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Arrêt
publié le 18 avril 2014

Extrait de l'arrêt n° 14/2014 du 29 janvier 2014 Numéro du rôle : 5547 En cause : les questions préjudicielles relatives aux articles 37, alinéa 3, 285 et 292 du Code des impôts sur les revenus 1992, posées par le Tribunal de première instanc La Cour constitutionnelle, composée des présidents A. Alen et J. Spreutels, des juges E. De Groo(...)

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Extrait de l'arrêt n° 14/2014 du 29 janvier 2014 Numéro du rôle : 5547 En cause : les questions préjudicielles relatives aux articles 37, alinéa 3, 285 et 292 du Code des impôts sur les revenus 1992, posées par le Tribunal de première instance d'Anvers.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents A. Alen et J. Spreutels, des juges E. De Groot, L. Lavrysen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke, T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, F. Daoût et T. Giet, et, conformément à l'article 60bis de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, du président émérite M. Bossuyt, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président émérite M. Bossuyt, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des questions préjudicielles et procédure Par jugement du 19 décembre 2012 en cause de la SA « Nyrstar Belgium » contre l'Etat belge, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 4 janvier 2013, le Tribunal de première instance d'Anvers a posé les questions préjudicielles suivantes : 1. « Une interprétation de la réglementation relative à la quotité forfaitaire d'impôt étranger (QFIE), en ce compris les articles 285 et 292 du Code des impôts sur les revenus, selon laquelle le bénéfice de la QFIE ne serait ni reportable à une période imposable ultérieure ni remboursable viole-t-elle les articles 10 et 11 de la Constitution en ce que les dispositions précitées opèrent une distinction entre : - d'une part, les sociétés qui touchent des intérêts donnant un droit, garanti par les conventions, à l'imputation de la QFIE au cours d'une période imposable où elles présentent une base imposable positive et qui ont ainsi la possibilité de réduire les impôts dus à concurrence de la QFIE, de sorte que la double imposition est totalement évitée; - et, d'autre part, les sociétés qui touchent des intérêts donnant un droit, garanti par les conventions, à l'imputation de la QFIE au cours d'une période imposable où elles ne présentent aucune base imposable ou présentent une base imposable négative, ce qui leur fait perdre définitivement le bénéfice de la QFIE et engendre une double imposition ? »; 2. « L'article 37, alinéa 3, du Code des impôts sur les revenus et les articles 285 et 292, alinéa 1er, combinés, du même Code, concernant la quotité forfaitaire d'impôt étranger, (QFIE) violent-ils les articles 10 et 11 de la Constitution en ce que les dispositions précitées n'opèrent aucune distinction entre : - d'une part, les sociétés qui touchent des intérêts donnant un droit, garanti par les conventions, à l'imputation de la QFIE et qui présentent pour une période imposable déterminée une base imposable positive dans laquelle est comprise la QFIE mais qui sont finalement en mesure de réduire à concurrence de la QFIE les impôts dus au titre de cette période, de sorte que la double imposition est évitée et que la charge fiscale de ces sociétés est réduite; - et, d'autre part, les sociétés qui touchent également des intérêts donnant un droit à l'imputation de la QFIE, garanti par les conventions, et qui, pour une période imposable déterminée, ne présentent aucune base imposable ou présentent une base imposable négative dans laquelle est comprise la QFIE et qui, faute de base imposable, ne peuvent pas imputer la QFIE de manière effective, de sorte que la QFIE a pour conséquence de réduire le montant des pertes fiscalement reportables, si bien qu'à un moment ultérieur un bénéfice fictif est taxé et qu'une double imposition se crée ? ». (...) III. En droit (...) B.1.1. Deux questions préjudicielles sont posées à la Cour sur la compatibilité avec les articles 10 et 11 de la Constitution (première question préjudicielle) des articles 285 et 292 du Code des impôts sur les revenus 1992 (ci-après : CIR 1992) et (seconde question préjudicielle) des articles 37, alinéa 3, 285 et 292, alinéa 1er, du CIR 1992.

B.1.2. Les articles 37, alinéa 3, 285 et 292 du CIR 1992, dans leur rédaction applicable aux exercices d'imposition 2009 et 2010 en cause, disposent : «

Art. 37.[...] Les revenus nets de ces capitaux et biens mobiliers comprennent le précompte mobilier, réel ou fictif, ainsi que la quotité forfaitaire d'impôt étranger et, le cas échéant, le prélèvement pour l'Etat de résidence ». «

Art. 285.Pour ce qui concerne les revenus de capitaux et biens mobiliers et pour ce qui concerne les revenus divers visés à l'article 90, 5° à 7°, une quotité forfaitaire d'impôt étranger est imputée sur l'impôt lorsque ces revenus ont été soumis à l'étranger à un impôt analogue à l'impôt des personnes physiques, à l'impôt des sociétés ou à l'impôt des non-résidents, et lorsque lesdits capitaux et biens sont affectés en Belgique à l'exercice de l'activité professionnelle.

Par dérogation à l'alinéa 1er, une quotité forfaitaire d'impôt étranger n'est imputée, pour ce qui concerne les dividendes, que lorsqu'il s'agit de dividendes alloués ou attribués par des sociétés d'investissement, et dans la mesure où il est établi que ces dividendes proviennent de revenus qui satisfont aux conditions définies à l'alinéa 1er et à l'article 289 ». «

Art. 292.Dans le chef des sociétés résidentes, les sommes imputables au titre de précompte mobilier fictif et de quotité forfaitaire d'impôt étranger sont imputées intégralement sur l'impôt des sociétés et l'excédent éventuel n'est pas restitué.

Aucun précompte n'est imputé sur les cotisations distinctes établies en exécution des articles 219 et 219bis ».

B.1.3. Les articles 11 et 24 de la Convention entre le Royaume de Belgique et l'Australie tendant à éviter la double imposition et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu, signée à Canberra le 13 octobre 1977 (ci-après : la Convention du 13 octobre 1977) disposent : « Article 11 - Intérêts (1) Les intérêts provenant d'un des Etats contractants sont imposables dans l'autre Etat contractant lorsqu'il s'agit d'intérêts dont le bénéficiaire effectif est un résident de cet autre Etat. (2) Ces intérêts peuvent être imposés dans l'Etat contractant d'où ils proviennent et selon la législation de cet Etat, mais l'impôt ainsi établi ne peut excéder 10 p.c. du montant brut des intérêts. [...] ». « Article 24 [...] (2) En ce qui concerne la Belgique, la double imposition est évitée de la manière suivante : [...] (b) en ce qui concerne : [...] (ii) les intérêts imposables conformément à l'article 11, paragraphe (2) ou (6);et (iii) les redevances imposables conformément à l'article 12, paragraphe (2) ou (6), la Belgique impute sur son impôt afférent à ces revenus la quotité forfaitaire d'impôt étranger prévue par la législation belge, dans les conditions et au taux fixés par cette législation, sans que ce taux puisse être inférieur à celui de l'impôt qui peut être perçu en Australie conformément à l'article 10, paragraphe (2), à l'article 11, paragraphe (2) ou à l'article 12, paragraphe (2). [...] ».

B.1.4. Il ressort de la décision de renvoi que la société belge, partie demanderesse devant le juge a quo, a perçu des intérêts sur un prêt qu'elle avait accordé à sa filiale australienne. Par application de l'article 11 de la Convention du 13 octobre 1977, ces intérêts ont été soumis par l'Australie à une retenue à la source de dix pour cent.

En vertu de l'article 24, la Belgique est tenue d'imputer la quotité forfaitaire d'impôt étranger, selon les conditions et le taux prévus dans la législation belge, sans toutefois que ce taux puisse être inférieur à dix pour cent.

En l'absence d'une base imposable suffisante, l'imputation de la quotité forfaitaire d'impôt étranger (ci-après : la QFIE) sur l'impôt dû n'a pu être réalisée et l'administration fiscale a refusé de reporter à une année ultérieure le bénéfice de la QFIE ou de rembourser la QFIE. Conformément à l'article 37, alinéa 3, du CIR 1992, la partie demanderesse a dû ajouter cette QFIE à ses dépenses non admises pour la détermination de sa base imposable.

Quant à la première question préjudicielle B.2. La première question préjudicielle concerne les sociétés qui perçoivent des intérêts d'origine étrangère donnant droit à l'imputation de la QFIE; les sociétés de la première catégorie ne présentent aucune base imposable ou présentent une base imposable négative pour la période imposable et perdraient, de ce fait, le bénéfice de la QFIE, ce qui générerait une double imposition, et les sociétés de la seconde catégorie présentent une base imposable positive pour la période imposable et pourraient, de ce fait, réduire à concurrence de la QFIE les impôts dont elles sont redevables, de sorte qu'une double imposition serait évitée.

B.3. La différence de traitement en cause résulte d'une interprétation des articles 285 et 292 litigieux du CIR 1992 préconisée par l'administration fiscale selon laquelle il est impossible de reporter sur une période imposable ultérieure la QFIE qui n'est pas susceptible d'être imputée.

Par ailleurs, il ressort de l'article 292, alinéa 1er, du CIR 1992 que la QFIE non imputable n'est pas remboursée.

B.4. La différence de traitement en cause repose sur l'existence ou non d'une base imposable suffisante dans le chef d'une société pour une période imposable donnée, ce qui constitue un critère objectif. La Cour doit examiner si ce critère est pertinent au regard de l'objectif des dispositions en cause.

B.5. Le rapport au Sénat relatif au projet de loi portant approbation de la Convention précise que « la présente Convention suit dans une large mesure la Convention-modèle de l'OCDE [Organisation de coopération et de développement économiques] » (Doc. parl., Sénat, 1978-1979, n° 469/1, p. 1). « La Convention signée à Canberra le 13 octobre 1977, entre la Belgique et l'Australie, a pour objectif principal d'éviter la double imposition des revenus. La Convention organise en outre un échange de renseignements. Elle contient enfin diverses dispositions qu'on retrouve habituellement dans ce genre de conventions » (Doc. parl., Sénat, S.E. 1979, n° 182/2, p. 1).

Lors du contrôle des dispositions en cause, la Cour doit tenir compte de la Convention du 13 octobre 1977, qui est une norme conventionnelle par laquelle la Belgique a pris un engagement de droit international à l'égard d'un autre Etat.

B.6. De même que les autres conventions préventives de la double imposition, la Convention du 13 octobre 1977 a pour objectif premier de supprimer la double imposition internationale ou d'en atténuer les effets, ce qui implique que les Etats contractants renoncent, partiellement ou totalement, à exercer le droit que leur confère leur législation d'imposer certains revenus. La Convention règle donc la répartition du pouvoir d'imposition entre l'Etat de résidence du contribuable et l'Etat de la source des revenus, et ne crée pas de nouvelles obligations fiscales par rapport à leur droit interne.

B.7. L'article 24 de la Convention du 13 octobre 1977 se réfère aux conditions et au taux prévus par la loi belge et assure par là un traitement égal aux contribuables auxquels les dispositions relatives à la QFIE sont applicables. La différence de traitement résulte de la combinaison de cette disposition avec « la législation belge » à laquelle elle se réfère.

B.8. Le principe de l'imputation de la QFIE sur l'impôt dû visé dans la disposition en cause a pour origine l'article 187 du CIR 1964.

L'article 187, alinéa 1er, du CIR 1964 disposait : « Pour ce qui concerne les revenus et produits de capitaux et biens mobiliers et les revenus divers visés à l'article 67, 4° à 6°, qui ont été soumis à l'étranger à un impôt analogue à l'impôt des personnes physiques, à l'impôt des sociétés ou à l'impôt des non-résidents, l'impôt est préalablement diminué d'une quotité forfaitaire de cet impôt étranger sauf en cas d'application de l'article 93, § 1er, 1°bis, d à g ».

L'article 285, en cause, du CIR 1992 est issu dudit article 187 du CIR 1964, à la suite de la coordination des dispositions législatives relatives aux impôts sur les revenus (arrêté royal du 10 avril 1992, confirmé par la loi du 12 juin 1992).

B.9. Il découle de ce qui précède que le législateur a considéré qu'une QFIE pouvait être imputée sur l'impôt des sociétés frappant les intérêts étrangers perçus pour autant que ces intérêts aient été soumis, à l'étranger, à une imposition dans l'Etat de la source et pour autant que les intérêts en question soient utilisés pour l'exercice de l'activité professionnelle en Belgique (article 285 du CIR 1992). Il s'agit en principe d'une mesure pertinente au regard de l'objectif de prévenir ou d'atténuer la double imposition internationale.

B.10. Les dispositions en cause, cependant, peuvent avoir pour effet qu'une société belge redevable de l'impôt qui perçoit des intérêts d'origine australienne et qui subit une imposition en Australie, Etat de la source des revenus, ne puisse pas imputer en Belgique la QFIE qui lui est accordée. Tel est notamment le cas lorsque sa base imposable est insuffisante, pour l'exercice imposable considéré.

Cette situation résulte du fait qu'en prévoyant la possibilité d'un impôt à la source, en ce qui concerne les intérêts (article 11), la Convention du 13 octobre 1977 s'écarte de la méthode, traditionnelle en Belgique et dans la plupart des pays européens, par laquelle est attribué à l'un des deux Etats le droit exclusif de taxation de certains revenus (Doc. parl., Sénat, S.E. 1979, n° 182/2, pp. 1-2) et du fait que la QFIE n'est ni remboursable (article 292 du CIR 1992) ni reportable (article 285 juncto article 292 du CIR 1992).

B.11. L'article 24, paragraphe (2), sous-paragraphe (b), de la Convention du 13 octobre 1977 précise qu'elle s'applique « dans les conditions et au taux fixés par [la législation belge] ».

Le caractère non reportable et le caractère non remboursable de la QFIE, résultant des articles 285 et 292 du CIR 1992, relèvent de ces conditions.

Il appartient à la Cour de vérifier si ces dispositions de droit interne respectent les articles 10 et 11 de la Constitution. A cet égard, il convient de tenir compte du fait que les articles constitutionnels précités ne contiennent aucune interdiction générale de la double imposition (voy. notamment l'arrêt n° 27/2011 du 10 février 2011, B.6, et l'arrêt n° 118/2012 du 10 octobre 2012, B.6.3).

B.12.1. L'article 360 du CIR 1992, aux termes duquel « l'impôt dû pour un exercice d'imposition est établi sur les revenus que le contribuable a recueillis pendant la période imposable », met en oeuvre le principe de l'annualité de l'impôt.

La partie demanderesse devant le juge a quo souligne que d'autres déductions fiscales, telles les pertes fiscales, les déductions non utilisées pour capital à risque et les déductions non utilisées du régime des revenus définitivement taxés, peuvent bien, elles, être reportées ou remboursées lorsque la base imposable, pour un exercice fiscal déterminé, est insuffisante pour pouvoir en bénéficier effectivement.

Le législateur dispose d'un large pouvoir d'appréciation pour déterminer, en fonction des objectifs particuliers qui caractérisent chaque déduction fiscale accordée, quelles sont celles qui peuvent déroger à la règle de l'annualité de l'impôt et dans quelle mesure elles peuvent le faire.

B.12.2. L'imputation de la QFIE sur l'impôt dû n'est pas un élément de la détermination du revenu net susceptible d'influencer l'assiette de l'impôt des sociétés. Elle ne peut donc être utilement comparée aux déductions citées par la partie demanderesse devant le juge a quo.

Aux termes de l'article 276 du CIR 1992, l'imputation de la QFIE est un moyen d'acquitter l'impôt. Elle peut être comparée aux autres moyens d'acquitter l'impôt qui sont réglés par le titre VI du CIR 1992.

La section V du chapitre II du titre VI du CIR 1992 définit, dans ses articles 290 à 295, les limites d'imputation du précompte immobilier, du précompte mobilier, de la quotité forfaitaire d'impôt étranger et du crédit d'impôt.

Dans chacun de ces articles, le législateur a fixé des limites d'imputation spécifiques, y compris en ce qui concerne le caractère reportable ou la possibilité de restitution.

Les travaux préparatoires de l'article 48, § 7, du CIR 1964 qui est à l'origine des articles 290 à 295 du CIR 1992, indiquent : « Ce paragraphe fixe les plafonds d'imputabilité des précomptes à l'impôt global et le remboursement de l'excédent éventuel.

D'après le système du projet initial on prévoit que ni le précompte immobilier, ni le précompte mobilier, ni la quotité forfaitaire d'impôt étranger ne sont imputables à l'impôt global au-delà de la proportion qui correspond aux revenus nets de chacune des catégories auxquelles ils se rapportent.

L'excédent qui dépasse ce montant proportionnel n'est pas restituable au contribuable, tant dans le chef des personnes physiques que dans le cas des sociétés » (Doc. parl., Chambre, 1961-1962, n° 264/42, p. 199).

Les mêmes travaux préparatoires indiquent « que le remboursement de tous les précomptes [aurait été] trop onéreux pour le Trésor » (ibid., p. 34), qu'il importait de ménager une période de transition entre l'ancien et le nouveau régime et que dès lors la réforme aurait « pour conséquences normales d'établir des niveaux de taxation différents d'après la nature des précomptes » (ibid., p. 43).

Le législateur en matière fiscale dispose d'un large pouvoir d'appréciation afin de tenir compte des caractéristiques et des objectifs particuliers de chacun des précomptes et crédits d'impôt concernés pour déterminer les limites d'imputation adaptées à chacun des précomptes et autres moyens d'acquitter l'impôt. En ne permettant pas que la QFIE soit remboursée ou reportée, le législateur a pu raisonnablement considérer que son imputation est destinée à compenser un impôt payé à un autre pays.

B.13. La première question préjudicielle appelle une réponse négative.

Quant à la seconde question préjudicielle B.14. La seconde question préjudicielle concerne l'égalité de traitement entre deux catégories de sociétés qui se trouvent, selon le juge a quo, dans des situations objectivement différentes. La première catégorie concerne les sociétés qui, pour la période imposable, ne présentent aucune base imposable ou présentent une base imposable négative; la seconde catégorie concerne les sociétés qui, pour la période imposable, présentent une base imposable positive. L'article 37, alinéa 3, du CIR 1992 prévoit, à l'égard des deux catégories de sociétés, que la QFIE doit être ajoutée aux revenus nets des capitaux et biens mobiliers, sans faire de distinction en fonction de son imputation effective.

B.15. La prise en compte de la QFIE pour déterminer la base imposable visée dans la disposition en cause a été introduite par l'article 29 de la loi du 7 décembre 1988 portant réforme de l'impôt sur les revenus et modification des taxes assimilées au timbre, qui disposait : «

Art. 29.§ 1er. Les revenus et produits nets de capitaux et biens mobiliers qui sont affectés à l'exercice de l'activité professionnelle, comprennent le précompte mobilier réel ou fictif déterminé aux articles 174, 191, 3°, et 193 du Code des impôts sur les revenus, le crédit d'impôt visé à l'article 135, § 1er, alinéa 2, 1°, et alinéa 3 du même Code, ainsi que la quotité forfaitaire d'impôt étranger visée à l'article 187 dudit Code mais calculée conformément au § 3 du présent article, à l'exclusion des frais d'encaissement et de garde et des autres frais ou charges analogues. § 2. Ce montant n'est toutefois majoré ni du crédit d'impôt ni de la quotité forfaitaire d'impôt étranger visée au § 1er pour les revenus déduits des bénéfices en vertu de l'article 111, 1° et 2°, du même Code. § 3. La quotité forfaitaire d'impôt étranger déductible en vertu de l'article 187 du même Code est fixée à quinze quatre-vingt cinquièmes du montant des revenus encaissés ou recueillis, avant déduction du précompte mobilier ».

Lors de son adoption, l'article 29 précité avait été commenté comme suit : « Article 29 Revenus mobiliers du patrimoine professionnel [...] Les revenus en cause ne peuvent bénéficier du précompte mobilier libératoire; ils ne sont d'ailleurs pas déclarés comme tels, mais incorporés dans les revenus professionnels imposables.

Ils donnent dès lors droit, étant taxés au taux progressif de l'I.P.P. ou à l'I.Soc., à l'imputation du précompte mobilier ainsi que du crédit d'impôt et de la Q.F.I.E. éventuels.

Actuellement, tant le précompte mobilier que le crédit d'impôt sont incorporés à la base imposable en vertu du principe que le revenu à soumettre à l'impôt est le revenu brut avant perception à la source du précompte imputable, l'impôt n'étant pas une charge déductible.

La Q.F.I.E. fait exception à cette règle, celle-ci étant imputée sans être comprise dans le revenu imposable, les impôts étrangers étant des charges déductibles.

Il s'agit là d'une anomalie que l'article 29 du projet a pour but de corriger en prévoyant que les revenus mobiliers nets imposables comprennent la Q.F.I.E. Il va de soi que pour les revenus qui ne donnent lieu à imputation ni de crédit d'impôt ni de Q.F.I.E., ces éléments ne doivent pas être incorporés à la base imposable; tel est le cas des revenus mobiliers à ranger parmi les R.D.T. (article 29, § 2).

Le § 3 de l'article 29 fixe à 15/85 du revenu avant déduction du précompte mobilier, la Q.F.I.E. à incorporer et à imputer, ce qui représente 15 p.c. du revenu imposable après incorporation de ladite Q.F.I.E. » (Doc. parl., Sénat, S.E. 1988, n° 440/2, p. 125).

Dans le même sens, la circulaire n° Ci.R9.Div/449.830 du 8 avril 1993 précise que, pour l'application de l'article 37 du CIR 1992, le montant de la QFIE « à prendre en considération est dès lors celui qui est réellement imputé conformément aux dispositions conventionnelles.

Ceci est conforme à la logique ayant présidé au brutage de la QFIE par la loi du 7.12.1988, à savoir comprendre en fin de compte dans le revenu net imposable tous les éléments effectivement imputés sur l'impôt dû ». Même si cette circulaire a été conçue en tant qu'instruction relative à l'intégration de la QFIE dans la base imposable lorsque des conventions préventives de la double imposition prévoient l'imputation d'impôts qui n'ont pas été effectivement prélevés à l'étranger, rien n'empêche d'appliquer ce raisonnement à une perception à la source qui a réellement été payée et qui n'a pas pu être imputée au titre de QFIE. Il en résulte que la QFIE ne peut être intégrée aux revenus nets des biens mobiliers conformément à l'article 37, alinéa 3, du CIR 1992 que dans la mesure où elle a été effectivement imputée.

B.16. Il découle de ce qui précède que dans l'interprétation du juge a quo selon laquelle le montant de la QFIE qui n'a pas pu être réellement imputé sur l'impôt dû conformément aux dispositions conventionnelles doit être ajouté aux revenus nets des capitaux et biens mobiliers, la question préjudicielle appelle une réponse positive. Dans l'interprétation selon laquelle seul le montant de la QFIE effectivement imputé doit être ajouté aux revenus nets des capitaux et biens mobiliers, le traitement identique soulevé par le juge a quo n'existe pas et la question préjudicielle appelle une réponse négative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : 1. Les articles 285 et 292 du Code des impôts sur les revenus 1992 ne violent pas les articles 10 et 11 de la Constitution.2. Dans l'interprétation selon laquelle le montant de la quotité forfaitaire d'impôt étranger qui n'a pas pu être réellement imputé sur l'impôt dû conformément aux dispositions conventionnelles doit être ajouté aux revenus nets des capitaux et biens mobiliers, l'article 37, alinéa 3, du même Code viole les articles 10 et 11 de la Constitution. - Dans l'interprétation selon laquelle seul le montant de la quotité forfaitaire d'impôt étranger réellement imputé doit être ajouté aux revenus nets des capitaux et biens mobiliers, l'article 37, alinéa 3, du même Code ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution.

Ainsi prononcé en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, à l'audience publique du 29 janvier 2014.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux Le président, M. Bossuyt

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