Etaamb.openjustice.be
Arrêt
publié le 28 novembre 2013

Extrait de l'arrêt n° 126/2013 du 26 septembre 2013 Numéro du rôle : 5375 En cause : la question préjudicielle concernant les articles 59, alinéa 5, et 60, § 3, 3°, d), des lois relatives aux allocations familiales pour travailleurs sala La Cour constitutionnelle, composée des présidents J. Spreutels et M. Bossuyt, des juges E. De G(...)

source
cour constitutionnelle
numac
2013206052
pub.
28/11/2013
prom.
--
moniteur
https://www.ejustice.just.fgov.be/cgi/article_body(...)
Document Qrcode

COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 126/2013 du 26 septembre 2013 Numéro du rôle : 5375 En cause : la question préjudicielle concernant les articles 59, alinéa 5, et 60, § 3, 3°, d), des lois relatives aux allocations familiales pour travailleurs salariés, coordonnées par arrêté royal du 19 décembre 1939, posée par la Cour du travail de Mons.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents J. Spreutels et M. Bossuyt, des juges E. De Groot, L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke, T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul et F. Daoût, et, conformément à l'article 60bis de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, du président émérite R. Henneuse, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président émérite R. Henneuse, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par arrêt du 28 mars 2012 en cause de l'Office national de sécurité sociale des administrations provinciales et locales contre Florence Malbecq, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 2 avril 2012, la Cour du travail de Mons a posé la question préjudicielle suivante : « Les articles 96 et 97 de la loi-programme [lire : loi-programme (I)] du 24 décembre 2002 qui modifient respectivement les articles 59 et 60, § 3, 3°, d, des lois relatives aux allocations familiales pour travailleurs salariés, coordonnées le 19 décembre 1939, violent-ils les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'ils établissent une distinction quant à la détermination du régime tenu de prendre en charge le paiement des allocations familiales (régime des travailleurs salariés ou des travailleurs indépendants) selon qu'il s'agit d'un chômeur isolé qui bénéficie sans interruption des allocations familiales dans le régime des travailleurs salariés pour avoir ouvert son droit d'attributaire en application des articles 51, § 2 et 56novies des lois coordonnées ou selon qu'il s'agit d'un chômeur qui, à la suite de la séparation de son couple, récupère ses droits aux allocations de chômage postérieurement au 1er avril 2003 alors que son conjoint avait déjà ouvert un droit effectif aux allocations familiales pour un enfant ou plusieurs enfants en vertu de l'arrêté royal du 8 avril 1976 établissant le régime des prestations familiales en faveur des travailleurs indépendants (application des articles 51, § 2, 59 et 60, § 3, 3°, d)) ? ». (...) III. En droit (...) B.1.1. La Cour est interrogée sur la compatibilité, avec les articles 10 et 11 de la Constitution, des articles 96 et 97 de la loi-programme (I) du 24 décembre 2002, modifiant les articles 59 et 60, § 3, 3°, d), des lois relatives aux allocations familiales pour travailleurs salariés, coordonnées le 19 décembre 1939.

B.1.2. L'article 59, alinéa 5, des lois relatives aux allocations familiales pour travailleurs salariés, inséré par l'article 96 de la loi-programme (I) du 24 décembre 2002, dispose : « Le bénéfice des présentes lois ne peut pas non plus être invoqué par les personnes visées à l'article 51, § 2, qui exercent une profession autre que celle de travailleur lié par un contrat de travail visé par lesdites lois, s'il existe dans le chef de ces personnes un droit effectif aux allocations familiales pour un enfant en vertu de l'arrêté royal du 8 avril 1976 établissant le régime des prestations familiales en faveur des travailleurs indépendants, avant que ces personnes visées à l'article 51, § 2, ne deviennent attributaires pour cet enfant en vertu de cet article ».

L'article 60, § 3, 3°, d), des mêmes lois, abrogé par la loi du 22 février 1998Documents pertinents retrouvés type loi prom. 22/02/1998 pub. 03/03/1998 numac 1998021087 source services du premier ministre Loi portant des dispositions sociales type loi prom. 22/02/1998 pub. 03/03/1998 numac 1998021086 source services du premier ministre Loi portant certaines dispositions sociales fermer, a été rétabli par l'article 97 de la loi-programme (I) du 24 décembre 2002, dans la rédaction qui suit : « d) sans préjudice du point b), lorsque l'enfant fait partie d'un ménage composé de deux attributaires dont l'un est une personne, visée à l'article 51, § 2, et l'autre ouvre un droit sur base d'une activité indépendante conformément à l'arrêté royal du 8 avril 1976 établissant le régime des prestations familiales en faveur des travailleurs indépendants. Ce droit aux allocations familiales dans le chef de cet indépendant pour un enfant doit exister effectivement avant que la personne visée à l'article 51, § 2, ne devienne attributaire pour cet enfant; ».

L'article 60 des lois relatives aux allocations familiales pour travailleurs salariés dispose désormais : « § 1. Sans préjudice des dispositions des conventions internationales de sécurité sociale en vigueur en Belgique, le montant des prestations familiales est réduit à concurrence du montant des prestations de même nature auxquelles il peut être prétendu en faveur d'un enfant bénéficiaire en application d'autres dispositions légales ou réglementaires étrangères ou en vertu des règles applicables au personnel d'une institution de droit international public, même si l'octroi de ces prestations est qualifié de complémentaire en vertu des dispositions et des règles précitées par rapport aux prestations familiales accordées en application des présentes lois.

Ladite réduction ne s'applique pas lorsqu'il peut être prétendu à des prestations de même nature en faveur d'un enfant bénéficiaire en vertu des règles statutaires applicables aux fonctionnaires et autres agents des Communautés européennes.

Le Roi détermine les institutions de droit international public dont les règles statutaires applicables à leur personnel peuvent être assimilées aux règles statutaires visées à l'alinéa précédent. § 2. Le montant des prestations familiales est réduit du montant des prestations de même nature auxquelles il peut être prétendu en faveur d'un enfant bénéficiaire en application d'autres dispositions légales ou réglementaires belges.

Ladite réduction ne s'applique pas : 1° en cas de complémentarité des autres dispositions légales ou réglementaires belges par rapport aux prestations familiales octroyées en application des présentes lois;2° en ce qui concerne les prestations familiales pour lesquelles un droit existe dans le régime d'allocations familiales pour travailleurs indépendants;3° en ce qui concerne l'allocation ou la prime de naissance accordée par une province ou une commune. Le Roi peut compléter l'énumération faite à l'alinéa 2. § 3. En ce qui concerne les dispositions du § 2, alinéas 1er et 2, 2°, les exceptions suivantes sont faites : 1° le droit aux allocations familiales majorées d'orphelin en vertu des dispositions de l'arrêté royal du 8 avril 1976 établissant le régime des prestations familiales en faveur des travailleurs indépendants exclut tout autre droit simultané ou postérieur en vertu des présentes lois : a) lorsqu'il est ouvert par un orphelin dont le parent décédé, père ou mère, était exclusivement attributaire indépendant et a satisfait, au moment de son décès, aux conditions visées à l'article 9, § 1er, de l'arrêté royal précité;b) lorsqu'il est ouvert par un orphelin dont le parent survivant, père ou mère, a satisfait au moment du décès de l'autre parent aux conditions visées à l'article 9, § 1er, de l'arrêté royal précité, sauf si un droit aux allocations familiales d'orphelin en vertu des présentes lois est ouvert par cet orphelin dont le parent décédé a satisfait, au moment de son décès, aux conditions visées à l'article 56bis, § 1er;c) lorsqu'il est ouvert par un orphelin en raison du fait que l'attributaire visé à l'article 15 de l'arrêté royal précité, autre que le père ou la mère, a satisfait au moment du décès de l'un des parents de l'orphelin aux conditions visées à l'article 9, § 1er, du même arrêté, sauf si un droit aux allocations familiales d'orphelin est ouvert en vertu des présentes lois. Cette exclusion ne s'applique toutefois pas lorsque, suite au prédécès d'un parent, père ou mère, il existe déjà un droit aux allocations familiales d'orphelin en application des articles 56bis ou 56quinquies des présentes lois; 2° lorsqu'un attributaire travailleur indépendant a droit aux allocations familiales majorées pour invalide conformément à l'arrêté royal du 8 avril 1976 précité, ce droit exclut pour l'enfant faisant partie du même ménage, tout autre droit en vertu des présentes lois, sauf : a) un droit aux allocations familiales majorées d'orphelin;b) un droit aux allocations familiales majorées pour travailleur salarié invalide du chef du père, de la mère, du beau-père ou de la belle-mère faisant partie du même ménage;c) un droit aux allocations familiales majorées pour travailleurs salariés invalides du chef d'une personne faisant partie du même ménage ou un droit aux allocations familiales en vertu des présentes lois du chef de l'attributaire père, mère, beau-père ou belle-mère, faisant partie du même ménage, à moins que l'attributaire indépendant invalide soit le père, la mère, le beau-père ou la belle-mère.3° sauf lorsque, compte tenu des dispositions du 1°, un droit aux allocations familiales d'orphelin existe, en application des articles 56bis ou 56quinquies et sans préjudice du 2°, le droit aux allocations familiales en vertu des dispositions de l'arrêté royal précité du 8 avril 1976 exclut tout autre droit en vertu de ces lois : a) lorsque l'enfant fait partie d'un ménage composé exclusivement d'un ou de plusieurs attributaires indépendants;b) lorsque l'enfant fait partie d'un ménage composé d'un ou de plusieurs attributaires indépendants soit les père, mère, beau-père ou belle-mère vivant avec un ou plusieurs attributaires en vertu des présentes lois, autres que les père, mère, beau-père ou belle-mère;c) sans préjudice du point b), lorsque l'enfant fait partie d'un ménage composé de deux attributaires dont l'un est indépendant et l'autre salarié et que l'attributaire salarié ne répond pas aux conditions fixées par l'article 59 des présentes lois;d) sans préjudice du point b), lorsque l'enfant fait partie d'un ménage composé de deux attributaires dont l'un est une personne, visée à l'article 51, § 2, et l'autre ouvre un droit sur base d'une activité indépendante conformément à l'arrêté royal du 8 avril 1976 établissant le régime des prestations familiales en faveur des travailleurs indépendants.Ce droit aux allocations familiales dans le chef de cet indépendant pour un enfant doit exister effectivement avant que la personne visée à l'article 51, § 2, ne devienne attributaire pour cet enfant; [...] ».

B.1.3. L'article 51, § 2, des lois coordonnées relatives aux allocations familiales pour travailleurs salariés, auquel renvoie l'article 60, § 3, 3°, d), en cause, dispose : « Sont en outre attributaires des allocations familiales aux taux et suppléments prévus par ces dispositions, la personne exerçant une activité visée à l'article 42bis, § 1er, 4°, ainsi que les personnes visées aux articles 55 à 56bis et 56quater à 57 ».

B.1.4. Quant à l'article 56novies de la même loi, visé par la question préjudicielle, il dispose : « Sont attributaires d'allocations familiales aux taux prévus à l'article 40, éventuellement majorés des suppléments prévus à l'article 42bis et dans les conditions à fixer par le Roi : 1° les chômeurs complets ou partiels indemnisés;2° les chômeurs complets ou partiels non indemnisés ». Quant à la pertinence de la question préjudicielle B.2. Le Conseil des ministres fait valoir que la question préjudicielle n'appelle pas de réponse en ce qu'elle porte sur l'article 59 des lois coordonnées relatives aux allocations familiales pour travailleurs salariés, étant donné que l'intimée devant le juge a quo n'a jamais exercé une activité indépendante.

B.3. Il revient en règle au juge a quo de déterminer les normes applicables au litige qui lui est soumis. Toutefois, lorsque des dispositions qui ne peuvent manifestement être appliquées au litige au fond sont soumises à la Cour, celle-ci n'en examine pas la constitutionnalité.

B.4. L'article 59, alinéa 5, des lois coordonnées relatives aux allocations familiales pour travailleurs salariés concerne les personnes visées à l'article 51, § 2, de ces mêmes lois, qui exercent en ordre principal une profession autre que celle de travailleur lié par un contrat de travail et qui ont eu un droit effectif aux allocations familiales en vertu de l'arrêté royal du 8 avril 1976 « établissant le régime des prestations familiales en faveur des travailleurs indépendants » avant de devenir attributaires en vertu de l'article 51, § 2, précité.

B.5. Il ressort de l'arrêt de renvoi que l'intimée devant le juge a quo n'exerçait, en ordre principal, pas d'autre profession que celle d'un travailleur lié par un contrat de travail, avant de devenir attributaire conformément à l'article 51, § 2, des lois coordonnées relatives aux allocations familiales pour travailleurs salariés. Par conséquent, l'article 59, alinéa 5, des lois coordonnées relatives aux allocations familiales pour travailleurs salariés est étranger au litige soumis au juge a quo et la question préjudicielle, en ce qu'elle porte sur cette disposition, n'est manifestement pas utile à la solution du litige soumis au juge a quo.

Quant au fond B.6. Le juge a quo demande à la Cour si l'article 60, § 3, 3°, d), des lois coordonnées relatives aux allocations familiales pour travailleurs salariés est compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution en ce que, lorsqu'un enfant fait partie d'un ménage composé de deux attributaires, et qu'un d'eux est chômeur qui devient attributaire après que l'autre personne ouvre le droit aux allocations familiales, le régime des allocations familiales pour indépendants l'emporte sur le régime pour travailleurs salariés.

B.7. Il est demandé à la Cour de comparer deux catégories d'attributaires chômeurs : d'une part, un chômeur qui devient attributaire après que l'autre personne qui forme avec lui un ménage ouvre le droit aux allocations familiales et, d'autre part, un chômeur isolé qui est sans interruption attributaire par application des articles 51, § 2, et 56novies des lois coordonnées précitées : la première catégorie de chômeurs n'ouvre pas le droit aux allocations familiales conformément aux lois coordonnées précitées, tandis que la deuxième catégorie de chômeurs ouvre le droit aux allocations familiales, conformément à ces lois.

B.8. L'octroi d'allocations familiales vise à contribuer aux frais d'entretien et d'éducation des enfants. Il offre une compensation partielle pour l'augmentation des charges supportées par le ménage lors de l'extension de celui-ci. A cet égard, le législateur a choisi d'instaurer un système d'assurance qui est organisé distinctement en fonction du régime auquel appartient l'ayant droit. Un tel choix n'est pas discriminatoire en soi. La Cour n'en doit pas moins vérifier si la disposition concrète qui lui est soumise n'établit pas de différence de traitement qui ne serait pas susceptible de justification raisonnable.

B.9.1. L'article 60, § 3, a été introduit dans les lois coordonnées relatives aux allocations familiales pour travailleurs salariés par l'article 33 de la loi du 1er août 1985Documents pertinents retrouvés type loi prom. 01/08/1985 pub. 15/11/2000 numac 2000000832 source ministere de l'interieur Loi portant des mesures fiscales et autres . - chapitre III, section II. - Traduction allemande fermer portant des dispositions sociales. Avant l'entrée en vigueur de cette disposition, en cas de concours d'attributaires appartenant à des régimes différents, la priorité était toujours donnée à l'attributaire salarié. Cette règle était appliquée aussi en cas de séparation et de divorce des parents, même si la garde exclusive de l'enfant était confiée au parent indépendant. L'article 33 précité a introduit plusieurs exceptions au principe de la priorité de l'attributaire salarié, parmi lesquelles l'hypothèse dans laquelle l'enfant fait partie du ménage du parent qui exerce une activité professionnelle indépendante.

B.9.2. Les travaux préparatoires de la loi du 1er août 1985Documents pertinents retrouvés type loi prom. 01/08/1985 pub. 15/11/2000 numac 2000000832 source ministere de l'interieur Loi portant des mesures fiscales et autres . - chapitre III, section II. - Traduction allemande fermer indiquent que les modifications qu'elle introduit dans la législation sur les allocations familiales « visent à adapter ladite réglementation aux modifications apportées dans d'autres législations ainsi qu'à l'évolution sociale » (Doc. parl., Chambre, 1984-1985, n° 1194/1, p. 5), et que le législateur estimait « logique et administrativement justifié » d'établir un certain nombre d'exceptions au « principe de la priorité absolue du régime d'allocations familiales pour travailleurs salariés sur celui des indépendants », notamment lorsque l'enfant fait partie du ménage d'un indépendant (ibid., p. 6).

B.10. Le point d) de l'article 60, § 3, 3°, qui avait été abrogé par l'article 33, 1°, de la loi du 22 février 1998Documents pertinents retrouvés type loi prom. 22/02/1998 pub. 03/03/1998 numac 1998021087 source services du premier ministre Loi portant des dispositions sociales type loi prom. 22/02/1998 pub. 03/03/1998 numac 1998021086 source services du premier ministre Loi portant certaines dispositions sociales fermer portant des dispositions sociales, a été rétabli par l'article 97 de la loi-programme du 24 décembre 2002 pour les motifs qui suivent : « La problématique concernant le cumul des droits entre un attributaire qui se trouve dans une situation d'attribution en vertu de l'article 51, § 2, des mêmes lois et un attributaire qui exerce une activité indépendante, était réglée par la circulaire n° 550 du 10 juin 1997.

Suite à cette modification, le droit aux allocations familiales sur la base de l'arrêté royal du 8 avril 1976 précité exclut le droit aux allocations familiales en vertu des mêmes lois en cas de cumul entre un travailleur indépendant et une personne qui se trouve dans une situation d'attribution, s'il existe dans le chef de cet indépendant un droit effectif aux allocations familiales pour un enfant sur la base de l'arrêté royal du 8 avril 1976 précité, avant que la personne qui se trouve dans une situation d'attribution ne devienne attributaire pour cet enfant en vertu des mêmes lois.

Les mêmes remarques concernant l'article 109 sont également applicables ». (Doc. parl., Chambre, 2002-2003, DOC 50-2124/001 et 50-2125/001, pp. 79-80).

Les remarques relatives à l'article 109 étaient les suivantes : « La problématique concernant le cumul de droits dans le chef d'un attributaire qui se trouve dans une situation d'attribution en vertu de l'article 51, § 2, des mêmes lois, et qui exerce également une activité indépendante, était réglée par la circulaire ministérielle n° 550 du 10 juin 1997.

Le tribunal du travail de Dendermonde a, en date du 3 février 2000, remis en question la base légale de certaines dispositions de cette circulaire.

Il est par conséquent nécessaire, sur le plan juridique, d'apporter une modification légale et plus particulièrement de modifier l'article 59 des mêmes lois.

Suite à cette modification, les personnes qui se trouvent dans une situation d'attribution et qui exercent une activité comme travailleur indépendant, sont exclues des présentes lois, s'il existe dans le chef de ces personnes un droit effectif aux allocations familiales en faveur d'un enfant sur la base de l'arrêté royal du 8 avril 1976 établissant le régime des prestations familiales en faveur des travailleurs indépendants, avant que ces personnes ne deviennent attributaires en vertu des mêmes lois pour cet enfant, sur la base de leur situation d'attribution.

Ces personnes doivent exercer une activité en tant qu'indépendant.

Il doit exister un droit effectif aux allocations familiales sur la base de l'arrêté royal du 8 avril 1976 précité, peu importe que les conditions dans le chef de l'enfant bénéficiaire ou dans le chef de l'allocataire soient remplies » (ibid., p. 79).

B.11. Lorsque les parents séparés exercent conjointement l'autorité parentale, l'article 60, § 3, dernier alinéa, des lois coordonnées instaure une fiction juridique selon laquelle les parents séparés sont censés former un ménage pour l'application des règles de cumul.

Cet alinéa précise, en effet, que lorsque les deux parents ne cohabitent pas mais exercent conjointement l'autorité parentale au sens de l'article 374 du Code civil, à l'égard d'un enfant qui fait partie du ménage de l'un d'entre eux, cet enfant est considéré comme faisant partie d'un ménage composé de ses deux parents au moins pour l'application du paragraphe 3 de l'article 60.

Il restaure ainsi fictivement, pour l'application des règles de cumul, le ménage que les parents formaient avant leur séparation; lorsqu'ils exercent conjointement l'autorité parentale, ces parents sont en effet considérés comme élevant toujours ensemble leurs enfants (Doc. parl., Chambre, 1996-1997, n° 1184/3, p. 3, et n° 1184/14, p. 24).

B.12. Ainsi qu'il a été mentionné en B.7, il est demandé à la Cour de comparer la situation d'un chômeur qui forme un ménage avec une autre personne qui ouvre le droit aux allocations familiales avec celle d'un chômeur isolé.

B.13.1. Un chômeur isolé ne forme par définition pas un ménage avec une autre personne qui ouvre le droit aux allocations familiales. Dans la mesure où il est question d'un chômeur isolé, cela implique que l'intéressé exerce seul l'autorité parentale. Pour autant qu'il soit question, dans ce cas, d'un autre attributaire qui peut prétendre aux allocations familiales, le droit est fixé par priorité dans le chef de l'attributaire qui élève l'enfant (article 64, § 2, a), 1°, des lois coordonnées relatives aux allocations familiales pour travailleurs salariés).

B.13.2. Cette situation est cohérente avec l'ensemble du système qui tend, sauf exceptions, à désigner comme prioritaire, en cas de concours d'attributaires, le parent avec lequel l'enfant réside, ce qui conduit, dans la plupart des cas de garde exclusive de l'enfant par l'un des parents, à reconnaître à celui-ci, à la fois la qualité d'attributaire et celle d'allocataire.

B.14. Ce qui précède n'est pas pertinent lorsque le chômeur forme un ménage avec une autre personne ouvrant le droit aux allocations familiales. Etant donné que, dans cette hypothèse, les deux parents exercent ensemble l'autorité parentale, la priorité ne peut être établie sur la base de ce critère.

B.15. La disposition en cause, l'article 60, § 3, 3°, d), prévoit toutefois une exception à la règle générale, selon laquelle, en cas de concurrence d'attributaires appartenant à un régime différent, la priorité est accordée à l'attributaire salarié. La Cour doit examiner si cette exception est raisonnablement justifiée.

B.16.1. Il ressort des travaux préparatoires mentionnés en B.10 que la disposition en cause vise à conférer une base légale à la circulaire ministérielle n° 550 du 10 juin 1997. Cette circulaire concernait l'application des articles 59 et 60, § 3, 3°, c), des lois coordonnées relatives aux allocations familiales pour travailleurs salariés.

B.16.2.1. Aux termes de l'article 60, § 3, 3°, c), précité, le droit aux allocations familiales en vertu du régime des allocations familiales pour indépendants exclut le droit aux allocations familiales en vertu du régime des allocations familiales pour les travailleurs salariés « lorsque l'enfant fait partie d'un ménage composé de deux attributaires dont l'un est indépendant et l'autre salarié et que l'attributaire salarié ne répond pas aux conditions fixées par l'article 59 des présentes lois ».

L'article 59 précité détermine l'activité exercée en ordre principal au cas où une personne exerce deux activités, l'une en tant que travailleur salarié et l'autre pas (Doc. parl., Chambre, 1989-1990, n° 975/1, p. 37). Aux termes de cette disposition, le bénéfice des lois coordonnées relatives aux allocations familiales pour travailleurs salariés ne peut être invoqué par la personne qui exerce en ordre principal une profession autre que celle de travailleur lié par un contrat de travail visé dans ces lois. A cet égard, l'article 59, alinéa 2, dispose : « Pour l'application du présent article, un travailleur à temps partiel est considéré comme ayant en ordre principal la qualité de travailleur salarié lorsque la durée hebdomadaire de travail moyenne contractuelle du travailleur équivaut à la moitié au moins de la durée hebdomadaire de travail moyenne de la personne de référence ».

B.16.2.2. Il découle de ce qui précède que lorsque l'enfant fait partie d'un ménage composé de deux attributaires dont l'un est indépendant et l'autre travailleur salarié travaillant moins d'un mi-temps, le régime des allocations familiales pour travailleurs indépendants est applicable. Selon les travaux préparatoires de l'article 82 de la loi-programme du 22 décembre 1989Documents pertinents retrouvés type loi-programme prom. 22/12/1989 pub. 14/11/2011 numac 2011000693 source service public federal interieur Loi-programme fermer, qui a inséré l'article 60, § 3, 3°, c), précité, en cas de concurrence de deux régimes, lorsqu'un travailleur salarié attributaire n'exerce qu'une activité minimale, il faut « qu'il réponde aux conditions fixées à l'article 59 (c'est-à-dire qu'il exerce une activité salariée à mi-temps au moins) » (Doc. parl., Chambre, 1989-1990, n° 975/1, pp. 37-38), pour que le régime des allocations familiales pour travailleurs salariés soit applicable.

B.16.2.3. Il ressort également des travaux préparatoires de cette loi que « l'ensemble des mesures proposées dans les Chapitres sociaux de la loi-programme s'inscrivent dans une volonté de réaliser l'équilibre des divers régimes de sécurité sociale » (Doc. parl., Chambre, 1989-1990, n° 975/10, p. 2).

B.16.3.1. Selon la circulaire précitée, il existait un doute quant à l'application des articles 59 et 60, § 3, 3°, c), précités des lois coordonnées relatives aux allocations familiales pour travailleurs salariés dans des situations particulières d'attribution, comme en cas de chômage : « Non seulement il y a cette distinction théorique, mais en outre il sera également plus difficile en pratique de retrouver l'occupation antérieure, dans une situation d'attribution. Il n'est pas rare que de nombreuses années se soient écoulées entre-temps et dans certains cas il n'y a même jamais eu d'occupation antérieure (articles 56quinquies et sexies) ».

Pourtant, selon cette circulaire, il était indiqué d'appliquer ces dispositions : « [Si] cette norme n'était plus examinée dans toutes les situations, il en résulterait de nouveaux problèmes. Ainsi, la question se pose de savoir s'il est indiqué d'octroyer le droit aux allocations familiales à quelqu'un à qui les allocations familiales ont été refusées pendant son occupation sur la base de l'article 59 ou 60, § 3, L.C. dès qu'il se trouve dans une situation particulière d'attribution ? ».

B.16.3.2. Afin de tenir compte tant des difficultés pratiques que de la question d'opportunité, il faut, selon la circulaire, opérer une distinction « selon que la situation particulière d'attribution du chef de l'attributaire salarié se présente avant ou après l'activité indépendante ou le cumul avec un attributaire indépendant ». Dans le premier cas, « la norme des articles 59 et 60, § 3, 3°, c), L.C. est censée être respectée, à condition que le droit aux allocations familiales sur la base de la situation d'attribution soit la continuation d'un droit durable en tant que travailleur salarié, et/ou à condition que l'attributaire bénéficie d'une prestation dans une branche des assurances sociales des travailleurs salariés ». Dans le second cas, selon la circulaire, « dans la plupart des cas, la norme des articles 59 et 60, § 3, 3°, c), L.C. a déjà été examinée » et il faut, durant la situation d'attribution, continuer à tenir compte du droit prioritaire établi auparavant.

B.16.4. L'article 60, § 3, 3°, d), en cause des lois coordonnées relatives aux allocations familiales pour travailleurs salariés, qui donne un fondement légal à la circulaire précitée, reprend ces objectifs.

B.16.5. En ce que la disposition en cause vise à garantir l'application de la règle selon laquelle, lorsque l'enfant fait partie d'un ménage composé de deux attributaires dont l'un est indépendant et l'autre n'est travailleur salarié qu'à temps partiel, le régime des allocations familiales pour indépendants est applicable à la situation où l'autre personne est au chômage, cette disposition est raisonnablement justifiée. En effet, il ressort de la circulaire précitée que, lorsque le chômeur ouvre le droit aux allocations familiales après que l'indépendant l'a déjà fait, d'une part, il peut être difficile de déterminer la fonction antérieure sur la base de laquelle il peut être calculé s'il est question d'un travail à mi-temps et, d'autre part, le danger existe qu'il soit pris une autre décision que ce qui a été décidé par le passé par application de l'article 60, § 3, 3°, c), des lois coordonnées.

B.17. La disposition en cause n'a pas davantage d'effets disproportionnés, puisqu'elle énonce expressément que le « droit aux allocations familiales dans le chef de cet indépendant pour un enfant doit exister effectivement avant que la personne visée à l'article 51, § 2, ne devienne attributaire pour cet enfant ». Le législateur s'assure ainsi que l'enfant en question bénéficiera aussi effectivement d'un droit aux allocations familiales.

B.18. La question préjudicielle appelle une réponse négative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 60, § 3, 3°, d), des lois coordonnées le 19 décembre 1939 relatives aux allocations familiales pour travailleurs salariés, tel qu'il a été rétabli par l'article 97 de la loi-programme (I) du 24 décembre 2002, ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution.

Ainsi prononcé en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, à l'audience publique du 26 septembre 2013.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux Le président, R. Henneuse

^