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Arrêt
publié le 01 août 2012

Extrait de l'arrêt n° 58/2012 du 3 mai 2012 Numéro du rôle : 5112 En cause : le recours en annulation des articles 92, 93, 95 et 96 du décret-programme de la Région wallonne du 22 juillet 2010 « portant des mesures diverses en matière de bonn La Cour constitutionnelle, composée des présidents R. Henneuse et M. Bossuyt, et des juges L. La(...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 58/2012 du 3 mai 2012 Numéro du rôle : 5112 En cause : le recours en annulation des articles 92, 93, 95 et 96 du décret-programme de la Région wallonne du 22 juillet 2010 « portant des mesures diverses en matière de bonne gouvernance, de simplification administrative, d'énergie, de logement, de fiscalité, d'emploi, de politique aéroportuaire, d'économie, d'environnement, d'aménagement du territoire, de pouvoirs locaux, d'agriculture et de travaux publics », introduit par Jean-Claude Dierckx et Henri Gérard.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents R. Henneuse et M. Bossuyt, et des juges L. Lavrysen, A. Alen, E. Derycke, J. Spreutels et P. Nihoul, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président R. Henneuse, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours et procédure Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 21 février 2011 et parvenue au greffe le 23 février 2011, un recours en annulation des articles 92, 93, 95 et 96 du décret-programme de la Région wallonne du 22 juillet 2010 « portant des mesures diverses en matière de bonne gouvernance, de simplification administrative, d'énergie, de logement, de fiscalité, d'emploi, de politique aéroportuaire, d'économie, d'environnement, d'aménagement du territoire, de pouvoirs locaux, d'agriculture et de travaux publics » (publié au Moniteur belge du 20 août 2010, troisième édition) a été introduit par Jean-Claude Dierckx, demeurant à 4600 Visé, Allée Verte 77, et Henri Gérard, demeurant à 4684 Haccourt, rue des 7 Bonniers 80. (...) II. En droit (...) B.1. Il ressort des développements de la requête que la Cour est invitée à statuer sur la compatibilité des articles 92 et 95 du décret-programme de la Région wallonne du 22 juillet 2010 « portant des mesures diverses en matière de bonne gouvernance, de simplification administrative, d'énergie, de logement, de fiscalité, d'emploi, de politique aéroportuaire, d'économie, d'environnement, d'aménagement du territoire, de pouvoirs locaux, d'agriculture et de travaux publics » avec les articles 10, 11 et 23, alinéa 1er, alinéa 2 et alinéa 3, 4°, de la Constitution, lus isolément ou en combinaison avec l'article 5, paragraphes 2 et 4, avec l'article 6, paragraphe 3, et avec l'article 14, paragraphe 1, de la directive 2004/35/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004 « sur la responsabilité environnementale en ce qui concerne la prévention et la réparation des dommages environnementaux », et avec l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme.

B.2.1. Le moyen unique invite, d'abord, la Cour à vérifier la compatibilité des dispositions attaquées avec l'article 23, alinéa 1er, alinéa 2 et alinéa 3, 4°, de la Constitution.

B.2.2. L'article 23, alinéa 1er, alinéa 2 et alinéa 3, 4°, de la Constitution dispose : « Chacun a le droit de mener une vie conforme à la dignité humaine.

A cette fin, la loi, le décret ou la règle visée à l'article 134 garantissent, en tenant compte des obligations correspondantes, les droits économiques, sociaux et culturels, et déterminent les conditions de leur exercice.

Ces droits comprennent notamment : [...] 4° le droit à la protection d'un environnement sain ». Cette disposition contient une obligation de standstill qui interdit au législateur compétent de réduire sensiblement le niveau de protection de l'environnement offert par la législation applicable sans qu'existent des motifs d'intérêt général.

B.2.3. Il est, en premier lieu, reproché aux dispositions attaquées de retirer aux riverains d'un site pollué la garantie que l'assainissement de ce site sera envisagé.

L'article 18 du décret du 5 décembre 2008 relatif à la gestion des sols crée, entre autres, une obligation de procéder à une étude d'orientation, une obligation de procéder, le cas échéant, à une étude de caractérisation, ainsi qu'une obligation de procéder, le cas échéant, à l'assainissement du sol pollué visé par les études précitées. Ces obligations naissent dans les conditions décrites par les articles 19 à 21 du même décret. Les titulaires de ces obligations sont identifiés par les articles 22 à 26 du même décret.

Sans qu'il soit nécessaire de vérifier si, avant l'adoption des dispositions attaquées, le décret du 5 décembre 2008 offrait aux riverains d'un site pollué la garantie que l'assainissement de celui-ci serait envisagé, il y a lieu d'observer que les dispositions attaquées ne suppriment pas les obligations précitées et ne modifient nullement les règles relatives à leur naissance et à l'identification de leurs titulaires.

B.2.4.1. Il est, en deuxième lieu, reproché aux dispositions attaquées d'avoir pour effet qu'un éventuel projet d'assainissement d'un terrain pollué ne reposerait que sur des investigations réalisées volontairement, elles-mêmes fondées sur des analyses qui sont seulement « réputées conformes » au décret du 5 décembre 2008 et réalisées par des laboratoires non spécifiquement agréés.

B.2.4.2. La circonstance qu'un projet d'assainissement d'un terrain pollué ne reposerait plus sur des investigations imposées par l'autorité publique, mais uniquement sur des investigations réalisées volontairement, ne suffit pas, en soi, à démontrer une réduction sensible du niveau de la protection de l'environnement qu'un projet d'assainissement a, du reste, pour objet de relever.

B.2.4.3.1. Les analyses prévues par le décret du 5 décembre 2008 doivent être réalisées par un laboratoire agréé (article 27, § 1er, alinéa 2) qui respecte les conditions fixées par le Gouvernement en exécution du décret (article 27, § 2).

Un projet d'assainissement a pour objet de déterminer le mode d'exécution de l'assainissement d'un terrain pollué (article 53, alinéa 1er, du décret du 5 décembre 2008). Son auteur ne doit, en principe, effectuer aucune analyse (article 53, alinéas 2 et 3, du même décret).

Un projet d'assainissement doit cependant, en principe, être précédé d'une étude de caractérisation (article 53, alinéa 2, 1° et 2°, du même décret) ou, à tout le moins, d'une étude d'orientation (article 53, alinéa 4, premier tiret, du même décret). Une étude d'orientation a pour objet de vérifier la présence éventuelle d'une pollution du sol et de fournir, le cas échéant, une première description de cette pollution et une première estimation de son ampleur (article 37 du même décret). Une étude d'orientation comporte une analyse relative à la nécessité de procéder à une étude de risque (article 38, alinéa 2, 6°, du même décret). Une étude de caractérisation décrit et localise de façon détaillée la pollution du sol afin de permettre à l'administration de se prononcer sur la nécessité et les modalités d'un assainissement du terrain (article 43, alinéa 1er, du même décret). Lorsqu'une étude d'orientation est suivie d'un projet d'assainissement sans que ne soit au préalable réalisée une étude de caractérisation, l'auteur de ce projet doit faire réaliser une analyse (article 53, alinéa 4, du même décret).

B.2.4.3.2. L'auteur d'un projet d'assainissement introduit en application de l'article 92bis du décret du 5 décembre 2008, inséré par l'article 92 du décret-programme du 22 juillet 2010, doit aussi réaliser des analyses (article 92bis, § 2, c)).

B.2.4.3.3. Au moment de l'adoption du décret-programme du 22 juillet 2010, aucun laboratoire n'était agréé en exécution du décret du 5 décembre 2008 (Doc. parl., Parlement wallon, 2009-2010, n° 203/1, p. 16; ibid., n° 203/35, annexe 5, p. 4).

Aucune des analyses précitées ne pouvait donc être réalisée, de sorte qu'il n'était pas possible de faire une étude d'orientation ou une étude de caractérisation ou de rédiger un projet d'assainissement (ibid.).

B.2.4.3.4. L'article 93bis, alinéa 1er, du décret du 5 décembre 2008, inséré par l'article 95 du décret-programme du 22 juillet 2010, assimile à l'agrément prévu par l'article 27 du décret du 5 décembre 2008 l'agrément délivré à des laboratoires pour l'analyse des déchets, en exécution de l'arrêté de l'Exécutif régional wallon du 9 juillet 1987 « relatif à la surveillance de l'exécution des dispositions en matière de déchets et de déchets toxiques » et de l'article D.147 du livre Ier du Code de l'Environnement. Cette assimilation ne vaut que jusqu'au 31 mars 2011.

Cette disposition rend donc possible la réalisation des analyses indispensables aux études et projets d'assainissement précités, ce qui permet que l'administration soit invitée à statuer sur des projets d'assainissement, ce qu'elle ne pouvait faire auparavant, faute de laboratoire agréé.

Avant son abrogation par l'article 10 de l'arrêté du Gouvernement wallon du 5 décembre 2008 « insérant une partie VIII dans la partie réglementaire du Livre Ier du Code de l'Environnement », l'arrêté de l'Exécutif régional wallon du 9 juillet 1987 prévoyait l'agrément de laboratoires chargés d'analyses des échantillons relatifs aux déchets visés par le décret de la Région wallonne du 5 juillet 1985 relatif aux déchets et par la loi du 22 juillet 1974 sur les déchets toxiques (articles 1er et 7 de cet arrêté). L'agrément d'un tel laboratoire supposait que celui-ci dispose « des locaux, du matériel ainsi que [de] l'appareillage et de la documentation scientifique nécessaire pour exécuter [c]es analyses » et du « personnel technique adapté à la nature et à l'importance desdites analyses » (article 8.2 du même arrêté).

Pris en exécution de l'article D.147 du livre Ier du Code de l'Environnement, les articles R.101 à R.105 de ce livre organisent l'agrément de laboratoires chargés des analyses officielles d'échantillons auxquelles font procéder les agents chargés de contrôler le respect notamment du décret de la Région wallonne du 27 juin 1996 relatif aux déchets, ainsi que des règlements pris en vertu de ce décret (articles D.138, D.139, 1°, D.140, D.146, 3°, et D.147, du livre Ier du Code de l'Environnement). Ces articles R.101 à R.105 sont entrés en vigueur le jour de l'abrogation de l'arrêté de l'Exécutif régional wallon du 9 juillet 1987, soit le 6 février 2009.

L'agrément d'un tel laboratoire en exécution de ces articles suppose aussi que celui-ci dispose « des locaux, du matériel ainsi que de l'appareillage et de la documentation scientifique nécessaire pour exécuter [c]es analyses » et du « personnel technique adapté à la nature et à l'importance desdites analyses » (article R.103, alinéa 2).

B.2.4.3.5. Il résulte de ce qui précède que l'article 93bis, alinéa 1er, du décret du 5 décembre 2008, inséré par l'article 95 du décret-programme du 22 juillet 2010, élève le niveau de protection de l'environnement lié à la gestion des sols.

B.2.4.4.1. Comme il est dit en B.2.4.3.3, faute de laboratoire agréé, aucune des analyses prévues par le décret du 5 décembre 2008 ne pouvait être réalisée avant l'adoption de l'article 95 du décret-programme du 22 juillet 2010, de sorte qu'il n'était pas possible de rédiger un projet d'assainissement.

Le décret du 5 décembre 2008 ne fixe aucune norme permettant d'évaluer la conformité d'une analyse réalisée par un laboratoire agréé.

B.2.4.4.2. L'article 93bis, alinéa 2, du décret du 5 décembre 2008, inséré par l'article 95 du décret-programme du 22 juillet 2010, répute conforme au premier décret toute analyse réalisée par un laboratoire visé en B.2.4.3.4.

Tout comme son alinéa 1er, l'alinéa 2 de l'article 93bis du décret du 5 décembre 2008 permet que l'administration soit invitée à statuer sur des projets d'assainissements, ce qu'elle ne pouvait faire auparavant, faute de laboratoire agréé.

B.2.4.4.3. Il résulte de ce qui précède que l'article 93bis, alinéa 2, du décret du 5 décembre 2008, inséré par l'article 95 du décret-programme du 22 juillet 2010, élève le niveau de protection de l'environnement lié à la gestion des sols.

B.2.5. Il est, en troisième lieu, reproché à l'article 92bis du décret du 5 décembre 2008, inséré par l'article 92 du décret-programme du 22 juillet 2010, de priver les riverains d'un site pollué du droit de voir l'administration se prononcer sur un projet d'assainissement en connaissance de cause.

Cette disposition autorise, dans certaines circonstances, l'introduction d'un projet d'assainissement non précédé d'une étude d'orientation ou d'une étude de caractérisation. Ce projet doit cependant contenir nombre d'informations (article 92bis, § 2) qui permettent à l'administration de statuer en connaissance de cause.

Celle-ci peut, le cas échéant, demander à la personne qui introduit ce projet d'assainissement de lui fournir des documents et informations manquantes (article 55, alinéa 1er, du décret du 5 décembre 2008).

L'administration est aussi habilitée à consulter une série d'instances sur le projet d'assainissement qui lui est soumis (articles 56 à 58).

A cela s'ajoute que l'administration n'est pas tenue d'approuver ce projet au terme de la procédure d'instruction de celui-ci (article 62, §§ 2 et 3).

L'administration reste donc libre de se prononcer sur un projet d'assainissement en connaissance de cause.

B.2.6. Il résulte de ce qui précède que les articles 92 et 95 du décret-programme du 22 juillet 2010 ne réduisent pas sensiblement le niveau de protection de l'environnement offert par la législation applicable, de sorte qu'ils ne sont pas incompatibles avec l'article 23, alinéa 1er, alinéa 2 et alinéa 3, 4°, de la Constitution.

B.3.1. Le moyen unique invite, ensuite, la Cour à vérifier la compatibilité, avec les articles 10 et 11 de la Constitution, de l'article 92bis du décret du 5 décembre 2008, tel qu'inséré par l'article 92 du décret-programme du 22 juillet 2010, en ce que cette disposition introduirait une différence de traitement entre deux catégories de riverains d'un terrain affecté d'une pollution historique qui ferait l'objet d'un projet d'assainissement : d'une part, ceux qui profitent de l'application des articles 37 à 46 et 53 du décret du 5 décembre 2008 et, d'autre part, ceux qui n'en profitent pas.

B.3.2. Les articles 37 à 46 et 53 du décret du 5 décembre 2008 ne sont pas applicables tant que le « Code wallon de Bonnes Pratiques » n'a pas été publié par l'administration.

Dans l'attente de cette publication, aucun riverain ne peut donc profiter de l'application de ces dispositions, de sorte que la différence de traitement critiquée est inexistante.

B.3.3. Il résulte de ce qui précède que l'article 92 du décret-programme du 22 juillet 2010 n'est pas incompatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution.

B.4.1. Le moyen unique invite, ensuite, la Cour à vérifier la compatibilité des dispositions attaquées avec les articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 5, paragraphes 2 et 4, avec l'article 6, paragraphe 3, et avec l'article 14, paragraphe 1, de la directive 2004/35/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004.

Il est reproché aux dispositions attaquées d'empêcher la Région wallonne de veiller à être informée des menaces imminentes pour l'environnement, et de dispenser l'exploitant d'un site pollué de prendre des mesures préventives ou des mesures de réparation et de constituer une sûreté.

B.4.2.1. L'article 5 de cette directive, intitulé « Action de prévention », dispose : « 1. Lorsqu'un dommage environnemental n'est pas encore survenu, mais qu'il existe une menace imminente qu'un tel dommage survienne, l'exploitant prend sans retard les mesures préventives nécessaires. 2. Les Etats membres veillent à ce que, le cas échéant, et en tout état de cause lorsqu'une menace imminente de dommage environnemental ne disparaît pas en dépit des mesures préventives prises par l'exploitant, ce dernier soit tenu d'informer l'autorité compétente de tous les aspects pertinents dans les meilleurs délais.3. L'autorité compétente peut, à tout moment : a) obliger l'exploitant à fournir des informations chaque fois qu'une menace imminente de dommage environnemental est présente, ou dans le cas où une telle menace imminente est suspectée;b) obliger l'exploitant à prendre les mesures préventives nécessaires;c) donner à l'exploitant les instructions à suivre quant aux mesures préventives nécessaires à prendre;ou d) prendre elle-même les mesures préventives nécessaires.4. L'autorité compétente oblige l'exploitant à prendre les mesures préventives.Si l'exploitant ne s'acquitte pas des obligations prévues au paragraphe 1 ou au paragraphe 3, point b) ou c), ne peut être identifié ou n'est pas tenu de supporter les coûts en vertu de la présente directive, l'autorité compétente peut prendre elle-même ces mesures ».

L'article 6 de la même directive, intitulé « Action de réparation », dispose : « 1. Lorsqu'un dommage environnemental s'est produit, l'exploitant informe sans tarder l'autorité compétente de tous les aspects pertinents de la situation et prend : a) toutes les mesures pratiques afin de combattre, d'endiguer, d'éliminer ou de traiter immédiatement les contaminants concernés et tout autre facteur de dommage, en vue de limiter ou de prévenir de nouveaux dommages environnementaux et des incidences négatives sur la santé humaine ou la détérioration des services;et b) les mesures de réparation nécessaires conformément à l'article 7.2. L'autorité compétente peut, à tout moment : a) obliger l'exploitant à fournir des informations complémentaires concernant tout dommage s'étant produit;b) prendre, contraindre l'exploitant à prendre ou donner des instructions à l'exploitant concernant toutes les mesures pratiques afin de combattre, d'endiguer, d'éliminer ou de gérer immédiatement les contaminants concernés et tout autre facteur de dommage, en vue de limiter ou de prévenir de nouveaux dommages environnementaux et des incidences négatives sur la santé humaine ou la détérioration des services;c) obliger l'exploitant à prendre les mesures de réparation nécessaires;d) donner à l'exploitant les instructions à suivre quant aux mesures de réparation nécessaires à prendre;ou e) prendre elle-même les mesures de réparation nécessaires.3. L'autorité compétente oblige l'exploitant à prendre les mesures de réparation.Si l'exploitant ne s'acquitte pas de ses obligations aux termes du paragraphe 1 ou du paragraphe 2, point b), point c) ou point d), ne peut être identifié ou n'est pas tenu de supporter les coûts en vertu de la présente directive, l'autorité compétente peut prendre elle-même ces mesures en dernier ressort ».

L'article 14 de la directive du 21 avril 2004, intitulé « Garantie financière », dispose : « 1. Les Etats membres prennent des mesures visant à encourager le développement, par les agents économiques et financiers appropriés, d'instruments et de marchés de garantie financière, y compris des mécanismes financiers couvrant les cas d'insolvabilité, afin de permettre aux exploitants d'utiliser des instruments de garantie financière pour couvrir les responsabilités qui leur incombent en vertu de la présente directive. 2. Avant le 30 avril 2010, la Commission présente un rapport sur l'efficacité de la présente directive en termes de réparation effective des dommages environnementaux, sur la disponibilité à un coût raisonnable et sur les conditions des assurances et autres formes de garantie financière couvrant les activités visées à l'annexe III. En ce qui concerne la garantie financière, le rapport prend également les aspects suivants en considération : une approche progressive, un plafond pour la garantie financière et l'exclusion des activités à faible risque. A la lumière de ce rapport et d'une évaluation d'impact approfondie, notamment une analyse coût-avantages, la Commission, soumet, le cas échéant, des propositions relatives à un système de garantie financière obligatoire harmonisée ».

B.4.2.2. On entend notamment par « dommage environnemental » au sens de cette directive « les dommages affectant les sols, à savoir toute contamination des sols qui engendre un risque d'incidence négative grave sur la santé humaine du fait de l'introduction directe ou indirecte en surface ou dans le sol de substances, préparations, organismes ou micro-organismes » (article 2, paragraphe 1, c), de la directive du 21 avril 2004), un dommage étant « une modification négative mesurable d'une ressource naturelle ou une détérioration mesurable d'un service lié à des ressources naturelles, qui peut survenir de manière directe ou indirecte » (article 2, paragraphe 2, de la même directive).

La « menace imminente de dommage » est une « probabilité suffisante de survenance d'un dommage environnemental dans un avenir proche » (article 2, paragraphe 9, de la même directive).

Une « mesure préventive » est une « mesure prise en réponse à un événement, un acte ou une omission qui a créé une menace imminente de dommage environnemental, afin de prévenir ou de limiter au maximum ce dommage » (article 2, paragraphe 10, de la même directive).

Une « mesure de réparation » est « toute action, ou combinaison d'actions, y compris des mesures d'atténuation ou des mesures transitoires visant à restaurer, réhabiliter ou remplacer les ressources naturelles endommagées ou les services détériorés ou à fournir une alternative équivalente à ces ressources ou services, tel que prévu à l'annexe II » de la directive du 21 avril 2004 (article 2, paragraphe 11, de la même directive).

Un exploitant est « toute personne physique ou morale, privée ou publique, qui exerce ou contrôle une activité professionnelle ou, lorsque la législation nationale le prévoit, qui a reçu par délégation un pouvoir économique important sur le fonctionnement technique, y compris le titulaire d'un permis ou d'une autorisation pour une telle activité, ou la personne faisant enregistrer ou notifiant une telle activité » (article 2, paragraphe 6, de la même directive).

B.4.3.1. Les articles 92bis et 93bis du décret du 5 décembre 2008 n'ont pour objet ou pour effet ni d'empêcher la Région wallonne d'être informée d'une menace imminente d'un dommage environnemental au sens de la directive 2004/35/CE, ni de dispenser un exploitant de prendre des mesures préventives ou des mesures de réparation.

Les dispositions attaquées ont, au contraire, pour but de permettre l'application du décret du 5 décembre 2008 et d'autoriser des actes et travaux d'assainissement.

B.4.3.2. La dispense de sûreté prévue par l'article 92bis, § 1er, du décret du 5 décembre 2008 n'empêche nullement la Région wallonne de prendre des mesures visant à encourager le développement des instruments et des marchés de garantie financière visés à l'article 14 de la directive 2004/35/CE. B.4.4. Il résulte de ce qui précède que les articles 92bis et 93bis du décret du 5 décembre 2008 ne sont pas incompatibles avec les articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 5, paragraphes 2 et 4, avec l'article 6, paragraphe 3, et avec l'article 14, paragraphe 1, de la directive 2004/35/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004.

B.5.1. Il ressort, enfin, des développements de la requête que le moyen unique invite la Cour à vérifier la compatibilité de l'article 92bis du décret du 5 décembre 2008 avec les articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, en ce que cette dernière disposition garantit le droit à un environnement sain.

Il est reproché à la disposition législative attaquée de supprimer l'obligation de procéder aux actes et travaux d'assainissement d'un terrain pollué et d'habiliter l'administration à approuver un projet d'assainissement qui n'aurait pas été précédé d'une étude d'orientation ou d'une étude de caractérisation.

B.5.2. L'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme dispose : « 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ». Des atteintes graves à l'environnement peuvent affecter le bien-être d'une personne et la priver de la jouissance de son domicile de manière à nuire à sa vie privée et familiale (CEDH, 9 décembre 1994, Lopez-Ostra c. Espagne, § 51; CEDH, grande chambre, 19 février 1998, Guerra et autres c. Italie, § 60; CEDH, 27 janvier 2009, Tatar c.

Roumanie, § 97; CEDH, 10 janvier 2012, Di Sarno et autres c. Italie, § 104).

B.5.3. Les développements du moyen unique relatifs à la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, se confondent avec ceux qui concernent la prétendue violation de l'article 23 de la Constitution.

B.5.4. Il résulte de ce qui précède que l'article 92bis du décret du 5 décembre 2008 n'est pas incompatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme.

B.6. Le moyen n'est pas fondé.

Par ces motifs, la Cour rejette le recours.

Ainsi prononcé en langue française, en langue néerlandaise et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, à l'audience publique du 3 mai 2012.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux Le président, R. Henneuse

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