Etaamb.openjustice.be
Arrêt
publié le 22 mai 2018

Extrait de l'arrêt n° 51/2018 du 26 avril 2018 Numéros du rôle : 6603 et 6604 En cause : les recours en annulation des articles 52 et 59, 4°, du décret de la Région flamande du 15 juillet 2016 relatif à la politique d'implantation commerciale La Cour constitutionnelle, composée des présidents A. Alen et J. Spreutels, des juges T. Merckx-(...)

source
cour constitutionnelle
numac
2018202382
pub.
22/05/2018
prom.
--
moniteur
https://www.ejustice.just.fgov.be/cgi/article_body(...)
liens
Conseil d'État (chrono)
Document Qrcode

Extrait de l'arrêt n° 51/2018 du 26 avril 2018 Numéros du rôle : 6603 et 6604 En cause : les recours en annulation des articles 52 et 59, 4°, du décret de la Région flamande du 15 juillet 2016 relatif à la politique d'implantation commerciale intégrale, introduits par la ville de Vilvorde et par la SA « Alcovil ».

La Cour constitutionnelle, composée des présidents A. Alen et J. Spreutels, des juges T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, T. Giet et R. Leysen, et, conformément à l'article 60bis de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, du président émérite E. De Groot, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président émérite E. De Groot, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des recours et procédure a. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 26 janvier 2017 et parvenue au greffe le 31 janvier 2017, la ville de Vilvorde, assistée et représentée par Me J.Roggen et Me J. Poets, avocats au barreau du Limbourg, a introduit un recours en annulation de l'article 59, 4°, du décret de la Région flamande du 15 juillet 2016 relatif à la politique d'implantation commerciale intégrale (publié au Moniteur belge du 29 juillet 2016). b. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 26 janvier 2017 et parvenue au greffe le 31 janvier 2017, la SA « Alcovil », assistée et représentée par Me Y.Loix, avocat au barreau d'Anvers, a introduit un recours en annulation des articles 52 et 59, 4°, du même décret.

Ces affaires, inscrites sous les numéros 6603 et 6604 du rôle de la Cour, ont été jointes. (...) II. En droit (...) Quant aux dispositions attaquées B.1.1. Les parties requérantes dans les affaires jointes nos 6603 et 6604 demandent l'annulation de l'article 59, 4°, du décret du 15 juillet 2016 relatif à la politique d'implantation commerciale intégrale (ci-après : le décret du 15 juillet 2016), qui règle l'entrée en vigueur de l'article 52 du même décret. La partie requérante dans l'affaire n° 6604 demande également l'annulation de cet article 52.

B.1.2. Le décret du 15 juillet 2016 vise à régler la politique d'implantation commerciale en Région flamande. Ce régime remplace le régime contenu dans la loi du 13 août 2004Documents pertinents retrouvés type loi prom. 13/08/2004 pub. 05/10/2004 numac 2004011378 source service public federal economie, p.m.e., classes moyennes et energie et service public federal finances Loi relative à l'autorisation d'implantations commerciales fermer relative à l'autorisation d'implantations commerciales, abrogée par l'article 51 du décret précité avec effet à une date à fixer par le Gouvernement flamand.

B.1.3. Le décret du 15 juillet 2016 a été adopté à la suite du transfert vers les régions de la compétence relative aux conditions d'accès à la profession, opéré par l'article 17 de la loi spéciale du 6 janvier 2014 relative à la sixième réforme de l'Etat. En vertu de l'article 6, § 1er, VI, alinéa 1er, 6°, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, inséré par la disposition précitée, les régions sont compétentes, depuis le 1er juillet 2014, pour régler « les conditions d'accès à la profession » qui incluent notamment la politique des implantations commerciales et celle des autorisations d'implantations commerciales (Doc. parl., Sénat, 2012-2013, n° 5-2232/1, pp. 91-92). A cet égard, les régions doivent tenir compte de l'obligation de notification et de concertation prévue à l'article 6, § 5bis, de la loi spéciale du 8 août 1980, tel qu'il a été inséré par l'article 31 de la même loi spéciale du 6 janvier 2014, qui dispose : « Avant que puisse être autorisée une implantation commerciale, visée à l'article 6, § 1er, VI, alinéa 1er, 6°, d'une surface commerciale nette de plus de 20 000 m2 et qui est située à une distance de moins de vingt kilomètres d'une autre région ou de plusieurs autres régions, le gouvernement de la région dans laquelle l'implantation commerciale est située notifie le projet d'implantation commerciale au gouvernement de chacune des régions concernées.

Si le gouvernement d'une région concernée le demande, une concertation a lieu ».

B.2. Les dispositions attaquées, qui font partie du chapitre 9 (« Dispositions finales ») du décret du 15 juillet 2016, sont libellées comme suit : «

Art. 52.L'échéance prévue à l'article 13 de la loi du 13 août 2004Documents pertinents retrouvés type loi prom. 13/08/2004 pub. 05/10/2004 numac 2004011378 source service public federal economie, p.m.e., classes moyennes et energie et service public federal finances Loi relative à l'autorisation d'implantations commerciales fermer relative à l'autorisation d'implantations commerciales pour les autorisations d'implantations commerciales encore valables octroyées en application de la loi du 29 juin 1975 sur les implantations commerciales et la loi du 13 août 2004Documents pertinents retrouvés type loi prom. 13/08/2004 pub. 05/10/2004 numac 2004011378 source service public federal economie, p.m.e., classes moyennes et energie et service public federal finances Loi relative à l'autorisation d'implantations commerciales fermer relative à l'autorisation d'implantations commerciales est suspendue tant qu'un recours en annulation de l'autorisation est en instance auprès du Conseil d'Etat et tant qu'un appel en annulation d'éventuels autres permis, habilitations ou autorisations requis pour le projet est en instance au Conseil d'Etat ou au Conseil [pour les contestations des autorisations].

La même échéance, si elle s'applique à un permis socio-économique pour une exploitation commerciale pour laquelle un permis d'urbanisme ou un permis d'environnement sont également requis, est suspendue tant que le permis d'urbanisme ou le permis d'environnement n'ont pas été définitivement octroyés. Dans ce cas, l'échéance prévue à l'article 13 de la loi du 13 août 2004Documents pertinents retrouvés type loi prom. 13/08/2004 pub. 05/10/2004 numac 2004011378 source service public federal economie, p.m.e., classes moyennes et energie et service public federal finances Loi relative à l'autorisation d'implantations commerciales fermer relative à l'autorisation d'implantations commerciales ne commence qu'au jour où le permis d'urbanisme et/ou le permis d'environnement sont définitivement délivrés ». «

Art. 59.Le présent décret entre en vigueur à la date de publication au Moniteur belge, à l'exception de : [...] 4° l'article 52.Le présent article produit ses effets à partir du 1er juillet 2014 ».

B.3.1. Le décret du 15 juillet 2016 prévoit une obligation d'autorisation pour certaines activités de commerce de détail (article 11 du décret du 15 juillet 2016). Cette autorisation est intégrée dans le permis d'environnement et est délivrée conformément au décret du 25 avril 2014 relatif au permis d'environnement (article 12 du décret du 15 juillet 2016). Conformément à l'article 59, 2°, du décret du 15 juillet 2016, cette réglementation entre en vigueur le 1er janvier 2018.

B.3.2. En vertu de l'article 99, § 1er, alinéa 1er, 5°, du décret du 25 avril 2014 relatif au permis d'environnement, tel qu'il a été inséré par l'article 48 du décret du 15 juillet 2016, le permis d'environnement délivré pour des activités de commerce de détail expire de plein droit « si les activités de commerce de détail ne commencent pas dans les cinq ans suivant l'octroi du permis d'environnement définitif ». L'article 101 du décret du 25 avril 2014 prévoit une suspension de ce délai de déchéance « tant que le Conseil pour les contestations des autorisations est saisi d'un recours en annulation du permis d'environnement ».

B.3.3. L'article 52, attaqué, du décret du 15 juillet 2016 prévoit, en ce qui concerne le délai de péremption de l'autorisation d'implantation commerciale, un régime transitoire pour les autorisations d'implantations commerciales encore valables octroyées en application de la loi du 29 juin 1975 relative aux implantations commerciales et de la loi du 13 août 2004Documents pertinents retrouvés type loi prom. 13/08/2004 pub. 05/10/2004 numac 2004011378 source service public federal economie, p.m.e., classes moyennes et energie et service public federal finances Loi relative à l'autorisation d'implantations commerciales fermer relative à l'autorisation d'implantations commerciales.

L'article 13 de ladite loi du 13 août 2004Documents pertinents retrouvés type loi prom. 13/08/2004 pub. 05/10/2004 numac 2004011378 source service public federal economie, p.m.e., classes moyennes et energie et service public federal finances Loi relative à l'autorisation d'implantations commerciales fermer dispose que l'autorisation expire de plein droit lorsque le projet n'a pas été mis en oeuvre dans un délai de quatre années à compter du jour où elle a été délivrée, autorisation qui peut être prorogée pour une période d'un an, à la requête du demandeur. Contrairement à l'article 101 du décret du 25 avril 2014, la loi précitée ne prévoit pas une suspension du délai de déchéance dans certaines situations.

En vertu de l'article 52 du décret du 15 juillet 2016, le délai de déchéance prévu à l'article 13 de la loi du 13 août 2004Documents pertinents retrouvés type loi prom. 13/08/2004 pub. 05/10/2004 numac 2004011378 source service public federal economie, p.m.e., classes moyennes et energie et service public federal finances Loi relative à l'autorisation d'implantations commerciales fermer en ce qui concerne les autorisations encore valables qui ont été octroyées en application de la législation fédérale est suspendu tant qu'un recours en annulation de l'autorisation ou d'autres permis, habilitations ou autorisations requis pour le même projet est en instance auprès du Conseil d'Etat ou du Conseil pour les contestations des autorisations, et tant que le permis d'urbanisme ou le permis d'environnement requis pour le projet n'ont pas été définitivement octroyés.

B.4. L'article 59 du décret du 15 juillet 2016 fixe l'entrée en vigueur du décret à la date de sa publication au Moniteur belge, à l'exception toutefois de plusieurs dispositions. Ainsi, le chapitre 4 (« Permis d'environnement pour activités de commerce de détail ») (articles 11 à 13) et le chapitre 6 (« Maintien de la politique d'implantation commerciale ») (articles 15 à 27) entrent en vigueur le 1er janvier 2018 (article 59, 2°). Le chapitre 7 (« Dispositions modificatives ») (articles 28 à 50) et le chapitre 8 (« Disposition abrogatoire ») (article 51) entrent en vigueur à une date à fixer par article par le Gouvernement flamand (article 59, 3°). L'article 52, attaqué, produit ses effets à partir du 1er juillet 2014 (article 59, 4°).

Quant à l'intérêt B.5.1. Le Gouvernement flamand conteste l'intérêt des parties requérantes à l'annulation des dispositions attaquées. Leur intérêt ne serait qu'indirect et hypothétique.

B.5.2. La Constitution et la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle imposent à toute personne physique ou morale qui introduit un recours en annulation de justifier d'un intérêt. Ne justifient de l'intérêt requis que les personnes dont la situation pourrait être affectée directement et défavorablement par la norme attaquée.

B.5.3. Les parties requérantes dans les affaires jointes nos 6603 et 6604 sont engagées dans des procédures judiciaires, dans lesquelles elles font valoir qu'une autorisation d'implantation commerciale a expiré, conformément à l'article 13 de la loi du 13 août 2004Documents pertinents retrouvés type loi prom. 13/08/2004 pub. 05/10/2004 numac 2004011378 source service public federal economie, p.m.e., classes moyennes et energie et service public federal finances Loi relative à l'autorisation d'implantations commerciales fermer. Les parties requérantes reprochent aux dispositions attaquées de faire renaître rétroactivement l'autorisation d'implantation commerciale en question. La partie requérante dans l'affaire n° 6603 indique que les dispositions attaquées ont une incidence sur sa politique en matière d'urbanisme, d'implantations commerciales et de mobilité, qui tient compte de la péremption de cette autorisation. La partie requérante dans l'affaire n° 6604 fait valoir que la « renaissance » de l'autorisation d'implantation commerciale visée hypothèque ses chances d'obtenir elle-même une autorisation d'implantation commerciale pour un autre projet situé dans la même zone urbanistique.

B.5.4. Les parties requérantes démontrent qu'elles sont susceptibles d'être affectées directement et défavorablement par les dispositions attaquées.

B.6. L'exception est rejetée.

Quant au fond En ce qui concerne le deuxième moyen dans l'affaire n° 6604 B.7. La partie requérante dans l'affaire n° 6604 prend un deuxième moyen de la violation, par les articles 52 et 59, 4°, du décret du 15 juillet 2016, des articles 10 et 11 de la Constitution, combinés avec les principes généraux de la sécurité juridique et de la non-rétroactivité.

Selon la partie requérante, les conditions d'application de l'article 52 attaqué du décret du 15 juillet 2016 ne sont pas claires, ce qui serait source d'insécurité juridique. Etant donné que ce moyen concerne la portée des dispositions attaquées et qu'en outre, s'il s'avérait fondé, non seulement il conduirait à l'annulation de l'article 52, mais il aurait aussi pour conséquence que l'article 59, 4°, attaqué, du décret du 15 juillet 2016, qui règle l'entrée en vigueur dudit article 52, serait sans objet, il y a lieu d'examiner d'abord le deuxième moyen.

B.8.1. Selon l'article 52, alinéa 1er, attaqué, du décret du 15 juillet 2016, le délai de déchéance prévu à l'article 13 de la loi du 13 août 2004Documents pertinents retrouvés type loi prom. 13/08/2004 pub. 05/10/2004 numac 2004011378 source service public federal economie, p.m.e., classes moyennes et energie et service public federal finances Loi relative à l'autorisation d'implantations commerciales fermer pour les autorisations d'implantations commerciales encore valables octroyées en application de la législation fédérale est suspendu « tant qu'un recours en annulation de l'autorisation est en instance auprès du Conseil d'Etat et tant qu'un appel en annulation d'éventuels autres permis, habilitations ou autorisations requis pour le projet est en instance au Conseil d'Etat ou au [Conseil pour les contestations des autorisations] ».

Dans l'exposé des motifs, cette disposition a été justifiée comme suit : « Ce régime de suspension doit supprimer l'actuelle iniquité due au fait que dans certains cas une autorisation d'implantation commerciale ne peut être mise en oeuvre parce que d'autres permis requis ne sont pas exécutoires en raison de procédures d'annulation, alors que, d'autre part, le délai de déchéance, prévu pour inciter le titulaire du projet à réaliser son projet, continue à s'écouler. Cette disposition aligne donc le régime actuel sur le régime du permis d'environnement, dans l'attente de l'entrée en vigueur complète du permis d'environnement » (Doc. parl., Parlement flamand, 2015-2016, n° 767/1, p. 85).

B.8.2. Selon la partie requérante, il n'est pas clairement établi si les conditions de suspension du délai de déchéance, qui sont énoncées dans l'article 52 attaqué du décret du 15 juillet 2016, sont cumulatives ou non. En outre, la portée des mots « d'éventuels autres permis, habilitations ou autorisations requis pour le projet » serait à ce point étendue que les justiciables ne seraient pas raisonnablement en mesure de prévoir les circonstances dans lesquelles le délai est suspendu ou non.

B.8.3. Dans les travaux préparatoires de l'article 52, attaqué, du décret du 15 juillet 2016, il a été précisé que « le délai de déchéance prévu à l'article 13 de la loi du 13 août 2004Documents pertinents retrouvés type loi prom. 13/08/2004 pub. 05/10/2004 numac 2004011378 source service public federal economie, p.m.e., classes moyennes et energie et service public federal finances Loi relative à l'autorisation d'implantations commerciales fermer [...] est suspendu tant qu'un recours en annulation de l'autorisation ou d'éventuels autres permis, habilitations ou autorisations requis pour le même projet sont en instance au Conseil d'Etat » (Doc. parl., Parlement flamand, 2015-2016, n° 767/1, p. 85).

Le mot « et » est une conjonction de coordination qui, en fonction du contexte, peut avoir une signification aussi bien cumulative qu'alternative.

Il ressort clairement des travaux préparatoires que les conditions de suspension énoncées dans la disposition attaquée sont des conditions alternatives et non des conditions cumulatives. Ceci découle aussi de la ratio legis de cette disposition, telle qu'elle est exprimée dans les travaux préparatoires mentionnés en B.8.1. L'article 52, attaqué, vise à empêcher que le délai de déchéance, qui a lui-même pour but d'inciter le titulaire de l'autorisation à réaliser le projet qui fait l'objet de l'autorisation, continue à s'écouler tant que la possibilité de réaliser ce projet est précaire parce que le titulaire de l'autorisation ne dispose pas de tous les permis, habilitations ou autorisations requis. Il suffit que l'autorisation d'implantation commerciale ou un des autres permis, habilitations ou autorisations requis soit attaqué devant le Conseil d'Etat ou devant le Conseil pour les contestations des autorisations pour que la possibilité de réaliser le projet soit incertaine et que la suspension du délai de déchéance s'impose.

B.8.4. Eu égard à la ratio legis précitée, l'emploi des mots « d'éventuels autres permis, habilitations ou autorisations requis pour le projet » est aussi suffisamment clair. Il s'agit manifestement de tous les permis, habilitations ou autorisations qui doivent être délivrés par l'autorité compétente pour que le projet qui fait l'objet de l'autorisation d'implantation commerciale puisse être réalisé.

B.9.1. De plus, la partie requérante dans l'affaire n° 6604 fait valoir que la portée de la condition selon laquelle il faut disposer d'une « autorisation encore valable » n'est pas claire, étant donné qu'à cet égard les dispositions attaquées seraient en contradiction avec les travaux préparatoires. Elle renvoie sur ce point à la déclaration, faite lors des travaux préparatoires, selon laquelle l'article 52 s'applique aux « autorisations encore valables au jour de la publication du [...] décret au Moniteur belge » (Doc. parl., Parlement flamand, 2015-2016, n° 767/1, p. 85).

B.9.2. En vertu de l'article 59, 4°, du décret du 15 juillet 2016, l'article 52 du même décret produit ses effets à partir du 1er juillet 2014. Il est donc clair que par les mots « autorisations encore valables », contenus dans cette dernière disposition, il faut entendre les autorisations qui étaient encore valables à cette date.Cette interprétation a en outre été confirmée expressément lors des travaux préparatoires (Doc. parl., Parlement flamand, 2015-2016, n° 767/5, p. 22). Enfin, il ressort de l'exposé du premier moyen dans les affaires jointes, qui dénonce la rétroactivité de l'article 52 du décret du 15 juillet 2016, que les parties requérantes ont interprété en ce sens les dispositions attaquées.

B.10. Puisqu'il n'y a donc pas d'ambiguïté en ce qui concerne la portée des dispositions attaquées, il n'est pas porté atteinte de manière discriminatoire au principe de la sécurité juridique.

B.11. Le second moyen dans l'affaire n° 6604 n'est pas fondé.

En ce qui concerne le premier moyen dans les affaires nos 6603 et 6604 B.12.1. Les parties requérantes prennent un premier moyen de la violation, par l'article 59, 4°, du décret du 15 juillet 2016, des articles 10 et 11 de la Constitution, combinés avec l'article 2 du Code civil, avec le principe de la sécurité juridique, avec le principe de confiance et avec le principe de la non-rétroactivité, en ce que cette disposition donne un effet rétroactif à l'article 52 du décret du 15 juillet 2016, affecterait donc des situations définitivement acquises et influencerait des litiges judiciaires pendants, sans qu'existe une justification adéquate à cet égard.

B.12.2. La Cour n'est pas compétente pour contrôler la disposition attaquée au regard de normes législatives qui ne sont pas des règles répartitrices de compétence. Elle prend cependant en compte le principe général de la non-rétroactivité des lois, tel qu'il est notamment exprimé par l'article 2 du Code civil.

B.13.1. La non-rétroactivité des lois est une garantie ayant pour but de prévenir l'insécurité juridique. Cette garantie exige que le contenu du droit soit prévisible et accessible, de sorte que le justiciable puisse prévoir, dans une mesure raisonnable, les conséquences d'un acte déterminé au moment où cet acte est accompli.

La rétroactivité ne se justifie que si elle est indispensable à la réalisation d'un objectif d'intérêt général.

S'il s'avère que la rétroactivité a en outre pour but ou pour conséquence d'influencer l'issue de procédures juridictionnelles dans un sens déterminé ou d'empêcher les juridictions de se prononcer sur une question de droit dont elles ont été saisies, la nature du principe en cause exige que des circonstances exceptionnelles ou des motifs impérieux d'intérêt général justifient l'intervention du législateur, laquelle porte atteinte, au préjudice d'une catégorie de citoyens, aux garanties juridictionnelles offertes à tous.

B.13.2. Etant donné que l'article 59, 4°, attaqué, du décret du 15 juillet 2016 fixe rétroactivement la date d'entrée en vigueur de l'article 52 du même décret, l'issue des procédures juridictionnelles pendantes peut changer, dès lors que les juridictions devront constater, sur la base de ces dispositions, qu'une autorisation qui avait expiré en vertu de l'article 13 de la loi du 13 août 2004Documents pertinents retrouvés type loi prom. 13/08/2004 pub. 05/10/2004 numac 2004011378 source service public federal economie, p.m.e., classes moyennes et energie et service public federal finances Loi relative à l'autorisation d'implantations commerciales fermer est à nouveau valable. Partant, la Cour doit examiner si la rétroactivité est absolument nécessaire pour la réalisation d'un objectif d'intérêt général et si elle est justifiée par des circonstances exceptionnelles ou des motifs impérieux d'intérêt général.

B.14.1. La rétroactivité de l'article 52 attaqué a été justifiée comme suit dans l'exposé des motifs : « Pour des raisons d'égalité et d'équité, il est nécessaire d'appliquer le régime de suspension - censé supprimer, au moyen de l'article 52 en projet (à combiner avec l'article 53), l'iniquité du régime de déchéance, tel qu'il est prévu par l'article 13 de la loi du 13 août 2004Documents pertinents retrouvés type loi prom. 13/08/2004 pub. 05/10/2004 numac 2004011378 source service public federal economie, p.m.e., classes moyennes et energie et service public federal finances Loi relative à l'autorisation d'implantations commerciales fermer - aux autorisations d'implantations commerciales qui étaient encore exécutoires au moment du transfert vers les régions de la compétence relative aux implantations commerciales, c'est-à-dire au 1er juillet 2014. Ce transfert de compétence est aussi l'occasion d'offrir la sécurité juridique nécessaire aux entrepreneurs qui disposaient d'une autorisation d'implantation commerciale au 1er juillet 2014. Puisque la compétence relative aux implantations commerciales était du ressort de l'autorité fédérale avant le 1er juillet 2014, l'entrée en vigueur de la disposition finale instaurée au moyen du présent décret ne peut être antérieure à la date du 1er juillet 2014. La date du 1er juillet 2014 est donc indissociablement liée aux règles répartitrices de compétence. La rétroactivité de l'article 52 en projet est dès lors indispensable pour conserver l'égalité entre tous les titulaires d'une autorisation d'implantation commerciale qui était exécutoire au 1er juillet 2014, pour supprimer au maximum l'iniquité et pour créer la sécurité juridique. Il convient de souligner que le Conseil d'Etat a déjà jugé, dans ses arrêts, qu'aussi longtemps que subsiste l'incertitude quant à la validité de l'autorisation et, partant, des obligations qui en sont le corollaire, le délai imparti pour mettre en oeuvre l'autorisation est interrompu à l'égard de celui qui s'abstient d'en faire usage : [...].

La disposition proposée consacre donc la jurisprudence du Conseil d'Etat » (Doc. parl., Parlement flamand, 2015-2016, n° 767/1, pp. 89-90).

B.14.2. Il apparaît dès lors que le législateur décrétal a considéré la rétroactivité de l'article 52 du décret du 15 juillet 2016 comme étant « indispensable pour conserver l'égalité entre tous les titulaires d'une autorisation d'implantation commerciale qui était exécutoire au 1er juillet 2014, pour supprimer au maximum l'iniquité et pour créer la sécurité juridique ».

B.14.3. L'iniquité et la sécurité juridique nécessaire auxquelles le législateur décrétal fait référence concernent la situation qui, selon lui, découle de l'article 13 de la loi du 13 août 2004Documents pertinents retrouvés type loi prom. 13/08/2004 pub. 05/10/2004 numac 2004011378 source service public federal economie, p.m.e., classes moyennes et energie et service public federal finances Loi relative à l'autorisation d'implantations commerciales fermer et dans laquelle « une autorisation d'implantation commerciale ne peut parfois être mise en oeuvre parce que d'autres permis requis ne sont pas exécutoires en raison de procédures d'annulation, alors que, d'autre part, le délai de déchéance, prévu pour inciter le titulaire du projet à réaliser son projet, continue à s'écouler » (Doc. parl., Parlement flamand, 2015-2016, n° 767/1, p. 85).

B.15.1. Il relève du pouvoir d'appréciation du législateur décrétal de décider des modalités selon lesquelles il fait usage des compétences transférées aux régions et il peut prévoir un autre régime que celui en vigueur sous l'empire de la législation fédérale antérieure. La suppression de l'iniquité née, selon le législateur décrétal, de l'ancienne législation fédérale relative à la péremption des autorisations d'implantations commerciales est certes un objectif qui peut amener le législateur décrétal à modifier ce régime, mais elle n'est pas suffisante pour justifier la rétroactivité de la disposition attaquée.

B.15.2. Le même raisonnement vaut en ce qui concerne l'objectif consistant à ancrer dans un texte législatif la jurisprudence du Conseil d'Etat citée par le législateur décrétal. Cette jurisprudence concernait en outre exclusivement les litiges mettant en cause l'autorisation même d'implantation commerciale et avait une portée plus limitée que l'article 52 attaqué. De surcroît, cette jurisprudence ne pouvait être considérée comme constante et prévisible au point de susciter chez les justiciables des attentes légitimes quant à la validité de l'autorisation qui avait été délivrée en vertu de la législation fédérale, laquelle ne prévoyait pas de suspension du délai de déchéance.

B.16.1. La rétroactivité de l'article 52 attaqué a été également justifiée par la nécessité de traiter de manière égale tous les titulaires d'une autorisation qui était encore valable au 1er juillet 2014. Pour justifier le choix de cette date, il est renvoyé au fait que c'est depuis celle-ci que les régions sont compétentes en matière d'implantations commerciales, y compris en matière d'autorisations d'implantations commerciales. B.16.2. Le fait que la Région flamande soit compétente pour régler les implantations commerciales depuis le 1er juillet 2014 limite sa compétence dans le temps mais ne saurait justifier la rétroactivité du nouveau régime jusqu'à cette date. En effet, tant que le législateur décrétal n'avait pas fait usage de sa compétence, la législation fédérale antérieure est restée d'application. Le législateur décrétal ne peut modifier rétroactivement l'ordre juridique sans qu'il soit satisfait aux conditions mentionnées en B.13.1.

B.16.3. Les personnes qui disposaient d'une autorisation d'implantation commerciale valable au 1er juillet 2014 se trouvaient au moment de la publication des dispositions attaquées dans des situations essentiellement différentes selon qu'à ce moment cette autorisation avait expiré ou non en vertu de l'ancienne législation fédérale.

B.17.1. Sans la rétroactivité qui lui est conférée par l'article 59, 4°, du décret du 15 juillet 2016, l'article 52 dudit décret serait entré en vigueur à la date de la publication du décret au Moniteur belge, conformément à l'article 59. Si l'article 52 était entré en vigueur immédiatement, il n'aurait été applicable qu'aux titulaires d'une autorisation encore valable à cette date.

En donnant un effet rétroactif à cette disposition, l'article 59, 4°, du décret vise dès lors à faire bénéficier de celle-ci les personnes qui disposaient d'une autorisation valable au 1er juillet 2014, mais dont l'autorisation avait expiré à la date de la publication du décret attaqué au Moniteur belge, conformément à la législation fédérale antérieure. La rétroactivité de l'article 52, attaqué, peut en effet avoir pour conséquence que ces autorisations d'implantations commerciales périmées redeviennent valables de plein droit. Ce régime protège donc principalement des intérêts privés.

Les personnes dont l'autorisation d'implantation commerciale avait expiré conformément à l'ancienne législation fédérale avant l'adoption du décret du 15 juillet 2016 ne pouvaient pas s'attendre légitimement à ce que cette autorisation « renaisse » du fait d'une intervention rétroactive du législateur décrétal.

B.17.2. Une telle rétroactivité a pour conséquence d'influencer des situations définitivement acquises et peut porter atteinte à la confiance légitime et à la situation juridique de personnes autres que les anciens titulaires d'autorisations. Il se peut en effet que, suite à la péremption d'une autorisation d'implantation commerciale, des personnes autres que le titulaire de l'autorisation initiale aient obtenu une autorisation d'implantation commerciale pour la même zone territoriale et aient déjà fait des investissements en vue de réaliser leur projet. De plus, il est possible que l'autorité qui délivre les autorisations ait revu sa politique pour le lieu concerné en tenant compte de la péremption d'une autorisation et ait aligné ses actes sur cette révision. Enfin, il est également possible que d'autres tiers se soient fondés sur cette situation pour poser certains actes juridiques.

B.17.3. Dès lors que la « renaissance » de plein droit d'autorisations périmées peut donc conduire à l'existence simultanée de décisions d'autorisation ou de décisions de l'autorité inconciliables ou peut porter atteinte à la confiance légitime des citoyens, les dispositions attaquées compromettent la sécurité juridique pour les tiers qui ont agi en fonction de la péremption des autorisations d'implantation commerciale délivrées.

L'article 59, 4°, attaqué, du décret du 15 juillet 2016 ne crée donc pas un juste équilibre entre, d'une part, les intérêts privés des anciens titulaires d'autorisations et, d'autre part, ceux des pouvoirs publics et autres tiers qui ont agi en fonction de la péremption des autorisations visées.

B.17.4. Le fait de remédier rétroactivement à la situation des personnes qui disposaient encore d'une autorisation d'implantation commerciale valable au 1er juillet 2014 ne saurait être considéré comme nécessaire à la réalisation d'un objectif d'intérêt général et n'est pas justifié par des circonstances exceptionnelles ou des motifs impérieux d'intérêt général.

B.18. Le premier moyen dans l'affaire n° 6603 et le premier moyen dans l'affaire n° 6604 sont fondés. L'article 59, 4°, du décret du 15 juillet 2016 doit dès lors être annulé.

B.19. Les deuxième et troisième moyens dans l'affaire n° 6603 ne pouvant aboutir à une annulation plus ample, il n'y a pas lieu de les examiner.

Par ces motifs, la Cour annule l'article 59, 4°, du décret de la Région flamande du 15 juillet 2016 relatif à la politique d'implantation commerciale intégrale.

Ainsi rendu en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 26 avril 2018.

Le greffier, F. Meersschaut Le président, E. De Groot

^