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Arrêt
publié le 23 août 2006

Extrait de l'arrêt n° 106/2006 du 21 juin 2006 Numéros du rôle : 3898 à 3923 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 100, alinéa 1 er , 1°, des lois sur la comptabilité de l'Etat, coordonnées par arrêté royal du 1 La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et A. Arts, et des juges P. Martens, R.(...)

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COUR D'ARBITRAGE


Extrait de l'arrêt n° 106/2006 du 21 juin 2006 Numéros du rôle : 3898 à 3923 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 100, alinéa 1er, 1°, des lois sur la comptabilité de l'Etat, coordonnées par arrêté royal du 17 juillet 1991, posée par le Tribunal de première instance de Bruxelles.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et A. Arts, et des juges P. Martens, R. Henneuse, E. De Groot, A. Alen et J.-P. Moerman, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président M. Melchior, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par vingt-six jugements du 6 février 2006 en cause de M. Defru et autres contre la Radio-Télévision belge de la Communauté française (en abrégé : RTBF), dont les expéditions sont parvenues au greffe de la Cour d'arbitrage le 15 février 2006, le Tribunal de première instance de Bruxelles a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 100, alinéa 1er, 1°, des lois sur la comptabilité de l'Etat coordonnées par l'arrêté royal du 17 juillet 1991 viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution en ce que cette disposition qui soumet à un délai de prescription de cinq ans les actions en dommages et intérêts dirigées contre l'Etat belge (ou les Communautés et/ou les Régions) ne s'appliquerait pas aux actions en dommages et intérêts dirigées par des justiciables contre les organismes d'intérêt public de catégorie B, lesquelles seraient soumises au délai de prescription trentenaire de droit commun, tel qu'il était en vigueur avant la loi du 10 juin 1998Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/06/1998 pub. 17/07/1998 numac 1998009557 source ministere de la justice Loi modifiant certaines dispositions en matière de prescription fermer (modifiant certaines dispositions en matière de prescription), alors même que les créances à l'égard d'organismes d'intérêt public de catégorie B devraient être soumises, entre autres, au regard de l'objectif de clôture rapide des comptes publics, aux délais de prescription fixés par l'article 100 des lois sur la comptabilité de l'Etat ? ».

Ces affaires, inscrites sous les numéros 3898 à 3923 du rôle de la Cour, ont été jointes.

Le 8 mars 2006, en application de l'article 72, alinéa 1er, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, les juges-rapporteurs J.-P. Moerman et E. De Groot ont informé la Cour qu'ils pourraient être amenés à proposer de rendre un arrêt de réponse immédiate. (...) III. En droit (...) B.1. L'article 1er de la loi du 6 février 1970 relative à la prescription des créances à charge ou au profit de l'Etat et des provinces forme l'article 100 des lois sur la comptabilité de l'Etat, coordonnées par l'arrêté royal du 17 juillet 1991, qui dispose : « Sont prescrites et définitivement éteintes au profit de l'Etat, sans préjudice des déchéances prononcées par d'autres dispositions légales, réglementaires ou conventionnelles sur la matière : 1° les créances qui, devant être produites selon les modalités fixées par la loi ou le règlement, ne l'ont pas été dans le délai de cinq ans à partir du premier janvier de l'année budgétaire au cours de laquelle elles sont nées;2° les créances qui, ayant été produites dans le délai visé au 1°, n'ont pas été ordonnancées par les Ministres dans le délai de cinq ans à partir du premier janvier de l'année pendant laquelle elles ont été produites;3° toutes autres créances qui n'ont pas été ordonnancées dans le délai de dix ans à partir du premier janvier de l'année pendant laquelle elles sont nées. Toutefois, les créances résultant de jugements restent soumises à la prescription décennale; elles doivent être payées à l'intervention de la Caisse des Dépôts et Consignations ».

En vertu de l'article 128 de la loi du 22 mai 2003Documents pertinents retrouvés type loi prom. 22/05/2003 pub. 03/07/2003 numac 2003003367 source service public federal budget et controle de la gestion et service public federal finances Loi portant organisation du budget et de la comptabilité de l'Etat fédéral fermer « portant organisation du budget et de la comptabilité de l'Etat fédéral », la loi du 6 février 1970 relative à la prescription des créances à charge ou au profit de l'Etat et des provinces est abrogée pour les services mentionnés à l'article 2 de la loi citée en premier lieu. Cette abrogation n'est toutefois pas encore entrée en vigueur. L'article 100, alinéa 1er, des lois coordonnées sur la comptabilité de l'Etat reste applicable aux créances à charge de l'Etat fédéral qui sont nées avant l'entrée en vigueur de la loi du 22 mai 2003Documents pertinents retrouvés type loi prom. 22/05/2003 pub. 03/07/2003 numac 2003003367 source service public federal budget et controle de la gestion et service public federal finances Loi portant organisation du budget et de la comptabilité de l'Etat fédéral fermer (article 131, alinéa 2).

Jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi du 16 mai 2003Documents pertinents retrouvés type loi prom. 16/05/2003 pub. 25/06/2003 numac 2003003343 source service public federal budget et controle de la gestion et service public federal finances Loi fixant les dispositions générales applicables aux budgets, au contrôle des subventions et à la comptabilité des communautés et des régions, ainsi qu'à l'organisation du contrôle de la Cour des comptes type loi prom. 16/05/2003 pub. 30/07/2015 numac 2015000394 source service public federal interieur Loi fixant les dispositions générales applicables aux budgets, au contrôle des subventions et à la comptabilité des communautés et des régions, ainsi qu'à l'organisation du contrôle de la Cour des comptes. - Coordination officieuse en langue allemande fermer « fixant les dispositions générales applicables aux budgets, au contrôle des subventions et à la comptabilité des communautés et des régions, ainsi qu'à l'organisation du contrôle de la Cour des comptes », l'article 100 des lois coordonnées sur la comptabilité de l'Etat, en vertu de l'article 71, § 1er, de la loi spéciale de financement du 16 janvier 1989, reste également applicable aux communautés et aux régions.

B.2. Avant l'entrée en vigueur de la loi du 10 juin 1998Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/06/1998 pub. 17/07/1998 numac 1998009557 source ministere de la justice Loi modifiant certaines dispositions en matière de prescription fermer modifiant certaines dispositions en matière de prescription, le délai de prescription de droit commun était de trente ans. Le nouvel article 2262bis, § 1er, du Code civil, inséré par la loi susdite, énonce que les actions personnelles sont prescrites par dix ans à l'exception des actions en réparation d'un dommage fondées sur une responsabilité extra-contractuelle qui se prescrivent par cinq ans à partir du jour qui suit celui où la personne lésée a eu connaissance du dommage ou de son aggravation et de l'identité de la personne responsable, ces actions se prescrivant en tout cas par vingt ans à partir du jour qui suit celui où s'est produit le fait qui a provoqué le dommage. Lorsque le droit d'agir a pris naissance avant l'entrée en vigueur de la loi du 10 juin 1998Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/06/1998 pub. 17/07/1998 numac 1998009557 source ministere de la justice Loi modifiant certaines dispositions en matière de prescription fermer, l'article 10 de cette loi dispose, à titre de mesure transitoire, que les nouveaux délais de prescription qu'elle institue ne commencent à courir qu'à partir de son entrée en vigueur.

B.3. Aucun délai de prescription particulier n'étant prévu pour les organismes d'intérêt public de catégorie B au sens de la loi du 16 mars 1954 relative au contrôle de certains organismes d'intérêt public, leurs créances se prescrivent conformément aux dispositions de droit commun.

La Cour doit examiner s'il est justifié de soumettre les actions dirigées contre ces organismes à un délai de prescription différent de celui qui s'applique aux actions dirigées contre d'autres personnes morales de droit public.

B.4. Ainsi que la Cour l'a exposé dans les arrêts nos 32/96, 75/97, 5/99, 85/2001, 42/2002, 64/2002, 37/2003, 1/2004, 86/2004, 127/2004, 165/2004 et 170/2004, en soumettant à la prescription quinquennale les actions dirigées contre l'Etat, le législateur avait pris une mesure en rapport avec le but poursuivi qui est de permettre de clôturer les comptes de l'Etat dans un délai raisonnable. Il a en effet considéré qu'une telle mesure était indispensable, parce qu'il faut que l'Etat puisse, à une époque déterminée, arrêter ses comptes : c'est une prescription d'ordre public et nécessaire au point de vue d'une bonne comptabilité (Pasin. 1846, p. 287).

Lors des travaux préparatoires de la loi du 6 février 1970, il fut rappelé que, « faisant pour plus de 150 milliards de dépenses par an, manoeuvrant un appareil administratif lourd et compliqué, submergé de documents et d'archives, l'Etat est un débiteur de nature particulière » et que « des raisons d'ordre imposent que l'on mette fin aussitôt que possible aux revendications tirant leur origine d'affaires arriérées » (Doc. parl., Chambre, 1964-1965, n° 971/1, p. 2; Doc. parl., Sénat, 1966-1967, n° 126, p. 4).

Sauf dans l'hypothèse où des personnes se trouvent dans l'impossibilité d'agir en justice dans le délai légal parce que leur dommage n'est apparu qu'après l'expiration du délai (arrêt n° 32/96), la Cour a constaté à chaque fois que le législateur avait pris une mesure qui n'était pas disproportionnée au but poursuivi.

B.5. Il est vrai que les mêmes créances à l'égard des organismes d'intérêt public de catégorie B pourraient être soumises au délai de prescription quinquennale pour les motifs indiqués au B.4, mais cette considération n'est pas de nature à mettre en cause la constitutionnalité des dispositions litigieuses. En effet, les articles 10 et 11 de la Constitution n'impliquent pas que le législateur doive déroger aux règles de prescription du droit commun à l'égard de toutes les autorités administratives. Il importe peu à cet égard que ces autorités soient des pouvoirs locaux ou des organismes issus de la décentralisation par services, comme les organismes d'intérêt public de catégorie B. Même si le budget de ces organismes est, à certains égards, lié au budget de l'Etat, des communautés ou des régions, il n'y a pas lieu de considérer que les motifs mentionnés en B.4 obligent le législateur à soumettre ces organismes au délai de prescription quinquennale.

B.6. La question préjudicielle appelle une réponse négative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 100, alinéa 1er, 1°, des lois sur la comptabilité de l'Etat, coordonnées par l'arrêté royal du 17 juillet 1991, ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution, en tant que le délai de prescription qu'il prévoit n'est pas applicable aux créances à charge des organismes d'intérêt public de catégorie B. Ainsi prononcé en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 21 juin 2006.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux.

Le président, M. Melchior.

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