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Arrêt
publié le 20 juin 2016

Extrait de l'arrêt n° 56/2016 du 28 avril 2016 Numéro du rôle : 6122 En cause : le recours en annulation des articles 27 et 28, 5°, du décret de la Région wallonne du 11 avril 2014 modifiant le décret du 12 avril 2001 relatif à l'organisation La Cour constitutionnelle, composée des présidents J. Spreutels et E. De Groot, et des juges L. (...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 56/2016 du 28 avril 2016 Numéro du rôle : 6122 En cause : le recours en annulation des articles 27 et 28, 5°, du décret de la Région wallonne du 11 avril 2014 modifiant le décret du 12 avril 2001 relatif à l'organisation du marché régional de l'électricité, introduit par l'ASBL « EDORA - Fédération de l'Energie d'Origine Renouvelable et Alternative ».

La Cour constitutionnelle, composée des présidents J. Spreutels et E. De Groot, et des juges L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke, T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, F. Daoût, T. Giet et R. Leysen, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président J. Spreutels, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours et procédure Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 17 décembre 2014 et parvenue au greffe le 18 décembre 2014, un recours en annulation des articles 27 et 28, 5°, du décret de la Région wallonne du 11 avril 2014 modifiant le décret du 12 avril 2001 relatif à l'organisation du marché régional de l'électricité (publié au Moniteur belge du 17 juin 2014, troisième édition) a été introduit par l'ASBL « EDORA - Fédération de l'Energie d'Origine Renouvelable et Alternative », assistée et représentée par Me C. Musialski, avocat au barreau de Bruxelles. (...) II. En droit (...) Quant aux dispositions attaquées et à leur contexte législatif B.1.1. La partie requérante, l'ASBL « EDORA - Fédération de l'Energie d'Origine Renouvelable et Alternative », demande à la Cour d'annuler les articles 27 et 28, 5°, du décret de la Région wallonne du 11 avril 2014 modifiant le décret du 12 avril 2001 relatif à l'organisation du marché régional de l'électricité.

B.1.2. L'article 27 insère, dans le décret du 12 avril 2001 précité (ci-après : le décret « électricité »), sous l'intitulé « Raccordement aux réseaux », un nouvel article 25decies qui dispose comme suit : « § 1er. Les gestionnaires de réseau définissent et publient des procédures transparentes et efficaces pour le raccordement non discriminatoire des installations de production à leur réseau. § 2. Le gestionnaire de réseau de transport local ne peut refuser le raccordement d'une installation de production pour cause d'éventuelles limitations dans les capacités disponibles du réseau, telles que des congestions sur des parties éloignées du réseau ou dans le réseau en amont ou au motif que celui-ci entraînerait des coûts supplémentaires résultant de l'éventuelle obligation d'accroître la capacité des éléments du réseau dans la zone située à proximité du point de raccordement. § 3. Le raccordement au réseau de distribution des installations d'une puissance supérieure à cinq KVA fait l'objet d'une étude préalable par le gestionnaire de réseau. L'étude préalable n'est pas requise pour les installations de production d'électricité verte d'une puissance inférieure ou égale à cinq KVA. Les gestionnaires de réseau sont tenus de fournir les informations relatives au raccordement et à l'accès des installations de production aux réseaux. § 4. Afin de garantir la sécurité du réseau, concernant les installations raccordées en moyenne et haute tension, le producteur doit être capable de réduire sa production en cas de congestion ».

B.1.3. L'article 28, 5°, insère dans l'article 26 du décret « électricité » quatre nouveaux paragraphes qui disposent comme suit : « § 2bis. Sans préjudice des dispositions visées au paragraphe 2, le gestionnaire de réseau donne priorité à l'électricité verte.

Pour les raccordements au réseau de distribution en moyenne et haute tension et au réseau de transport local, le contrat mentionne la capacité permanente d'injection disponible immédiatement dans le réseau pour l'électricité verte produite ainsi que, le cas échéant, les accroissements de capacité jugés économiquement justifiés au regard de l'étude visée au § 2quater et leur agenda de réalisation, afin de répondre le plus complètement possible à la demande d'injection totale du client. § 2ter. Pour les installations mises en service à une date postérieure à la date d'entrée en vigueur de la présente disposition, lorsque le réseau ne permet pas d'accepter la capacité contractuelle dans des conditions normales d'exploitation, pour les installations raccordées au réseau moyenne et haute tension et pour les installations de plus de 5 kVA raccordées au réseau en basse tension, une compensation est octroyée au producteur d'électricité verte pour les pertes de revenus dues aux limitations d'injection imposées par le gestionnaire de réseau, sauf dans les cas suivants : 1° lorsque le gestionnaire de réseau applique les mesures prévues en cas de situation d'urgence, conformément au règlement technique;2° lorsque le raccordement et/ou la capacité d'injection demandée, excédentaire par rapport à la capacité d'injection immédiatement disponible, est jugé en tout ou en partie non économiquement justifié au terme de l'analyse coût/bénéfice visée au § 2quater. Si le gestionnaire de réseau ne peut accepter la totalité de la capacité d'injection mentionnée dans le contrat d'accès et que le raccordement concerné a été jugé, en tout ou en partie, économiquement justifié sur la base de l'étude visée au § 2quater, le gestionnaire de réseau procède aux investissements nécessaires et la compensation pour limitation de capacité ne sera pas due pendant la période d'adaptation du réseau pour la partie dépassant la capacité d'injection immédiatement disponible. Cette limitation est plafonnée à cinq ans.

Ce délai pourra être prolongé par une décision motivée de la CWaPE lorsque le retard dans l'adaptation du réseau est dû à des circonstances que le gestionnaire de réseau ne maîtrise pas.

Sur proposition de la CWaPE concertée avec les gestionnaires de réseaux, le Gouvernement précise les modalités de calcul et de mise en oeuvre de la compensation financière. § 2quater. Sur la base d'une analyse coût-bénéfice, la CWaPE évalue, en concertation avec le producteur/développeur de projet, le caractère économiquement justifié d'un projet de raccordement. Cette analyse examine le caractère économiquement justifié des investissements nécessaires pour permettre une injection excédentaire par rapport à la capacité immédiatement disponible dans des circonstances d'exploitation normales au regard des bénéfices attendus de la production d'électricité verte. Cette analyse coût-bénéfice est notamment basée sur les critères suivants : coût des investissements nécessaires pour le gestionnaire de réseau, adéquation au plan d'adaptation, importance relative de la contribution de la production visée à l'objectif wallon de production d'énergie renouvelable et alternatives possibles à cette production pour atteindre, à moindre coût, les objectifs wallons en matière de production d'énergie renouvelable, impact tarifaire.

La CWaPE analyse le projet sur la base d'un dossier technico-économique intégrant les données fournies par le gestionnaire de réseau et le producteur, notamment les coûts des investissements nécessaires pour le gestionnaire de réseau, l'adéquation au plan d'adaptation et l'impact tarifaire du projet de raccordement.

Sur proposition de la CWaPE concertée avec les gestionnaires de réseaux et les producteurs/développeurs de projet, le Gouvernement précise les modalités de calcul de l'analyse visée à l'alinéa 1er. § 2quinquies. La compensation est due par le gestionnaire de réseau de distribution ou le gestionnaire de réseau de transport local en fonction de l'infrastructure qui limite la capacité contractuelle ».

B.2.1. En vertu de l'article 6, § 1er, VII, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, modifié par la loi spéciale du 8 août 1988, le législateur décrétal a adopté le décret du 11 avril 2014 précité.

B.2.2. Ce décret complète la transposition, pour la Région wallonne, de la directive 2009/72/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 « concernant des règles communes pour le marché intérieur de l'électricité et abrogeant la directive 2003/54/CE » (ci-après : la directive « électricité ») et plus particulièrement son article 23 qui fixe les règles pour le raccordement de nouvelles centrales électriques au réseau de transport.

Le décret du 11 avril 2014 transpose aussi les règles relatives à l'accès aux réseaux favorables aux énergies renouvelables, contenues à l'article 16, paragraphe 2, de la directive 2009/28/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 « relative à la promotion de l'utilisation de l'énergie produite à partir de sources renouvelables et modifiant puis abrogeant les directives 2001/77/CE et 2003/30/CE » (ci-après : la directive « énergies renouvelables ») et à l'article 15, paragraphe 5, de la directive 2012/27/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2012 « relative à l'efficacité énergétique, modifiant les directives 2009/125/CE et 2010/30/UE et abrogeant les directives 2004/8/CE et 2006/32/CE » (ci-après : la directive « efficacité énergétique »).

B.2.3. Les énergies renouvelables ont reçu, en vertu du droit de l'Union européenne précité, des droits prioritaires d'accès au réseau et d'appel sur les réseaux électriques. Le développement des énergies renouvelables ayant eu pour effet de multiplier les points de production décentralisés et les demandes de raccordement aux réseaux régionaux, la Région wallonne a entendu mettre en place des modalités de raccordement nouvelles afin de permettre l'intégration d'un maximum de capacités d'électricité provenant de sources renouvelables sur le réseau.

B.2.4. Le raccordement au réseau est dorénavant garanti par l'article 25decies nouveau du décret « électricité », tel qu'il a été inséré par l'article 27 attaqué du décret du 11 avril 2014, à tous les producteurs conventionnels ou d'électricité verte. Ainsi, le raccordement ne peut plus, comme auparavant, être empêché pour des motifs liés aux capacités disponibles du réseau ou au motif qu'il entraînerait des coûts supplémentaires résultant de l'éventuelle obligation d'accroître la capacité des éléments du réseau dans la zone située à proximité du point de raccordement (article 25decies, § 2).

Les conditions de raccordement sont définies par les gestionnaires de réseau et publiées dans le respect des règles de transparence (article 25decies, § 1er). L'obligation de raccordement n'entraîne cependant pas de droit inconditionnel à l'injection. Ainsi, « afin de garantir la sécurité du réseau », l'article 25decies, § 4, prévoit que le producteur doit être capable de réduire voire d'interrompre sa production en cas de congestion du réseau. L'accès au réseau est, en ce sens, réglementé selon un principe de flexibilité technique.

B.2.5. L'article 26, § 2, du décret « électricité » garantit un accès non discriminatoire et transparent au réseau, les gestionnaires de réseaux ne pouvant le refuser que dans quatre cas limitativement énumérés : sécurité du réseau menacée; manque de capacité sur le réseau; demandeur ne satisfaisant pas aux prescriptions du règlement technique; accès au réseau concerné entravant l'exécution d'une obligation de service public dans le chef du gestionnaire dudit réseau.

L'article 28, 5°, attaqué, du décret du 11 avril 2014 insère dans l'article 26 du décret « électricité » un nouveau paragraphe 2bis qui transpose pour la Région wallonne les règles de la priorité d'accès et de la priorité d'appel (d'injection) devant être accordées aux installations de production d'énergie à partir de sources renouvelables et d'électricité issue de la cogénération à haut rendement, contenues dans la directive « énergies renouvelables » et dans la directive « efficacité énergétique » de l'Union européenne (article 26, § 2bis, alinéa 1er).

Le même article 28, 5°, insère dans l'article 26 du décret « électricité » un paragraphe 2ter qui pose le principe, pour les futures installations des producteurs d'énergie verte, d'une compensation financière lorsque, par application du principe de l'accès flexible, une réduction de la production d'électricité, contractuellement acceptée, leur aura été imposée, pour des motifs de sécurité liés à la congestion du réseau local (Doc. parl., Parlement wallon, 2013-2014, n° 1020-11, pp. 5 et 30-32; voy. aussi ibid., n° 1020-1, pp. 3 et 11-12).

Quant aux règles répartitrices de compétence B.3. Dans le quatrième moyen, la partie requérante soutient que les articles 27 et 28, 5°, attaqués, violent les règles répartitrices de compétence visées à l'article 92bis, § 3, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles ainsi que le principe de la loyauté fédérale garanti par l'article 143 de la Constitution. Elle considère que les compétences fédérales et régionales, en matière d'électricité, sont à ce point imbriquées qu'elles nécessiteraient un accord de coopération avant de pouvoir être mises en oeuvre. Ceci serait aussi exigé par les directives européennes qui imposeraient également une coopération entre les gestionnaires de réseaux afin de garantir la sécurité de ceux-ci.

Quant à la loyauté fédérale, elle aurait été violée au motif que le législateur décrétal ne pouvait réserver toute la capacité de flexibilité disponible à son niveau aux gestionnaires de réseaux entrant dans le champ de sa compétence, sans tenir compte du fait que cette même capacité peut être utile, notamment aux réseaux de transport, dans l'exercice des compétences de l'autorité fédérale.

Dans le cinquième moyen, la partie requérante allègue que les dispositions attaquées violent l'article 6, § 1er, VII, de la loi spéciale du 8 août 1980 précitée en ce qu'elles empiètent sur la compétence fédérale en matière de sécurité du réseau et de sécurité d'approvisionnement. En outre, elle fait valoir que les dispositions attaquées violent l'article 6, § 3, 2°, de la même loi spéciale et à tout le moins l'article 6, § 3, 3°, qui imposeraient une obligation de concertation entre les régions et l'autorité fédérale avant l'adoption des dispositions concernées.

B.4.1. La Cour contrôle les dispositions attaquées au regard des règles répartitrices de compétence telles qu'elles étaient applicables au moment où elles ont été adoptées, donc avant la modification de la loi spéciale du 8 août 1980 effectuée par la loi spéciale du 6 janvier 2014.

B.4.2. L'article 6, § 1er, VII, de la loi spéciale du 8 août 1980 disposait : « Les matières visées à l'article 107quater [actuellement l'article 39] de la Constitution sont : [...] VII. En ce qui concerne la politique de l'énergie : Les aspects régionaux de l'énergie, et en tout cas : a) La distribution et le transport local d'électricité au moyen de réseaux dont la tension nominale est inférieure ou égale à 70 000 volts;b) La distribution publique du gaz;c) L'utilisation du grisou et du gaz de hauts fourneaux;d) Les réseaux de distribution de chaleur à distance;e) La valorisation des terrils;f) Les sources nouvelles d'énergie à l'exception de celles liées à l'énergie nucléaire;g) La récupération d'énergie par les industries et autres utilisateurs;h) L'utilisation rationnelle de l'énergie. Toutefois, l'autorité fédérale est compétente pour les matières dont l'indivisibilité technique et économique requiert une mise en oeuvre homogène sur le plan national, à savoir : a) Le plan d'équipement national du secteur de l'électricité;b) Le cycle du combustible nucléaire;c) Les grandes infrastructures de stockage;le transport et la production de l'énergie; d) Les tarifs ». B.4.3. L'article 6, § 3, 2° et 3°, de la même loi spéciale disposait : « Une concertation associant les Gouvernements concernés et l'autorité fédérale compétente aura lieu : [...] 2° pour toute mesure au sujet de la politique de l'énergie, en dehors des compétences énumérées au § 1er, VII;3° sur les grands axes de la politique énergétique nationale;».

B.4.4. L'article 92bis, § 3, de la même loi spéciale disposait : « L'autorité fédérale et les Régions concluent en tout cas un accord de coopération : a) pour l'entretien, l'exploitation et le développement des réseaux de télécommunication et de télécontrôle qui, en rapport avec le transport et la sécurité, dépassent les limites d'une Région;b) pour l'application aux niveaux fédéral et régional des règles fixées par la Communauté européenne concernant les risques d'accidents majeurs de certaines activités industrielles;c) pour la coordination des politiques d'octroi du permis de travail et d'octroi du permis de séjour, ainsi que les normes relatives à l'emploi de travailleurs étrangers;d) pour la création d'une Agence, qui décidera et organisera des missions conjointes à l'initiative d'une ou de plusieurs régions ou sur demande de l'autorité fédérale, et qui organisera, développera et diffusera de l'information, des études et de la documentation sur les marchés extérieurs;e) pour l'échange d'informations dans le cadre de l'exercice des compétences fiscales des régions, visées dans la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des communautés et des régions, et de l'autorité fédérale ». B.5.1. Le législateur spécial a conçu la politique de l'énergie comme une compétence exclusive partagée, dans le cadre de laquelle la distribution du gaz et la distribution et le transport local d'électricité (au moyen de réseaux dont la tension nominale est inférieure ou égale à 70 000 volts) sont confiés aux régions, tandis que le transport (non local) de l'énergie continue à relever de la compétence du législateur fédéral.

Ainsi, sauf les exceptions mentionnées expressément, le législateur spécial a attribué aux régions la compétence exclusive en matière de sources nouvelles d'énergie et d'utilisation rationnelle de l'énergie.

Il appartient dès lors aux régions d'imposer, dans les matières qui leur ont été attribuées, des obligations à tous les acteurs concernés du marché de l'énergie, non seulement en ce qui concerne leurs activités sur le réseau de distribution, mais aussi en ce qui concerne leurs activités sur le réseau de transport local d'électricité.

B.5.2. En l'espèce, les dispositions attaquées visent à favoriser le développement des énergies renouvelables en Région wallonne. Avant leur entrée en vigueur, lorsque la capacité disponible sur le réseau ne permettait pas le raccordement d'un producteur, celui-ci se voyait refuser l'accès au réseau. Le législateur décrétal a décidé de régler les conditions d'accès aux réseaux de distribution et de transport local en prévoyant la conclusion d'un contrat de raccordement avec accès flexible, quelle que soit la capacité disponible. Les travaux préparatoires mentionnent : « [...] tant pour le réseau de transport local que pour le réseau de distribution, des dispositions sont insérées en vue d'améliorer l'efficacité énergétique, la priorité d'accès qui doit être donnée aux énergies renouvelables ou aux installations de cogénération, ainsi que pour introduire les notions de gestion active de la demande et gestion intelligente des réseaux [...].

Sur la base de l'article 23 de la directive 2009/72/CE, afin d'assurer une meilleure intégration des productions décentralisées, le présent article introduit, dans le décret électricité, l'obligation pour le gestionnaire de réseau de transport local d'accepter le raccordement des installations de production d'électricité.

Cette obligation de raccordement n'entraîne cependant pas de droit inconditionnel à l'injection. Pour éviter des problèmes quant à la sécurité du réseau, en cas de congestion, ce raccordement est conditionné par la possibilité de réduire la production de l'installation. On parle alors de raccordement (avec injection) flexible. Concrètement, cela signifie que le gestionnaire de réseau de transport local ne peut pas refuser le raccordement pour des raisons liées à la capacité d'accueil au poste ou à l'éventuelle nécessité de renforcer le réseau en amont. En contrepartie, il peut néanmoins conditionner le raccordement à la possibilité de réduire l'injection de l'installation » (Doc. parl., Parlement wallon, 2013-2014, n° 1020-1, pp. 3 et 11-12).

Dans la mesure où elles sont uniquement applicables aux réseaux de distribution et de transport local en Région wallonne, les dispositions attaquées qui règlent la situation des producteurs, et spécialement des producteurs d'électricité verte, relèvent de la compétence exclusive de la Région wallonne et ne violent pas l'article 6, § 1er, VII, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles.

B.5.3. Il ressort de ce qui précède que les dispositions attaquées relèvent des compétences exclusives des régions et qu'elles ne se situent donc pas en dehors des compétences énumérées dans l'article 6, § 1er, VII, de la loi spéciale du 8 août 1980 précitée (article 6, § 3, 2°, de la même loi spéciale). Elles ne ressortissent pas davantage aux « grands axes de la politique énergétique nationale » (article 6, § 3, 3°, de la même loi spéciale).

B.5.4. La même conclusion s'impose pour la violation alléguée, imputée par la partie requérante aux dispositions attaquées, de l'article 92bis, § 3, de la loi spéciale du 8 août 1980. Cette disposition ne concerne en effet pas la matière en cause. Du reste, en confondant la flexibilité technique et la flexibilité commerciale, la partie requérante donne aux dispositions attaquées une portée qu'elles n'ont pas au regard des règles répartitrices de compétence. Les dispositions attaquées règlent exclusivement la flexibilité technique, en l'occurrence la limitation de l'injection pour des raisons de sécurité du réseau local. Elles ne constituent en aucun cas un obstacle à toutes les formes de réservation et d'activation de capacités ou aux autres formes de commercialisation liées à la flexibilité commerciale, en particulier pour le gestionnaire de réseau de transport, matière restée de la compétence de l'autorité fédérale. Il en résulte qu'aucune imbrication de compétences de la Région wallonne et de l'autorité fédérale n'étant constatée, l'obligation de conclure un accord de coopération ne s'imposait pas non plus.

B.6.1. L'article 143, § 1er, de la Constitution dispose : « Dans l'exercice de leurs compétences respectives, l'Etat fédéral, les communautés, les régions et la Commission communautaire commune agissent dans le respect de la loyauté fédérale, en vue d'éviter les conflits d'intérêts ».

Le respect de la loyauté fédérale suppose que, lorsqu'elles exercent leurs compétences, l'autorité fédérale et les entités fédérées ne perturbent pas l'équilibre de la construction fédérale dans son ensemble. La loyauté fédérale concerne plus que le simple exercice des compétences : elle indique dans quel esprit il doit avoir lieu.

Le principe de la loyauté fédérale oblige chaque législateur à veiller à ce que l'exercice de sa compétence ne rende pas impossible ou exagérément difficile l'exercice, par les autres législateurs, de leurs compétences.

B.6.2. En l'occurrence, il n'est pas établi que les dispositions attaquées rendraient impossible ou exagérément difficile l'exercice par l'autorité fédérale de sa compétence en matière d'énergie et en particulier de sa compétence pour régler la flexibilité commerciale d'accès au réseau, laquelle, comme il est dit en B.5.4, n'entre pas dans le champ d'application des dispositions attaquées.

B.7. Les quatrième et cinquième moyens ne sont pas fondés.

Quant au premier moyen B.8. La partie requérante reproche aux dispositions attaquées de violer les articles 10 et 11 de la Constitution, lus isolément ou en combinaison avec les articles 12, a), 25, paragraphe 1, et 32 de la directive « électricité », avec l'article 16, paragraphe 2, de la directive « énergies renouvelables » et avec l'article 15, paragraphe 5, de la directive « efficacité énergétique ». En substance, les dispositions attaquées traiteraient les producteurs d'électricité verte de manière identique, voire moins favorable que les producteurs d'électricité conventionnelle, en particulier parce que, en raison de la clause de flexibilité imposée aux producteurs, les gestionnaires de réseaux pourraient interrompre la production d'électricité verte, sans compensation, en cas de situation « anormale » du réseau, qualificatif à ce point vague qu'il pourrait conduire les gestionnaires de réseaux à interrompre, sans autre justification, la production d'électricité verte « gratuitement » et sans limite dans le temps.

La partie requérante reproche en outre aux dispositions attaquées de consentir une délégation trop ample au Gouvernement à qui les dispositions attaquées accorderaient des compétences excessives pour régler le droit de compensation.

B.9.1. L'article 12, a), de la directive « électricité » dispose : « Chaque gestionnaire de réseau de transport est tenu : a) de garantir la capacité à long terme du réseau de répondre à des demandes raisonnables de transport d'électricité, d'exploiter, d'entretenir et de développer, dans des conditions économiquement acceptables, des réseaux de transport sûrs, fiables et efficaces, en accordant toute l'attention requise au respect de l'environnement ». L'article 15, paragraphe 3, de la même directive dispose : « Un Etat membre impose aux gestionnaires de réseau de se conformer à l'article 16 de la directive 2009/28/CE, lorsqu'ils appellent les installations de production qui utilisent des sources d'énergie renouvelables. Il peut également exiger des gestionnaires de réseau, lorsqu'ils appellent les installations de production, qu'ils donnent la priorité à celles qui produisent de la chaleur et de l'électricité combinées ».

L'article 15, paragraphe 5, de la même directive dispose : « Les autorités de régulation, si les Etats membres le prévoient, ou les Etats membres, obligent les gestionnaires de réseau de transport à respecter des normes minimales pour la maintenance et le développement du réseau de transport, et notamment dans les capacités d'interconnexion ».

L'article 25, paragraphe 1, de la même directive dispose : « Le gestionnaire de réseau de distribution est tenu de garantir la capacité à long terme du réseau de répondre à des demandes raisonnables de distribution d'électricité, d'exploiter, d'assurer la maintenance et de développer, dans des conditions économiques acceptables, un réseau de distribution d'électricité sûr, fiable et performant dans la zone qu'il couvre, dans le respect de l'environnement et de l'efficacité énergétique ».

L'article 32 de la même directive dispose : « 1. Les Etats membres veillent à ce que soit mis en place, pour tous les clients éligibles, un système d'accès des tiers aux réseaux de transport et de distribution. Ce système, fondé sur des tarifs publiés, doit être appliqué objectivement et sans discrimination entre les utilisateurs du réseau. Les Etats membres veillent à ce que ces tarifs, ou les méthodes de calcul de ceux-ci, soient approuvés avant leur entrée en vigueur conformément à l'article 37, et à ce que ces tarifs et les méthodes de calcul, lorsque seules les méthodes de calcul sont approuvées, soient publiés avant leur entrée en vigueur. 2. Le gestionnaire d'un réseau de transport ou de distribution peut refuser l'accès s'il ne dispose pas de la capacité nécessaire.Le refus doit être dûment motivé et justifié, eu égard, en particulier, à l'article 3, et reposer sur des critères objectifs et techniquement et économiquement fondés. Les autorités de régulation, si les Etats membres le prévoient, ou les Etats membres, veillent à ce que ces critères soient appliqués de manière homogène et à ce que l'utilisateur du réseau auquel l'accès a été refusé puisse engager une procédure de règlement des litiges. Les autorités de régulation veillent également à ce que, s'il y a lieu et en cas de refus d'accès, le gestionnaire de réseau de transport ou de distribution fournisse des informations pertinentes sur les mesures nécessaires pour renforcer le réseau. Il peut être demandé à la partie qui sollicite ces informations de payer une redevance raisonnable reflétant le coût de la fourniture desdites informations ».

B.9.2. L'article 16, paragraphe 2, de la directive « énergies renouvelables » dispose : « Sous réserve des exigences relatives au maintien de la fiabilité et de la sécurité du réseau, reposant sur des critères transparents et non discriminatoires définis par les autorités nationales compétentes : [...] b) les Etats membres prévoient, en outre, soit un accès prioritaire, soit un accès garanti au réseau pour l'électricité produite à partir de sources d'énergie renouvelables;c) les Etats membres font en sorte que, lorsqu'ils appellent les installations de production d'électricité, les gestionnaires de réseau de transport donnent la priorité à celles qui utilisent des sources d'énergie renouvelables, dans la mesure où la gestion en toute sécurité du réseau national d'électricité le permet et sur la base de critères transparents et non discriminatoires.Les Etats membres veillent à ce que les mesures concrètes appropriées concernant le réseau et le marché soient prises pour minimiser l'effacement de l'électricité produite à partir de sources d'énergie renouvelables. Si des mesures significatives sont prises pour effacer les sources d'énergie renouvelables en vue de garantir la sécurité du réseau national d'électricité ainsi que la sécurité d'approvisionnement énergétique, les Etats membres veillent à ce que les gestionnaires du réseau responsables rendent compte devant l'autorité nationale de régulation compétente de ces mesures et indiquent quelles mesures correctives ils entendent prendre afin d'empêcher toute réduction inappropriée ».

B.9.3. L'article 15, paragraphe 5, de la directive « efficacité énergétique » dispose : « Sans préjudice de l'article 16, paragraphe 2, de la directive 2009/28/CE et compte tenu de l'article 15 de la directive 2009/72/CE ainsi que de la nécessité d'assurer la continuité de l'approvisionnement en chaleur, les Etats membres veillent à ce que, sous réserve des exigences relatives au maintien de la fiabilité et de la sécurité du réseau, fondées sur des critères transparents et non discriminatoires fixés par les autorités nationales compétentes, les gestionnaires de réseau de transport et les gestionnaires de réseau de distribution, lorsque ceux-ci sont responsables de l'appel des installations de production sur leur territoire : a) garantissent le transport et la distribution de l'électricité issue de la cogénération à haut rendement;b) offrent un accès garanti ou prioritaire au réseau pour l'électricité issue de la cogénération à haut rendement;c) donnent la priorité d'appel à l'électricité issue de la cogénération à haut rendement lorsqu'ils appellent des installations de production d'électricité, pour autant qu'une exploitation sûre du système électrique national le permette. [...] ».

B.10. Conformément à l'article 32 précité de la directive « électricité », les gestionnaires de réseau de transport et de distribution peuvent refuser l'accès au réseau, à l'encontre de tout producteur d'électricité, conventionnelle ou renouvelable, en raison d'un manque de capacité.

Les articles 16, paragraphe 2, de la directive « énergies renouvelables » et 15, paragraphe 5, de la directive « efficacité énergétique » précités imposent à ces mêmes gestionnaires de donner soit un accès prioritaire au réseau, soit un accès garanti à ce réseau pour l'électricité produite à partir de sources renouvelables ou par cogénération à haut rendement. Ces articles imposent encore une priorité d'appel pour les installations qui produisent à partir de ces mêmes sources d'énergie. Toutefois, cet accès et cet appel prioritaire peuvent être refusés pour maintenir la fiabilité et la sécurité du réseau, définies selon des critères transparents et non discriminatoires arrêtés par l'autorité nationale compétente.

B.11. Les dispositions attaquées transposent pour la Région wallonne les règles du droit européen précité.

Tout d'abord, l'article 32 précité de la directive « électricité » ne garantit pas un droit inconditionnel d'accès au réseau, les gestionnaires étant autorisés à refuser cet accès en raison d'un manque de capacité. L'article 25decies du décret « électricité », introduit par l'article 27 attaqué, en accordant un droit au raccordement conditionné par une flexibilité de production en cas de congestion, transpose cette faculté.

Ensuite, conformément aux articles 16, paragraphe 2, de la directive « énergies renouvelables » et 15, paragraphe 5, de la directive « efficacité énergétique » précités, le législateur décrétal a choisi d'accorder une priorité, et non une garantie, d'accès et d'injection (ou d'appel) de la production sur les réseaux de distribution et de transport local d'électricité (article 28, 5°, du décret attaqué) à la production d'énergie renouvelable ou de cogénération, priorité qui n'est pas reconnue pour l'accès et l'injection des autres unités de production d'énergie.

Toutefois, le décret attaqué autorise que ce droit prioritaire soit contractuellement limité, de manière permanente, en ce qui concerne la capacité de production jugée économiquement injustifiée, ou de manière temporaire pour la réalisation des investissements nécessaires pour augmenter la capacité du réseau immédiatement disponible (article 26, § 2bis, alinéa 2, du décret « électricité »). Compte tenu du choix laissé par les deux directives précitées ainsi que de la possibilité donnée par l'article 32 de la directive « électricité » précité de refuser l'accès au réseau en raison d'un manque de capacité, cette limite à la priorité d'accès et d'injection ne peut être considérée comme contraire aux règles du droit européen invoquées au moyen.

En outre, lorsque l'injection de l'électricité qu'ils produisent est limitée par le gestionnaire de réseau de distribution ou de transport local, l'article 28, 5°, attaqué, instaure des règles de compensation financière au profit des seuls producteurs d'électricité verte, compensation qui n'est pas imposée par les directives précitées et qui n'est pas prévue pour les producteurs d'autres types d'électricité.

B.12. Le grief selon lequel les dispositions attaquées permettent aux gestionnaires d'interrompre l'accès au réseau à tout moment et sans justification procède d'une lecture erronée de l'article 25decies, § 4, du décret « électricité », inséré par l'article 27 du décret attaqué, qui n'autorise la limitation de la capacité contractuelle d'injection au réseau qu'« en cas de congestion » et ce « afin de garantir la sécurité du réseau ».

B.13. En ce qui concerne le droit à la compensation financière instauré pour les producteurs d'électricité renouvelable par le nouveau paragraphe 2ter de l'article 26 du décret « électricité », inséré par l'article 28, 5°, du décret attaqué, il doit permettre de limiter le manque à gagner dû à la limitation de l'injection d'électricité, pour des motifs de sécurité du réseau en cas de congestion, subi par les producteurs d'électricité verte qui ont conclu, avec un gestionnaire de réseau de distribution ou de transport local, un contrat d'accès flexible au réseau.

Au cours des travaux préparatoires, le ministre de l'Energie a précisé que le décret prévoit trois situations en matière de compensation : « La limitation de l'accès au réseau pourra faire l'objet, pour les nouvelles installations, d'une compensation financière pour le manque à gagner supporté par le producteur d'électricité verte, sauf si sa cause est due à un cas de force majeure tel que défini dans le règlement technique.

En matière de compensation financière, le projet de décret prévoit trois situations différentes : - si la capacité est disponible au moment du raccordement, le gestionnaire de réseau compensera la perte de production du producteur dès lors que la flexibilité est activée, et ce, sans délai ni prise en compte d'un seuil de flexibilité, sauf cas de force majeure; - si la capacité n'est pas disponible, la compensation sera différée le temps des travaux (avec un maximum de cinq ans) - le niveau de flexibilité et la durée des travaux devront être justifiés - au-delà de la flexibilité définie au moment du contrat de raccordement, toute flexibilité sera compensée, sauf cas de force majeure, en raison du manque à gagner qu'elle a causé; - si le raccordement n'est pas ' économiquement justifié ' après accord de la CWaPE, le raccordement avec accès flexible est possible, mais sans compensation » (Doc. parl., Parlement wallon, 2013-2014, n° 1020-11, et 2009-2010, n° 194-2, p. 5).

Le commentaire de l'article 28, 5°, du décret attaqué ajoute encore : « Les mots ' en tout ou en partie ', soulevés par le Conseil d'Etat dans son avis, visent les cas où le raccordement et/ou la capacité d'injection demandée excédentaire par rapport à la capacité d'injection immédiatement disponible, serait jugé non économiquement justifié au terme de l'analyse coût-bénéfice susvisée. En effet, une installation peut parfaitement être en partie non économiquement justifiée. Ainsi, par exemple, une installation disproportionnée par rapport aux besoins réels, mais pour lesquels des besoins existent néanmoins. Dans ce cas, seule la partie correspondant aux besoins est économiquement justifiée.

La CWaPE publiera sa décision accompagnée de la motivation, en vue de créer une jurisprudence transparente.

En cas de congestion, le gestionnaire de réseau agira prioritairement sur les déplacements de charge avant d'agir sur la flexibilité d'accès des productions décentralisées » (ibid., n° 1020-1, p. 13).

Il ressort de l'article 26, § 2ter, du décret « électricité », inséré par l'article 28, 5°, du décret attaqué, que le droit à la compensation peut être refusé dans trois circonstances : (1) la situation d'urgence, (2) lorsque le raccordement ou la capacité d'injection demandée est excédentaire par rapport à la capacité d'injection immédiatement disponible et (3) la situation caractérisée par des circonstances anormales d'exploitation, ces dernières étant précisées dans les règlements techniques prévus par l'article 13 du décret « électricité ». Contrairement à ce qu'affirme la partie requérante, l'absence de compensation lors de certaines interruptions d'injection est clairement et strictement limitée et balisée.

En ce qui concerne le grief tiré de l'absence de rémunération de la capacité à être flexible pour les producteurs d'électricité, comme il est dit en B.5.4, la partie requérante confond la flexibilité technique et la flexibilité commerciale. Les dispositions attaquées ne constituent en aucun cas un obstacle à toutes les formes de réservation et d'activation de capacités ou aux autres formes de commercialisation liées à la flexibilité commerciale.

B.14.1. La partie requérante reproche encore au législateur décrétal d'avoir délégué au Gouvernement le soin de définir les « conditions normales d'exploitation » sans lui donner aucune balise, ce qui viderait de son contenu le droit d'accès renforcé du producteur d'électricité verte. Elle reproche enfin que les délégations pour fixer les modalités de calcul et de mise en oeuvre de la compensation financière et les modalités de calcul de l'analyse coût-bénéfice visées aux paragraphes 2ter et 2quater de l'article 26 du décret « électricité », insérés par l'article 28, 5°, du décret attaqué, seraient également données sans balise.

B.14.2. Contrairement à ce que soutient la partie requérante, les dispositions attaquées ne confient pas au Gouvernement wallon la compétence de définir ce que sont les conditions « normales » d'exploitation du réseau. Comme il est dit en B.13, celles-ci seront précisées par les règlements techniques visés à l'article 13 du décret « électricité » et notamment par l'article 13, 17°, introduit par l'article 10, 5°, du décret du 11 avril 2014 à l'encontre duquel la partie requérante ne formule aucun grief et dont elle ne demande pas l'annulation.

B.14.3. Aux termes de l'article 26, § 2ter et § 2quater, derniers alinéas, du décret « électricité » insérés par l'article 28, 5°, du décret attaqué, il appartient au Gouvernement de préciser, sur proposition de la Commission wallonne pour l'énergie (ci-après : la CWaPE), les modalités de calcul et de mise en oeuvre de la compensation financière et les modalités de calcul de l'analyse coût-bénéfice visées respectivement dans chacun de ces deux paragraphes.

B.14.4. Une habilitation législative en faveur du pouvoir exécutif qui concerne une matière que la Constitution ne réserve pas à un législateur n'est pas inconstitutionnelle. Dans un tel cas, en effet, le législateur compétent fait usage de la liberté que lui laisse le Constituant de disposer dans une telle matière. La Cour n'est pas compétente pour censurer une disposition qui règle la répartition de compétences entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif, sauf si cette disposition méconnaît les règles répartitrices de compétence entre l'Etat, les communautés et les régions ou si le législateur prive une catégorie de personnes de l'intervention d'une assemblée démocratiquement élue, prévue explicitement par la Constitution. En l'espèce, ce n'est pas le cas.

B.15. Il ressort de ce qui précède que les producteurs d'électricité verte ne sont traités ni de manière identique, ni moins favorablement que les autres producteurs d'électricité.

Le premier moyen n'est pas fondé.

Quant au deuxième moyen B.16. Le deuxième moyen est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, du principe de la liberté de commerce et d'industrie « garanti par le décret d'Allarde des 2 et 17 mars 1791 », du principe général de droit de la liberté d'entreprendre, de l'article 23, alinéa 3, 1°, de la Constitution et du principe de standstill, « seuls et/ou lus en combinaison l'un de l'autre ». En substance, la partie requérante reproche aux deux dispositions attaquées de rendre extrêmement difficile l'évaluation de la rentabilité des projets déposés par les producteurs d'électricité verte. Ces dispositions diminueraient ainsi leurs chances d'obtenir les investissements nécessaires, de même qu'elles rendraient indisponible la flexibilité réservée aux gestionnaires de réseau wallons, empêchant les producteurs d'électricité issue de sources d'énergie renouvelables d'offrir cette même flexibilité à d'autres acteurs de marché dont certains sont réglementés au niveau fédéral.

B.17.1. L'article 23, alinéa 3, 1°, de la Constitution dispose : « Ces droits comprennent notamment : 1° le droit au travail et au libre choix d'une activité professionnelle dans le cadre d'une politique générale de l'emploi, visant entre autres à assurer un niveau d'emploi aussi stable et élevé que possible, le droit à des conditions de travail et à une rémunération équitables, ainsi que le droit d'information, de consultation et de négociation collective ». Cette disposition inclut le droit au libre choix d'une activité professionnelle parmi les droits économiques, sociaux et culturels.

B.17.2. Il ressort des travaux préparatoires de l'article 23 de la Constitution que le Constituant n'a pas entendu consacrer la liberté de commerce et d'industrie ou la liberté d'entreprendre dans les notions de « droit au travail » et de « libre choix d'une activité professionnelle » (Doc. parl., Sénat, SE 1991-1992, n° 100-2/3°, p. 15; n° 100-2/4°, pp. 93 à 99; n° 100-2/9°, pp. 3 à 10). Une telle approche découle également du dépôt de différentes propositions de « révision de l'article 23, alinéa 3, de la Constitution, en vue de le compléter par un 6° garantissant la liberté de commerce et d'industrie » (Doc. parl., Sénat, 2006-2007, n° 3-1930/1; Sénat, SE 2010, n° 5-19/1; Chambre, 2014-2015, DOC 54-0581/001).

B.18.1. La loi du 28 février 2013Documents pertinents retrouvés type loi prom. 28/02/2013 pub. 29/03/2013 numac 2013011134 source service public federal economie, p.m.e., classes moyennes et energie Loi introduisant le Code de droit économique fermer, qui a introduit l'article II.3 du Code de droit économique, a abrogé le décret dit d'Allarde des 2-17 mars 1791. Ce décret, qui garantissait la liberté de commerce et d'industrie, a servi régulièrement de norme de référence à la Cour dans son contrôle du respect des articles 10 et 11 de la Constitution.

B.18.2. La liberté d'entreprendre, visée par l'article II.3 du Code de droit économique, doit s'exercer « dans le respect des traités internationaux en vigueur en Belgique, du cadre normatif général de l'union économique et de l'unité monétaire tel qu'établi par ou en vertu des traités internationaux et de la loi » (article II.4 du même Code).

La liberté d'entreprendre doit par conséquent être lue en combinaison avec les dispositions de droit de l'Union européenne applicables, ainsi qu'avec l'article 6, § 1er, VI, alinéa 3, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, au regard duquel la Cour peut effectuer directement un contrôle, en tant que règle répartitrice de compétence.

Enfin, la liberté d'entreprendre est également garantie par l'article 16 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

B.18.3. Par conséquent, la Cour doit contrôler les dispositions attaquées au regard des articles 10 et 11 de la Constitution, combinés avec la liberté d'entreprendre.

B.18.4. La liberté d'entreprendre ne peut toutefois être conçue comme une liberté absolue. Elle ne fait pas obstacle à ce que la loi règle l'activité économique des personnes et des entreprises. Le législateur n'interviendrait de manière déraisonnable que s'il limitait la liberté d'entreprendre sans aucune nécessité ou si cette limitation était disproportionnée au but poursuivi.

B.18.5. La partie requérante ne démontre pas de quelle manière les garanties en matière de raccordement sur le réseau, prévues par les dispositions attaquées, porteraient atteinte, de manière disproportionnée, à la liberté d'entreprendre.

Pour le surplus, il ne peut être imputé aux dispositions attaquées de ne pas respecter les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'elles ne garantissent pas les producteurs d'électricité verte contre des choix économiques ou de gestion inopportuns ou contre les aléas tributaires de circonstances qui ne relèvent pas de l'intérêt général.

B.19. En ce que le moyen est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, l'article 28, 5° du décret du 11 avril 2014, insérant à l'article 26 du décret « électricité » un paragraphe 2bis qui n'est pas attaqué, assure une priorité d'accès au réseau dans le chef des producteurs d'électricité verte. Ainsi, cette disposition n'entraîne pas de discrimination dans leur chef mais garantit à ces producteurs un traitement plus favorable qu'aux producteurs d'autres types d'électricité.

Comme il ressort de l'examen du premier moyen, les producteurs d'électricité verte ne sont traités ni de manière identique, ni moins favorablement que les autres producteurs d'électricité.

B.20. Le deuxième moyen n'est pas fondé.

Quant au troisième moyen B.21. Le troisième moyen est pris de la violation des articles 10, 11 et 13 de la Constitution ainsi que de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et des articles 32, paragraphe 2, et 37, paragraphe 1, de la directive « électricité ». La partie requérante soutient que les dispositions attaquées auraient pour conséquence que les producteurs d'énergie renouvelable seraient « soustraits » à la CWaPE en cas de contestation relative aux « circonstances normales/anormales d'exploitation ». Elle estime que le gestionnaire de réseau de distribution ou de transport local disposant du « droit » de couper un raccordement et la CWaPE n'étant compétente, sur la base de l'article 49bis, non attaqué, du décret « électricité », que pour contrôler leurs obligations, les producteurs verts n'auraient alors plus qu'un recours devant le juge civil.

B.22.1. La Cour doit déterminer l'étendue du recours en annulation en fonction du contenu de la requête, et notamment sur la base de l'exposé des moyens. Elle limite son examen aux dispositions dont il est exposé en quoi elles violeraient les dispositions invoquées au moyen.

B.22.2. Le recours tend à l'annulation de l'article 27 du décret du 11 avril 2014, en tant qu'il insère un article 25decies dans le décret « électricité » et de l'article 28 du même décret en tant qu'il insère les nouveaux paragraphes 2bis à 2quinquies dans l'article 26 du décret « électricité ».

Les règles relatives à la compétence de la Chambre des litiges de la CWaPE sont contenues dans l'article 49bis du décret « électricité », modifié par l'article 60 du décret du 11 avril 2014, à l'encontre duquel la partie requérante ne formule aucun grief et dont elle ne demande pas l'annulation.

B.23. Le troisième moyen n'est pas fondé.

Par ces motifs, la Cour rejette le recours.

Ainsi rendu en langue française, en langue néerlandaise et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 28 avril 2016.

Le greffier, F. Meersschaut Le président, J. Spreutels

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