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Arrêt
publié le 05 novembre 2013

Extrait de l'arrêt n° 138/2013 du 17 octobre 2013 Numéros du rôle : 5491 et 5492 En cause : les recours en annulation totale et partielle des articles 146, 1°, et 147, 1°, de la l(...)

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Extrait de l'arrêt n° 138/2013 du 17 octobre 2013 Numéros du rôle : 5491 et 5492 En cause : les recours en annulation totale et partielle des articles 146, 1°, et 147, 1°, de la loi-programme (I) du 29 mars 2012 (concernant les articles 192, § 1er, et 198, § 1er, 7°, du CIR 1992), introduits par la SA « Option Trading Company » et par la SA « B&Bt ».

La Cour constitutionnelle, composée des présidents M. Bossuyt et J. Spreutels, et des juges E. De Groot, L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke, T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, F. Daoût et T. Giet, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président M. Bossuyt, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des recours et procédure Par requêtes adressées à la Cour par lettres recommandées à la poste le 4 octobre 2012 et parvenues au greffe le 5 octobre 2012, un recours en annulation totale et partielle des articles 146, 1°, et 147, 1°, de la loi-programme (I) du 29 mars 2012 (concernant les articles 192, § 1er, et 198, § 1er, 7°, du CIR 1992), publiée au Moniteur belge du 6 avril 2012, troisième édition, a été introduit respectivement par la SA « Option Trading Company », dont le siège social est établi à 1000 Bruxelles, rue de la Régence 43, et par la SA « B&Bt », dont le siège social est établi à 2160 Wommelgem, Ternesselei 326.

Ces affaires, inscrites sous les numéros 5491 et 5492 du rôle de la Cour, ont été jointes. (...) II. En droit (...) En ce qui concerne les dispositions attaquées B.1.1. Tel qu'il a été complété par l'article 146, 1°, attaqué, de la loi-programme (I) du 29 mars 2012 (partie en italique), l'article 192, § 1er, alinéa 1er, du Code des impôts sur les revenus 1992 (ci-après : CIR 1992) dispose : « Sont aussi intégralement exonérées les plus-values non visées à l'article 45, § 1er, alinéa 1er, 1°, réalisées, ou constatées à l'occasion du partage de l'avoir social d'une société dissoute, sur des actions ou parts dont les revenus éventuels sont susceptible d'être déduits des bénéfices en vertu de l'article 202, § 1er, et 203 et qui ont été détenues en pleine propriété pendant une période ininterrompue d'au moins un an ».

B.1.2. Tel qu'il a été complété par l'article 147, 1°, également attaqué, de la loi-programme (I) du 29 mars 2012 (partie en italique), l'article 198, § 1er, 7°, du CIR 1992 dispose : « Ne sont pas considérés comme des frais professionnels : [...] 7° les réductions de valeur et les moins-values sur les actions ou parts, à l'exception des moins-values actées à l'occasion du partage total de l'avoir social d'une société jusqu'à concurrence de la perte du capital libéré représenté par ces actions ou parts et des réductions de valeur et des moins-values sur les actions ou parts appartenant à un portefeuille commercial, tel que visé à l'article 35ter, § 1er, alinéa 2, a, de l'arrêté royal du 23 septembre 1992 relatif aux comptes annuels des établissements de crédit, des entreprises d'investissement et des sociétés de gestion d'organismes de placement collectif ». L'article 35ter, § 1er, de l'arrêté royal du 23 septembre 1992 relatif aux comptes annuels des établissements de crédit, des entreprises d'investissement et des sociétés de gestion d'organismes de placement collectif (ci-après : l'arrêté royal du 23 septembre 1992), auquel la disposition attaquée se réfère, dispose : « Les titres qui ne constituent pas des immobilisations financières sont évalués sur la base de la distinction selon qu'ils appartiennent au portefeuille commercial ou au portefeuille de placements et conformément aux dispositions des paragraphes suivants. Ils sont portés au bilan pour la valeur ainsi obtenue, sans préjudice de l'imputation de réductions de valeur en application d'autres dispositions du présent arrêté.

Pour l'application du présent article il faut entendre : a) par titres appartenant au portefeuille commercial, les titres à revenu fixe et à revenu variable acquis dans le cadre d'une émission en vue de leur placement auprès de tiers ainsi que les titres autrement acquis en vue de leur revente sur la base de considération de rendement à court terme qui n'excède normalement pas six mois et qui, dans le cas de titres à durée déterminée, couvre une période plus courte que la durée résiduelle des titres en cause;b) par titres appartenant au portefeuille de placement, les titres qui n'appartiennent pas au portefeuille commercial et ne constituent pas des immobilisations financières. Pour les titres visés par le présent article, les établissements peuvent adopter une méthode d'enregistrement par laquelle les frais accessoires de leur acquisition sont imputés au compte de résultats de l'exercice au cours duquel ils ont été exposés. Lorsque pareille méthode est appliquée, il en est fait mention dans l'information à fournir au titre d'annexe conformément à l'article 15, alinéa 2 du présent arrêté ».

B.1.3. Les alinéas 4, 5 et 6 de l'article 192, § 1er, du CIR 1992, tels qu'ils ont été insérés par l'article 146, 2°, non attaqué, de la loi-programme (I) du 29 mars 2012, disposent : « L'exonération prévue à l'alinéa 1er ne s'applique pas aux entreprises auxquelles l'arrêté royal du 23 septembre 1992 relatif aux comptes annuels des établissements de crédit, des entreprises d'investissement et des sociétés de gestion d'organismes de placement collectif, s'applique, pour les opérations réalisées sur les titres appartenant au portefeuille commercial, tel que visé à l'article 35ter, § 1er, alinéa 2, a, du même arrêté.

Pour les entreprises visées à l'alinéa précédent, le transfert interne d'actions ou parts du ou vers le portefeuille commercial est considéré comme une aliénation. Les plus-values exprimées mais non réalisées et les plus-values latentes sur ces actions ou parts sont considérées comme des bénéfices de la période imposable au cours de laquelle ces actions ou parts quittent le portefeuille commercial. Par contre, les plus-values exprimées mais non réalisées et les plus-values latentes sur ces actions ou parts sont considérées comme des bénéfices exonérés de la période imposable au cours de laquelle ces actions ou parts entrent dans le portefeuille commercial si l'entreprise les détenait depuis au moins un an ou comme des bénéfices imposables si l'entreprise les détenait depuis moins un an.

Pour le calcul de la plus-value qui est imposable en vertu des alinéas 4 et 5, la valeur des actions ou parts arrêtée au 31 décembre 2011 sera considérée comme étant la valeur d'acquisition ou d'investissement diminuée des réductions de valeurs admises antérieurement lorsque les actions ou parts concernées sont déjà portées dans les comptes de la société à la date du 31 décembre 2011 ».

L'article 198 du CIR 1992, tel qu'il a été complété par l'article 147, 3°, non attaqué, de la loi-programme (I) du 29 mars 2012, dispose par ailleurs : « Pour l'application du § 1er, 7°, en ce qui concerne les entreprises visées à l'article 192, § 1er, alinéa 4, le transfert interne d'actions ou parts du ou vers le portefeuille commercial est considéré comme une aliénation. Les réductions de valeur sur ces actions ou parts sont considérées comme des dépenses déductibles de la période imposable au cours de laquelle ces actions ou parts quittent le portefeuille commercial. Par contre, les réductions de valeur sur ces actions ou parts sont considérées comme des dépenses non déductibles de la période imposable au cours de laquelle ces actions ou parts entrent dans le portefeuille commercial, conformément au § 1er, 7°.

Pour le calcul de la réduction de valeur en application de l'alinéa 2, la valeur des actions ou parts arrêtée au 31 décembre 2011 sera considérée comme étant la valeur d'acquisition ou d'investissement diminuée des réductions de valeurs admises antérieurement lorsque les actions ou parts concernées sont déjà portées dans les comptes de la société à la date du 31 décembre 2011. [...] ».

Quant au fond En ce qui concerne le premier moyen B.2. Dans un premier moyen, les parties requérantes soutiennent que l'article 147, 1°, de la loi-programme (I) du 29 mars 2012, combiné avec son article 146, 1°, viole les articles 10, 11 et 172 de la Constitution.

B.3. Les articles 10 et 11 de la Constitution garantissent le principe d'égalité et de non-discrimination. L'article 172 de la Constitution constitue une application particulière de ce principe dans les matières fiscales.

B.4. Il appartient au législateur d'établir la base de l'impôt. Il dispose en la matière d'une large liberté d'appréciation.

En effet, les mesures fiscales constituent un élément essentiel de la politique socioéconomique. Elles assurent non seulement une part substantielle des recettes qui doivent permettre la réalisation de cette politique, mais elles permettent également au législateur d'orienter certains comportements et d'adopter des mesures correctrices afin de donner corps à la politique sociale et économique.

Les choix sociaux qui doivent être réalisés lors de la collecte et de l'affectation des ressources relèvent par conséquent du pouvoir d'appréciation du législateur.

Lorsqu'une différence de traitement apparaît à l'occasion de ce choix, et plus précisément en l'espèce en ce qui concerne les modalités prévues pour une exonération des plus-values réalisées sur des actions ou parts et pour la déductibilité de réductions de valeur et de moins-values sur des actions ou parts, à titre de frais professionnels, à l'impôt des sociétés, la Cour se doit toutefois d'examiner si elle repose sur une justification raisonnable.

B.5. Tel qu'il a été complété par l'article 146, 1°, attaqué, de la loi-programme (I) du 29 mars 2012, l'article 192, § 1er, alinéa 1er, du CIR 1992 soumet la possibilité de l'exonération, à l'impôt des sociétés, des plus-values réalisées sur des actions ou parts à la condition supplémentaire qu'il s'agisse d'actions ou de parts que la société redevable de l'impôt a détenues en pleine propriété pendant une période ininterrompue d'au moins un an.

L'article 198, § 1er, 7°, du CIR 1992 exclut en principe les réductions de valeur et les moins-values sur les actions ou parts de la possibilité de déduction, à titre de frais professionnels, à l'impôt des sociétés. En vertu de l'article 147, 1°, également attaqué, de la loi-programme (I) du 29 mars 2012, les réductions de valeur et les moins-values sur les actions ou parts appartenant à un portefeuille commercial, tel que visé à l'article 35ter, § 1er, alinéa 2, a), de l'arrêté royal du 23 septembre 1992, sont toutefois déductibles.

B.6. Les parties requérantes soutiennent que la déductibilité fiscale des réductions de valeur et des moins-values sur actions ou parts est limitée sans justification raisonnable aux actions ou parts appartenant à un portefeuille commercial tel que visé à l'article 35ter, § 1er, alinéa 2, a), de l'arrêté royal du 23 septembre 1992, alors que l'exonération fiscale des plus-values sur actions ou parts est limitée aux actions ou parts qui ont été détenues en pleine propriété pendant au moins un an.

Elles ajoutent, dans une seconde branche du moyen, que la mesure a des effets disproportionnés pour les négociants professionnels en actions ou parts comme elles, qui ne relèvent pas du champ d'application de l'arrêté royal du 23 septembre 1992.

B.7.1. D'une part, le législateur a entendu continuer à soutenir les placements en actions ou parts, qui présentent des risques plus élevés que les placements dans des titres à revenus fixes, en maintenant l'exonération fiscale, à l'impôt des sociétés, des plus-values réalisées sur des actions ou parts, mais il a fait le choix de ne plus accorder d'exonération pour les plus-values sur des actions ou parts qui ont été acquises en vue de réaliser un profit à court terme, en raison du caractère spéculatif de telles opérations (Doc. parl., Chambre, 2011-2012, DOC 53-2081/001, pp. 85-86).

En faisant la distinction sur la base de la détention ou non, en pleine propriété, des actions ou des parts pendant une période d'un an, le législateur a utilisé un critère objectif qui est pertinent au regard du but poursuivi.

Les plus-values réalisées sur des actions ou parts dont une société a été propriétaire pendant moins d'un an sont désormais imposées à un taux particulier de 25 % (article 217, 2°, du CIR 1992, rétabli par l'article 149 de la loi-programme (I) du 29 mars 2012). Il n'apparaît pas que le législateur ait ainsi adopté une mesure disproportionnée.

Du reste, les plus-values sur actions ou parts qui ne sont pas exonérées, parce que les revenus de ces actions ou parts ne remplissent pas les conditions prévues pour entrer en ligne de compte en vue d'une déduction à titre de revenus définitivement taxés, sont imposées au taux ordinaire de l'impôt des sociétés (article 215 du CIR 1992).

B.7.2. D'autre part, le législateur a, par l'article 147, 1°, également attaqué, de la loi-programme (I) du 29 mars 2012, instauré une nouvelle exception à l'exclusion de principe de la déductibilité, à titre de frais professionnels, des réductions de valeur et des moins-values sur actions ou parts (article 198, § 1er, 7°, du CIR 1992).

En vertu de la disposition attaquée, les réductions de valeur et les moins-values sur actions ou parts peuvent néanmoins être déduites lorsqu'il s'agit d'actions ou de parts « appartenant à un portefeuille commercial, tel que visé à l'article 35ter, § 1er, alinéa 2, a, de l'arrêté royal du 23 septembre 1992 », auxquelles renvoie l'article 198, § 1er, 7°, modifié, du CIR 1992.

B.8.1. Ces règles sont dues à la volonté du législateur de tenir compte de la situation des « sociétés de trading ». Les actions ou parts que ces sociétés détiennent en portefeuille commercial constituent les stocks avec lesquels elles exercent principalement leurs activités. La viabilité de leurs activités pourrait être mise en péril par le jeu combiné, d'une part, de la non-déductibilité de principe des réductions de valeur et des moins-values (ancien article 198, § 1er, 7°, du CIR 1992) et, d'autre part, de la taxe sur les plus-values réalisée sur des actions ou parts qui n'appartiennent pas à la société pendant un an (article 192, § 1er, du CIR 1992, tel qu'il a été complété par l'article 146, 1°, de la loi-programme (I) du 29 mars 2012) (Doc. parl., Chambre, 2011-2012, DOC 53-2081/001, pp. 88-90).

Dans les travaux préparatoires, il est dit notamment : « Compte tenu de leur fonction particulière et de leur objet social, les établissements de crédit, les entreprises d'investissement et les sociétés de gestion d'organismes de placement collectif sont soumises à des règles particulières en matière de contrôle et de tenue des comptes annuels.

Ces caractéristiques propres ont justifié que, dans le chef de ces catégories de sociétés, les actions et parts qui appartiennent au portefeuille commercial, et exclusivement ces actions ou parts, soient soumises à un régime dérogatoire au droit fiscal commun, aussi bien en ce qui concerne le régime des plus-values qu'en matière de moins-values et de réductions de valeur.

A défaut, l'insertion de la nouvelle condition de détention pendant une durée ininterrompue d'au moins un an en pleine propriété aurait entraîné dans le chef de ces opérateurs financiers des conséquences incompatibles avec la part de leur core business qui consiste à arbitrer des actifs financiers dans le cadre de leur activité commerciale.

En effet, la détention des actions ou parts pendant une durée d'au moins un an étant inhabituelle dans le cadre de la gestion d'un portefeuille commercial tel que visé à l'article 35ter, § 1er, alinéa 2, a, de l'arrêté royal du 23 septembre 1992 relatif aux comptes annuels de ces établissements, l'application de la condition de détention permanente, même limitée à un an, aurait entraîné une taxation quasi-systématique des plus-values réalisées sur ces actions ou parts, alors que la déduction des réductions de valeur et des moins-values sur les actions ou parts appartenant au même portefeuille aurait, dans le même temps, systématiquement été rejetée à titre de dépenses non admises en application de l'article 198, alinéa 1er, 7°, CIR 92.

La spécificité du secteur et les dispositions réglementaires particulières qui sont applicables à ces entreprises justifient donc un traitement fiscal dérogatoire. A défaut, l'application des règles communes en matière de plus-values, telles qu'elles sont modifiées par le présent projet, et en matière de moins-values et réductions de valeur corrélatives, entraînerait des conséquences économiquement insupportables pour ce secteur » (Doc. parl., Chambre, 2011-2012, DOC 53-2081/001, p. 90).

Le régime spécifique applicable aux « sociétés de trading » consiste, d'un côté, à les imposer sur les plus-values sur actions ou parts au taux ordinaire de l'impôt des sociétés mais, d'un autre côté, à les autoriser à déduire à titre de frais professionnels les réductions de valeur et les moins-values.

B.8.2. Pour tenir compte, au niveau fiscal, de la situation spécifique des « sociétés de trading », le législateur a opéré une distinction entre les actions ou parts « appartenant à un portefeuille commercial » et les autres titres.

Pour la première catégorie d'actions ou de parts, il a fait référence à l'article 35ter, § 1er, alinéa 2, a), de l'arrêté royal du 23 septembre 1992, dans lequel ces actions ou parts sont définies comme les « titres à revenu fixe et à revenu variable acquis dans le cadre d'une émission en vue de leur placement auprès de tiers ainsi que les titres autrement acquis en vue de leur revente sur la base de considération de rendement à court terme qui n'excède normalement pas six mois et qui, dans le cas de titres à durée déterminée, couvre une période plus courte que la durée résiduelle des titres en cause ».

Par cette référence, c'est de manière objective que le législateur a défini les « actions ou parts en stock » des négociants professionnels en actions ou parts et qu'il les a distinguées des titres et actifs immobilisés financiers propres appartenant au portefeuille de placement. Afin de prévenir des abus, il a encore précisé que « le transfert interne d'actions ou parts du ou vers le portefeuille commercial est considéré comme une aliénation » (article 192, § 1er, alinéas 4 et 5, du CIR 1992, tel qu'il a été complété par l'article 146, 2°, de la loi-programme (I) du 29 mars 2012, et article 198, alinéa 3, du CIR 1992, tel qu'il a été complété par l'article 147, 3°, de la loi-programme (I) du 29 mars 2012).

En se référant à l'article 35ter, § 1er, alinéa 2, a), de l'arrêté royal du 23 septembre 1992, le législateur a utilisé un critère qui est également pertinent au regard de l'objectif poursuivi et qui tient compte de la situation spécifique des sociétés dont l'activité principale consiste à négocier de telles actions ou parts « en stock ».

Du reste, ce critère ne concerne que la possibilité de déduire les réductions de valeur et les moins-values à titre de frais professionnels et il constitue le pendant de l'imposabilité des plus-values.

B.9. Les parties requérantes, qui se prévalent en particulier de leur qualité de « teneur de marché », soutiennent qu'elles n'entrent pas en ligne de compte pour l'application du régime spécifique prévu pour les « sociétés de trading » parce qu'elles ne sont pas soumises à l'arrêté royal du 23 septembre 1992.

B.10.1. Dans le cadre du régime spécifique pour les « sociétés de trading », il faut tenir compte du rapport que le législateur a souhaité établir entre, d'une part, la possibilité de déduire à titre de frais professionnels les réductions de valeur et les moins-values sur actions ou parts en portefeuille commercial et, d'autre part, l'imposition au taux ordinaire de l'impôt des sociétés des plus-values réalisées sur de telles actions ou parts. Le législateur a en outre voulu limiter le régime aux entreprises qui, « compte tenu de leur fonction particulière et de leur objet social, [...] sont soumises à des règles particulières en matière de contrôle et de tenue des comptes annuels » (Doc. parl., Chambre, 2011-2012, DOC 53-2081/001, p. 90).

De la lecture combinée des articles 192 et 198 du CIR 1992, tels qu'ils ont été modifiés par la loi-programme (I) du 29 mars 2012, il y a lieu de conclure - comme le confirment les travaux préparatoires de celle-ci - que les « sociétés de trading » sont uniquement celles auxquelles l'arrêté royal du 23 septembre 1992 est applicable.

L'article 35ter, § 1er, alinéa 2, a), de cet arrêté royal ne peut pas être isolé de son contexte, d'autant que l'arrêté royal précise spécifiquement aussi comment les établissements concernés doivent tenir leur comptabilité et évaluer leurs actions et parts.

Bien que les parties requérantes n'en poursuivent pas formellement l'annulation, les articles 146, 2°, et 147, 3°, de la loi-programme (I) du 29 mars 2012 forment avec les dispositions effectivement attaquées un tout indissociable et ne peuvent pas faire l'objet d'une lecture séparée. Les parties requérantes soutiennent d'ailleurs précisément qu'elles sont discriminées en ce qu'elles ne seraient pas soumises à cet arrêté royal du 23 septembre 1992.

B.10.2. En vertu de son article 1er, cet arrêté royal s'applique : « 1° aux établissements de crédit visés à l'article 1er de la loi du 22 mars 1993 relative au statut et au contrôle des établissements de crédit, à l'exception des établissements visés à l'article 2, § 1er, de cette loi; 2° aux entreprises d'investissement visées à l'article 44 de la loi du 6 avril 1995Documents pertinents retrouvés type loi prom. 06/04/1995 pub. 29/05/2012 numac 2012000346 source service public federal interieur Loi organisant la commission parlementaire de concertation prévue à l'article 82 de la Constitution et modifiant les lois coordonnées sur le Conseil d'Etat. - Coordination officieuse en langue allemande fermer relative au statut et au contrôle des entreprises d'investissement, à l'exception des établissements visés à l'article 45 de cette loi;3° aux sociétés de gestion d'organismes de placement collectif visées à l'article 138 de la loi du 20 juillet 2004Documents pertinents retrouvés type loi prom. 20/07/2004 pub. 09/03/2005 numac 2005003063 source service public federal finances Loi relative à certaines formes de gestion collective de portefeuilles d'investissement fermer relative à certaines formes de gestion collective de portefeuilles d'investissement ». En vertu de l'article 44 de la loi du 6 avril 1995Documents pertinents retrouvés type loi prom. 06/04/1995 pub. 29/05/2012 numac 2012000346 source service public federal interieur Loi organisant la commission parlementaire de concertation prévue à l'article 82 de la Constitution et modifiant les lois coordonnées sur le Conseil d'Etat. - Coordination officieuse en langue allemande fermer relative au statut et au contrôle des entreprises d'investissement (ci-après : la loi du 6 avril 1995Documents pertinents retrouvés type loi prom. 06/04/1995 pub. 29/05/2012 numac 2012000346 source service public federal interieur Loi organisant la commission parlementaire de concertation prévue à l'article 82 de la Constitution et modifiant les lois coordonnées sur le Conseil d'Etat. - Coordination officieuse en langue allemande fermer), les dispositions de son livre II (« Du statut et du contrôle des entreprises d'investissement ») s'appliquent aux entreprises d'investissement « de droit belge dont l'activité habituelle consiste à fournir ou offrir à des tiers un ou plusieurs services d'investissement à titre professionnel et/ou à exercer une ou plusieurs activités d'investissement, ainsi qu'aux entreprises de droit étranger qui exercent cette activité en Belgique », mais « sans préjudice des exceptions mentionnées à l'article 45 ».

L'article 45, § 1er, 5°, de la loi du 6 avril 1995Documents pertinents retrouvés type loi prom. 06/04/1995 pub. 29/05/2012 numac 2012000346 source service public federal interieur Loi organisant la commission parlementaire de concertation prévue à l'article 82 de la Constitution et modifiant les lois coordonnées sur le Conseil d'Etat. - Coordination officieuse en langue allemande fermer exclut du champ d'application du livre II : les « personnes qui ne fournissent aucun service ou activité d'investissement autre que la négociation pour son propre compte à moins qu'elles ne soient teneurs de marché ou internalisateur systématique ». Cette disposition, telle qu'elle a été insérée par l'article 35 de l'arrêté royal du 27 avril 2007, confirmé par la loi du 8 juin 2008Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/06/2008 pub. 16/06/2008 numac 2008202046 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi portant des dispositions diverses (1) type loi prom. 08/06/2008 pub. 16/06/2008 numac 2008202047 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi portant des dispositions diverses (1) fermer, visant à transposer la directive européenne concernant les marchés d'instruments financiers, reprend la définition du champ d'application de la directive 2004/39/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004 concernant les marchés d'instruments financiers, qui a modifié et abrogé plusieurs directives antérieures (ci-après : la directive 2004/39/CE) : «

Article 2.Exemptions 1. La présente directive ne s'applique pas : [...] d) aux personnes qui ne fournissent aucun service ou activité d'investissement autre que la négociation pour son propre compte à moins qu'elles ne soient teneurs de marché [...] ».

Il s'ensuit que les teneurs de marché relèvent du champ d'application de la loi du 6 avril 1995Documents pertinents retrouvés type loi prom. 06/04/1995 pub. 29/05/2012 numac 2012000346 source service public federal interieur Loi organisant la commission parlementaire de concertation prévue à l'article 82 de la Constitution et modifiant les lois coordonnées sur le Conseil d'Etat. - Coordination officieuse en langue allemande fermer et de l'arrêté royal du 23 septembre 1992.

A l'article 46, 16°, de la loi du 6 avril 1995Documents pertinents retrouvés type loi prom. 06/04/1995 pub. 29/05/2012 numac 2012000346 source service public federal interieur Loi organisant la commission parlementaire de concertation prévue à l'article 82 de la Constitution et modifiant les lois coordonnées sur le Conseil d'Etat. - Coordination officieuse en langue allemande fermer, tel qu'il a été remplacé par l'article 37 de l'arrêté royal du 27 avril 2007, le « teneur de marché » est défini comme étant « une personne qui est présente de manière continue sur les marchés financiers pour négocier pour son propre compte et qui se porte acheteuse et vendeuse d'instruments financiers en engageant ses propres capitaux, à des prix fixés par elle ». Cette définition reprend la définition déjà contenue dans l'article 4, paragraphe 1, point 8), de la directive 2004/39/CE. En tant que les parties requérantes invoquent leur qualité de teneur de marché dans la signification qui lui est donnée en vertu de la définition de droit européen et de droit national, elles pourraient prétendre à la déductibilité au titre de frais professionnels, à l'impôt des sociétés, des réductions de valeur et des moins-values sur les actions ou parts qui appartiennent au portefeuille commercial au sens de l'article 35ter, § 1er, alinéa 2, a), de l'arrêté royal du 23 septembre 1992 si elles se conforment également pour le surplus aux dispositions de cette loi et de cet arrêté royal.

Considéré de la sorte, leur grief repose sur une prémisse erronée et le moyen n'est dès lors pas fondé.

B.10.3. Dans leurs mémoires complémentaires, les parties requérantes font valoir qu'elles sont exclues du champ d'application de la loi du 6 avril 1995Documents pertinents retrouvés type loi prom. 06/04/1995 pub. 29/05/2012 numac 2012000346 source service public federal interieur Loi organisant la commission parlementaire de concertation prévue à l'article 82 de la Constitution et modifiant les lois coordonnées sur le Conseil d'Etat. - Coordination officieuse en langue allemande fermer respectivement sur la base de l'article 46, 16°, et de l'article 45, § 1er, 13°, de cette loi. Pour cette raison, elles ne seraient pas davantage soumises à l'arrêté royal du 23 septembre 1992.

La première partie requérante soutient plus précisément qu'elle n'est pas un teneur de marché au sens de l'article 46, 16°, de la loi du 6 avril 1995Documents pertinents retrouvés type loi prom. 06/04/1995 pub. 29/05/2012 numac 2012000346 source service public federal interieur Loi organisant la commission parlementaire de concertation prévue à l'article 82 de la Constitution et modifiant les lois coordonnées sur le Conseil d'Etat. - Coordination officieuse en langue allemande fermer parce qu'elle ne négocie pas « de manière continue » pour son propre compte en engageant ses propres capitaux.

La deuxième partie requérante fait valoir qu'elle est « teneur de marché en dérivés » et renvoie à l'article 45, § 1er, 13°, de la loi du 6 avril 1995Documents pertinents retrouvés type loi prom. 06/04/1995 pub. 29/05/2012 numac 2012000346 source service public federal interieur Loi organisant la commission parlementaire de concertation prévue à l'article 82 de la Constitution et modifiant les lois coordonnées sur le Conseil d'Etat. - Coordination officieuse en langue allemande fermer, qui exclut du champ d'application du livre II de la loi du 6 avril 1995Documents pertinents retrouvés type loi prom. 06/04/1995 pub. 29/05/2012 numac 2012000346 source service public federal interieur Loi organisant la commission parlementaire de concertation prévue à l'article 82 de la Constitution et modifiant les lois coordonnées sur le Conseil d'Etat. - Coordination officieuse en langue allemande fermer les « entreprises dont les services et/ou activités d'investissement consistent exclusivement à négocier pour compte propre sur des marchés d'instruments financiers à terme ou d'options ou d'autres marchés dérivés et sur des marchés d'instruments financiers sous-jacents [...] ».

Le législateur a voulu réserver le régime spécifique des « sociétés de trading » à une catégorie définie de manière objective de négociants professionnels en parts ou actions qui déploient leurs activités dans un cadre réglementaire bien précis, en particulier en ce qui concerne leur comptabilité et le contrôle de celle-ci.

Il ne peut raisonnablement être reproché au législateur de ne pas avoir fait en sorte que des entreprises comme celle des parties requérantes, qui déclarent, en raison de leur situation spécifique, n'être soumises ni à la loi du 6 avril 1995Documents pertinents retrouvés type loi prom. 06/04/1995 pub. 29/05/2012 numac 2012000346 source service public federal interieur Loi organisant la commission parlementaire de concertation prévue à l'article 82 de la Constitution et modifiant les lois coordonnées sur le Conseil d'Etat. - Coordination officieuse en langue allemande fermer ni à l'arrêté royal du 23 septembre 1992, soient reprises dans le régime qu'il a instauré en vue de la déductibilité à l'impôt des sociétés des réductions de valeur et des moins-values sur actions ou parts.

En effet, le législateur a pu réserver le régime spécifique prévu pour les « sociétés de trading » aux entreprises qui, sous le contrôle de l'autorité belge compétente, observent les règles comptables de l'arrêté royal du 23 septembre 1992, de sorte que les règles de comptabilisation et d'évaluation des plus-values et des réductions de valeur et des moins-values sont objectives et identiques pour toutes les entreprises concernées.

B.10.4. Du reste, les « sociétés de trading » ainsi définies peuvent certes déduire les réductions de valeur et les moins-values à titre de frais professionnels, mais, s'agissant des plus-values réalisées sur des actions ou parts dont elles sont propriétaires depuis moins d'un an, elles ne sont pas taxées au taux spécial (article 217, 2°, du CIR 1992, tel qu'il a été rétabli par l'article 149 de la loi-programme (I) du 29 mars 2012) mais au taux ordinaire de l'impôt des sociétés (article 215 du CIR 1992).

Les dispositions attaquées ne sont pas sans justification raisonnable.

B.11. Le premier moyen n'est pas fondé.

En ce qui concerne le deuxième moyen B.12. Les parties requérantes dénoncent également la violation des articles 10, 11 et 172 de la Constitution par l'article 146, 1°, de la loi-programme (I) du 29 mars 2012, combiné avec son article 147, 1°, en ce qu'une distinction est faite entre « les sociétés de trading en actions ou parts » et les « sociétés de trading en d'autres actifs ».

B.13. Il appartient au législateur de déterminer quels objectifs il entend poursuivre au plan fiscal. Il dispose en la matière d'un pouvoir d'appréciation étendu.

Dans le cadre de ce pouvoir d'appréciation, il a pu décider que les actions et parts ne seraient pas traitées fiscalement de la même manière que d'autres actifs, en l'espèce en ce qui concerne notamment les plus-values et les réductions de valeur et les moins-values.

Les travaux préparatoires indiquent d'ailleurs que l'intention du législateur était de maintenir l'exonération de principe des plus-values réalisées sur des actions ou parts afin de continuer à soutenir les placements en actions ou parts, lesquels présentent un risque plus élevé que les placements en titres à revenus fixes (Doc. parl., Chambre, 2011-2012, DOC 53-2081/001, p. 85).

En outre, le législateur a adopté un régime particulier pour les « sociétés de trading » dont les actions ou parts appartenant à leur portefeuille commercial constituent les stocks avec lesquels elles exercent principalement leurs activités et pour lesquelles la non-déductibilité de principe des réductions de valeur et des moins-values (ancien article 198, § 1er, 7°, du CIR 1992) combinée avec l'imposabilité des plus-values réalisées sur des actions ou parts qui n'appartiennent pas pendant un an à la société (article 192 du CIR 1992, tel qu'il a été complété par l'article 146, 1°, de la loi-programme (I) du 29 mars 2012) pourrait mettre en péril la viabilité de leurs activités (Doc. parl., Chambre, 2011-2012, DOC 53-2081/001, pp. 88-90). Lors de l'examen du premier moyen, la Cour a déjà jugé que le législateur n'avait adopté par là aucune mesure discriminatoire.

B.14. Le deuxième moyen n'est pas fondé.

En ce qui concerne le troisième moyen B.15. Les parties requérantes invoquent également la violation des articles 10, 11 et 16 de la Constitution, combinés avec l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme. Elles estiment que les dispositions attaquées instaurent, dans leur ensemble, une incohérence fiscale qui est déraisonnable et qui porte atteinte de manière disproportionnée au droit au respect de leurs biens.

B.16.1. L'article 1er du Premier Protocole additionnel offre une protection non seulement contre une expropriation ou une privation de propriété (premier alinéa, deuxième phrase) mais également contre toute ingérence dans le droit au respect des biens (premier alinéa, première phrase) et contre toute réglementation de l'usage des biens (deuxième alinéa). En ce que les deux dispositions invoquées protègent le droit de propriété, les garanties qu'elles contiennent forment un ensemble indissociable, de sorte que la Cour doit tenir compte, lors de son contrôle au regard de l'article 16 de la Constitution, de la protection plus large offerte par l'article 1er de ce Protocole.

B.16.2. Toute ingérence dans le droit de propriété doit réaliser un juste équilibre entre les impératifs de l'intérêt général et ceux de la protection du droit au respect des biens. Il doit exister un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but poursuivi (arrêts n° 33/2007, B.5.3, n° 62/2007, B.5.3, n° 29/2008, B.12, n° 50/2011, B.38, et n° 71/2012, B.9.2).

La notion d'« intérêt général » est une notion large qui requiert un examen approfondi des facteurs politiques, économiques et sociaux lorsque l'autorité publique l'invoque pour justifier une ingérence dans le droit de propriété. Etant donné que le législateur dispose d'une grande marge d'appréciation pour mener une politique économique et sociale, la Cour doit respecter la manière dont il conçoit les impératifs de l'utilité publique ou de l'intérêt général, sauf si son appréciation se révèle manifestement dépourvue de base raisonnable (voir notamment CEDH, 21 février 1986, James et autres c. Royaume-Uni, §§ 45-46; 19 décembre 1989, Mellacher et autres c. Autriche, § 48; 23 novembre 2000, Ex-Roi de Grèce et autres c. Grèce, § 87; 20 juillet 2004, Bäck c. Finlande, § 53; 22 février 2005, Hutten-Czapska c.

Pologne, § 166; 30 août 2007, J.A. Pye (Oxford) Ltd et J.A. Pye (Oxford) Land Ltd c. Royaume-Uni, § 71; 19 juin 2008, Gauchin c.

France, § 60, et 29 janvier 2013, Zolotas c. Grèce, § 44).

B.17. Il ressort de l'examen du premier moyen que la disposition attaquée poursuit un objectif d'intérêt général et que le législateur pouvait réserver le régime spécifique prévu pour les « sociétés de trading » aux sociétés qui tiennent leur comptabilité conformément à l'arrêté royal du 23 septembre 1992, afin que les règles de comptabilisation et d'évaluation des plus-values et des réductions de valeur et moins-values soient également objectives et les mêmes pour toutes les entreprises concernées.

B.18. Le troisième moyen n'est pas fondé.

Par ces motifs, la Cour rejette les recours.

Ainsi prononcé en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, à l'audience publique du 17 octobre 2013.

Le greffier, F. Meersschaut Le président, M. Bossuyt

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