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Arrêt
publié le 18 avril 2014

Extrait de l'arrêt n° 18/2014 du 29 janvier 2014 Numéro du rôle : 5635 En cause : les questions préjudicielles concernant l'article 21, § 6, 2°, juncto l'article 9, et l'article 40bis La Cour constitutionnelle, composée des présidents A. Alen et J. Spreutels, des juges L. Lavryse(...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 18/2014 du 29 janvier 2014 Numéro du rôle : 5635 En cause : les questions préjudicielles concernant l'article 21, § 6, 2°, juncto l'article 9, et l'article 40bis (tel qu'il a été inséré par l'article 5 du décret du 12 décembre 2003) du décret de la Région flamande du 23 janvier 1991 relatif à la protection de l'environnement contre la pollution due aux engrais, posées par la Cour d'appel de Bruxelles.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents A. Alen et J. Spreutels, des juges L. Lavrysen, E. Derycke, P. Nihoul et T. Giet, et, conformément à l'article 60bis de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, du président émérite M. Bossuyt, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président émérite M. Bossuyt, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des questions préjudicielles et procédure Par arrêt du 24 avril 2013 en cause de Bertrand Antheunis contre la « Vlaamse Landmaatschappij » et la Région flamande, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 8 mai 2013, la Cour d'appel de Bruxelles a posé les questions préjudicielles suivantes : 1. « L'article 5 du décret du 12 décembre 2003 (M.B. 23 janvier 2004) modifiant le décret du 23 janvier 1991 relatif à la protection de l'environnement contre la pollution due aux engrais, qui insère dans le décret précité du 23 janvier 1991 un article 40bis, dont les modalités ont été réglées par l'arrêté du 11 mars 2005 (M.B. 27 avril 2005), combiné avec l'article 21, § 6, 2°, du décret du 23 janvier 1991 relatif à la protection de l'environnement contre la pollution due aux engrais, viole-t-il les articles 10, 11 et 172 de la Constitution, en ce que ces dispositions législatives offrent à une première catégorie de redevables disposant d'excédents d'engrais au cours de l'année de production 2001, 2002 et/ou 2003, qui se sont inscrits dans le parcours de transformation d'engrais, la possibilité de bénéficier d'un report et même d'une suppression du paiement de la redevance complémentaire SH2, imposée par suite de l'article 21, § 6, 2°, du décret du 23 janvier 1991, pour l'année de production 2001, 2002 et/ou 2003, tandis que cette possibilité n'a pas été offerte à une deuxième catégorie de redevables disposant d'excédents d'engrais au cours de l'année de production 2001, 2002 et/ou 2003, qui se sont inscrits dans le parcours de cessation progressive volontaire de leur cheptel ? »; 2. « L'article 5 du décret du 12 décembre 2003 (M.B. 23 janvier 2004) modifiant le décret du 23 janvier 1991 relatif à la protection de l'environnement contre la pollution due aux engrais, qui insère dans le décret précité du 23 janvier 1991 un article 40bis, dont les modalités ont été réglées par l'arrêté du 11 mars 2005 (M.B. 27 avril 2005), combiné avec l'article 21, § 6, 2°, du décret du 23 janvier 1991 relatif à la protection de l'environnement contre la pollution due aux engrais, viole-t-il les articles 10, 11 et 172 de la Constitution, pris isolément et combinés avec le principe général de la sécurité juridique et avec le principe général de la non-rétroactivité de la loi, en ce que ces dispositions législatives offrent à une première catégorie de redevables disposant d'excédents d'engrais au cours de l'année de production 2001, 2002 et/ou 2003, qui se sont inscrits dans le parcours de transformation d'engrais, la possibilité de bénéficier d'un report et même d'une suppression du paiement de la redevance complémentaire SH2, imposée par suite de l'article 21, § 6, 2°, du décret du 23 janvier 1991, pour l'année de production 2001, 2002 et/ou 2003, tandis que cette possibilité n'a pas été offerte à une deuxième catégorie de redevables disposant d'excédents d'engrais au cours de l'année de production 2001, 2002 et/ou 2003, qui ne se sont pas inscrits dans le parcours de transformation d'engrais, alors que ces dispositions n'étaient pas encore connues respectivement à la fin de la période imposable de l'année de production 2001, 2002 et 2003 ? »; 3. « L'article 21, § 6, 2°, juncto l'article 9 du décret du 23 janvier 1991 relatif à la protection de l'environnement contre la pollution due aux engrais viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'il traite des entreprises qui se trouvent dans une situation inégale, à savoir des entreprises qui sont capables de transformer de l'engrais et des entreprises qui ne sont pas capables de le faire, de la même manière, à savoir en imposant une obligation de transformation d'engrais, sanctionnée par une redevance complémentaire ? ». (...) III. En droit (...) B.1. Le décret de la Région flamande du 23 janvier 1991 relatif à la protection de l'environnement contre la pollution due aux engrais a été en grande partie abrogé par le décret du 22 décembre 2006 concernant la protection des eaux contre la pollution par les nitrates à partir de sources agricoles. Pour répondre aux questions préjudicielles, la Cour doit toutefois prendre en considération le premier décret cité, tel qu'il était applicable pour l'année d'imposition 2004.

B.2.1. Le décret du 23 janvier 1991 vise à protéger l'environnement contre la pollution due à la production et à l'utilisation d'engrais (article 2). L'imposition de « redevances » est une des mesures qui doivent permettre d'atteindre cet objectif (chapitre VII). Le décret prévoit une « redevance de base », une « redevance d'écoulement » et une « redevance complémentaire ».

B.2.2. La « redevance de base » s'applique, en ce qui concerne l'année d'imposition 2004, à tout producteur dont l'entreprise a produit, durant l'année civile écoulée, une quantité d'effluents d'élevage supérieure à 300 kg d'anhydride phosphorique (article 21, § 1er), à tout producteur ou utilisateur qui épand des engrais chimiques sur le sol (article 21), § 3), à tout producteur ou utilisateur qui épand d'autres engrais que des effluents d'élevage ou des engrais chimiques (article 21, § 2) et à tout importateur d'excédents d'engrais (article 21, § 5).

La « redevance d'écoulement » est applicable à tout producteur qui a « échangé » des effluents d'élevage au cours de l'année civile écoulée, par l'entremise de la « Mestbank » (article 21, § 4).

La « redevance complémentaire » est perçue à charge de tout producteur qui a produit plus d'effluents d'élevage que la teneur en nutriments (article 21, § 6, 1°) ou qui n'a pas satisfait à l'obligation de transformation d'engrais ou à l'obligation d'exportation (article 21, § 6, 2°).

B.2.3. La notion de teneur maximale en nutriments a été introduite afin de lutter contre l'augmentation de la production d'effluents d'élevage au niveau de l'entreprise. Il s'agit de la quantité maximale d'effluents d'élevage, exprimée en kilogrammes d'azote et d'anhydride phosphorique, qu'une exploitation agricole ou un élevage de bétail peut produire (article 33ter, § 1er, 1°, a).

La teneur maximale en nutriments est attribuée individuellement à chaque exploitation agricole, élevage ou partie d'élevage de bétail qui satisfait à la définition d' « élevage de bétail existant » (au sens de l'article 2, 7°) et dont il a été fait déclaration chaque année, à intervalles réguliers et dans les délais, au moins depuis l'année d'imposition 1995, à la « Mestbank ». Elle est fixée sur la base de la quantité d'engrais produite au cours des années 1995, 1996 ou 1997, l'année où la production a été la plus élevée étant prise en considération (article 33bis, § 1er).

B.3.1. L'article 9, § 3, du décret du 23 janvier 1991, tel qu'il était applicable pour l'année d'imposition 2004, disposait : « Le Gouvernement flamand peut imposer aux producteurs d'effluents d'élevage l'obligation de transformer intégralement ou partiellement et/ou d'exporter en tout ou en partie leurs effluents d'élevage, dans la mesure où l'excédent d'engrais de l'entreprise ou la production d'engrais de l'entreprise dépasse un plafond déterminé par le Gouvernement flamand sur la base de l'excédent d'engrais au niveau de la Région flamande. Le Gouvernement flamand peut déterminer les modalités en la matière ».

B.3.2. L'article 21, § 6, 2°, du même décret disposait : « Il est levé une redevance complémentaire SH1 et SH2 dont le produit revient intégralement à la Mestbank, à charge de chaque producteur : [...] 2° N'ayant pas satisfait à l'obligation de transformation et/ou d'exportation d'engrais, visée à l'article 9;le montant de cette redevance complémentaire SH2 est calculé sur la base de la formule suivante : SH2 = ((VPn - GVn) x Xvn) + ((VPp - GVp) x Xvp) où : - VPn = l'obligation de transformation d'effluents d'élevage, exprimée en kg de N, conformément à la définition de l'article 9; - VPp = l'obligation de transformation d'effluents d'élevage, exprimée en kg de P2O5, conformément à la définition de l'article 9; - GVn = l'obligation de transformation d'effluents d'élevage réalisée conformément à la déclaration, exprimée en kg de N; - GVp = l'obligation de transformation d'effluents d'élevage réalisée conformément à la déclaration, exprimée en kg de P2O5; - Xvn = le taux de la redevance complémentaire pour l'obligation de transformation d'effluents d'élevage non réalisée, exprimé en N; - Xvp = le taux de la redevance complémentaire pour l'obligation de transformation d'effluents d'élevage non réalisée, exprimé en P2O5.

Les taux de redevance, visés à l'alinéa premier, sont déterminés comme suit : - Xspn = 0,99 EUR/kg de N; - Xspp = 0,99 EUR/kg de P2O5; - Xvn = . 0,24 EUR/kg de N pour l'année de production 2000; . 0,49 EUR/kg de N pour les années de production 2001 et 2002; . 0,99 EUR/kg de N à partir de l'année de production 2003; - Xvp = . 0,24 EUR/kg de P2O5 pour l'année de production 2000; . 0,49 EUR/kg de P2O5 pour les années de production 2001 et 2002; . 0,99 EUR/kg de P2O5 à partir de l'année de production 2003 ».

B.3.3. L'article 40bis du même décret, tel qu'il a été inséré par l'article 5 du décret du 12 décembre 2003, disposait : « Pour une période transitoire jusqu'au 31 décembre 2006 inclus, il est accordé, à partir de l'année de production 2001, un report de la redevance complémentaire SH2, visée à l'article 21, § 6, 2°, à tout producteur qui a obtenu une autorisation écologique et le permis de bâtir ou l'autorisation urbanistique pour une installation de transformation et/ou une installation de traitement d'effluents d'élevage ainsi qu'à tout producteur qui a conclu des contrats de fourniture avec une installation de transformation autorisée. La somme des volumes d'engrais contractés sur base annuelle ne peut être supérieure à la capacité autorisée sur base annuelle. La remise de la redevance complémentaire est valable à partir de l'année calendaire de l'approbation de l'autorisation écologique et du permis de bâtir ou de l'autorisation urbanistique jusqu'à la transformation effective des nutriments dans l'installation de transformation opérationnelle. La remise est plafonnée à deux ans pour les autorisations et permis délivrés après le 31 décembre 2002. Pour les autorisations et permis délivrés avant le 31 décembre 2002, la remise est valable jusqu'au 31 décembre 2004. Le Gouvernement flamand peut arrêter les modalités en la matière.

Lorsqu'au plus tard deux ans après la délivrance de l'autorisation écologique et le permis de bâtir ou l'autorisation urbanistique, l'installation de transformation est opérationnelle et la transformation réalisée dépasse dans cette année de production la transformation stipulée, la remise de la redevance complémentaire est supprimée et non perçue. Le Gouvernement flamand peut arrêter les modalités en la matière ».

Cette disposition produit ses effets à partir du 1er janvier 2003 (article 6 du décret du 12 décembre 2003). Elle prévoit, avec effet rétroactif jusqu'à l'année de production 2001, que la redevance complémentaire SH2 peut être reportée pour une période de deux ans et peut même être remise, lorsqu'il est démontré que l'installation de transformation d'engrais est opérationnelle au plus tard deux ans après l'octroi du permis d'environnement et du permis de bâtir ou du permis d'urbanisme et que la transformation d'engrais réalisée dépasse, au cours de cette année de production, la transformation d'engrais stipulée.

B.4. Le juge a quo demande à la Cour si l'article 40bis du décret du 23 janvier 1991 viole les articles 10, 11 et 172 de la Constitution en ce qu'il prévoit pour une seule catégorie de producteurs un régime de report et d'exonération de la redevance complémentaire SH2 (première question préjudicielle), si la même disposition viole les articles 10, 11 et 172 de la Constitution, combinés avec les principes de la sécurité juridique et de la non-rétroactivité de la loi, en ce qu'elle confère un effet rétroactif au régime de report et d'exonération précité (deuxième question préjudicielle) et si l'article 21, § 6, 2°, combiné avec l'article 9 du décret du 23 janvier 1991, viole les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'il soumet de la même manière à la redevance complémentaire des producteurs qui se trouvent dans des situations différentes, selon qu'ils sont en mesure ou non de transformer l'engrais (troisième question préjudicielle).

B.5. Les articles 10 et 11 de la Constitution garantissent le principe d'égalité et de non-discrimination. L'article 172 de la Constitution est une application particulière de ce principe en matière fiscale.

B.6. Il appartient au législateur décrétal de déterminer les exonérations de la redevance complémentaire qu'il prévoit. Il dispose en la matière d'une marge d'appréciation étendue.

Lorsqu'il établit des exonérations ou des mesures analogues, telles celles prévues par l'article 40bis en cause, le législateur décrétal doit pouvoir faire usage de catégories qui, nécessairement, n'appréhendent la diversité de situations qu'avec un certain degré d'approximation. Le recours à ce procédé n'est pas déraisonnable en soi; il convient néanmoins d'examiner s'il en va de même pour la manière dont le procédé a été utilisé.

B.7. L'article 40bis a été justifié comme suit au cours des travaux préparatoires : « Cet article vise à encourager la transformation d'engrais en prévoyant un incitant considérable sous la forme d'une réduction de la redevance complémentaire SH2 sur les quantités non transformées de nutriments pour les années de production antérieures à la mise en marche d'une installation de transformation d'engrais. En effet, actuellement, certaines entreprises sont confrontées à un double coût : les redevances complémentaires et les frais d'investissement pour une installation de transformation. Un double système est proposé afin de tempérer ce cumul.

Dans une première phase, il est prévu une possibilité de reporter le paiement de la redevance complémentaire à condition de manifester clairement sa volonté d'investir. Ce report commence au moment où l'entreprise soumise à l'obligation de transformation d'engrais dispose d'un permis de bâtir et d'un permis d'environnement approuvés.

L'entreprise reçoit ensuite un délai de deux ans pour construire l'installation et rendre la transformation d'engrais opérationnelle.

Le report de la redevance complémentaire ne signifie pas l'exonération automatique. Dans la seconde phase, l'exonération de la redevance complémentaire SH2 est prévue sous certaines conditions, à savoir qu'il faut transformer une plus grande quantité de nutriments que celle imposée par l'obligation de transformation d'engrais stipulée » (Doc. parl., Parlement flamand, 2002-2003, n° 1695/3, p. 6).

Dans la suite des travaux parlementaires, la possibilité de report et d'exonération de la redevance complémentaire a également été accordée à « tout producteur qui a conclu des contrats de fourniture avec une installation de transformation autorisée ». Cet ajout « incite à la transformation d'engrais et veille à ce que les producteurs et transformateurs qui ont déjà fourni des efforts puissent également être récompensés » (Doc. parl., Parlement flamand, 2002-2003, n° 1695/4, p. 9).

B.8. Le « double coût » qu'implique, selon les travaux préparatoires, la redevance complémentaire ne saurait, en tant que tel, justifier la différence de traitement mentionnée dans la première question préjudicielle. Comme l'indique l'appelant devant le juge a quo dans son mémoire en réponse, le producteur d'excédents d'engrais qui a suivi la voie de la suppression progressive volontaire du cheptel est confronté à un « double coût » semblable à celui du producteur d'excédents d'engrais qui a choisi la voie de la transformation d'engrais.

Néanmoins, il n'est pas sans justification raisonnable de prévoir, à titre de mesure transitoire, un régime de report et d'exonération en faveur d'une catégorie déterminée de redevables, plus précisément les producteurs d'excédents d'engrais qui ont choisi la voie de la transformation d'engrais. En effet, il ressort des travaux préparatoires que le législateur décrétal souhaitait encourager en particulier la transformation d'engrais : « Dans le cadre de la mise en oeuvre de la directive européenne sur les nitrates, le Gouvernement flamand a développé une politique à trois voies afin d'éliminer les excédents d'engrais. La première voie, qui doit générer une diminution de 25 % des excédents d'engrais, consiste en une intervention à la source, par de nouvelles techniques de fourrage et une restructuration de l'élevage de bétail (fondée sur l'arrêté du 20 avril 2001 réglant l'arrêt de la production d'effluents d'élevage). Par des techniques d'épandage plus efficaces, qui constituent la deuxième voie, 25 % de l'excédent doit aussi pouvoir être utilisé dans le sol. La troisième voie, la transformation d'engrais, devrait permettre une diminution de 50 % des excédents d'engrais.

Les deux premières voies fonctionnent bien. La troisième voie, celle de la transformation d'engrais, est à la traîne. Il était prévu qu'en 2003, 2,4 millions de tonnes de fumier de porc soient transformées, mais, dans l'intervalle, les installations d'engrais n'ont pu transformer que 1,5 million de tonnes. Une intervention publique urgente s'impose ici. Par cette proposition de décret, nous voulons maintenir la pression sur le secteur et rendre l'intervention publique plus active ». (Doc. parl., Parlement flamand, 2002-2003, n° 1695/1, p. 2). L'extension du régime de report et d'exonération à « tout producteur qui a conclu des contrats de fourniture avec une installation de transformation autorisée » répond aussi à la volonté précitée du législateur décrétal.

B.9. La première question préjudicielle appelle une réponse négative.

B.10. La non-rétroactivité des lois est une garantie qui a pour but de prévenir l'insécurité juridique. Cette garantie exige que le contenu du droit soit prévisible et accessible, de sorte que le justiciable puisse prévoir, à un degré raisonnable, les conséquences d'un acte déterminé au moment où cet acte est accompli. La rétroactivité peut uniquement être justifiée lorsqu'elle est indispensable pour réaliser un objectif d'intérêt général.

B.11. La rétroactivité conférée à l'article 40bis vise à garantir l'effet utile de la mesure transitoire contenue dans cette disposition : « Plusieurs éleveurs de bétail et entreprises ont déjà beaucoup investi dans la transformation d'engrais, ainsi qu'il est apparu des auditions. Les solutions proposées ne peuvent léser ceux qui ont déjà pris des initiatives, en prévoyant un assouplissement pour ceux qui ont adopté un comportement attentiste. D'où la proposition de rembourser graduellement la redevance complémentaire payée pour les années d'imposition précédentes (principe de la ristourne) » (Doc. parl., Parlement flamand, 2002-2003, n° 1695/5, pp. 5-6).

B.12. Dès lors qu'il a été établi, dans le cadre de l'examen de la première question préjudicielle, que les catégories de redevables mentionnées en B.8 ne doivent pas bénéficier de la même mesure transitoire, la rétroactivité de cette mesure transitoire trouve également sa justification dans le fait que ces catégories se trouvent dans des situations différentes.

En instaurant la mesure transitoire, le législateur décrétal n'a dès lors pas porté une atteinte discriminatoire au principe de la sécurité juridique. Il n'est certes pas exclu que certains producteurs d'excédents d'engrais qui ont suivi la voie de la suppression progressive volontaire de leur cheptel aient regretté, après l'instauration de la mesure transitoire, de ne pas avoir choisi la voie de la transformation d'engrais, mais ce désavantage ne saurait prévaloir contre la préoccupation du législateur décrétal d'encourager la transformation d'engrais en ne désavantageant pas ceux qui ont pris l'initiative de construire une installation de transformation d'engrais ou qui ont assuré le fonctionnement d'une installation de transformation d'engrais autorisée en concluant des contrats de fourniture.

B.13. La deuxième question préjudicielle appelle une réponse négative.

B.14. Eu égard à l'objectif du décret du 23 janvier 1991, qui consiste à protéger l'environnement contre la pollution par les engrais, et au pouvoir d'appréciation étendu dont dispose le législateur décrétal en la matière, il n'est pas sans justification raisonnable de soumettre les différents producteurs d'excédents d'engrais au même régime, en ce qui concerne la transformation d'engrais et la redevance complémentaire qui y est liée, indépendamment de la nature et de la possibilité de transformation de ces excédents d'engrais et par application du principe du pollueur-payeur.

B.15. La troisième question préjudicielle appelle une réponse négative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 21, § 6, 2°, combiné avec l'article 9, et l'article 40bis du décret de la Région flamande du 23 janvier 1991 relatif à la protection de l'environnement contre la pollution due aux engrais, tels qu'ils étaient applicables pour l'année d'imposition 2004, ne violent pas les articles 10, 11 et 172 de la Constitution.

Ainsi prononcé en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, à l'audience publique du 29 janvier 2014.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux Le président, M. Bossuyt

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