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Arrêt
publié le 22 mai 2013

Extrait de l'arrêt n° 37/2013 du 14 mars 2013 Numéros du rôle : 5324 et 5328 En cause : le recours en annulation de l'article IV.7, 1°, du décret de la Communauté flamande du 1 er juillet 2011 relatif à l'enseignement XXI, introduit La Cour constitutionnelle, composée des présidents M. Bossuyt et R. Henneuse, et des juges E. De(...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 37/2013 du 14 mars 2013 Numéros du rôle : 5324 et 5328 En cause : le recours en annulation de l'article IV.7, 1°, du décret de la Communauté flamande du 1er juillet 2011 relatif à l'enseignement XXI, introduit par l'ASBL « Samenlevingsopbouw Brussel » et l'ASBL « Liga voor Mensenrechten », et le recours en annulation de l'article IV.1, 3°, et de l'article IV.7, 1°, du même décret, introduit par l'ASBL « Volwassenenonderwijs van de Landelijke Bedienden Centrale-Nationaal Verbond voor Kaderpersoneel » et autres.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents M. Bossuyt et R. Henneuse, et des juges E. De Groot, L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke, J. Spreutels, T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul et F. Daoût, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président M. Bossuyt, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des recours et procédure Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 28 février 2012 et parvenue au greffe le 29 février 2012, l'ASBL « Samenlevingsopbouw Brussel », dont le siège social est établi à 1080 Bruxelles, Quai du Hainaut 29, et l'ASBL « Liga voor Mensenrechten », dont le siège social est établi à 9000 Gand, Gebroeders De Smetstraat 75, ont introduit un recours en annulation de l'article IV.7, 1°, du décret de la Communauté flamande du 1er juillet 2011 relatif à l'enseignement XXI (publié au Moniteur belge du 30 août 2011).

Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 29 février 2012 et parvenue au greffe le 1er mars 2012, l'ASBL « Volwassenenonderwijs van de Landelijke Bedienden Centrale - Nationaal Verbond voor Kaderpersoneel », dont le siège social est établi à 2000 Anvers, Sudermanstraat 5, Ivette Brusselmans, demeurant à 2018 Anvers, Lange Van Ruusbroecstraat 102, et Johan Nicasie, demeurant à 2550 Kontich, IJzermaalberg 14, ont introduit un recours en annulation des articles IV.1, 3°, et IV.7, 1°, du même décret.

Ces affaires, inscrites sous les numéros 5324 et 5328 du rôle de la Cour, ont été jointes. (...) II. En droit (...) B.1. Les dispositions attaquées, à savoir l'article IV.1, 3°, et l'article IV.7, 1°, du décret de la Communauté flamande du 1er juillet 2011 relatif à l'enseignement XXI, modifient le décret du 15 juin 2007 relatif à l'éducation des adultes.

L'éducation des adultes est l'enseignement agréé et financé ou subventionné par la Communauté flamande et organisé par les centres agréés d'éducation des adultes et les centres agréés d'éducation de base (article 2, 46°, du décret du 15 juin 2007).

L'éducation des adultes a pour but d'initier les apprenants aux connaissances, aptitudes et attitudes nécessaires pour pouvoir se développer, vivre en société, participer à toute éducation ultérieure, exercer une profession ou maîtriser une langue, d'une part, et de permettre aux apprenants d'obtenir des titres reconnus d'autre part (article 3, § 1er, du décret du 15 juin 2007). L'enseignement pour adultes comprend l'enseignement de base, l'enseignement secondaire des adultes, l'enseignement supérieur professionnel et les formations spécifiques des enseignants (article 4 du décret du 15 juin 2007).

En vertu de l'article 37, alinéa 1er, du décret du 15 juin 2007, les apprenants sont inscrits auprès du centre suivant l'ordre dans lequel ils satisfont aux conditions d'inscription. Si nécessaire, des listes d'attente peuvent être créées.

La seconde disposition attaquée (dans les deux affaires) ajoute un 5° à l'article 37, alinéa 2, du décret précité, désormais libellé comme suit (ajout indiqué en italique) : « Les conditions d'inscription visées à l'alinéa premier comportent les éléments suivants : 1° remplir les conditions d'admission;2° avoir payé les droits d'inscription ou en être dispensé légitimement;3° s'être déclaré d'accord avec le règlement du centre;4° s'être déclaré d'accord avec le propre projet pédagogique du centre;5° s'il est satisfait à l'obligation scolaire [à temps partiel], avoir fourni la preuve d'avoir la nationalité belge ou de remplir les conditions relatives à la résidence légale, telle que visée à l'article 2, 48° ». L'obligation scolaire à temps partiel se termine à la fin de l'année scolaire, dans l'année au cours de laquelle l'apprenant atteint l'âge de dix-huit ans (article 1er, § 1er, de la loi du 29 juin 1983Documents pertinents retrouvés type loi prom. 29/06/1983 pub. 25/01/2011 numac 2011000012 source service public federal interieur Loi concernant l'obligation scolaire. - Traduction allemande fermer concernant l'obligation scolaire).

Dans l'article 2, 48°, du décret du 15 juin 2007, tel qu'il a été inséré par la première disposition attaquée (uniquement dans l'affaire n° 5328), le séjour légal est défini comme étant « la situation de l'étranger admis ou autorisé à séjourner dans le Royaume ou autorisé à s'y établir, ou pouvant séjourner dans le Royaume en vertu d'un document légal, conformément aux dispositions de la loi du 15 décembre 1980Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/12/1980 pub. 20/12/2007 numac 2007000992 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 15/12/1980 pub. 12/04/2012 numac 2012000231 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers ». Quant à la recevabilité des recours en annulation B.2.1. Le Gouvernement flamand conteste la recevabilité des recours en annulation, en ce que les parties requérantes n'auraient pas introduit valablement leur recours (affaire n° 5324) ou en ce qu'elles ne justifieraient pas de l'intérêt requis à l'annulation des dispositions attaquées (affaire n° 5328).

B.2.2. Il ressort des pièces que les parties requérantes dans l'affaire n° 5324 ont fournies à la Cour que ces dernières ont introduit valablement leur recours.

B.2.3. La première partie requérante dans l'affaire n° 5328 organise des formations postscolaires pour les personnes qui ne sont pas soumises à l'obligation scolaire. Il est concevable, sans qu'elle doive fournir des données concrètes à cet égard, que cette partie puisse être directement et défavorablement affectée par des dispositions qui subordonnent l'inscription à un centre d'éducation des adultes à une condition supplémentaire.

Etant donné que la première partie requérante justifie de l'intérêt requis, il n'y a pas lieu d'examiner si tel est aussi le cas pour les deux autres parties requérantes.

B.2.4. Les exceptions sont rejetées.

Quant aux moyens B.3.1. Le moyen unique dans l'affaire n° 5324 est pris de la violation de l'article 191 de la Constitution et du principe d'égalité et de non-discrimination (articles 10, 11 et 24, § 4, de la Constitution), combinés avec le droit à l'enseignement (article 24, § 3, de la Constitution, article 2 du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme et article 13 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels).

Dans la première branche du moyen, les parties requérantes font valoir que la disposition attaquée crée une distinction discriminatoire en ce qui concerne le bénéfice du droit à l'enseignement, entre, d'une part, les Belges et les étrangers qui séjournent légalement en Belgique et, d'autre part, les étrangers en séjour illégal sur le territoire belge.

Dans la seconde branche du moyen, les parties requérantes allèguent la violation de l'obligation de standstill que contiendrait l'article 13, paragraphes 1 et 2, d), du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

Le premier moyen dans l'affaire n° 5328 est pris de la violation de l'article 24 de la Constitution, combiné ou non avec l'article 2 du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme et avec les articles 2, paragraphe 1, et 13, du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, en ce que la disposition attaquée impliquerait une ingérence illicite dans la liberté fondamentale d'organiser un enseignement pour adultes.

Le second moyen dans l'affaire n° 5328 est pris de la violation de l'article 24, § 4, de la Constitution, combiné ou non avec l'article 2 du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme et avec l'article 13 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, et des articles 10, 11 et 191 de la Constitution, combinés ou non avec l'article 14 de la Convention européenne des droits de l'homme, en ce que les dispositions attaquées font naître une différence de traitement entre les étrangers en séjour légal et les étrangers en séjour illégal.

B.3.2. Le Gouvernement flamand observe que la seconde branche du moyen unique dans l'affaire n° 5324 est irrecevable au motif que la Cour n'est pas compétente pour exercer un contrôle direct au regard de la disposition conventionnelle invoquée.

Le moyen unique est pris de la violation de dispositions au regard desquelles la Cour peut exercer un contrôle direct, combinées, entre autres, avec l'article 13 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Il n'est donc pas demandé à la Cour d'exercer un contrôle direct au regard de cette disposition conventionnelle.

B.3.3. Le Gouvernement flamand objecte également que le premier moyen dans l'affaire n° 5328 est irrecevable au motif qu'il ne ferait pas apparaître clairement si les parties requérantes invoquent une violation de la liberté d'organiser un enseignement ou de la liberté, pour les étrangers en séjour illégal, de suivre un enseignement.

Dans le premier moyen, il est clairement allégué que les dispositions attaquées impliqueraient une ingérence illicite dans la liberté fondamentale d'organiser un enseignement pour adultes. La liberté, pour les étrangers séjournant illégalement sur le territoire belge, de suivre un enseignement pour adultes constitue un élément de l'exposé du moyen.

B.3.4. Les exceptions sont rejetées.

Les moyens étant étroitement liés, ils sont examinés conjointement.

B.4. Les articles 10 et 11 de la Constitution garantissent le principe d'égalité et de non-discrimination. L'article 24, § 4, de la Constitution réaffirme ce principe en matière d'enseignement. En vertu de cette disposition, tous les étudiants sont égaux devant la loi ou le décret.

L'article 191 de la Constitution prévoit que tout étranger qui se trouve sur le territoire de la Belgique jouit de la protection accordée aux personnes et aux biens, sauf les exceptions établies par la loi. En vertu de cette disposition, une différence de traitement qui défavorise un étranger ne peut être établie que par une norme législative. Cette disposition n'a pas pour objet d'autoriser le législateur à se dispenser, lorsqu'il établit une telle différence, d'avoir égard aux principes fondamentaux consacrés par la Constitution. Il ne découle donc en aucune façon de l'article 191 de la Constitution que le législateur, lorsqu'il établit une différence de traitement au détriment d'étrangers, puisse ne pas veiller à ce que cette différence ne soit pas discriminatoire, quelle que soit la nature des principes en cause.

L'article 191 de la Constitution n'est toutefois susceptible d'être violé que par une disposition établissant une différence de traitement entre Belges et étrangers et non par une disposition établissant une différence de traitement entre des catégories d'étrangers.

B.5. Il convient tout d'abord d'observer que le législateur décrétal a donné une interprétation très large à la notion de « séjour légal ».

Comme le Gouvernement flamand le fait valoir, celle-ci n'est pas limitée aux personnes qui, en application de la législation fédérale en matière de séjour, sont admises d'office ou autorisées par le ministre à séjourner, pour une période limitée ou non, ou à s'établir en Belgique. Les personnes qui possèdent un titre de séjour légal et qui se trouvent encore dans l'une ou l'autre phases d'une procédure de séjour sans qu'une décision définitive ait déjà été prise les concernant, sont considérées comme des personnes en « séjour légal » sur le territoire belge. « Entre ainsi notamment en considération le séjour des demandeurs d'asile disposant d'une attestation d'immatriculation ou de l'annexe 35 au cours de leur procédure d'asile. En outre, le séjour des citoyens de l'Union européenne entre également en considération à compter de l'octroi de l'annexe 19. En revanche, les demandeurs d'asile déboutés qui restent en Belgique après avoir reçu un ordre de renvoi, conservent certes leur inscription dans le registre d'attente, mais ne satisfont pas à la condition de séjour légal étant donné qu'ils ne possèdent aucun titre de séjour légal » (Doc. parl., Parlement flamand, 2010-2011, n° 1082/1, p. 36).

B.6. Il ressort des travaux préparatoires qu'en instaurant la condition d'un séjour légal, le législateur décrétal entendait aligner la politique flamande concernant l'accès à l'enseignement des adultes sur la politique fédérale en matière de séjour : « La raison principale est et reste la cohérence entre la politique fédérale et la politique communautaire. Le Gouvernement flamand n'entend pas contrecarrer la politique d'immigration en autorisant des sans-papiers à suivre un cours qu'ils peuvent utiliser pour motiver une nouvelle demande de régularisation » (Doc. parl., Parlement flamand, 2010-2011, n° 1082/9, p. 42).

B.7. Ainsi que la Cour l'a déjà constaté à plusieurs reprises (cf. notamment l'arrêt n° 32/2006), lorsque le législateur entend mener une politique en matière d'étrangers et impose à cette fin des règles auxquelles il y a lieu de se conformer pour séjourner légalement sur le territoire, il utilise un critère de distinction objectif et pertinent s'il lie des effets aux manquements à ces règles, lors de l'octroi de l'aide sociale. La politique d'accès au territoire et de séjour des étrangers serait en effet mise en échec s'il était admis qu'il faut accorder aux étrangers qui séjournent illégalement en Belgique la même aide sociale qu'à ceux qui séjournent légalement sur le territoire belge. La différence entre les deux catégories d'étrangers justifie que l'Etat n'ait pas les mêmes obligations à leur égard.

La volonté de ne pas mettre en échec la politique fédérale en matière d'étrangers peut également justifier que le législateur décrétal, lorsqu'il exerce ses compétences, n'ait pas les mêmes obligations à l'égard des étrangers séjournant illégalement sur le territoire.

B.8. La Cour est compétente pour vérifier si des dispositions législatives violent le principe d'égalité et de non-discrimination, mais concernant l'ordre des inscriptions dans les établissements scolaires, elle ne dispose pas d'un pouvoir d'appréciation équivalent à celui du législateur décrétal, qui lui permettrait de censurer les choix que ce dernier a faits dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, fussent-ils inopportuns (cf. arrêt n° 121/2009).

Il n'est pas déraisonnable que le législateur réserve les efforts et moyens spécifiques qu'il entend mettre en oeuvre pour favoriser le développement personnel, la participation à toute éducation ultérieure, l'exercice d'une profession ou la maîtrise d'une langue, à des personnes qui, en raison de leur statut administratif, sont supposées être installées en Belgique de manière définitive ou tout au moins pour une durée significative.

Les dispositions attaquées ne violent pas le principe d'égalité et de non-discrimination.

B.9. La Cour doit toutefois examiner si les dispositions attaquées portent une atteinte disproportionnée au droit à l'enseignement, garanti par l'article 24 de la Constitution et par l'article 2 du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, et à l'obligation qui découle de l'article 13 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

Parmi les droits et libertés garantis par les articles 10 et 11 de la Constitution figurent en effet les droits et libertés résultant de dispositions conventionnelles internationales qui lient la Belgique et, en vertu de l'article 24, § 3, de la Constitution, toute personne a droit à l'enseignement, dans le respect des droits et libertés fondamentaux.

B.10.1. La liberté d'enseignement garantie par l'article 24, § 1er, de la Constitution suppose que les pouvoirs organisateurs qui ne relèvent pas directement de la communauté puissent, sous certaines conditions, prétendre à des subventions à charge de celle-ci. Le droit aux subventions est limité, d'une part, par la possibilité pour la communauté de lier celles-ci à des exigences tenant à l'intérêt général, entre autres celles d'un enseignement de qualité et du respect de normes de population scolaire, et, d'autre part, par la nécessité de répartir les moyens financiers disponibles entre les diverses missions de la communauté. La liberté d'enseignement connaît dès lors des limites et n'empêche pas que le législateur décrétal impose des conditions de financement et d'octroi de subventions qui restreignent l'exercice de cette liberté.

B.10.2. La condition d'inscription imposée par les dispositions attaquées n'empêche pas la première partie requérante dans l'affaire n° 5328 de dispenser un enseignement pour adultes.Elle ne saurait donc être considérée, en tant que telle, comme une atteinte à la liberté d'enseignement. Ce serait le cas s'il apparaissait que la limitation concrète apportée à cette liberté est disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi.

Cette réglementation, selon le Gouvernement flamand, n'empêche par ailleurs pas les centres d'éducation de base et les centres d'enseignement pour adultes d'offrir un enseignement contractuel aux apprenants en séjour illégal, à la condition qu'un tel enseignement fasse l'objet d'une comptabilité totalement distincte de celle de l'enseignement pour adultes subventionné par la Communauté et qu'il soit intégralement financé par les apprenants eux-mêmes ou par une partie externe.

B.11.1. Le droit à l'enseignement garanti par l'article 24, § 3, de la Constitution ne fait pas obstacle à une réglementation de l'accès à l'enseignement, en particulier à l'enseignement dispensé au-delà du terme de la scolarité obligatoire, en fonction des besoins et des possibilités de la communauté et des individus. L'article 2 du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme et l'article 13 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels - lu conjointement ou non avec l'article 2 de ce Pacte - n'empêchent pas non plus, si on les combine avec l'article 24 de la Constitution, que l'accès à l'enseignement dispensé au-delà du terme de la scolarité obligatoire soit soumis à des conditions, pour autant que le principe d'égalité soit respecté à cette occasion.

B.11.2. L'article 2, première phrase, du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme prévoit que personne ne sera privé du droit à l'enseignement.

Cette disposition n'oblige pas les Etats parties à la Convention à organiser un enseignement sous une forme ou à un niveau déterminés mais leur impose l'obligation de garantir le droit d'accès aux établissements scolaires existants et elle ne fait pas obstacle à une réglementation qui respecte le principe d'égalité (CEDH, 23 juillet 1968, Affaire « relative à certains aspects du régime linguistique de l'enseignement en Belgique »; voy. également CEDH, 21 juin 2011, Ponomaryovi c. Bulgarie, § 49).

B.11.3. L'article 2, paragraphe 1, du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels dispose : « Chacun des Etats parties au présent Pacte s'engage à agir, tant par son effort propre que par l'assistance et la coopération internationales, notamment sur les plans économique et technique, au maximum de ses ressources disponibles, en vue d'assurer progressivement le plein exercice des droits reconnus dans le présent Pacte par tous les moyens appropriés, y compris en particulier l'adoption de mesures législatives ».

S'agissant du droit à l'enseignement dont jouit toute personne, l'article 13, paragraphe 2, d), du même Pacte prévoit que : « Les Etats parties au présent Pacte reconnaissent qu'en vue d'assurer le plein exercice de ce droit : [...] d) L'éducation de base doit être encouragée ou intensifiée, dans toute la mesure possible, pour les personnes qui n'ont pas reçu d'instruction primaire ou qui ne l'ont pas reçue jusqu'à son terme ». Contrairement à ce que les parties requérantes font valoir et à ce qui est le cas en ce qui concerne les dispositions b) et c) du même article en matière de gratuité de l'enseignement secondaire et supérieur, on ne saurait déduire aucune obligation de standstill des dispositions citées. Les Etats parties au Pacte s'engagent à rendre l'éducation de base accessible, dans toute la mesure possible, aux personnes qui n'ont pas reçu d'instruction primaire (ou qui ne l'ont pas reçue jusqu'à son terme), compte tenu des possibilités économiques et de l'état des finances publiques.

B.12.1. Il découle de qui est dit en B.11 que le droit d'accès à l'enseignement peut être soumis à des restrictions, à condition de respecter, à cet égard, le principe d'égalité.

B.12.2. Ainsi qu'il est dit en B.7, le législateur compétent peut établir une différence de traitement entre les étrangers qui séjournent légalement en Belgique et les étrangers qui séjournent illégalement en Belgique. Par conséquent, il ne saurait être reproché au législateur décrétal, compte tenu du pouvoir d'appréciation mentionné en B.8, d'exclure de l'inscription dans l'enseignement pour adultes les personnes qui séjournent illégalement sur le territoire de la Belgique.

B.13. Les moyens ne sont pas fondés.

Par ces motifs, la Cour rejette les recours.

Ainsi prononcé en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, à l'audience publique du 14 mars 2013.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux Le président, M. Bossuyt

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