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Arrêt
publié le 08 juillet 2015

Extrait de l'arrêt n° 64/2015 du 21 mai 2015 Numéro du rôle : 5877 En cause : les questions préjudicielles relatives à l'article 40 du décret de la Région flamande du 15 juillet 1997 contenant le Code flamand du Logement, posées par le Consei La Cour constitutionnelle, composée des présidents A. Alen et J. Spreutels, et des juges E. De G(...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 64/2015 du 21 mai 2015 Numéro du rôle : 5877 En cause : les questions préjudicielles relatives à l'article 40 du décret de la Région flamande du 15 juillet 1997 contenant le Code flamand du Logement, posées par le Conseil d'Etat.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents A. Alen et J. Spreutels, et des juges E. De Groot, L. Lavrysen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke, T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, F. Daoût, T. Giet et R. Leysen, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président A. Alen, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des questions préjudicielles et procédure Par arrêt n° 226.631 du 7 mars 2014, en cause de la SCRL-FS « Merelbeekse Sociale Woningen » contre la Région flamande, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 17 mars 2014, le Conseil d'Etat a posé les questions préjudicielles suivantes : 1. « L'article 40, et plus précisément les paragraphes 1er, 3 et 5 [lire : paragraphes 1er, alinéa 2, 5°, et 3] qu'il contient, du Code flamand du logement du 29 avril 2011 viole-t-il le principe d'égalité, tel qu'il est défini par les articles 10 et 11 de la Constitution, en ce que ces dispositions prévoient que les sociétés de logement social doivent adopter les modèles de statuts établis par le Gouvernement flamand, dont l'article 14 constitue une exception à l'article 661, 4°, du Code des sociétés, de sorte qu'en matière de droit de vote et de participation au vote dans les sociétés à finalité sociale, des règles différentes s'appliquent par rapport à d'autres sociétés ? »;2. « L'article 40, et plus précisément les paragraphes 1er, 3 et 5 [lire : paragraphes 1er, alinéa 2, 5°, et 3] qu'il contient, du Code flamand du logement du 29 avril 2011 viole-t-il le principe d'égalité, tel qu'il est défini par les articles 10 et 11 de la Constitution, en ce que ces dispositions prévoient que les sociétés de logement social doivent adopter les modèles de statuts établis par le Gouvernement flamand, dont l'article 14 constitue une exception à l'article 661, 4°, du Code des sociétés, de sorte qu'en matière de participation au vote dans les sociétés à finalité sociale, des règles différentes s'appliquent pour les actionnaires privés par rapport aux actionnaires publics ? ». (...) III. En droit (...) B.1. Les questions préjudicielles portent sur le droit de vote dans les sociétés de logement social.

En vertu de l'article 40, § 1er, alinéa 1er, du décret du 15 juillet 1997 contenant le Code flamand du Logement (ci-après : le Code flamand du logement), le Gouvernement flamand peut reconnaître comme société de logement social des sociétés qui poursuivent une finalité sociale répondant aux objectifs de la politique flamande du logement.

Pour être agréées, et pour conserver cet agrément, ces sociétés doivent satisfaire à certaines conditions. Une de ces conditions consiste à adopter les statuts-types établis par le Gouvernement flamand et à s'engager à adapter immédiatement leurs statuts à toute modification ultérieure que le Gouvernement flamand apporterait à ces statuts-types (article 40, § 1er, alinéa 2, 5°, du Code flamand du logement).

Les sociétés de logement social adoptent en outre la forme d'une société coopérative ou d'une société anonyme à finalité sociale. Aux termes de l'article 661 du Code des sociétés, une société à finalité sociale est une société qui n'est pas vouée à l'enrichissement de ses associés. Le Code des sociétés est applicable aux sociétés de logement social dans la mesure où il n'y est pas dérogé dans le Code flamand du logement ou dans les statuts (article 40, § 2, alinéa 1er, du Code flamand du logement).

B.2.1. L'article 40, § 2, du Code flamand du logement dispose : « Les sociétés de logement social adoptent, sans perdre leur caractère civil, la forme de sociétés coopératives ou anonymes à but social. Le Code des Sociétés s'applique à ces sociétés pour autant qu'il n'y soit pas dérogé dans le Code flamand du Logement ou dans les statuts.

L'article 661, premier alinéa, 7° et 8°, du Code des Sociétés, ne s'applique pas aux sociétés de logement social. [...] ».

B.2.2. L'article 40, § 3, alinéa 2, du même Code dispose : « Lorsque la Région flamande, une province, des communes et des centres publics d' [action] sociale possèdent conjointement la majorité du capital social, leurs délégués doivent être majoritaires dans le conseil d'administration. L'article 661, premier alinéa, 4°, du Code des Sociétés ne s'applique pas à ces derniers ».

Les questions préjudicielles portent en substance sur cette disposition, et en particulier sur la dernière phrase de cette disposition.

B.3. L'article 661, alinéa 1er, 4°, du Code des sociétés, auquel renvoie l'article 40 du Code flamand du logement, prévoit que les statuts d'une société à finalité sociale doivent « stipule [r] que nul ne peut prendre part au vote à l'assemblée générale pour un nombre de voix dépassant le dixième des voix attachées aux parts ou actions représentées; ce pourcentage est porté au vingtième lorsqu'un ou plusieurs associés ont la qualité de membre du personnel engagé par la société ».

B.4. En prévoyant que l'article 661, alinéa 1er, 4°, du Code des sociétés n'est pas applicable aux associés ou actionnaires publics d'une société de logement social, l'article 40, § 3, alinéa 2, du Code flamand du logement permet que les statuts des sociétés de logement social ne limitent pas le nombre de voix des associés ou actionnaires, ou de certains associés ou actionnaires, à un dixième du nombre de voix attachées aux parts ou actions représentées.

Le Gouvernement flamand a fait usage de cette possibilité. Les statuts-types d'une société coopérative à responsabilité limitée à finalité sociale figurent dans l'annexe 1 de l'arrêté du Gouvernement flamand du 22 octobre 2010 fixant les conditions complémentaires et la procédure pour l'agrément comme société de logement social et établissant la procédure d'évaluation des prestations des sociétés de logement social. Les statuts-types d'une société anonyme à finalité sociale figurent dans l'annexe 2 du même arrêté.

Selon l'article 14 des deux statuts-types, la Région flamande, la province, les communes et les centres publics d'action sociale ont autant de voix qu'ils possèdent d'actions ou parts. Aucun autre associé ne peut participer au vote pour un nombre de voix dépassant le dixième des voix attachées aux parts ou actions représentées.

B.5. Par ses questions préjudicielles, le juge a quo demande à la Cour si l'article 40 du Code flamand du logement viole les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'il oblige les sociétés de logement social à adopter les statuts-types précités, de sorte qu'en matière de droit de vote et de participation au vote, les règles qui s'appliquent dans les sociétés à finalité sociale diffèrent de celles qui s'appliquent dans d'autres sociétés (première question préjudicielle) et les règles applicables aux associés ou actionnaires privés diffèrent de celles qui s'appliquent aux associés ou actionnaires publics (seconde question préjudicielle).

Etant donné que les questions préjudicielles portent sur la possibilité de déroger, pour les sociétés de logement social, aux règles ordinaires qui s'appliquent aux sociétés à finalité sociale, et plus précisément à l'article 661, alinéa 1er, 4°, du Code des sociétés, la première question préjudicielle doit être interprétée en ce sens qu'elle concerne la différence de traitement, parmi les sociétés à finalité sociale, entre les sociétés de logement social et les autres sociétés; la seconde question préjudicielle doit être interprétée en ce sens qu'elle concerne, au sein des sociétés de logement social, la différence de traitement des associés ou actionnaires privés par rapport aux associés ou actionnaires publics.

Eu égard à leur connexité, les deux questions préjudicielles sont examinées ensemble.

B.6. En matière de politique du logement, qui occupe une place centrale dans les politiques sociales et économiques des sociétés modernes, la Cour doit, compte tenu de l'obligation faite au législateur décrétal, par l'article 23, alinéa 3, 3°, de la Constitution, de garantir le droit à un logement décent, respecter l'appréciation de ce législateur quant à l'intérêt général, sauf si cette appréciation est sans justification raisonnable.

B.7.1. Comme il est dit en B.1, une société à finalité sociale est une société qui n'est pas vouée à l'enrichissement de ses associés. Une telle société ne peut de surcroît agir en tant que société de logement social que si elle a été agréée à cette fin par le Gouvernement flamand. Le retrait de l'agrément implique d'office la dissolution de la société et le patrimoine de la société dissoute, après apurement du passif et remboursement éventuel de l'apport aux associés, est transféré à une autre société de logement social.

En cas d'agrément, de fusion ou de conversion d'une société de logement social, le Gouvernement flamand a le droit de souscrire, au nom de la Région flamande, à un quart au maximum du capital social de la société de logement social. Lorsque les autorités publiques (la Région flamande, les provinces, les communes et les centres publics d'action sociale) détiennent la majorité du capital social, leurs délégués doivent détenir la majorité au sein du conseil d'administration. De sa propre initiative ou à la demande du contrôleur, le Gouvernement flamand peut infliger des sanctions à une société de logement social, notamment lorsqu'elle n'exerce pas correctement ses missions. La sanction peut aller jusqu'au retrait de l'agrément.

La mission essentielle des sociétés de logement social consiste à améliorer les conditions d'habitation des ménages et personnes isolées en manque de logement, en garantissant une offre suffisante d'habitations sociales de location et d'achat. Le financement des sociétés de logement social est essentiellement supporté par la Région flamande.

Il ressort de ce qui précède que les sociétés de logement social doivent être considérées comme des « exécutants privilégiés » de la politique flamande du logement, ce qui est par ailleurs expressément confirmé à l'article 29 du Code flamand du logement.

B.7.2. Dans la mesure où les sociétés de logement social doivent être considérées comme des « exécutants privilégiés » de la politique flamande du logement, le législateur décrétal pouvait prendre les mesures nécessaires pour que ces sociétés mènent une politique qui soit conforme à la politique flamande du logement.

B.8. Eu égard à ce qui précède et compte tenu du pouvoir d'appréciation étendu dont dispose le législateur décrétal en matière de politique du logement, les différences de traitement en cause ne sont pas sans justification raisonnable.

B.9. Les questions préjudicielles appellent une réponse négative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 40, § 1er et § 3, alinéa 2, du décret de la Région flamande du 15 juillet 1997 contenant le Code flamand du Logement ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution.

Ainsi rendu en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 21 mai 2015.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux Le président, A. Alen

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