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Arrêt
publié le 02 septembre 2005

Extrait de l'arrêt n° 130/2005 du 19 juillet 2005 Numéro du rôle : 3020 En cause : les questions préjudicielles relatives à l'article 198, alinéa 1 er , 7° et 10°, du Code des impôts sur les revenus 1992, posées par le Tribunal de La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et A. Arts, et des juges A. Alen, J.-P.(...)

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COUR D'ARBITRAGE


Extrait de l'arrêt n° 130/2005 du 19 juillet 2005 Numéro du rôle : 3020 En cause : les questions préjudicielles relatives à l'article 198, alinéa 1er, 7° et 10°, du Code des impôts sur les revenus 1992, posées par le Tribunal de première instance de Bruxelles.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et A. Arts, et des juges A. Alen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke et J. Spreutels, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président M. Melchior, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des questions préjudicielles et procédure Par jugement du 4 juin 2004 en cause de la s.a. Banque Dewaay contre l'Etat belge, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour d'arbitrage le 11 juin 2004, le Tribunal de première instance de Bruxelles a posé les questions préjudicielles suivantes : 1. « L'article 198, alinéa 1er, 7°, du Code des impôts sur les revenus 1992 viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution, pris isolément ou lus en combinaison avec les articles 56 (1) et 58 du Traité instituant la Communauté européenne (anciens articles 73B (1) et 73D), en tant qu'il interdit (hors le cas particulier du partage total de l'avoir de la société émettrice des actions ou parts) de déduire de la base imposable à l'impôt des sociétés les moins-values réalisées sur les actions ou parts émises par des sociétés qui ne satisfont pas à la ' condition de taxation ' prévue par l'article 203 du même Code et pour lesquelles les plus-values ne sont pas exonérées d'impôt des sociétés en vertu de l'article 192, § 1er, du même Code, ce qui a pour effet : - qu'une société belge qui investit dans de telles actions ou parts subit une charge fiscale si elle les cède avec plus-value mais ne bénéficie d'aucune déduction fiscale si elle les cède avec moins-value, tandis qu'une société qui investit dans d'autres actions ou parts ne connaît ni charge ni avantage fiscal lorsqu'elle cède ces actions ou parts puisque la plus-value n'est pas imposée et la moins-value n'est pas déductible; - qu'une société belge qui se livre au négoce de telles actions ou parts subit une charge fiscale lorsque le résultat net avant impôt de ses achats et ventes de telles actions ou parts est nul, les ventes ayant dégagé une plus-value donnant lieu à une imposition et les ventes ayant dégagé une moins-value ne donnant droit à aucune déduction fiscale, tandis qu'une société qui se livre au négoce d'autres actions ou parts ne subit aucune charge fiscale lorsque le résultat net avant impôt de ses achats et ventes d'actions ou parts est nul, les ventes avec moins-values ne donnant droit à aucune déduction fiscale mais les ventes avec plus-values ne donnant lieu à aucune imposition ? »; 2. « Interprété comme empêchant la déduction des intérêts à concurrence des dividendes susceptibles d'être déduits au titre de revenus définitivement taxés (RDT) mais non effectivement déduits en raison de l'existence de pertes, l'article 198, alinéa 1er, 10°, du Code des impôts sur les revenus 1992 viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'il a pour effet de soumettre une société en pertes à une double imposition à laquelle n'est pas soumise une société en bénéfices ayant contracté des emprunts mais recueillant des dividendes qui ne sont pas susceptibles d'être déduits au titre de RDT : imposition sur les dividendes recueillis par la société en pertes en raison du fait qu'ils ne bénéficient pas de la déduction RDT et sur les intérêts recueillis par cette société à concurrence du montant des dividendes susceptibles d'être déduits au titre de RDT ? ». (...) III. En droit (...) B.1. Les deux questions préjudicielles concernent le régime dit des revenus définitivement taxés (R.D.T.), tel qu'il est organisé par les articles 202 à 205 du Code des impôts sur les revenus, dans leur version applicable aux exercices d'imposition 1998 et 1999.

B.2.1. L'article 202 du Code des impôts sur les revenus 1992, tel qu'il a été successivement modifié par l'article 19 de la loi du 28 juillet 1992 « portant des dispositions fiscales et financières », par l'article 3 de la loi du 22 mars 1995 « entérinant la convention du 1er juin 1994 entre le Gouvernement fédéral, le Gouvernement flamand, le Gouvernement régional wallon et le Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale relative au règlement des dettes du passé et charges s'y rapportant en matière de logement social, et contenant certaines dispositions fiscales et financières en vue de l'application de ladite convention », et par l'article 25 de l'arrêté royal du 20 décembre 1996 « portant des mesures fiscales diverses en application des articles 2, § 1er, et 3, § 1er, 2° et 3° de la loi du 26 juillet 1996 visant à réaliser les conditions budgétaires de la participation de la Belgique à l'Union économique et monétaire européenne », disposait : « § 1er. Des bénéfices de la période imposable sont également déduits, dans la mesure où ils s'y retrouvent : 1° les dividendes, à l'exception des revenus qui sont obtenus à l'occasion de la cession à une société de ses propres actions ou parts ou lors du partage total ou partiel de l'avoir social d'une société;2° dans la mesure où il constitue un dividende auquel les articles 186, 187 ou 209 ou des dispositions analogues de droit étranger ont été appliquées, l'excédent que présentent les sommes obtenues ou la valeur des éléments reçus, sur la valeur d'investissement ou de revient des actions ou parts acquises, remboursées ou échangées par la société qui les avait émises, éventuellement majorée des plus-values y afférentes, antérieurement exprimées et non exonérées; [...] § 2. Les revenus visés au § 1er, 1° et 2°, ne sont déductibles que pour autant qu'à la date d'attribution ou de mise en paiement de ceux-ci, la société qui en bénéficie détienne dans le capital de la société qui les distribue une participation de 5 p.c. au moins ou dont la valeur d'investissement atteint au moins 50 millions de francs.

Cette condition ne s'applique toutefois pas aux revenus : 1° recueillis par des établissements de crédit visés à l'article 56, § 1er;2° recueillis par des entreprises d'assurances visées à l'article 56, § 2, 2°, h;3° recueillis par des sociétés de bourse visées à l'article 47 de la loi du 6 avril 1995Documents pertinents retrouvés type loi prom. 06/04/1995 pub. 29/05/2012 numac 2012000346 source service public federal interieur Loi organisant la commission parlementaire de concertation prévue à l'article 82 de la Constitution et modifiant les lois coordonnées sur le Conseil d'Etat. - Coordination officieuse en langue allemande fermer relative aux marchés secondaires, au statut des entreprises d'investissement et à leur contrôle, aux intermédiaires et conseillers en placements;4° recueillis par des sociétés d'investissement;5° alloués ou attribués par les intercommunales régies par la loi du 22 décembre 1986;6° alloués ou attribués par des sociétés d'investissement ». B.2.2. L'article 203 du même Code, tel qu'il a été remplacé par l'article 26 de l'arrêté royal du 20 décembre 1996 précité, puis modifié par l'article 25 de la loi du 22 décembre 1998Documents pertinents retrouvés type loi prom. 22/12/1998 pub. 15/01/1999 numac 1998003665 source ministere des finances Loi portant des dispositions fiscales et autres fermer « portant des dispositions fiscales et autres », par l'article 51 de la loi du 10 mars 1999 « modifiant la loi du 6 avril 1995Documents pertinents retrouvés type loi prom. 06/04/1995 pub. 29/05/2012 numac 2012000346 source service public federal interieur Loi organisant la commission parlementaire de concertation prévue à l'article 82 de la Constitution et modifiant les lois coordonnées sur le Conseil d'Etat. - Coordination officieuse en langue allemande fermer relative aux marchés secondaires, au statut des entreprises d'investissement et à leur contrôle, aux intermédiaires et conseillers en placements, fixant le régime fiscal des opérations de prêt d'actions et portant diverses autres dispositions » et par l'article 17 de la loi du 4 mai 1999 « portant des dispositions fiscales diverses », disposait : « § 1er. Les revenus visés à l'article 202, § 1er, 1° et 2°, ne sont en outre pas déductibles lorsqu'ils sont alloués ou attribués par : 1° une société qui n'est pas assujettie à l'impôt des sociétés ou à un impôt étranger analogue à cet impôt ou qui est établie dans un pays dont les dispositions du droit commun en matière d'impôts sont notablement plus avantageuses qu'en Belgique;2° une société de financement, une société de trésorerie ou une société d'investissement qui, bien qu'assujettie, dans le pays de son domicile fiscal, à un impôt visé au 1°, bénéficie dans celui-ci d'un régime fiscal exorbitant du droit commun;3° une société dans la mesure où les revenus qu'elle recueille, autres que des dividendes, trouvent leur source en dehors du pays de son domicile fiscal et bénéficient dans le pays du domicile fiscal d'un régime d'imposition distinct exorbitant du droit commun;4° une société dans la mesure où elle réalise des bénéfices par l'intermédiaire d'un ou de plusieurs établissements étrangers qui sont assujettis à un régime de taxation notablement plus avantageux que celui auquel ces bénéfices auraient été soumis en Belgique; 5° une société, autre qu'une société d'investissement, qui redistribue des dividendes qui, en application du 1° à 4°, ne pourraient pas eux-mêmes être déduits à concurrence d'au moins 90 p.c.

Les revenus visés à l'article 202, § 1er, alinéa 1er, 1° et 2°, qui représentent des indemnités pour coupon manquant visées à l'article 18, alinéa 1er, 3°, ne sont pas non plus déductibles. § 2. Le § 1er, 1°, ne s'applique pas aux dividendes alloués ou attribués par les intercommunales régies par la loi du 22 décembre 1986.

Le § 1er, 2°, ne s'applique pas aux sociétés d'investissement dont les statuts prévoient la distribution annuelle d'au moins 90 p.c. des revenus qu'elles ont recueillis, déduction faite des rémunérations, commissions et frais, pour autant et dans la mesure où ces revenus proviennent de dividendes qui répondent eux-mêmes aux conditions de déduction visées au § 1er, 1° à 4°, ou de plus-values qu'elles ont réalisées sur des actions ou parts susceptibles d'être exonérées en vertu de l'article 192, § 1er.

Le § 1er, 2° et 5°, ne s'applique pas aux dividendes recueillis en raison d'une participation directe ou indirecte dans une société de financement résidente d'un Etat membre de l'Union européenne qui répond, pour l'actionnaire à des besoins légitimes de caractère économique ou financier, pour autant et dans la mesure où la somme des réserves taxées au début de la période imposable et du capital libéré à la fin de cette période, de la société de financement n'excède pas 33 p.c. des dettes.

Le § 1er, 4°, ne s'applique pas dans la mesure où les bénéfices proviennent d'un établissement étranger d'une société résidente, établi dans un pays avec lequel la Belgique a conclu une convention préventive de la double imposition ou si l'impôt effectivement appliqué à l'étranger sur les bénéfices de l'établissement atteint au moins 15 p.c.

Le § 1er, 5°, ne s'applique pas quand la société qui redistribue : 1° est une société résidente ou une société étrangère établie dans un pays avec lequel la Belgique a signé une convention préventive de la double imposition et qui y est soumise à un impôt analogue à l'impôt des sociétés sans bénéficier d'un régime fiscal exorbitant du droit commun, et dont les actions sont inscrites à la cote d'une bourse de valeurs mobilières d'un Etat membre de l'Union européenne suivant les conditions de la directive du Conseil des Communautés européennes du 5 mars 1979 (79/279/CEE) portant coordination des conditions d'admission de valeurs mobilières à la cote officielle d'une bourse de valeurs, ou d'un Etat tiers dont la législation prévoit des conditions d'admission au moins équivalentes;2° est une société dont les revenus recueillis ont été exclus du droit à la déduction organisé par le présent article en Belgique ou par une mesure d'effet équivalent de droit étranger. Le § 1er alinéa 2 ne s'applique pas : 1° soit lorsque le débiteur de l'indemnité pour coupon manquant est : - une société résidente, une personne morale visée à l'article 220, 2° ou 3°, ou un contribuable visé à l'article 227, 2° ou 3°, auquel les dispositions respectivement de l'article 240, alinéa 2, ou de l'article 234, 5°, sont applicables; - une société étrangère qui, en ce qui concerne ladite indemnité, est soumise à un impôt analogue à l'impôt des sociétés sans bénéficier d'un régime fiscal exorbitant du droit commun; 2° soit lorsque l'opération qui a donné lieu à cette indemnité est intégralement liquidée par le biais d'un système de paiement et de règlement des opérations sur titres réglementé par l'autorité compétente d'un marché réglementé au sens de la directive 93/22/CEE du 10 mai 1993 relative à la prestation de services d'investissement dans le domaine des valeurs mobilières ou un système d'un Etat non-membre de l'Union européenne dont la législation prévoit des conditions de fonctionnement au moins équivalentes, agréé par le ministre des Finances.En ce qui concerne cette indemnité, le Roi détermine les conditions d'agrément auxquelles le système doit satisfaire et la période durant laquelle l'agrément peut être octroyé. § 3. Pour l'application du § 1er, 5°, et sans préjudice du § 2, les dividendes alloués ou attribués directement ou indirectement par des sociétés visées au § 1er, 1° et 2°, sont considérés comme ne répondant pas aux conditions de déduction ».

B.2.3. L'article 204 du même Code, tel qu'il a été remplacé par l'article 27 de l'arrêté royal du 20 décembre 1996 précité, dispose : « Les revenus déductibles conformément à l'article 202, § 1er, 1°, [...], sont censés se retrouver dans les bénéfices de la période imposable à concurrence de 95 p.c. du montant encaissé ou recueilli éventuellement majoré des précomptes mobiliers réels ou fictifs [...].

L'excédent visé à l'article 202, § 1er, 2°, est censé se retrouver dans les bénéfices de la période imposable à concurrence de 95 p.c. de son montant ».

B.2.4. L'article 205 du même Code, dont le paragraphe 2 a été remplacé par l'article 28 de l'arrêté royal du 20 décembre 1996 précité, disposait : « § 1er. Aucune déduction n'est accordée en vertu de l'article 202 à raison des revenus provenant d'avoirs affectés à l'exercice de l'activité professionnelle dans des établissements dont le contribuable dispose à l'étranger et dont les bénéfices sont exonérés en vertu de conventions internationales préventives de la double imposition. § 2. La déduction prévue à l'article 202 est limitée au montant des bénéfices de la période imposable, tel qu'il subsiste après application de l'article 199, diminué; 1° des libéralités non déductibles à titre de frais professionnels, à l'exception des libéralités déduites des bénéfices en application des articles 199 et 200;2° des frais visés à l'article 53, 6° à 11° et 14°;3° des intérêts, redevances et rémunérations visés à l'article 54;4° des intérêts non déductibles visés à l'article 55;5° des cotisations patronales d'assurance complémentaire contre la vieillesse et le décès prématuré et les primes y assimilées de certaines assurances-vie, dans la mesure où ces cotisations et primes ne satisfont pas aux conditions et limite fixées par les articles 59 et 195, ainsi que les pensions, rentes et autres allocations en tenant lieu dans la mesure où ces sommes ne satisfont pas aux conditions et à la limite fixées par l'article 60; 6° de 25 p.c. des frais et moins-values afférents à l'utilisation des voitures, voitures mixtes et minibus visés à l'article 66, à l'exception des frais de carburant; 7° des ristournes considérées comme des bénéfices, visées à l'article 189, § 1er;8° des taxes visées à l'article 198, alinéa 1er, 4°, 8° et 9° ». En ce qui concerne la première question préjudicielle B.3. La première question préjudicielle porte sur l'article 198, alinéa 1er, 7°, du Code des impôts sur les revenus 1992, modifié par l'article 28 de la loi du 6 juillet 1994 portant des dispositions fiscales, qui dispose : « Ne sont pas considérés comme des frais professionnels : [...] 7° les réductions de valeur et les moins-values sur les actions ou parts, à l'exception des moins-values actées à l'occasion du partage total de l'avoir social d'une société jusqu'à concurrence de la perte du capital libéré représenté par ces actions ou parts; [...] ».

B.4. L'article 192, § 1er, du même Code, modifié par l'article 8 de la loi du 28 décembre 1992 « portant des dispositions fiscales, financières et diverses », par l'article 21 de l'arrêté royal du 20 décembre 1996 précité, par l'article 22, 1°, de la loi du 22 décembre 1998Documents pertinents retrouvés type loi prom. 22/12/1998 pub. 15/01/1999 numac 1998003665 source ministere des finances Loi portant des dispositions fiscales et autres fermer précitée et par l'article 48 de la loi du 10 mars 1999 précitée, dispose : « Sont aussi intégralement exonérées les plus-values non visées à l'article 45, § 1er, alinéa 1er, et § 2, alinéa 1er, réalisées sur des actions ou parts dont les revenus éventuels sont susceptibles d'être déduits des bénéfices en vertu des articles 202, § 1er, et 203.

L'exonération n'est applicable que dans la mesure où le montant imposable des plus-values dépasse le total des réductions de valeur antérieurement admises sur les actions ou parts réalisées, diminué du total des plus-values qui ont été imposées en vertu de l'article 24, alinéa 1er, 3° ».

B.5. Il ressort des faits de la cause et des motifs de la décision de renvoi que la Cour est invitée à examiner la compatibilité avec les articles 10 et 11 de la Constitution, lus isolément ou en combinaison avec les articles 56, paragraphe 1, et 58 du Traité instituant la Communauté européenne, de l'article 198, alinéa 1er, 7° précité, en ce qu'il traite de manière identique notamment toutes les sociétés soumises à l'impôt belge des sociétés qui se livrent au négoce d'actions et qui réalisent une moins-value à l'occasion de la vente d'une action.

Il est reproché à la disposition en cause de ne pas faire, parmi ces sociétés, une différence entre, d'une part, celles qui réalisent une moins-value sur une action émise par l'une des sociétés étrangères visées à l'article 203 précité et, d'autre part, celles qui réalisent une moins-value sur une action qui n'est pas émise par l'une de ces sociétés.

B.6. Les règles constitutionnelles de l'égalité et de la non-discrimination s'opposent à ce que soient traitées de manière identique, sans qu'apparaisse une justification raisonnable, des catégories de personnes se trouvant dans des situations qui, au regard de la mesure considérée, sont essentiellement différentes.

B.7. La disposition en cause interdit aux sociétés visées en B.5 de déduire de leur revenu imposable, à titre de frais professionnels, les moins-values sur actions qu'elles réalisent.

B.8. Les plus-values sur actions que réalise, à l'occasion de leur vente, la seconde catégorie de sociétés visée en B.5 constituent, en principe, des revenus exonérés d'impôt, en vertu de l'article 192 précité, alors que tel n'est pas le cas des plus-values que réalisent les sociétés relevant de la première catégorie de sociétés visée en B.5, puisque les revenus de leurs actions ne sont pas déductibles de leur bénéfice en vertu de l'article 203 précité.

B.9. La disposition en cause, mentionnée en B.3, a été, au cours des travaux préparatoires, présentée comme le « corollaire » de la règle de l'exonération des plus-values sur les actions dont les revenus remplissent la condition dite « de taxation » du régime des revenus définitivement taxés (R.D.T.) (Doc. parl., Chambre, 1991-1992, n° 1784/1, p. 6), ou comme une disposition parallèle à cette dernière (ibid., n° 1784/1, p. 8; Doc. parl., Sénat, 1991-1992, n° 1454/2, p. 4).

B.10. Dans ces circonstances, les deux catégories de sociétés précitées peuvent être considérées comme essentiellement différentes au regard de la mesure en cause.

Quant au respect des articles 10 et 11 de la Constitution, lus isolément B.11. La disposition en cause vise à « appliquer de manière conséquente le principe non bis in idem » aux « moins-values encourues par la société mère sur des participations dans des filiales », le législateur constatant qu'« une moins-value est le reflet d'une détérioration du résultat de la filiale et donc, généralement, de pertes [qui] sont récupérables dans le chef de la filiale lorsque sa situation s'améliore ». Le législateur a estimé que la « perte ne doit dès lors pas être prise en charge deux fois : au niveau de la filiale et au niveau de la société mère » (Doc. parl., Chambre, 1991-1992, n° 1784/3, p. 5).

Cette disposition est, avec la règle d'immunité des plus-values réalisées sur des actions dont les revenus sont déductibles à titre de revenus définitivement taxés, l'une des mesures qui visent à « introdui[re] de manière générale et symétrique une défiscalisation du risque couru sur les actions ou parts », la « défiscalisation par non-déduction des [...] moins-values » étant présentée comme la correspondance logique de la « défiscalisation des plus-values par non-taxation » (ibid., pp. 12, 18).

Elle est, plus généralement, l'une des mesures adoptées afin d'assurer la neutralité budgétaire de l'opération de transposition de la directive 90/435/CEE du Conseil du 23 juillet 1990 « concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d'Etats membres différents » (Doc. parl., Chambre, 1991-1992, n° 1784/1, pp. 1-2; ibid., n° 1784/3, p. 12).

Même si elle est présentée comme le corollaire de la règle précitée d'exonération des plus-values (ibid., n° 1784/1, p. 6) et mise en « parallèle » avec cette règle d'immunité (Doc. parl., Sénat, 1991-1992, n° 1454/2, p.4), il n'existe, en la matière, aucun principe selon lequel le législateur doit, en règle, lier l'imposition des plus-values réalisées lors de la vente des actions à la déductibilité des moins-values réalisées lors de la vente de ces mêmes actions.

B.12.1. Le législateur considère que la détention d'actions émises par les sociétés visées à l'article 203 précité est susceptible de provoquer un recours abusif au régime des R.D.T. que cette disposition a précisément pour objet de prévenir.

La « condition de taxation » qu'elle énonce a d'ailleurs été renforcée à l'occasion de la réforme du régime des R.D.T. lors de laquelle a été adoptée la mesure en cause (Doc. parl., Chambre, 1991-1992, n° 1784/3, p. 13). B.12.2. Il n'apparaît pas, au surplus, que les actions émises par les sociétés qui ne satisfont pas à cette « condition de taxation » soient plus exposées à la réalisation de moins-values que celles qui y satisfont.

B.12.3. Les conséquences fiscales évoquées dans la question préjudicielle ne peuvent dès lors être considérées comme des effets disproportionnés de l'identité de traitement critiquée, dans la mesure où c'est en connaissance de cause que les sociétés qui font du négoce d'actions acquièrent des actions émises par des sociétés visées à l'article 203 précité, après avoir évalué les avantages et inconvénients fiscaux d'une telle opération commerciale.

B.13. Le traitement identique des deux catégories de sociétés visées en B.5 n'apparaît dès lors pas dénué de justification raisonnable.

B.14. La question appelle sur ce point une réponse négative.

Quant au respect des articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec les articles 56, paragraphe 1, et 58 du Traité instituant la Communauté européenne B.15. Les articles 56, paragraphe 1, et 58 du Traité instituant la Communauté européenne, qui font partie d'un chapitre du Traité relatif à la libre circulation des capitaux, énoncent : « Article 56 1. Dans le cadre des dispositions du présent chapitre, toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les Etats membres et entre les Etats membres et les pays tiers sont interdites. [...] Article 58 1. L'article 56 ne porte pas atteinte au droit qu'ont les Etats membres : a) d'appliquer les dispositions pertinentes de leur législation fiscale qui établissent une distinction entre les contribuables qui ne se trouvent pas dans la même situation en ce qui concerne leur résidence ou le lieu où leurs capitaux sont investis;b) de prendre toutes les mesures indispensables pour faire échec aux infractions à leurs lois et règlements, notamment en matière fiscale ou en matière de contrôle prudentiel des établissements financiers, de prévoir des procédures de déclaration des mouvements de capitaux à des fins d'information administrative ou statistique ou de prendre des mesures justifiées par des motifs liés à l'ordre public ou à la sécurité publique.2. Le présent chapitre ne préjuge pas la possibilité d'appliquer des restrictions en matière de droit d'établissement qui sont compatibles avec le présent traité.3. Les mesures et procédures visées aux paragraphes 1 et 2 ne doivent constituer ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée à la libre circulation des capitaux et des paiements telle que définie à l'article 56 ». B.16. Il ne ressort pas à suffisance de la question préjudicielle, des motifs du juge a quo et des pièces de la procédure en quoi le traitement identique dénoncé porterait atteinte de manière discriminatoire aux droits des sociétés qui font du négoce d'actions émises par les sociétés visées à l'article 203 précité, tels qu'ils seraient, en l'espèce, garantis par les dispositions précitées aux sociétés.

B.17. La question n'appelle pas de réponse sur ce point.

En ce qui concerne la seconde question préjudicielle B.18. La seconde question préjudicielle porte sur l'article 198, alinéa 1er, 10°, du Code des impôts sur les revenus 1992, inséré par l'article 11 de la loi du 20 décembre 1995 portant des dispositions fiscales, financières et diverses.

Il disposait, avant son abrogation par l'article 8, 2°, de la loi du 24 décembre 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 24/12/2002 pub. 31/12/2002 numac 2002003520 source ministere des finances Loi modifiant le régime des sociétés en matière d'impôts sur les revenus et instituant un système de décision anticipée en matière fiscale fermer « modifiant le régime des sociétés en matière d'impôts sur les revenus et instituant un système de décision anticipée en matière fiscale » : « Ne sont pas considérés comme des frais professionnels : [...] 10° sans préjudice de l'application de l'article 55, les intérêts, jusqu'à concurrence d'un montant égal à celui des revenus déductibles en vertu des articles 202 à 204, d'actions ou parts acquises par une société qui ne les a pas détenues pendant une période ininterrompue d'au moins un an, au moment de leur cession ». B.19. La Cour est interrogée, par la décision de renvoi, sur la différence de traitement que ferait l'article 198, alinéa 1er, 10°, précité entre deux catégories de sociétés qui, d'une part, recueillent des dividendes qui ne seront pas déduits à titre de revenus définitivement taxés - en application des articles 202 à 205 du Code des impôts sur les revenus - et qui proviennent d'actions qu'elles n'ont pas détenues pendant une période ininterrompue d'au moins un an, et qui, d'autre part, sont redevables d'intérêts d'emprunts qu'elles souhaitent déduire à titre de frais professionnels.

Les intérêts payés par une société dont le bilan affiche une perte et dont les dividendes recueillis sont, selon les articles 202 à 204 précités, déductibles à titre de revenus définitivement taxés, mais non effectivement déduits en raison de cette perte, ne seront pas considérés par l'administration fiscale de la même manière que les intérêts payés par une société dont le bilan affiche un bénéfice et dont les dividendes recueillis ne sont pas susceptibles d'être déduits à titre de revenus définitivement taxés.

Les intérêts payés par la première catégorie de sociétés précitée ne pourront, en vertu de la disposition litigieuse, être considérés comme des frais professionnels et seront, dès lors, à concurrence du montant des dividendes perçus, traités comme une « dépense non admise » au sens de l'article 74 de l'arrêté royal d'exécution du Code des impôts sur les revenus 1992. Les intérêts payés par la société en bénéfice précitée ne seront, eux, pas considérés comme de telles dépenses non admises.

B.20. Cette différence de traitement découle de ce que la disposition en cause ne s'applique pas aux sociétés qui perçoivent des dividendes non déductibles à titre de R.D.T. en vertu des articles 202 à 204 précités.

B.21. L'objectif poursuivi par cette disposition est de mettre fin à un mécanisme permettant aux sociétés d'effectuer une double déduction fiscale : « L'opération fiscale qui consiste à financer l'acquisition temporaire d'actions ou parts de sociétés belges ou étrangères par un emprunt dont les intérêts sont d'un niveau équivalent à celui des dividendes perçus, permet d'éponger fiscalement d'autres bénéfices réalisés par la société. Cette opération génère en effet une double déduction, les intérêts d'emprunt d'une part et, d'autre part, à concurrence de 95 p.c. les dividendes déductibles à titre de revenus définitivement taxés (R.D.T.). Afin d'empêcher cette utilisation abusive du régime des R.D.T., il est proposé de rejeter comme dépenses non admises les intérêts d'emprunts déductibles en principe comme charges professionnelles, à concurrence du montant des revenus définitivement taxés se rapportant à des actions ou parts détenues par la société pendant une période ininterrompue de moins d'un an au moment de leur cession » (Doc. parl., Chambre, 1995-1996, n° 208/1, p. 7).

Le législateur a entendu viser des opérations dont « le seul but recherché est fiscal hors toute volonté réelle de devenir actionnaire » (Doc. parl., Chambre, 1995-1996, n° 208/8, p. 4).

B.22. C'est au législateur qu'il appartient de déterminer les objectifs qu'il entend poursuivre en matière fiscale. Il peut se soucier de lutter contre un usage anormal qui pourrait être fait de la déduction des revenus définitivement taxés. Ainsi, il est légitime que le législateur refuse que des sociétés puissent bénéficier d'une double déduction à l'impôt des sociétés pour des opérations qui ne seraient menées que pour l'avantage fiscal qu'elles procurent.

B.23. La différence de traitement précitée, qui résulte de l'application d'une mesure visant à lutter contre une utilisation abusive des règles relatives au régime des revenus définitivement taxés, n'est pas dénuée de justification raisonnable.

B.24. La seconde question préjudicielle appelle une réponse négative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 198, alinéa 1er, 7° et 10°, du Code des impôts sur les revenus 1992, tel qu'il était applicable aux exercices d'imposition 1998 et 1999, ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution.

Ainsi prononcé en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 19 juillet 2005.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux.

Le président, M. Melchior.

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