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Arrêt
publié le 19 décembre 2005

Extrait de l'arrêt n° 180/2005 du 7 décembre 2005 Numéro du rôle : 3475 En cause : le recours en annulation du décret de la Région flamande du 7 mai 2004 « portant modification du décret du 22 décembre 1995 contenant diverses mesures d'acco La Cour d'arbitrage, composée des présidents A. Arts et M. Melchior, et des juges M. Bossuyt, A.(...)

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Extrait de l'arrêt n° 180/2005 du 7 décembre 2005 Numéro du rôle : 3475 En cause : le recours en annulation du décret de la Région flamande du 7 mai 2004 « portant modification du décret du 22 décembre 1995 contenant diverses mesures d'accompagnement du budget 1996 et du décret du 15 juillet 1997 contenant le Code flamand du Logement, en ce qui concerne la lutte contre l'inoccupation et le délabrement de bâtiments et/ou d'habitations », à tout le moins de son article 19, introduit par la commune de Beveren et autres.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents A. Arts et M. Melchior, et des juges M. Bossuyt, A. Alen, J.-P. Snappe, E. Derycke et J. Spreutels, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président A. Arts, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours et procédure Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 3 février 2005 et parvenue au greffe le 4 février 2005, un recours en annulation du décret de la Région flamande du 7 mai 2004 « portant modification du décret du 22 décembre 1995 contenant diverses mesures d'accompagnement du budget 1996 et du décret du 15 juillet 1997 [contenant] le Code flamand [du] Logement, en ce qui concerne la lutte contre l'inoccupation et le délabrement de bâtiments et/ou d'habitations » (publié au Moniteur belge du 5 août 2004), à tout le moins de son article 19, a été introduit par la commune de Beveren, dont les bureaux sont établis à 9120 Beveren, Stationsstraat 2, la ville de Gand, dont les bureaux sont établis à 9000 Gand, Botermarkt 1, la commune de Heusden-Zolder, dont les bureaux sont établis à 3550 Heusden-Zolder, Heldenplein 1, la ville d'Izegem, dont les bureaux sont établis à 8870 Izegem, Korenmarkt 10, la commune de Kruibeke, dont les bureaux sont établis à 9150 Kruibeke, Onze-Lieve-Vrouwplein 18-19-20, la ville de Lokeren, dont les bureaux sont établis à 9160 Lokeren, Groentemarkt 1, la ville de Lommel, dont les bureaux sont établis à 3920 Lommel, Dorp 57, la commune de Waasmunster, dont les bureaux sont établis à 9250 Waasmunster, Vierschaar 1, la ville de Wervik, dont les bureaux sont établis à 8940 Wervik, Sint-Maartensplein 13, et la ville de Louvain, dont les bureaux sont établis à 3000 Louvain, Boekhandelstraat 9. (...) II. En droit (...) Quant à la disposition entreprise B.1.1. Le décret du 22 décembre 1995 « contenant diverses mesures d'accompagnement du budget 1996 » a instauré une taxe régionale sur les bâtiments désaffectés et/ou laissés à l'abandon et les habitations désaffectées, laissées à l'abandon, inadaptées et/ou inhabitables.

La taxe était due pour la première fois dès que le bâtiment et/ou l'habitation étaient inscrits dans l'inventaire des bâtiments et/ou habitations désaffectés ou laissés à l'abandon et des habitations inadaptées et/ou inhabitables. La taxation pouvait être établie dès le moment de l'inscription dans l'inventaire et au plus tard le 31 décembre de l'année qui suivait cette inscription.

Tant que le bâtiment et/ou l'habitation n'avaient pas été rayés de l'inventaire, la taxe était due à l'expiration de chaque nouvelle période de douze mois à compter de la date de la première inscription.

La taxation pouvait être établie dès ce moment et au plus tard le 31 décembre de l'année suivante (article 26, alinéas 1er et 2, du décret du 22 décembre 1995, avant sa modification par l'article 4 du décret du 7 mai 2004 « portant modification du décret du 22 décembre 1995 contenant diverses mesures d'accompagnement du budget 1996 et du décret du 15 juillet 1997 [contenant] le Code flamand [du] Logement, en ce qui concerne la lutte contre l'inoccupation et le délabrement de bâtiments et/ou d'habitations »).

B.1.2. Les villes et communes peuvent percevoir des centimes additionnels à cette taxe régionale. L'article 37 du décret du 22 décembre 1995 dispose à ce sujet : « Une commune qui décide de percevoir des centimes additionnels à la redevance de la Région flamande, transmet à cet effet, par lettre recommandée, un extrait de la délibération y relative à l'administration, dans un mois à compter de la date d'entrée en vigueur de la délibération.

L'administration perçoit les centimes additionnels communaux à la redevance en même temps que la redevance même de la Région flamande ».

B.1.3. Le montant de la taxe et des centimes additionnels exigibles devait être versé au plus tard à la fin du deuxième mois qui suivait la date soit de l'envoi de l'avertissement-extrait de rôle, soit, lorsqu'un recours avait été introduit auprès du Gouvernement flamand, de l'envoi de la décision du Gouvernement flamand rejetant en tout ou en partie le recours (article 39, § 1er, alinéa 1er, du décret du 22 décembre 1995, avant sa modification par l'article 13 du décret du 7 mai 2004).

B.1.4. Le décret entrepris du 7 mai 2004 modifie sur plusieurs points les règles inscrites dans le décret du 22 décembre 1995.

Ainsi le moment auquel naît la dette d'impôt et le délai dans lequel la taxation peut être établie sont-ils modifiés (article 4 du décret du 7 mai 2004). La procédure d'inscription dans l'inventaire est elle aussi modifiée et l'enregistrement peut faire l'objet d'un recours administratif (article 10 du même décret). La procédure de recours après l'établissement de la taxe est également modifiée (article 13 du même décret). Moyennant le respect de certaines conditions, le remboursement partiel d'une taxe perçue peut être obtenu (article 17 du même décret).

B.1.5. L'article 19 du décret du 7 mai 2004 contient une règle transitoire. Cette disposition énonce : « Au même décret [du 22 décembre 1995], dans le chapitre VIII, section II, sous-section 2, une nouvelle sous-section 9 est ajoutée et est libellée comme suit : ' Sous-section 9. - Dispositions transitoires

Article 44bis.Les montants fixés sur la base des articles 24 à 44 du décret du 22 décembre 1995 contenant diverses mesures d'accompagnement du budget 1996 qui ont un rapport avec les insertions dans l'inventaire à partir du 1er janvier 2002 jusqu'au 31 décembre 2003 inclus sont considérés comme inexistants.

Les montants fixés sur la base des articles 24 à 44 du décret du 22 décembre 1995 contenant diverses mesures d'accompagnement du budget 1996 qui ont un rapport avec les anniversaires d'insertions antérieures dans l'inventaire à partir du 1er janvier 2002 jusqu'au 31 décembre 2003 inclus sont considérés comme inexistants. ' ».

B.1.6. L'article 44bis du décret du 22 décembre 1995, inséré par cette disposition, a été modifié par l'article 53 du décret du 24 décembre 2004 « contenant diverses mesures d'accompagnement du budget 2005 ».

Cette disposition énonce : « Les deux premiers alinéas de l'article 44bis du même décret [du 22 décembre 1995] sont joints en un seul § 1er.

A l'article 44bis du même décret, les mots ' le 31 décembre 2003 ' sont remplacés par les mots ' le 4 août 2004 ' dans les deux alinéas.

Il est ajouté un § 2 à l'article 44bis qui est rédigé comme suit : ' § 2. Les attestations d'enregistrement des décisions du bourgmestre déclarant le logement inadapté et/ou inhabitable prises avant l'entrée en vigueur du présent arrêté [lire : décret], doivent être envoyées, selon le cas, comme suit : 1° dans le cas où aucun recours n'est formé auprès du Gouvernement flamand conformément à l'article 15, § 3, du décret du 15 juillet 1997 portant le Code flamand du Logement, l'attestation d'enregistrement est envoyée au plus tôt trente jours et au plus tard soixante jours après la notification de la décision du bourgmestre, telle que visé à l'article 15, § 1er, du décret du 15 juillet 1997 portant le Code flamand du Logement ou à l'article 34 du présent décret;2° dans le cas où un recours est formé auprès du Gouvernement flamand conformément à l'article 15, § 3, du décret du 15 juillet 1997 portant le Code flamand du Logement, l'attestation d'enregistrement est envoyée au plus tard trente jours après la notification de la décision en recours. Dans les trente jours après la notification de l'attestation d'enregistrement, visée au premier alinéa, le détenteur du droit réel peut introduire une demande de recours auprès du gestionnaire de l'inventaire.

Le gestionnaire de l'inventaire traite la demande de recours dans les soixante jours, faute de quoi la demande de recours est réputée être acceptée.

La demande de recours est limitée aux données d'identification et aux bases formelles de l'attestation dans le cas du premier l'alinéa, 2°. ' Il est ajouté un § 3 à l'article 44bis qui est rédigé comme suit : ' § 3. Dans le cas où l'habitation déclarée inadaptée ou inhabitable, est inscrite à l'inventaire avant l'entrée en vigueur du décret du 7 mai 2004 portant le décret modifiant le décret du 22 décembre 1995 contenant diverses mesures d'accompagnement du budget 1996 et du décret du 15 juillet 1997 portant le Code flamand du Logement, en ce qui concerne la lutte contre l'abandon et le délabrement et l'inhabitabilité de bâtiments et/ou d'habitations, le recours contre les attestations d'enregistrement envoyées après l'entrée en vigueur du présent décret, est formé auprès du Gouvernement flamand dans les trente jours après la notification de l'attestation d'enregistrement.

Le traitement de la demande de recours se passe conformément aux dispositions de l'article 15, § 3, deuxième alinéa, du décret du 15 juillet 1997 portant le Code flamand du Logement.

Par dérogation au premier alinéa, le recours formé contre l'attestation d'enregistrement envoyée avant l'entrée en vigueur du présent décret, est traité par le gestionnaire de l'inventaire conformément aux dispositions de l'article 34bis, § 2. ' ».

Quant à la recevabilité B.2.1. Selon le Gouvernement flamand, les parties requérantes formulent uniquement un grief contre l'article 19 du décret du 7 mai 2004. Par ailleurs, leur recours serait irrecevable à défaut de moyens.En tant que les parties requérantes formulent pour la première fois dans leur mémoire en réponse un moyen contre l'article 3 du décret du 7 mai 2004, ce moyen serait irrecevable.

B.2.2. La Cour doit déterminer l'étendue du recours en annulation sur la base du contenu de la requête et en particulier sur la base de l'exposé des moyens.

La Cour constate que le moyen exposé dans la requête des parties requérantes est dirigé exclusivement contre l'article 19 du décret du 7 mai 2004, de sorte que l'examen de la Cour doit se limiter à cette disposition.

B.2.3. Le moyen que les parties requérantes formulent dans leur mémoire en réponse à l'encontre de l'article 3 du décret du 7 mai 2004 n'est pas exposé dans le recours en annulation. Il s'agit donc d'un moyen nouveau.

En vertu de l'article 85, alinéa 2, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, seules les institutions et les personnes visées aux articles 76 à 78 de cette loi peuvent invoquer des moyens nouveaux.

Les parties requérantes ne relèvent pas de cette catégorie d'institutions ou de personnes.

Le moyen nouveau est dès lors irrecevable.

B.3.1. Le Gouvernement flamand fait valoir que l'article 44bis, inséré dans le décret du 22 décembre 1995 par la disposition attaquée, a été remplacé avec effet rétroactif par l'article 53 du décret du 24 décembre 2004. Le recours en annulation serait donc sans objet.

B.3.2. Ainsi qu'il ressort du B.1.6, l'article 53 du décret du 24 décembre 2004 se borne toutefois essentiellement à regrouper les deux premiers alinéas de l'article 44bis du décret du 22 décembre 1995 en un paragraphe 1er et à remplacer dans les deux alinéas les mots « 31 décembre 2003 » par les mots « 4 août 2004 ».

Les modifications que cette disposition apporte à l'article 44bis du décret du 22 décembre 1995 n'empêchent pas la Cour de se prononcer sur l'article 19 du décret du 7 mai 2004.

B.3.3. L'exception est rejetée.

Quant au fond B.4. Les parties requérantes soutiennent que l'article 19 du décret du 7 mai 2004 viole les articles 10 et 11 de la Constitution. Cette disposition les priverait de façon rétroactive et sans justification raisonnable des centimes additionnels à la taxe régionale d'inoccupation qu'elles ont perçus en 2002 et 2003, ce qui impliquerait une inégalité de traitement entre les villes et communes qui perçoivent elles-mêmes une taxe d'inoccupation ou une taxe sur les taudis et les villes et communes qui perçoivent des centimes additionnels à la taxe régionale.

B.5. Avant l'instauration d'une taxe régionale par le décret du 22 décembre 1995, plusieurs villes et communes avaient déjà leur propre taxe d'inoccupation ou leur taxe sur les taudis. Certaines ont conservé cette taxe. D'autres ont en revanche remplacé cette taxe par des centimes additionnels à la taxe régionale d'inoccupation. Lors de l'adoption de la disposition entreprise, 104 villes et communes prélevaient ces centimes additionnels (Doc. parl., Parlement flamand, 2002-2003, n° 1678/1, p. 2).

B.6.1. En prévoyant que les « montants [...] qui ont un rapport avec les insertions dans l'inventaire [et] avec les anniversaires d'insertions antérieures dans l'inventaire à partir du 1er janvier 2002 jusqu'au 31 décembre 2003 inclus sont considérés comme inexistants », la Région flamande a pris une mesure ayant effet rétroactif.

B.6.2. Conformément à l'article 26, mentionné au B.1.1, du décret du 22 décembre 1995, les taxes régionales étaient en effet dues si le bâtiment et/ou l'habitation étaient repris dans l'inventaire, et à l'échéance de toute nouvelle période de douze mois à partir de la date de la première inscription. La taxe était dès lors due lorsqu'un bâtiment ou une habitation était repris dans l'inventaire entre le 1er janvier 2002 et le 31 décembre 2003, ou lors de l'anniversaire d'une inscription antérieure au cours de cette période.

Si la commune où se trouvait le bâtiment ou l'habitation avait décidé de percevoir des centimes additionnels à la taxe régionale flamande, les centimes additionnels étaient alors également dus.

B.6.3. La disposition entreprise a pour effet que ces taxes, ainsi que les centimes additionnels perçus sur celles-ci, sont supprimées avec effet rétroactif. Les taxations sont considérées définitivement comme inexistantes (Ann., Parlement flamand, 4 mai 2004, n° 53, p. 126).

La disposition entreprise a également pour conséquence que les villes et communes ne recevront pas, pour les années 2002 et 2003, les indemnités qui leur auraient été versées, conformément à l'article 44 du décret du 22 décembre 1995, pour couvrir les frais administratifs afférents à ces années. Ces indemnités consistent en effet en un pourcentage du produit de la taxe régionale (article 19 de l'arrêté du Gouvernement flamand du 2 avril 1996 « relatif à la redevance visant à lutter contre l'inoccupation et le délabrement de bâtiments et/ou d'habitations »).

B.7.1. La non-rétroactivité de dispositions législatives est une garantie ayant pour but de prévenir l'insécurité juridique. Cette garantie exige que le contenu du droit soit prévisible et accessible, en sorte que le justiciable puisse prévoir, de manière raisonnable, les conséquences d'un acte déterminé au moment où cet acte se réalise.

La rétroactivité de dispositions législatives ne peut se justifier que lorsqu'elle est indispensable au bon fonctionnement ou à la continuité du service public.

S'il s'avère toutefois qu'elle a pour effet d'influencer dans un sens déterminé l'issue d'une ou de plusieurs procédures judiciaires ou d'empêcher les juridictions de se prononcer sur une question de droit, la nature du principe en cause exige que des circonstances exceptionnelles ou des motifs impérieux d'intérêt général justifient cette intervention du législateur, qui porte atteinte, au détriment d'une catégorie de citoyens, aux garanties juridictionnelles offertes à tous.

B.7.2. La disposition entreprise ne prive pas d'effet les réclamations qui ont déjà été introduites et elle n'intervient pas dans des litiges pendants. Les réclamations pendantes doivent être traitées conformément aux règles applicables au cours de l'exercice fiscal en question (Doc. parl., Parlement flamand, 2002-2003, n° 1678/4, p. 7).

B.7.3. Il convient dès lors d'examiner si la disposition litigieuse répond aux exigences formulées en B.7.1.

B.8. Le décret du 7 mai 2004 vise à résoudre des problèmes relatifs à la taxe régionale d'inoccupation. L'un des problèmes majeurs porte sur les nombreuses réclamations, dont un nombre important ont été déclarées fondées. Dans les développements de la proposition qui est devenue le décret du 7 mai 2004, il a été dit à ce sujet ce qui suit : « Le nombre de réclamations introduites après l'envoi de la taxe est relativement élevé et porte principalement sur l'inscription dans la liste des bâtiments et/ou habitations inoccupés. En voici les principales raisons : (1) les fondements précaires sur lesquels repose le constat, (2) les aspects procéduraux précaires et (3) le recours tardif du particulier, plus précisément après l'envoi de la taxe » (Doc. parl., Parlement flamand, 2002-2003, n° 1678/1, p. 3).

B.9. La disposition entreprise a été justifiée comme suit dans les travaux préparatoires : « Les inventaires réalisés sur la base de l'actuel décret fiscal du 22 décembre 1995 présentent des défectuosités, l'information vis-à-vis du citoyen est insatisfaisante et le citoyen ressent la réglementation comme étant injuste et impitoyable. Raison pour laquelle l'on considère comme inexistantes les taxations antérieures au 1er janvier 2004 et portant sur les inscriptions dans l'inventaire en 2002 ou 2003 ou sur les anniversaires d'inscriptions antérieures en 2002 ou 2003.

Le contentieux du passé reste soumis à la réglementation qui était applicable au cours de l'exercice d'imposition en question. Cette mesure entend indiquer clairement que la nouvelle réglementation rompt avec le passé et entend mettre fin à la surcharge administrative pour les citoyens visés et l'administration flamande » (Doc. parl., Parlement flamand, 2002-2003, n° 1678/4, p. 7).

Il fut ajouté aussi lors des travaux préparatoires : « Il y a lieu de tenir compte du fait qu'un nouveau système sera instauré. En effet, il convient de résorber un sérieux retard et de tenir compte du fait que la réglementation actuelle est ressentie comme contestable. L'orateur veut rompre avec le passé de manière sérieuse et propose pour cette raison que les taxations antérieures au 1er janvier 2004 et portant sur les reprises dans l'inventaire de 2002 et 2003 soient considérées comme inexistantes. Cela signifie une situation de standstill. Celui qui a reçu sa première taxation sous l'ancien régime reste pendant deux ans au niveau de la première taxation. Celui qui est pour la première fois repris dans l'inventaire reste pendant deux ans dans l'inventaire. L'on n'envoie pas d'avertissement-extrait de rôle pour les années de référence 2002 et 2003. La prochaine nouvelle taxation peut avoir lieu en 2006 » (Doc. parl., Parlement flamand, 2002-2003, n° 1678/6, p. 10).

B.10. En prévoyant que les « montants » pour les années 2002 et 2003 sont considérés comme inexistants, l'on évite de nouvelles réclamations afférentes à ces taxations. S'agissant de la taxe régionale, cette mesure est justifiée eu égard aux nombreuses réclamations auxquelles cette taxe a donné lieu et aux difficultés administratives que l'autorité a rencontrées lors du traitement de ces réclamations. En évitant temporairement l'introduction de nouvelles réclamations, la disposition attaquée donne à l'autorité le temps et les moyens de traiter les réclamations pendantes.

De surcroît, le législateur décrétal a raisonnablement pu espérer que les redevables qui n'ont pas été taxés pour les années 2002 et 2003 profiteraient de l'occasion pour faire les démarches nécessaires afin d'être rayés de l'inventaire, ce qui aurait pour effet qu'ils n'introduiront plus de réclamations à l'avenir.

B.11. La Cour doit cependant encore vérifier si le législateur décrétal a suffisamment tenu compte des conséquences de la disposition entreprise pour les villes et communes qui perçoivent des centimes additionnels à la taxe régionale.

Ainsi qu'il est mentionné en B.6.3, ces villes et communes restent en effet privées des recettes des centimes additionnels sur lesquelles elles avaient raisonnablement pu compter pour les années en question et elles ne reçoivent par ailleurs pas l'indemnité qui devrait leur être versée conformément à l'article 44 du décret du 22 décembre 1995 pour couvrir les frais administratifs.

B.12.1. Au cours des travaux préparatoires, les questions suivantes ont été posées concernant les effets financiers de la disposition entreprise pour les communes qui perçoivent des centimes additionnels à la taxe régionale : « La plupart des questions tournent autour des dispositions transitoires figurant à l'article 44bis. L'orateur renvoie à cet égard aussi à la réaction de l'Association des villes et communes flamandes. [...] Quelles directives seront données aux communes qui ont inscrit dans leur budget le produit de cette taxe pour ces années ? Comment obtiendront-elles ces moyens ? Comment cela sera-t-il compensé ? Ou les auteurs [de la proposition de décret] sont-ils d'avis que les communes doivent se passer de ces moyens ? [...] » (Doc. parl., Parlement flamand, 2002-2003, n° 1678/6, p. 19).

Ce à quoi il fut uniquement répondu : « La fiscalité n'est pourtant pas un but en soi, mais un moyen d'offrir au citoyen un service correct. Le but de cette proposition de décret est d'éliminer le phénomène de l'inoccupation et non d'aider les communes à augmenter leurs recettes » (Ann., Parlement flamand, 4 mai 2004, n° 53, p. 123).

B.12.2. Au cours des travaux préparatoires du décret du 22 décembre 1995, il fut effectivement souligné à plusieurs reprises que l'objectif de la taxe régionale n'était pas financier, et que la taxe avait avant tout un effet dissuasif (Doc. parl., Parlement flamand, 1995-1996, n° 147/1, p. 16, et n° 147/12, pp. 9 et 26-27).

Il n'empêche qu'au moment où les villes et communes ont décidé de percevoir des centimes additionnels à la taxe régionale pour les années 2002 et 2003, celles-ci pouvaient raisonnablement partir du principe, sur la base des éléments disponibles, que ces centimes additionnels leur procureraient certains revenus.

B.13.1. Selon le Gouvernement flamand, la différence entre les communes qui établissent leur propre taxe d'inoccupation ou taxe sur les taudis et celles qui prélèvent des centimes additionnels à la taxe régionale serait la conséquence du choix politique autonome des communes concernées. Par ailleurs, selon lui, rien n'empêcherait qu'une commune combine sa propre taxe d'inoccupation avec des centimes additionnels à la taxe régionale.

B.13.2. Il convient de constater à cet égard que les villes et communes pouvaient raisonnablement partir du principe qu'une telle combinaison était impossible. Ainsi a-t-il été déclaré au cours des travaux préparatoires du décret du 22 décembre 1995 : « Les communes peuvent percevoir des centimes additionnels à la taxe régionale. Elles ne peuvent cependant combiner les centimes additionnels avec la taxation provenant d'un règlement communal sur l'inoccupation et les taudis, parce que, en pareil cas, la règle ' non bis in idem ' devient applicable. En d'autres termes, les communes doivent choisir entre des centimes additionnels ou le maintien du règlement communal » (Doc. parl., Parlement flamand, 1995-1996, n° 147/1, p. 28; voy. aussi ibid., p. 18).

B.13.3. Par ailleurs, les villes et communes qui avaient choisi le système des centimes additionnels conformément aux règles applicables à l'époque pouvaient raisonnablement considérer que ce système leur garantirait certains revenus, sans devoir, parallèlement, établir leur propre taxe communale.

B.14. De même, l'affirmation du Gouvernement flamand selon laquelle le législateur décrétal n'aurait pas garanti aux communes un résultat financier comparable à celui d'une taxe d'inoccupation communale est contredite par les travaux préparatoires : « Afin d'aider une commune à passer du règlement communal au régime des centimes additionnels, rien n'a été prévu quant à la hauteur des centimes additionnels que les communes peuvent prélever. Du fait qu'elles peuvent décider librement du montant des centimes additionnels, elles peuvent, le cas échéant, atteindre un résultat financier analogue à celui du règlement communal » (Doc. parl., Parlement flamand, 1995-1996, n° 147/1, p. 28; voy. aussi ibid., p. 18, et n° 147/12, p. 15).

B.15. Le législateur décrétal souhaitait d'ailleurs faciliter le passage d'une taxe communale à une taxe régionale. Au cours des travaux préparatoires du décret du 22 décembre 1995, il fut déclaré ce qui suit à cet égard : « Afin d'aider la commune à passer du règlement communal au système des centimes additionnels : [...] 2) il a été prévu que les bâtiments et/ou habitations dont il est prouvé qu'ils étaient déjà inoccupés depuis douze mois au 1er janvier 1996, date d'entrée en vigueur de la réglementation régionale, pourraient immédiatement donner lieu à une taxation régionale, en ce compris d'éventuels centimes additionnels.Etant donné que les règlements communaux prennent pour période imposable l'année de référence ou l'année civile, les communes peuvent, sans perte de revenus, changer de système lors de l'entrée en vigueur de la réglementation décrétale; [...] » (Doc. parl., Parlement flamand, 1995-1996, n° 147/1, p. 18; voy. aussi ibid., n° 147/12, p. 15).

Le but était dès lors d'inciter les communes à adopter le système des centimes additionnels. Lors de l'adoption du décret du 22 décembre 1995, le ministre compétent déclara : « La réglementation devait être conçue de manière à ce que les communes aient néanmoins la possibilité d'adhérer au système via la technique des centimes additionnels.

Et du fait que la Région ne peut obliger les communes d'y adhérer, la réglementation devait elle-même contenir plusieurs incitants à cet effet.

Il a dès lors été tenu compte au maximum des souhaits et aspirations des communes; dans le projet, des solutions ont, dans la mesure du possible, été offertes pour rencontrer les manquements insurmontables dans leurs propres règlements » (Doc. parl., Parlement flamand, 1995-1996, n° 147/12, p. 15).

B.16. Il apparaît de ce qui précède que le législateur décrétal a incité les villes et communes à percevoir des centimes additionnels à la taxe régionale, le cas échéant en remplacement de la taxe communale existante sur les taudis ou sur l'inoccupation.

De surcroît, le législateur décrétal a également laissé entendre que le passage du système d'une taxe communale sur les taudis ou sur l'inoccupation au système des centimes additionnels à la taxe régionale aboutirait au même résultat financier et qu'il n'y aurait aucune perte de revenus.

B.17.1. Dans ces circonstances, le législateur décrétal ne pouvait porter atteinte à la confiance légitime des villes et communes qui prélevaient des centimes additionnels à la taxe régionale, sans prévoir un mécanisme de compensation pour les revenus financiers et les indemnités pour frais dont sont privées les villes et communes concernées du fait de la disposition entreprise.

B.17.2. Bien que le législateur décrétal ait pu tenir compte de la circonstance qu'une partie des taxations avait été contestée avec succès, avec pour conséquence que la taxe régionale comme les centimes additionnels à cette taxe n'étaient pas dus, ce qui générait moins de revenus pour les villes et communes qui prélevaient des centimes additionnels, il ne pouvait raisonnablement, en considérant rétroactivement comme inexistants « les montants [...] qui ont un rapport avec les insertions dans l'inventaire [et] avec les anniversaires d'insertions antérieures dans l'inventaire à partir du 1er janvier 2002 jusqu'au 31 décembre 2003 », priver les villes et communes concernées de la totalité des revenus de cette source de financement, sans compenser d'une manière quelconque cette perte de revenus et l'indemnité pour frais qu'elles n'ont pas reçue.

B.17.3. Le moyen unique est fondé.

Par ces motifs, la Cour annule l'article 19 du décret de la Région flamande du 7 mai 2004 « portant modification du décret du 22 décembre 1995 contenant diverses mesures d'accompagnement du budget 1996 et du décret du 15 juillet 1997 contenant le Code flamand du Logement, en ce qui concerne la lutte contre l'inoccupation et le délabrement de bâtiments et/ou d'habitations ».

Ainsi prononcé en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 7 décembre 2005.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux.

Le président, A. Arts.

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