliquée en vue de supprimer partiellement et progressivement les différences entre les grandes universités quant au montant attribué par UCE. L'exposé des motifs mentionne à ce propos que : « Lors de l'entrée en vigueur du décret sur les universités, le rapport entre le nombre d'UCE des deux grandes universités était totalement différent de ce qu'il est aujourd'hui. Le nombre d'UCE/étudiants de l'Universiteit Gent a fortement augmenté au cours des dix dernières années; pour la Katholieke Universiteit Leuven, ce nombre a plutôt stagné au niveau de 1991. Cet accroissement du nombre d'UCE/étudiants à l'Universiteit Gent a seulement été répercuté pour moitié environ sur les allocations de fonctionnement. La partie fixe des allocations de fonctionnement ne suit en effet pas le nombre d'étudiants. L'Universiteit Gent reçoit cette année 24.000 BEF de moins par UCE que la Katholieke Universiteit Leuven, alors que les deux institutions ne diffèrent pas substantiellement quant au nombre d'UCE. Bien que des données sur un modèle de financement fassent encore défaut jusqu'à présent et doivent être préparées aussi rapidement que possible, on doit raisonnablement considérer que les deux institutions devraient recevoir environ le même montant par UCE. Si l'Universiteit Gent recevait le même montant par UCE que la Katholieke Universiteit Leuven, son allocation de fonctionnement augmenterait de 480 millions de francs.

En attendant une vue détaillée de la structure des coûts des formations universitaires dans les différentes universités flamandes et l'élaboration d'un nouveau modèle de financement, il est suggéré - comme pour les autres anomalies apparues à la suite des règles de financement établies par le décret sur les universités - de supprimer progressivement, au cours de la période transitoire 2001-2004, une partie limitée de cette différence, de sorte que la RUG reçoive en 2004 120 millions de francs supplémentaires sur une base annuelle. » Le tableau 6.7 donne un aperçu des moyens supplémentaires qui sont utilisés annuellement pour la deuxième correction UCE au cours de la période 2001-2004 à partir des moyens de restructuration universitaires.

Pour la consultation du tableau, voir image (ibid., p. 12) B.6. Le régime transitoire précité, prévu par le décret de financement du 7 décembre 2001 pour les années 2001-2004, est prolongé pour les années 2005 et 2006 par l'article 160 attaqué du décret du 4 avril 2003 sur la restructuration. Cette disposition maintient, pour 2005 et 2006, le montant forfaitaire et les allocations supplémentaires de fonctionnement au même niveau que celui de 2004, pour toutes les universités dans la Communauté flamande.

Les travaux préparatoires fournissent l'explication suivante : « La Flandre choisit de saisir l'occasion de 'Bologne' pour procéder à une révision et à une adaptation en profondeur de l'ensemble de l'enseignement supérieur dans tous ses aspects. [...] Le présent décret [...] est aussi le plus fondamental parce qu'il introduit les principes de base de la déclaration de Bologne [...]. Il se concentre dès lors avant tout sur les aspects les plus essentiels qui sont requis pour introduire la nouvelle structure (baccalauréat-master) dans l'enseignement supérieur. Il contient toutefois aussi des dispositions relatives au financement de l'enseignement supérieur [...]. » (Doc., Parlement flamand, 2002-2003, n° 1571/1, p. 3) « Le titre II traite du financement des instituts supérieurs; le titre III, du financement des universités. Le Parlement flamand a déjà approuvé, le 7 décembre 2001, un financement adapté des universités qui rend notamment ce financement indépendant de l'évolution de la population étudiante. De 2001 à 2004, il est question d'une augmentation structurelle cumulative annuelle du budget des allocations de fonctionnement des universités. Chaque université connaît, pour les années à venir, le montant de ses moyens de fonctionnement.

Le projet de décret soumis à l'examen réalise une opération analogue pour les instituts supérieurs pour les années 2002 à 2006 et prolonge le système de financement des universités jusqu'en 2006. Le but est évident : les développements souhaités s'opèrent le mieux dans un contexte dans lequel n'interfèrent pas des arguments non pertinents relatifs à d'éventuelles conséquences financières. Il est évidemment nécessaire d'élaborer, à l'horizon 2006, un nouveau système de financement pour lequel la phase d'étude a dès à présent débuté. » (ibid., p. 4) « Ainsi qu'il est dit dans le commentaire relatif au titre I, l'un des grands défis de l'introduction de la structure baccalauréat-master dans l'enseignement supérieur flamand est l'académisation ou la scientifisation des formations de deux cycles offertes par les instituts supérieurs. En vue de permettre cette transformation concrète sur le terrain et le renforcement de la liaison de ces formations avec la recherche scientifique, l'apport de moyens supplémentaires est nécessaire. Dans le même temps, la recherche scientifique thématique dans les instituts supérieurs est également renforcée. L'apport de moyens supplémentaires pour les instituts supérieurs s'accompagne du 'gel' jusqu'en 2006 de l'enveloppe attribuée aux instituts supérieurs.

Dès que l'enseignement dans les instituts supérieurs et dans les universités est organisé suivant les mêmes règles et que la collaboration entre les instituts supérieurs et les universités est renforcée via la constitution d'associations, il va de soi que le mécanisme de financement de l'enseignement supérieur et de l'enseignement universitaire doit être basé sur les mêmes critères et données.

Dans le titre III, il est dès lors suggéré de prolonger jusqu'en 2006 le régime de financement prévu dans le décret du 7 décembre 2001. Les montants proposés pour 2005 et 2006 sont donc les mêmes que ceux de 2004. » (ibid., p. 37) Quant au moyen unique B.7. La partie requérante prend un moyen unique de la violation, par la disposition attaquée, de l'article 24, § 4, lu en corrélation ou non avec l'article 24, § 1er, de la Constitution.

Selon elle, la disposition attaquée violerait l'égalité entre les établissements d'enseignement, étant donné que la réduction de l'inégalité foncière qui existe en matière de financement des universités dans la Communauté flamande (en particulier au détriment de l'« Universiteit Gent ») - inégalité que le législateur décrétal a reconnue en 2001 et à laquelle il a lié, dans l'attente d'un nouveau régime de financement, un mouvement de rattrapage limité en faveur de la partie requérante - n'est plus poursuivie, parce que la disposition attaquée bloque définitivement, pour les années 2005 et 2006, la voie vers un traitement égal des universités en matière de financement.

B.8. Dès lors que la partie requérante explique de manière insuffisante en quoi la disposition attaquée violerait aussi l'article 24, § 1er, combiné ou non avec l'article 24, § 4, de la Constitution, la Cour contrôle la disposition attaquée au regard du seul article 24, § 4, de la Constitution.

B.9. Les règles constitutionnelles de l'égalité et de la non-discrimination n'excluent pas qu'une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu'elle repose sur un critère objectif et qu'elle soit raisonnablement justifiée. Les mêmes règles s'opposent, par ailleurs, à ce que soient traitées de manière identique, sans qu'apparaisse une justification raisonnable, des catégories de personnes se trouvant dans des situations qui, au regard de la mesure considérée, sont essentiellement différentes.

L'existence d'une telle justification doit s'apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause; le principe d'égalité est violé lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.

L'article 24, § 4, de la Constitution réaffirme, en matière d'enseignement, les principes d'égalité et de non-discrimination.

Selon cette disposition, tous les établissements d'enseignement, entre autres, sont égaux devant la loi ou le décret.

Les universités sont des établissements d'enseignement au sens de l'article 24, § 4, de la Constitution. Elles doivent dès lors toutes être traitées de manière égale, à moins qu'il existe entre elles des différences objectives permettant de justifier raisonnablement un traitement différent. Inversement, elles doivent être traitées de manière différente lorsqu'elles se trouvent dans une situation intrinsèquement différente au regard de la mesure attaquée, sauf s'il existe une justification objective et raisonnable au traitement égal.

B.10.1. De la lecture des travaux préparatoires cités en B.5, relatifs au décret de financement du 7 décembre 2001 qui a remplacé l'article 130 du décret du 12 juin 1991 sur les universités, il ressort que le législateur décrétal entendait réaliser la révision du financement des universités en deux phases : les années 2001-2004 constituaient une période de transition, cependant qu'à partir de 2005, un nouveau modèle de financement à long terme serait instauré. Au cours de la période transitoire, entre autres mesures, l'enveloppe globale des allocations de fonctionnement est progressivement augmentée et un certain nombre de « corrections » sont prévues, en particulier en faveur de l'« Universiteit Gent ».

La disposition attaquée maintient au niveau de 2004, pour les années 2005 et 2006 et pour toutes les universités, aussi bien le « montant forfaitaire » que les « allocations supplémentaires de fonctionnement ». Les travaux préparatoires de cette disposition, cités au B.6, font apparaître que celle-ci est motivée, en particulier, par l'introduction de la structure baccalauréat/master dans l'enseignement supérieur flamand. La disposition attaquée est présentée pour l'essentiel comme une mesure de gel des allocations de fonctionnement - pour tous les établissements universitaires dans la Communauté flamande - durant les années 2005 et 2006, dans l'attente d'une révision du financement de l'enseignement supérieur. Le blocage des allocations de fonctionnement des établissements universitaires au niveau de 2004 met donc fin au mouvement de rattrapage que le législateur décrétal avait lui-même entamé en particulier en faveur de l'« Universiteit Gent » par le biais du régime transitoire précité pour les années 2001-2004, établi par le décret de financement du 7 décembre 2001.

B.10.2. Le principe constitutionnel d'égalité et de non-discrimination ne s'oppose pas à ce que le législateur décrétal renonce à ses objectifs initiaux pour en poursuivre d'autres. D'une manière générale, les pouvoirs publics doivent d'ailleurs pouvoir adapter leur politique aux exigences changeantes de l'intérêt général.

Il appartient au législateur décrétal d'apprécier, compte tenu de la marge budgétaire limitée dont il dispose, si un changement de politique en matière de financement des universités est nécessaire.

Cela vaut d'autant plus que, comme pour le décret structurel du 4 avril 2003, inspiré de la déclaration dite « de Bologne », on réalise une réforme fondamentale de l'enseignement supérieur, laquelle a une incidence sur le financement des instituts supérieurs, en particulier à la suite de l'académisation des formations en deux cycles dispensées par les instituts supérieurs.

La Cour ne peut apprécier un tel changement de politique que dans les limites de sa compétence, définies par la Constitution et la loi spéciale du 6 janvier 1989. Le principe d'égalité et de non-discrimination n'est pas violé pour la seule raison qu'une nouvelle disposition déjouerait les calculs de ceux qui avaient compté sur le maintien de la politique antérieure.

B.10.3. Toutefois, la situation spécifique dans laquelle se trouvait en particulier l'« Universiteit Gent », dont il est question dans les travaux préparatoires cités en B.5.2, ne permettait pas de justifier que le législateur décrétal bloque les allocations de fonctionnement pour les années 2005 et 2006 en traitant toutes les institutions universitaires de la même manière.

B.10.4. En prolongeant le régime transitoire aux années 2005 et 2006 et en tenant ainsi compte dans une mesure limitée seulement du nombre d'unités de charge d'enseignement par établissement universitaire pour l'octroi des allocations de fonctionnement - dans l'attente d'un nouveau financement -, la mesure attaquée conduit, pour les années 2005 et 2006, à avantager les universités dont le nombre d'unités de charge d'enseignement a diminué et à pénaliser celles - comme l'« Universiteit Gent » - dont le nombre d'étudiants a augmenté, selon les travaux préparatoires précités, depuis l'entrée en vigueur du décret du 12 juin 1991 sur les universités.

B.10.5. Dès lors que rien ne justifie objectivement et raisonnablement, compte tenu du but du législateur décrétal, le traitement identique attaqué qui pénalise la partie requérante, la mesure viole l'article 24, § 4, de la Constitution.

B.11. Le moyen est fondé en tant qu'il est dirigé, d'une part, contre l'article 160, 2°, du décret du 4 avril 2003 qui, dans l'article 130, § 2, 2°, du décret du 12 juin 1991, fixe à « 150.114 », exprimé en milliers d'euros, le montant forfaitaire accordé à l'« Universiteit Gent » pour les années 2005 et 2006 et, d'autre part, contre l'article 160, 3°, du même décret, qui, dans l'article 130, § 3, 2°, du décret du 12 juin 1991, fixe à « 14.616 », exprimé en milliers d'euros, les allocations supplémentaires de fonctionnement accordées à l'« Universiteit Gent » pour les années 2005 et 2006.

B.12. Dans l'attente d'une intervention du législateur décrétal donnant suite au présent arrêt et afin d'éviter que l'« Universiteit Gent » soit privée de moyens de financement pour l'année 2005, il y a lieu, par application de l'article 8, alinéa 2, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, de maintenir les effets des dispositions annulées comme l'indique le dispositif.

Par ces motifs, la Cour - annule, dans l'article 160, 2°, du décret de la Communauté flamande du 4 avril 2003 relatif à la restructuration de l'enseignement supérieur en Flandre, qui remplace l'article 130, § 2, 2°, du décret du 12 juin 1991 relatif aux universités dans la Communauté flamande, le chiffre « 150.114 », exprimé en milliers d'euros, fixé pour l'« Universiteit Gent » au titre des années 2005 et 2006, en ce qui concerne le montant forfaitaire; - annule, dans l'article 160, 3°, du décret précité du 4 avril 2003, qui remplace l'article 130, § 3, 2°, du décret précité du 12 juin 1991, le chiffre « 14.616 », exprimé en milliers d'euros, fixé pour l'« Universiteit Gent » au titre des années 2005 et 2006, en ce qui concerne les allocations supplémentaires de fonctionnement; - maintient les effets des dispositions annulées au plus tard jusqu'au 30 septembre 2005; - rejette le recours pour le surplus.

Ainsi prononcé en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 9 février 2005.

Le greffier, L. Potoms Le président, A. Arts

^