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Arrêt
publié le 17 juin 2013

Extrait de l'arrêt n° 52/2013 du 18 avril 2013 Numéro du rôle : 5377 En cause : les questions préjudicielles relatives à l'article 20 du titre préliminaire du Code de procédure pénale, posées par la Cour d'appel de Liège. La Cour constitut composée des présidents R. Henneuse et M. Bossuyt, et des juges E. De Groot, L. Lavrysen, A. Alen, (...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 52/2013 du 18 avril 2013 Numéro du rôle : 5377 En cause : les questions préjudicielles relatives à l'article 20 du titre préliminaire du Code de procédure pénale, posées par la Cour d'appel de Liège.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents R. Henneuse et M. Bossuyt, et des juges E. De Groot, L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke, J. Spreutels, T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul et F. Daoût, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président R. Henneuse, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des questions préjudicielles et procédure Par arrêt du 8 mars 2012 en cause du ministère public et de Annick Alardot et autres contre la SA « Entreprises Ferrari », dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 12 avril 2012, la Cour d'appel de Liège a posé les questions préjudicielles suivantes : « A. L'article 20 du titre préliminaire du Code de procédure pénale, interprété en ce sens que l'action publique est éteinte par la dissolution sans liquidation d'une personne morale citée devant le tribunal correctionnel avant la dissolution, viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution ? B. En cas de dissolution sans liquidation, l'article 20 du titre préliminaire du Code de procédure pénale est-il compatible avec le principe de légalité en matière pénale, tel qu'il est garanti par les articles 12, alinéa 2, et 14 de la Constitution, par l'article 7.1 de la Convention européenne des droits de l'homme et par l'article 15.1 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ? C. En cas de dissolution sans liquidation, l'article 20 du titre préliminaire du Code de procédure pénale viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution combinés ou non avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'Homme, dès lors que l'action publique exercée contre une personne physique décédée est toujours éteinte, alors que la disposition discutée maintient les poursuites dans les hypothèses qu'elle prévoit à l'égard d'une personne qui n'a plus de patrimoine ? ». (...) III. En droit (...) B.1. L'article 20 du titre préliminaire du Code de procédure pénale, remplacé par l'article 13 de la loi du 4 mai 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 04/05/1999 pub. 22/06/1999 numac 1999009592 source ministere de la justice Loi instaurant la responsabilité pénale des personnes morales fermer « instaurant la responsabilité pénale des personnes morales », dispose : « L'action publique s'éteint par la mort de l'inculpé ou par la clôture de la liquidation, la dissolution judiciaire ou la dissolution sans liquidation lorsqu'il s'agit d'une personne morale.

L'action publique pourra encore être exercée ultérieurement, si la mise en liquidation, la dissolution judiciaire ou la dissolution sans liquidation a eu pour but d'échapper aux poursuites ou si la personne morale a été inculpée par le juge d'instruction conformément à l'article 61bis avant la perte de la personnalité juridique.

L'action civile peut être exercée contre l'inculpé et contre ses ayants droit ».

Quant aux deux premières questions préjudicielles En ce qui concerne la recevabilité de la première question B.2.1. La première question invite la Cour à statuer sur la compatibilité de l'article 20 du titre préliminaire du Code de procédure pénale avec les articles 10 et 11 de la Constitution.

B.2.2. Le libellé de la première question préjudicielle n'indique pas si la Cour est invitée à statuer sur la constitutionnalité d'un traitement différent ou sur celle d'un traitement identique.

Il n'indique pas davantage quelles sont les catégories de personnes visées.

Il ressort néanmoins des motifs de la décision de renvoi que la Cour est interrogée sur la constitutionnalité d'une différence de traitement que ferait la disposition en cause entre deux catégories de sociétés anonymes dissoutes sans liquidation dans le cadre de l'opération décrite par l'article 676, 1°, du Code des sociétés : d'une part, celles qui, avant leur dissolution, ont été inculpées par un juge d'instruction en application de l'article 61bis, alinéa 1er, du Code d'instruction criminelle et, d'autre part, celles qui, avant leur dissolution, ont été citées directement devant le tribunal correctionnel par le ministère public en application de l'article 182, alinéa 1er, du même Code.

B.2.3. La première question préjudicielle est recevable.

En ce qui concerne la pertinence des questions B.3.1. Le Conseil des ministres conteste la pertinence des questions en relevant que les situations qu'elles visent ne correspondent pas aux faits dont est saisie la juridiction qui les pose.

B.3.2. C'est en règle à la juridiction qui interroge la Cour qu'il appartient d'apprécier si la réponse à une question préjudicielle est utile à la solution du litige qu'elle doit trancher.

C'est uniquement lorsque ce n'est manifestement pas le cas que la Cour peut décider que la question n'appelle pas de réponse.

B.3.3. Comme il a été dit en B.2.2, la première question préjudicielle invite la Cour à comparer la situation d'une société anonyme qui, avant la perte de sa personnalité juridique, a été inculpée par un juge d'instruction - situation visée par l'article 20, alinéa 2, du titre préliminaire du Code de procédure pénale - avec la situation d'une société anonyme qui, avant la perte de sa personnalité juridique, a été citée directement devant le tribunal correctionnel par le ministère public.

Or, il ressort clairement des motifs de la décision de renvoi que les faits soumis à la juridiction qui interroge la Cour ne concernent aucune de ces deux situations. La SA « Entreprises Ferrari » n'a pas été inculpée par un juge d'instruction, mais a été citée directement devant le Tribunal correctionnel de Liège le 2 juillet 2009. Mais cette citation est postérieure à la dissolution de cette société - décidée par son assemblée générale le 29 juin 2009 - et donc à la perte de sa personnalité juridique.

B.3.4. Il ressort des motifs de la décision de renvoi que la deuxième question préjudicielle est posée à la Cour dans l'hypothèse d'une dissolution sans liquidation décidée par les organes d'une société anonyme après la mise en mouvement de l'action publique dirigée contre elle.

Or, il ressort aussi clairement des motifs de la décision de renvoi que les faits soumis à la juridiction qui interroge la Cour ne concernent pas une telle situation. L'action publique contre la SA « Entreprises Ferrari » n'a été mise en mouvement par citation directe devant le Tribunal correctionnel de Liège que le 2 juillet 2009, soit après le 29 juin 2009, jour de la décision prise par l'assemblée générale de cette société de procéder à la fusion entraînant immédiatement sa dissolution.

B.3.5. La réponse aux deux premières questions préjudicielles, qui concernent une autre situation que celle des parties au litige pendant devant la juridiction qui interroge la Cour, ne peut être utile à la solution de ce litige.

B.3.6. Les première et deuxième questions préjudicielles n'appellent pas de réponse.

Quant à la troisième question préjudicielle B.4. Il ressort des motifs de la décision de renvoi que la troisième question invite la Cour à statuer sur la compatibilité de l'article 20, alinéas 1er et 2, du titre préliminaire du Code de procédure pénale avec les articles 10 et 11 de la Constitution, lus isolément ou en combinaison avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, en ce que cette disposition législative instaurerait une différence de traitement entre, d'une part, une personne physique décédée et, d'autre part, une société anonyme dissoute sans liquidation dans le cadre de l'opération décrite à l'article 676, 1°, du Code des sociétés.

B.5.1. L'action publique s'éteint toujours par la mort de l'« inculpé », de sorte qu'une personne physique décédée ne peut plus jamais être poursuivie (article 20, alinéa 1er, du titre préliminaire du Code de procédure pénale).

En revanche, l'action publique ne s'éteint pas toujours par la dissolution sans liquidation d'une société anonyme dans le cadre de l'opération décrite à l'article 676, 1°, du Code des sociétés. Une telle société peut encore être poursuivie si la dissolution sans liquidation a eu pour but d'échapper aux poursuites, ou si la société a été inculpée par le juge d'instruction conformément à l'article 61bis avant la perte de sa personnalité juridique (article 20, alinéa 2, du titre préliminaire du Code de procédure pénale).

B.5.2. Lors de l'instauration de la responsabilité pénale des personnes morales, le législateur fédéral entendait « assimiler, dans la plus large mesure possible, les personnes morales aux personnes physiques » (Doc. parl., Sénat, 1998-1999, n° 1-1217/1, p. 1).

Le principe de l'extinction de l'action publique en cas de dissolution sans liquidation d'une personne morale résulte d'une volonté de réserver à cette dissolution un traitement analogue à celui du décès d'une personne physique (Doc. parl., Sénat, 1998-1999, n° 1-1217/1, p. 11). La volonté d'« éviter des abus » a néanmoins incité le législateur à prévoir la poursuite de l'action publique dans les deux « cas spécifiques » distingués à l'article 20, alinéa 2, du titre préliminaire du Code de procédure pénale (ibid., p. 12; Doc. parl., Chambre, 1998-1999, n° 2093/5, p. 38).

B.5.3. La dissolution d'une société anonyme dans le cadre de l'opération décrite à l'article 676, 1°, du Code des sociétés résulte d'une décision prise par au moins une personne physique qui ne disparaît pas avec la société.

Au regard de la possibilité de poursuivre l'action publique, la personne morale qui fait l'objet d'une telle dissolution se trouve dans une situation essentiellement différente de celle d'une personne physique décédée.

Compte tenu de l'objectif poursuivi par l'article 20, alinéa 2, du titre préliminaire du Code de procédure pénale, la différence de traitement décrite en B.5.1 est donc raisonnablement justifiée.

B.6. Le contrôle de la disposition en cause au regard des articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, ne conduit pas à une autre conclusion.

B.7. La troisième question préjudicielle appelle une réponse négative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : - Les deux premières questions préjudicielles n'appellent pas de réponse. - L'article 20, alinéa 2, du titre préliminaire du Code de procédure pénale ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution lus isolément ou en combinaison avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme.

Ainsi prononcé en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, à l'audience publique du 18 avril 2013.

Le greffier, F. Meersschaut Le président, R. Henneuse

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