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Arrêt
publié le 27 septembre 2018

Extrait de l'arrêt n° 104/2018 du 19 juillet 2018 Numéro du rôle : 6676 En cause : le recours en annulation du décret flamand du 14 octobre 2016 modifiant divers décrets relatifs au logement, introduit par l'ASBL « Vlaams Huurdersplatform ».

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Extrait de l'arrêt n° 104/2018 du 19 juillet 2018 Numéro du rôle : 6676 En cause : le recours en annulation du décret flamand du 14 octobre 2016 modifiant divers décrets relatifs au logement, introduit par l'ASBL « Vlaams Huurdersplatform ».

La Cour constitutionnelle, composée des présidents A. Alen et J. Spreutels, et des juges L. Lavrysen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke, T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, F. Daoût, T. Giet, R. Leysen et J. Moerman, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président A. Alen, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours et procédure Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 13 juin 2017 et parvenue au greffe le 15 juin 2017, l'ASBL « Vlaams Huurdersplatform », assistée et représentée par Me M. Dambre, avocat au barreau de Gand, a introduit un recours en annulation du décret flamand du 14 octobre 2016 modifiant divers décrets relatifs au logement (publié au Moniteur belge du 13 décembre 2016, deuxième édition). (...) II. En droit (...) Quant aux dispositions attaquées B.1. L'ASBL « Vlaams Huurdersplatform », partie requérante, demande l'annulation des articles 6, 4°, 39, 1°, 40 et 42 du décret flamand du 14 octobre 2016 modifiant divers décrets relatifs au logement (ci-après : le décret du 14 octobre 2016).

B.2.1. Par le décret attaqué, le législateur décrétal vise tant à apporter des adaptations juridiques et techniques qu'à apporter des changements de fond au décret du 15 juillet 1997 contenant le Code flamand du logement (ci-après : le Code flamand du logement) : « Les adaptations juridiques et techniques tendent à permettre une application plus souple des décrets concernés, sans toucher aux grands principes, concepts et objectifs. Les adaptations de fond apportées aux décrets visés participent de l'optimisation et de l'actualisation de la réglementation du logement. [...] Les modifications apportées aux articles relatifs au bail social concernent la lutte contre la fraude au domicile dans le logement social, l'introduction de contrats temporaires et enfin la lutte contre les nuisances en matière de logement » (Doc. parl., Parlement flamand, 2015-2016, n° 814/1, p. 3). « Le Code flamand du logement est en quelque sorte la Constitution de la politique du logement en Flandre. Il en définit le cadre. Le principe de base du Code flamand du logement est que chaque citoyen a droit à un logement décent. Ce droit à un logement conforme à la dignité humaine ne se réduit pas au simple fait d'avoir un toit sur la tête. L'autorité doit s'efforcer de garantir à chacun une sécurité de logement suffisante, dans un logement de bonne qualité, adapté à sa situation personnelle et à celle de son ménage. Le logement doit être situé dans un environnement décent et doit également être accessible à un prix abordable » (ibid., p. 10).

Le législateur décrétal entend dès lors réserver les logements sociaux de location aux personnes qui en ont le plus besoin, aussi longtemps que nécessaire.

Pour permettre d'atteindre ces objectifs, le décret du 14 octobre 2016 prévoit plusieurs mesures, parmi lesquelles des baux temporaires, la résiliation du bail social pour sous-occupation et une lutte plus vigoureuse contre la fraude au domicile.

B.2.2. L'article 6, 4°, attaqué, du décret du 14 octobre 2016 dispose : « Dans l'article 2 du décret du 15 juillet 1997 contenant le Code flamand du Logement, modifié en dernier lieu par le décret du 4 avril 2014, les modifications suivantes sont apportées : [...] 4° il est ajouté un § 6 et un § 7, rédigés comme suit : ' § 6.Lorsqu'ils l'estiment nécessaire, les inspecteurs du logement, visés à l'article 20, § 2, ou les fonctionnaires de surveillance, visés à l'article 29bis, communiquent les informations obtenues lors de leur examen à tous les fonctionnaires chargés du contrôle sur une autre législation ou de l'application d'une autre législation, lorsque ces informations peuvent les concerner lors de l'exercice du contrôle dont ils sont chargés ou pour l'application d'une autre législation.

Les inspecteurs du logement, visés à l'article 20, § 2, ou les fonctionnaires de surveillance, visés à l'article 29bis, peuvent également communiquer ces informations aux bailleurs sociaux, visés au paragraphe 1er, alinéa premier, 22°, lorsqu'ils l'estiment nécessaire.

Les informations obtenues lors de l'exercice des obligations, prescrites par l'autorité judiciaire, ne peuvent être communiquées qu'après autorisation explicite de l'autorité judiciaire.

Les fonctionnaires chargés du contrôle sur une autre législation ou de l'application d'une autre législation, et les bailleurs sociaux, visés au paragraphe 1er, alinéa premier, 22°, ne peuvent utiliser les informations, obtenues en vertu de ce paragraphe, que pour l'exercice de toutes les missions dont ils sont chargés. § 7. Sans préjudice de l'application de l'article 44/1 de la loi du 5 août 1992Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/08/1992 pub. 21/10/1999 numac 1999015203 source ministere des affaires etrangeres, du commerce exterieur et de la cooperation internationale Loi portant approbation du Protocole modifiant l'article 81 du Traité instituant l'Union économique Benelux du 3 février 1958, fait à Bruxelles le 16 février 1990 fermer sur la fonction de police, tous les services de la Région flamande, la Communauté flamande, les provinces, les communes, les associations auxquelles ils appartiennent et les bailleurs sociaux, visés au paragraphe 1er, alinéa premier, 22°, fournissent aux inspecteurs du logement, visés à l'article 20, § 2, et aux fonctionnaires de surveillance, visés à l'article 29bis, à leur demande, toutes les informations que ces derniers estiment nécessaires pour le contrôle sur la législation dont ils sont chargés. Ils fournissent des informations sur tous les porteurs d'informations et donnent des copies dans n'importe quelle forme. Les informations et les copies sont fournies gratuitement.

Les informations et les porteurs d'informations, rassemblés lors de l'exercice des obligations, prescrites par l'autorité judiciaire, ne peuvent être communiqués qu'après autorisation explicite de l'autorité judiciaire.

Les inspecteurs du logement, visés à l'article 20, § 2, et les fonctionnaires de surveillance, visés à l'article 29bis, ne peuvent utiliser les informations, obtenues en vertu de ce paragraphe, que pour l'exercice de toutes les missions relatives à la surveillance dont ils sont chargés. ' ».

B.2.3. L'article 39, 1°, attaqué, du décret du 14 octobre 2016 dispose : « Dans l'article 92 du même décret, remplacé par le décret du 15 décembre 2006 et modifié par le décret du 31 mai 2013, les modifications suivantes sont apportées : 1° dans le paragraphe 1er, alinéa premier, 3°, la phrase ' A la fin de la période d'essai, le contrat de location est continué sous forme d'un contrat de location de durée indéterminée;' est abrogée; ».

B.2.4. L'article 40, attaqué, du décret du 14 octobre 2016 dispose : « Dans le même décret, modifié en dernier lieu par le décret du 3 juillet 2015, il est inséré un article 97bis, rédigé comme suit : '

Art. 97bis.§ 1. Le présent article ne s'applique pas aux contrats de location conclus par des offices de location sociale. § 2. Les contrats de location conclus à partir de la date déterminée par le Gouvernement flamand, ont une durée de neuf ans.

Lorsque le contrat de location a trait à un logement dont le bailleur dispose pendant moins de neuf ans, la durée du contrat de location s'élève à la période dont le bailleur dispose.

Le Gouvernement flamand peut accorder des exceptions quant à la durée du contrat de location, entre autres pour l'hébergement provisoire de ménages en situation d'urgence ou en attente d'un logement adapté ou en cas de rénovation prévue du logement concerné.

Par dérogation à l'alinéa premier, un contrat de location est conclu pour une durée illimitée lorsque le locataire, visé à l'article 2, § 1er, alinéa premier, 34°, a) et b) conclut un nouveau contrat de location suite à un déménagement vers une autre habitation sociale de location du même bailleur, ou d'un autre bailleur dans le cadre d'un projet de rénovation, à condition que le contrat de location initial soit entré en vigueur avant la date visée à l'alinéa premier.

Lorsqu'un locataire dont le contrat de location initial est conclu après la date visée à l'alinéa premier, conclut un nouveau contrat de location suite à un déménagement vers une autre habitation sociale de location du même bailleur, la durée de ce dernier contrat de location, majorée de la durée du contrat de location initi [al], ne peut excéder neuf ans ou neuf ans, majoré de la période d'une période de prolongation entamée, étant entendu que le nouveau contrat de location a une durée minimale de trois ans. § 3. Le contrat de location prend fin à l'expiration de la période de neuf ans lorsque la moyenne arithmétique du revenu du locataire, visé à l'article 2, § 1er, alinéa premier, 34°, qui est pris en compte lors des trois dernières adaptations annuelles du loyer s'élève à au moins 125 % du revenu minimum applicable lors des trois derniers ajustements annuels du loyer.

Par dérogation à l'alinéa premier, la durée de neuf ans est prolongée une seule fois de trois ans lorsqu'un locataire tel que visé à l'article 2, § 1er, alinéa premier, 34°, c), réside dans l'habitation exclusivement lorsque la limite visée à l'alinéa premier est atteinte ou dépassée en prenant en compte son revenu.

Par dérogation aux alinéas premier et deux, la durée du contrat de location est prolongée chaque fois de trois ans lorsqu'un locataire, visé à l'article 2, § 1er, alinéa premier, 34°, c), dispense des soins de proximité tel que visé à l'article 2, 11°, du Décret sur les soins et le logement du 13 mars 2009 à un locataire ou bénéficie de ces soins assurés par un locataire, tel que visé à l'article 2, § 1er, alinéa premier, 34°, a) ou b), exclusivement lorsque la limite, visée à l'alinéa premier, est atteinte ou dépassée en prenant en compte le revenu du locataire, visé à l'article 2, § 1er, alinéa premier, 34°, c).

Lorsque la condition, visée à l'alinéa premier, est remplie, le bailleur notifie une résiliation moyennant un préavis de six mois dont le dernier jour coïncide avec la date d'échéance du contrat de location.

Lorsque la condition, visée à alinéa premier, n'est pas remplie, le contrat de location est prolongé automatiquement pour une durée de trois ans. Ensuite, le contrat de location est prolongé chaque fois de trois ans lorsque la condition, visée à l'alinéa premier, n'est pas remplie. Lorsque la condition, visée à l'alinéa premier, est remplie, le bailleur notifie une résiliation moyennant un préavis de six mois dont le dernier jour coïncide avec la date d'échéance d'une période prolongée.

Le locataire, visé à l'article 2, § 1er, alinéa premier, 34°, a) ou b), peut demander au bailleur de retirer la résiliation : 1° lorsqu'il démontre que le revenu actuel du locataire, visé à l'article 2, § 1er, alinéa premier, 34°, calculé sur trois mois consécutifs et extrapolé vers douze mois, précédant le commencement du délai de préavis, est inférieur au plafond de 125 % ;2° lorsqu'il démontre qu'il a demandé sa mise en retraite ou atteindra son âge légal de la retraite dans les trois ans de l'échéance du contrat de location et qu'il aura, suite à la mise en retraite, un revenu inférieur au plafond de 125 % ;3° lorsqu'il estime que le retrait de la résiliation est raisonnable pour des raisons de nécessité de logement. § 4. Le contrat de location prend fin à l'expiration de la période de neuf ans lorsque le locataire habite une habitation sous-occupée et refuse ou a refusé au moins deux offres d'une habitation adaptée à la nouvelle composition de son ménage dans le même environnement. Le bailleur notifie une résiliation moyennant un préavis de six mois dont le dernier jour coïncide avec la date d'échéance du contrat de location. Le Gouvernement flamand précise ce qu'on entend par ' habitation sous-occupée ' et par ' même environnement ' ainsi que les conditions auxquelles l'habitation offerte doit répondre.

Lorsque le locataire n'habite pas d'habitation sous-occupée ou lorsqu'il n'obtient aucune offre adaptée précédant le préavis, le contrat de location est automatiquement prolongé pour une durée de trois ans. Le contrat de location sera prolongé chaque fois de trois ans lorsque les conditions, visées à l'alinéa premier, ne sont pas remplies. Lorsque les conditions, visées à l'alinéa premier, sont remplies, le bailleur notifie une résiliation moyennant un préavis de six mois dont le dernier jour coïncide avec la date d'échéance d'une période prolongée.

Le locataire peut demander au bailleur de retirer la résiliation lorsque le locataire estime que le retrait de la résiliation est raisonnable pour des raisons de nécessité de logement. § 5. Lorsque la demande, visée au paragraphe 3, alinéa six, et au paragraphe 4, alinéa trois, n'est pas acceptée par le bailleur, le locataire peut introduire un recours auprès du contrôleur. Le Gouvernement flamand arrête les délais et la procédure d'introduction de la demande de retrait de la résiliation et du recours. ' ».

B.2.5. L'article 42, attaqué, du décret du 14 octobre 2016 dispose : « Dans l'article 98 du même décret, modifié par les décrets des 15 décembre 2006, 21 novembre 2008 et 31 mai 2013, les modifications suivantes sont apportées : 1° dans le paragraphe 1er, alinéa premier, les mots ' conclu pour une durée indéterminée et ' sont abrogés;2° dans le paragraphe 1er, il est inséré un alinéa entre les alinéas quatre et cinq, rédigé comme suit : ' Lorsque le contrat de location est résilié conformément à l'article 97bis, § § 3 et 4, la date d'échéance du contrat de location ou de la prolongation du contrat de location vaut, par dérogation à l'alinéa deux, comme date de fin du contrat de location.'; 3° dans le paragraphe 1er, les alinéas existants sept et huit sont abrogés;4° dans le paragraphe 3, alinéa premier, les mots ' Le bailleur ne peut terminer le contrat de location que ' est remplacé par le membre de phrase ' Sans préjudice de l'application de l'article 97bis, le bailleur peut résilier le contrat de location ';5° au paragraphe 3, alinéa premier, il est ajouté un point 3°, rédigé comme suit : ' 3° lorsque le locataire a joui indûment de bénéfices accordés par les dispositions du présent titre, ou a été admis indûment à une habitation sociale de location sur la base de déclarations inexactes ou incomplètes, faites de mauvaise foi.'; 6° dans le paragraphe 3, alinéa deux, les mots ' en cas d'un défaut grave ou persistent ' sont remplacés par le membre de phrase ' dans les cas, visés à l'alinéa premier, 2° et 3°,' ». B.3. La partie requérante invoque deux moyens d'annulation à l'encontre des articles 6, 4°, 39, 1°, 40 et 42 du décret du 14 octobre 2016.

Le premier moyen est pris de la violation, par les articles 39, 1°, 40 et 42 du décret du 14 octobre 2016, des articles 10, 11 et 23, alinéa 3, 3°, de la Constitution, combinés avec l'article 11.1 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, en ce que ces dispositions ont pour effet qu'à partir du 1er mars 2017, les baux sociaux à durée indéterminée sont remplacés par des baux sociaux temporaires.

Le second moyen est pris de la violation, par l'article 6, 4°, du décret du 14 octobre 2016, des articles 10, 11 et 22 de la Constitution, combinés avec l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, avec l'article 17 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et avec l'article 16 de la Convention relative aux droits de l'enfant, en ce que l'article attaqué conférerait un pouvoir trop important aux contrôleurs, aux inspecteurs du logement et aux divers agents des différents niveaux de pouvoir, en ce qui concerne l'échange d'informations en vue de lutter contre la fraude au domicile.

En ce qui concerne les baux sociaux temporaires (articles 39, 1°, 40 et 42 du décret du 14 octobre 2016) B.4.1. Le premier moyen est pris de la violation des articles 10, 11 et 23, alinéa 3, 3°, de la Constitution, combinés avec l'article 11.1 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, et est articulé en deux branches : la violation de l'obligation de standstill, d'une part, et celle du principe d'égalité, d'autre part.

B.4.2. La partie intervenante invoque la violation du droit au respect de la vie privée et familiale, garanti par l'article 22 de la Constitution et par l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, de l'interdiction de discrimination fondée sur la fortune, telle qu'elle est contenue dans l'article 20, alinéa 1er, 6°, du décret du 10 juillet 2008 portant le cadre de la politique flamande de l'égalité des chances et de traitement (ci-après : décret sur l'égalité des chances), combiné avec l'article 16, § 3, du même décret, et du principe de légalité, tel qu'il est contenu dans les articles 10, 11 et 23, alinéa 3, 3°, de la Constitution et dans l'article 11 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Selon la partie intervenante, il existe en effet un lien direct entre le logement et le droit au respect de la vie privée et familiale, du domicile et de la correspondance parce que le logement d'une personne représente les circonstances matérielles dans lesquelles les droits précités peuvent être exercés.

B.4.3. Le Gouvernement flamand fait valoir que l'intervention de l'ASBL « Liga voor Mensenrechten » est irrecevable en ce qu'elle contient de nouveaux moyens. En outre, l'intervention serait irrecevable en ce qu'elle solliciterait un contrôle du décret du 14 octobre 2016 au regard du décret sur l'égalité des chances.

B.4.4. Les griefs formulés par la partie intervenante ne peuvent être pris en considération que dans la mesure où ils se rattachent aux moyens formulés dans la requête. En effet, l'article 87, § 2, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle interdit la formulation de moyens nouveaux dans un mémoire en intervention.

Etant donné que les griefs qui sont pris de la violation du droit au respect de la vie privée et familiale, de l'interdiction de discrimination fondée sur la fortune et du principe de légalité ne se rattachent pas au moyen pris, par la partie requérante, de la violation de l'obligation de standstill et du principe d'égalité, ces griefs sont irrecevables.

Le grief pris de la violation de l'interdiction de discrimination fondée sur la fortune est en outre irrecevable, en ce qu'il invite la Cour à contrôler le décret du 14 octobre 2016 au regard du décret sur l'égalité des chances. Conformément à l'article 1er de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, la Cour n'est pas compétente pour contrôler des dispositions décrétales au regard d'autres dispositions décrétales, qui ne sont pas des règles répartitrices de compétence.

L'obligation de standstill B.5. Le premier moyen, en sa première branche, est pris de la violation de l'obligation de standstill, telle qu'elle est contenue dans l'article 23 de la Constitution, combiné avec l'article 11.1 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, en ce que le droit au logement des nouveaux locataires sociaux serait fortement limité. Le niveau de protection des nouveaux locataires sociaux reculerait même de manière significative sous deux aspects, étant donné que les baux à durée indéterminée sont remplacés par des baux temporaires et que les possibilités de résiliation des baux sociaux seraient étendues.

Selon la partie requérante, le droit au logement des nouveaux locataires sociaux devrait être minutieusement mis en balance avec le droit au logement des candidats-locataires qui ont besoin d'un logement décent et sont en attente d'un logement social. Le choix d'étendre l'accès aux logements sociaux pour les candidats-locataires qui ont besoin d'un logement décent, au détriment des locataires sociaux occupants, témoignerait d'un modèle de logement social minimaliste, alors que le modèle de logement maximaliste visé à l'article 4, § 2, du Code flamand du logement implique de créer, par la réalisation du droit fondamental au logement, une base durable permettant d'exercer d'autres droits et d'améliorer le statut social des bénéficiaires. A tout le moins y aurait-il lieu, selon la partie requérante, d'examiner s'il existe ou non d'autres solutions praticables ou réalistes pour augmenter le nombre de logements sociaux disponibles, en vue d'accélérer l'accès au logement social des candidats à un logement social qui se retrouvent actuellement sur le marché locatif privé, voire qui sont sans-abri, sans que la sécurité de logement des nouveaux locataires sociaux occupants en soit davantage affectée.

B.6.1. L'article 23 de la Constitution dispose que chacun a le droit de mener une vie conforme à la dignité humaine. A cette fin, les différents législateurs garantissent, en tenant compte des obligations correspondantes, les droits économiques, sociaux et culturels, et déterminent les conditions de leur exercice. Ces droits comprennent notamment le droit à un logement décent. Il relève du pouvoir d'appréciation de chaque législateur de déterminer les mesures qu'il estime adéquates et opportunes pour réaliser cet objectif.

En outre, l'article 23 de la Constitution contient une obligation de standstill qui s'oppose à ce que le législateur compétent réduise significativement le niveau de protection offert par la législation en vigueur, sans qu'existent pour ce faire des motifs liés à l'intérêt général.

B.6.2. L'article 11.1 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels dispose que les Etats parties audit Pacte reconnaissent le droit de toute personne à un niveau de vie suffisant pour elle-même et sa famille, « y compris une nourriture, un vêtement et un logement suffisants, ainsi qu'à une amélioration constante de ses conditions d'existence ». Les Etats parties doivent prendre des mesures appropriées pour assurer la réalisation de ce droit.

B.6.3. L'obligation de standstill ne peut toutefois s'entendre comme imposant à chaque législateur, dans le cadre de ses compétences, de laisser intactes les modalités de la législation relative au logement social de location. Elle leur interdit d'adopter des mesures qui marqueraient un recul significatif du droit garanti par l'article 23, alinéas 1er et 3, 3°, de la Constitution sans qu'existent pour ce faire des motifs liés à l'intérêt général, mais elle ne les prive pas du pouvoir d'apprécier de quelle manière ce droit est le plus adéquatement assuré.

B.7.1. La mise à disposition d'un logement social entraîne pour le locataire un avantage pécuniaire, financé par des moyens publics, qui consiste en la jouissance d'une habitation à un loyer qui est inférieur au prix du marché.

Le législateur décrétal entend encourager le passage d'un logement social de location à un logement sur le marché privé de location ou d'acquisition pour les personnes qui en ont les moyens. Ainsi, en effet, des logements sociaux pourront être mis à disposition des personnes qui en ont le plus besoin. A cet égard, les travaux préparatoires mentionnent : « Nous constatons qu'en date du 31 décembre 2013, 78.540 unités de candidats-locataires (ménages ou personnes isolées) étaient inscrites sur une liste d'attente pour obtenir un logement social de location.

Le temps d'attente moyen s'élève à 2,7 ans. [...] Pour que les logements sociaux restent réservés aux personnes qui en ont réellement besoin, et aussi longtemps qu'elles en ont besoin, les logements sociaux de location seront désormais mis à disposition à titre temporaire. Par analogie avec la loi sur les baux d'habitation, la durée du bail sera dans un premier temps fixée à neuf ans. En exécution de l'accord de gouvernement, les revenus seront, à l'issue de cette période, mis en balance avec le plafond de revenus applicable pour vérifier si le locataire fait encore partie du groupe-cible du logement social. Lors de cette mise en balance, le plafond de revenus applicable est relevé de 25 %, d'une part, pour éviter le piège à l'emploi, et, d'autre part, pour créer une marge supplémentaire afin que les revenus du ménage permettent de louer ou d'acquérir un logement sur le marché privé.

Le bail peut être prolongé par périodes de trois ans successives, à condition que le locataire remplisse encore les critères de revenus fixés » (Doc. parl., Parlement flamand, 2015-2016, n° 814/1, p. 5). « On choisit de recourir à des contrats temporaires pour les nouveaux locataires (et ceci vaut également en ce qui concerne la possibilité d'une résiliation pour sous-occupation), comme c'est également le cas dans la Région de Bruxelles-Capitale. Les contrats temporaires sont un signal fort pour faire comprendre aux occupants que le logement social est une aide temporaire, qui ne dure donc que tant que l'on appartient au groupe-cible défini (+ une marge de 25 % ) » (ibid., p. 6).

B.7.2. Le groupe-cible du logement social est défini sur la base de la notion de besoin d'un logement décent. Conformément à l'article 2, § 1er, alinéa 1er, 6°, du Code flamand du logement, il convient d'entendre par « indigent en matière de logement [lire : personne ayant besoin d'un logement décent] » toute personne « se trouvant dans une situation économique et sociale de fait dans laquelle un logement décent ne peut être acquis ou maintenu qu'avec une aide supplémentaire ou globale ».

L'article 2, § 2, du Code flamand du logement dispose que le Gouvernement flamand détermine, par type d'aide, les critères d'évaluation de la situation de fait, les plafonds de revenus étant fixés proportionnellement à la composition du ménage. L'arrêté du Gouvernement flamand du 12 octobre 2007 réglementant le régime de location sociale et portant exécution du titre VII du Code flamand du Logement (ci-après : l'arrêté-cadre sur le bail social) a fixé les plafonds de revenus et la « condition de propriété immobilière » qui constitueront les critères visant à définir le groupe-cible pour ce type d'aide.

Selon les travaux préparatoires, les dispositions attaquées visent à organiser « une sortie du logement social pour les personnes qui n'appartiennent plus au groupe-cible défini » : « En ce qui concerne la sortie, le groupe-cible du logement social est encore étendu du fait de l'introduction d'une marge de 25 % au-delà du plafond de revenus. L'organisation de cette sortie permet de libérer des logements pour des personnes qui appartiennent au groupe-cible défini par l'arrêté-cadre sur le bail social » (ibid., p. 6).

B.7.3. Il ressort aussi des travaux préparatoires que l'objectif du législateur décrétal est de lutter contre la sous-occupation des logements sociaux : « Actuellement, la réglementation ne prévoit pas d'incitants pour encourager les locataires qui occupent des logements trop grands à déménager pour occuper de plus petits logements. Selon le régime actuel, les locataires peuvent s'inscrire volontairement pour déménager et emménager dans un plus petit logement, mais ils n'en ont donc pas l'obligation. [...] Pour lutter contre la sous-occupation, il sera suffisamment tenu compte des caractéristiques du parc du logement, des caractéristiques des candidats locataires et de la pression sur certains segments du marché du logement. Les acteurs locaux sont le mieux placés pour en juger. Les bailleurs sociaux devront décider eux-mêmes, sur la base des caractéristiques du parc du logement, des caractéristiques des candidats-locataires inscrits sur leur liste d'attente et de la pression sur certains segments du marché du logement, si un déménagement s'avère nécessaire et s'ils font une offre. Lors de l'attribution, le bailleur social peut déroger à toutes les règles d'attribution. [...] Si un locataire ne veut pas collaborer, le bailleur social disposera désormais d'un moyen de pression. En fonction du système, si le locataire refuse pour la seconde fois une offre qui remplit les critères fixés, soit il paiera une indemnité pour sous-occupation, soit il se verra refuser la prolongation de son bail » (ibid., p. 8).

B.8.1. Par l'article 39, 1°, du décret du 14 octobre 2016, le législateur décrétal vise à adapter l'article 92, § 1er, alinéa 1er, 3°, du Code flamand du logement à l'introduction des baux sociaux temporaires. En effet, du fait de cette introduction, les baux sociaux ne sont plus conclus pour une durée indéterminée. A l'issue de la période d'essai, le bail est poursuivi pour la durée restante du bail.

B.8.2. L'article 40, attaqué, du décret du 14 octobre 2016 insère un nouvel article 97bis dans le Code flamand du logement. La première branche du premier moyen pris par la partie requérante est uniquement dirigée contre le nouvel article 97bis, § § 2, 3, 4 et 5, du Code flamand du logement.

Les travaux préparatoires mentionnent : « Le paragraphe 2 instaure le principe des baux à durée déterminée pour la location d'un logement social en Région flamande. [...] [...] Le paragraphe 3 prévoit la prise en compte des revenus des locataires visés à l'article 2, § 1er, alinéa 1er, 34°, du Code flamand du logement lors de la mise en balance de ceux-ci avec le plafond de revenus. La notion de ' revenus ' est définie à l'article 1er, alinéa 1er, 15°, de l'arrêté-cadre sur le bail social. [...] La réglementation en projet prévoit qu'il sera tenu compte des revenus lors des trois dernières adaptations annuelles du loyer et qu'on en calculera la moyenne arithmétique.

Pour ce qui est d'éviter le piège à l'emploi, [il est souligné que] pour qu'une amélioration temporaire de la situation de revenus ne donne pas lieu à une résiliation, [...] la moyenne arithmétique des revenus sur trois années civiles consécutives doit être fixée à 125 % ou plus du plafond de revenus applicable. [...] [...] Si, après 8 ans et 6 mois au plus tard, le locataire n'a reçu aucune résiliation, son bail sera automatiquement prolongé. Ces périodes de trois ans peuvent chaque fois être prolongées aux mêmes conditions que la prolongation initiale.

Le locataire dont le revenu est trop élevé peut introduire une demande de retrait de la résiliation auprès du bailleur. [...] Le paragraphe 4 définit le deuxième critère qui sera évalué. Pour louer des logements sociaux sur la base d'un taux d'occupation optimal, le bailleur contrôlera à intervalles réguliers si le logement n'est pas sous-occupé. Si le bailleur constate que le logement est sous-occupé, il devra faire une offre valable, dans la mesure du possible, et ce, notamment sur la base des caractéristiques du parc de logements, des caractéristiques des candidats-locataires et de la pression sur certains segments du marché du logement. Le locataire doit accepter de déménager pour un autre logement social. Si le locataire refuse jusqu'à deux fois une offre valable et qu'il continue à habiter un logement sous-occupé lorsqu'une résiliation doit être donnée au plus tard, le bail ne sera pas prolongé et sera donc résilié. Le Gouvernement flamand doit définir la notion de ' logement sous-occupé ' et fixer les conditions auxquelles le logement offert doit satisfaire. Le bail est prolongé si le logement n'est pas sous-occupé ou si le bailleur n'a pas pu faire une offre valable ou n'a pu en faire qu'une seule. Tant que l'une des deux conditions est toujours remplie, le bail sera chaque fois prolongé au terme de la période de trois ans.

Si le bail est résilié, le locataire peut introduire auprès du bailleur une demande de retrait de la résiliation. Dans ce cas, le locataire doit justifier sa demande par des motifs liés au besoin d'un logement décent.

Le paragraphe 5 instaure la possibilité d'un recours auprès du contrôleur, lorsque le locataire et le bailleur ne parviennent pas à un accord en ce qui concerne la demande de retrait de la résiliation.

Le Gouvernement flamand arrêtera les délais et la procédure d'introduction de cette demande » (Doc. parl., Parlement flamand, 2015-2016, n° 814/1, pp. 49-52).

B.8.3. Par l'article 42, attaqué, du décret du 14 octobre 2016, le législateur décrétal vise à modifier l'article 98 du Code flamand du logement pour l'adapter à la suite de l'introduction des baux temporaires.

B.9.1. Le législateur décrétal ne peut porter atteinte à la sécurité du droit au logement dans le secteur du logement social, qui est un élément fondamental de la concrétisation du droit à un logement décent garanti par l'article 23 de la Constitution. Le remplacement des baux à durée indéterminée par des baux à durée déterminée modifie le droit à la sécurité du logement des locataires qui concluent à partir du 1er mars 2017 un contrat de bail social.

B.9.2. Sans doute la Cour doit-elle, en ce qui concerne la politique du logement, respecter l'appréciation des législateurs régionaux quant à l'intérêt général, sauf si cette appréciation est manifestement déraisonnable, mais ce pouvoir d'appréciation est moins large lorsque cette politique de logement risque d'entraîner pour une catégorie déterminée de personnes la perte de leur logement, ce qui est effectivement considéré comme une des ingérences les plus extrêmes dans le droit au respect du logement (CEDH, 13 mai 2008, McCann c.

Royaume-Uni, § 50; 17 octobre 2013, Winterstein c. France, § 148).

B.10. Par analogie avec ce que prévoit le droit commun du bail, le bail social est désormais conclu pour une durée déterminée. Selon les travaux préparatoires, ce changement est nécessaire si on veut s'assurer « que les logements sociaux restent réservés aux personnes qui en ont réellement besoin, et aussi longtemps qu'elles en ont besoin » (Doc. parl., Parlement flamand, 2015-2016, n° 814/1, p. 5).

En outre, « les contrats temporaires sont un signal fort pour faire comprendre aux occupants que le logement social est une aide temporaire, qui ne dure donc que tant que l'on appartient au groupe-cible défini » (ibid., p. 6). En séance plénière, la ministre compétente a encore déclaré que « les personnes les plus vulnérables sur le marché locatif privé ont davantage droit à un logement social que les personnes qui perçoivent un revenu d'environ 45.000 [euros] », de sorte que le plafond de revenus fixé à 125 % est justifié (Doc. parl., Parlement flamand, 2015-2016, séance plénière du 5 octobre 2016, p. 44).

La législation décrétale ne change pas pour les locataires sociaux qui ont ce statut le jour de l'entrée en vigueur du décret attaqué (Doc. parl., Parlement flamand, 2015-2016, n° 814/4, p. 8), de sorte que ceux-ci restent locataires en disposant d'un bail social à durée indéterminée.

Le législateur décrétal a donc pu prévoir un système de baux sociaux temporaires. Ce système permet de réserver plus adéquatement le marché locatif du logement social au groupe-cible concerné.

B.11.1. La Cour doit encore examiner si ce changement ne réduit pas significativement le niveau de protection offert et s'il est justifié par un motif d'intérêt général.

B.11.2. Les baux sociaux à durée déterminée pour les locataires sociaux occupants sont automatiquement prolongés pour les locataires qui remplissent les conditions de besoin d'un logement décent.

L'article 97bis, § 1er, du Code flamand du logement prévoit que le bail est conclu pour une durée de neuf ans. Avant l'expiration de la période de neuf ans, le bailleur social exerce un double contrôle : d'une part, il examine les revenus des locataires et, d'autre part, il vérifie si le logement social n'est pas sous-occupé. Lorsque le locataire remplit les deux conditions, son contrat de bail est automatiquement prolongé pour une durée de trois ans (article 97bis, § 3, alinéa 5, et § 4, alinéa 2, du Code flamand du logement). Ainsi, la sécurité du droit au logement est garantie pour le groupe-cible défini du logement social.

B.11.3.1. En ce qui concerne les revenus, le bailleur social doit résilier le bail lorsqu'il s'avère que la moyenne des revenus du locataire s'élève à au moins 125 % du plafond de revenus applicable au locataire pour les trois derniers ajustements annuels du loyer.

Contrairement à ce que l'arrêté-cadre sur le bail social prévoyait, le dépassement du plafond de revenus est limité à 125 % parce que le législateur décrétal part du principe que « toutes les personnes isolées et les familles dont le revenu est égal ou supérieur à 125 % du plafond de revenus applicable ont plus de possibilités que les candidats-locataires inscrits sur la liste d'attente qui, par définition, ont des revenus inférieurs au plafond de revenus applicable » (Doc. parl., Parlement flamand, 2015-2016, n° 814/1, pp. 53-54).

B.11.3.2. Une double exception est prévue pour les locataires sociaux qui ne rempliraient plus les conditions relatives au plafond de revenus et qui seraient dès lors confrontés à la résiliation de leur bail social (article 97bis, § 3, alinéas 2 et 3, du Code flamand du logement). Ces deux exceptions portent sur le cas dans lequel le bail devrait être résilié lorsque les revenus du locataire dépassent 125 % du plafond de revenus parce que le revenu d'un locataire de catégorie c est également pris en compte, le locataire de catégorie c étant un locataire qui ne peut prétendre personnellement à un logement social et qui cohabite de manière durable avec une autre personne qui peut, elle, prétendre personnellement à un logement social.

B.11.3.3. Lorsque la résiliation du bail a été notifiée au locataire, celui-ci peut demander au bailleur de retirer la résiliation (article 97bis, § 3, alinéa 6, du Code flamand du logement). Lorsque le plafond de revenus est dépassé de 25 %, ce retrait peut être demandé dans trois cas, à savoir (1) lorsque le locataire démontre que le revenu actuel est inférieur au plafond de 125 % ou (2) lorsque le locataire démontre qu'il a demandé sa mise à la retraite ou atteindra l'âge légal de la retraite au plus tard dans les trois ans de l'expiration du contrat de location et qu'il aura, à la suite de sa mise à la retraite, un revenu inférieur au plafond de 125 % . Le retrait peut également toujours être demandé par le locataire (3) lorsque celui-ci estime que le retrait de la résiliation est raisonnable pour des motifs liés au « besoin d'un logement décent ».

En instaurant ces différents cas d'exception, le législateur décrétal a voulu garantir que la situation concrète de chaque locataire soit prise en compte au regard du droit à un logement décent. Plus particulièrement, le motif de retrait de la résiliation lié au « besoin d'un logement décent » permet d'assurer que des résiliations de bail qui ont des effets importants sur les locataires sociaux puissent être réexaminées pour ce qui concerne tous les éléments factuels pertinents. Pour atteindre cet objectif, il est nécessaire que ce réexamen de la situation au regard du « besoin d'un logement décent » soit exercé de manière complète, équitable et en toute indépendance, en tenant compte de ce que la privation d'un logement social constitue une ingérence grave dans le droit au respect du logement. Le bailleur est à cet égard adéquatement placé pour apprécier les éléments factuels pertinents de la situation locative. Un recours est, de surcroît, ouvert contre la décision prise par le bailleur auprès du contrôleur du logement social.

B.11.4.1. Le législateur décrétal entend également optimiser le taux d'occupation du patrimoine existant. Conformément à l'article 97bis, § 4, du Code flamand du logement, le bail conclu à partir du 1er mars 2017 prend fin à l'expiration de la période de neuf ans lorsque le locataire habite un logement sous-occupé et refuse ou a refusé au moins deux offres de logement adaptées à la nouvelle composition de son ménage, dans le même environnement. Le bailleur notifie une résiliation moyennant un préavis de six mois dont le dernier jour coïncide avec la date d'expiration du bail.

B.11.4.2. Lorsque la résiliation du bail est notifiée au locataire, celui-ci peut demander au bailleur de retirer la résiliation (article 97bis, § 4, alinéa 3, du Code flamand du logement) pour des raisons liées au « besoin d'un logement décent ». En l'occurrence aussi, et compte tenu de ce qui est dit en B.11.3.3, le législateur décrétal garantit que la situation concrète de chaque locataire est prise en compte par le bailleur social.

B.11.5. Lorsque le bailleur rejette la demande de retrait de la résiliation introduite par le locataire, ce dernier peut, conformément à l'article 97bis, § 5, du Code flamand du logement, introduire un recours auprès du contrôleur du logement social (article 29bis du Code flamand du logement). Il s'agit d'un recours administratif en réformation permettant au contrôleur de statuer à nouveau sur tous les éléments de la demande de résiliation. Cette décision peut, quant à elle, encore faire l'objet d'un recours en annulation devant la section du contentieux administratif du Conseil d'Etat.

B.12. Sans qu'il y ait lieu de déterminer s'il s'agit d'un recul significatif du niveau de protection, il suffit, en ce qui concerne le respect de l'obligation de standstill contenue dans l'article 23 de la Constitution, de constater que, compte tenu de l'importance de la réalisation effective du droit à un logement décent pour les personnes les plus démunies du secteur du logement social, et compte tenu de la sécurité qui en découle pour le groupe-cible visé en ce qui concerne ce droit, le système décrétal de baux sociaux temporaires repose sur un motif d'intérêt général qui consiste à réserver les logements sociaux de location aux personnes qui en ont réellement besoin, aussi longtemps qu'elles en ont besoin. L'obligation de standstill précitée n'est donc pas violée.

B.13. Sous réserve de l'interprétation mentionnée en B.15.4, le premier moyen, en sa première branche, n'est pas fondé.

Le principe d'égalité et de non-discrimination B.14. Le premier moyen, en sa seconde branche, est pris de la violation du principe d'égalité et de non-discrimination par l'article 40 du décret du 14 octobre 2016. Selon la partie requérante, le nouvel article 97bis, § 3, alinéa 2, du Code flamand du logement ferait naître une double discrimination et serait dès lors incompatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution.

B.15.1. Les locataires sociaux dont les revenus excèdent après neuf ans le plafond fixé à 125 %, en raison de la prise en compte des revenus d'un locataire de catégorie c, sont comparés aux locataires sociaux qui, après douze, quinze, dix-huit ans, etc. présentent des revenus trop élevés du fait de la prise en compte des revenus d'un locataire de catégorie c. Selon la partie requérante, seuls les locataires sociaux de la première catégorie pourraient bénéficier de l'application de l'article 97bis, § 3, alinéa 2, du Code flamand du logement.

Les locataires sociaux dont le bail est prolongé de trois ans en application de l'article 97bis, § 3, alinéa 2, du Code flamand du logement sont comparés aux locataires sociaux dont le bail est prolongé de trois ans parce que leurs revenus n'excèdent pas le plafond de 125 %, en application de l'article 97bis, § 3, alinéa 5.

Selon la partie requérante, les locataires sociaux de la première catégorie ne pourraient plus prétendre à une nouvelle prolongation de trois ans, même si leurs revenus n'excèdent plus le plafond de 125 % (article 97bis, § 3, alinéa 5, du Code flamand du logement).

B.15.2. Conformément à l'article 97bis, § 3, alinéa 2, du Code flamand du logement, le bail social de neuf ans est prolongé une seule fois pour une période de trois ans lorsqu'un locataire de catégorie c partage le logement concerné et que, du fait de la prise en compte de ses revenus, la limite de 125 % est atteinte ou dépassée. Il est donc prévu une exception à la règle selon laquelle le bail social est résilié s'il s'avère que les revenus du locataire social sont trop élevés. Lorsque, du fait des revenus d'un locataire de catégorie c, le plafond de revenus applicable est dépassé, le bail social est tout de même prolongé pour une période de trois ans, ne fût-ce qu'une seule fois.

B.15.3. La partie requérante interprète cette prolongation unique du bail social en ce sens qu'elle ne peut avoir lieu que si le dépassement du plafond de revenus intervient pendant la période de bail initiale de neuf ans et qu'elle ne peut être appliquée lors des prolongations ultérieures de trois ans.

B.15.4. Compte tenu de l'article 97bis considéré dans son ensemble, il y a lieu toutefois de constater que la règle tirée de l'alinéa 1er, selon laquelle le bail social est résilié après neuf ans lorsque les revenus sont trop élevés, et l'exception à cette règle fixée à l'alinéa 2, en vertu de laquelle le bail social est prolongé de trois ans lorsque les revenus dépassent le plafond du fait de la comptabilisation des revenus d'un locataire de catégorie c, doivent être combinées avec l'alinéa 5, qui règle la résiliation après des périodes successives de trois ans chaque fois, lorsque les revenus sont trop élevés. Il ressort de cette lecture combinée que l'exception inscrite à l'article 97bis, § 3, alinéa 2, du Code flamand du logement vaut aussi lorsque le bail a déjà été prolongé pour une période de trois ans, en application de l'alinéa 5.

Cette interprétation de l'article 97bis, § 3, alinéa 2, du Code flamand du logement tient également compte de l'intention du législateur décrétal, qui est exprimée en ces termes dans les travaux préparatoires : « Les revenus du locataire, visés à l'article 2, § 1er, alinéa 1er, 34°, c), sont pris en compte pour la mise en balance des revenus du locataire avec les plafonds de revenus, étant entendu qu'une prolongation du bail pour une seule période de trois ans est accordée lorsque le locataire atteint la limite ou la dépasse du fait de la prise en compte de ses revenus. De cette manière, les locataires se voient accorder suffisamment de temps pour tenir compte des conséquences de la nouvelle mesure » (Doc. parl., Parlement flamand, 2015-2016, n° 814/1, p. 50).

Le législateur décrétal n'a donc pas voulu faire de distinction entre les locataires sociaux selon que ceux-ci occupent le logement social lors de la période initiale du bail social de neuf ans ou lors d'une période ultérieure de prolongation de trois ans.

La différence de traitement n'existe dès lors pas et l'article 97bis, § 3, alinéa 2, du Code flamand du logement ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution.

B.16.1. Les locataires sociaux qui, sur la base de l'article 97bis, § 3, alinéa 2, du Code flamand du logement, ont obtenu une prolongation unique de leur bail ne pourraient plus prétendre, selon la partie requérante, à une prolongation fondée sur l'article 97bis, § 3, alinéa 5, du Code flamand du logement, alors que les locataires sociaux qui ont obtenu une prolongation initiale en application de l'article 97bis, § 3, alinéa 5, peuvent encore obtenir une prolongation de leur bail.

B.16.2. Conformément à l'article 97bis, § 3, alinéa 5, du Code flamand du logement, le bail est automatiquement prolongé pour une durée de trois ans lorsque le revenu du locataire n'est pas égal ou supérieur à 125 % du plafond de revenus.

Selon la partie requérante, les locataires sociaux ne pourraient plus prétendre à une nouvelle prolongation de 3 ans lorsqu'ils ont déjà obtenu une prolongation de trois ans sur la base de l'article 97bis, § 3, alinéa 2, du Code flamand du logement.

B.16.3. Eu égard à ce qui est dit en B.15.4, l'article 97bis, § 3, alinéa 2, du Code flamand du logement doit être combiné avec l'article 97bis, § 3, alinéa 5. L'application de l'exception prévue à l'article 97bis, § 3, alinéa 2, n'exclut nullement l'application ultérieure de l'article 97bis, § 3, alinéa 5, du Code flamand du logement, de sorte que les deux fondements de la prolongation du bail social peuvent trouver à s'appliquer successivement.

Dès lors, l'utilisation des mots « une seule fois » à l'article 97bis, § 3, alinéa 2, concerne uniquement l'article 97bis, § 3, alinéa 2, et signifie que le législateur décrétal a voulu limiter à une seule fois le recours au motif d'exception visé à l'article 97bis, § 3, alinéa 2, tout en voulant donner au locataire social suffisamment de temps pour trouver une autre habitation et pour pouvoir « tenir compte des conséquences de la nouvelle mesure » (Doc. parl., Parlement flamand, 2015-2016, n° 814/1, p. 50).

B.16.4. Sous réserve de l'interprétation mentionnée en B.16.3, la différence de traitement alléguée par la partie requérante n'existe pas.

B.17. Le premier moyen, en sa seconde branche, n'est pas fondé.

En ce qui concerne la fraude au domicile (article 6, 4°, du décret du 14 octobre 2016) B.18. La partie requérante prend un second moyen de la violation des articles 10, 11 et 22 de la Constitution, combinés avec l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, avec l'article 17 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et avec l'article 16 de la Convention relative aux droits de l'enfant.

La partie requérante estime qu'un pouvoir trop large serait conféré aux contrôleurs, à l'inspection du logement et à divers agents de différents niveaux d'autorité en ce qui concerne l'échange d'informations jugées utiles eu égard aux compétences de chacun, en vue de lutter contre la fraude au domicile.

B.19.1. La partie intervenante allègue la violation des articles 2, a), 6, 13 et 22 de la directive 95/46/CE du 24 octobre 1995 du Parlement européen et du Conseil relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement de données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et des articles 7, 8 et 52 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

B.19.2. Le Gouvernement flamand fait valoir que l'intervention de l'ASBL « Liga voor Mensenrechten » est à tout le moins partiellement irrecevable, en ce qu'elle contient de nouveaux moyens.

En outre, le grief formulé par la partie requérante porte sur la nécessité - insuffisamment démontrée, selon elle - de l'habilitation à échanger des informations, alors que le grief formulé par la partie intervenante porte sur le constat que l'échange d'informations en question serait assorti de garanties insuffisantes. Selon le Gouvernement flamand, ces deux griefs ont des contenus différents, de sorte que le grief formulé par la partie intervenante est irrecevable.

B.19.3. Une partie intervenante ne peut modifier ou étendre le recours originaire. Les griefs invoqués par la partie intervenante ne peuvent être pris en considération qu'en tant qu'ils se rattachent aux moyens formulés dans la requête. Etant donné qu'ils ne se rattachent pas au moyen invoqué par la partie requérante, les griefs pris d'une éventuelle violation des articles 2, a), 6, 13 et 22 de la directive 95/46/CE entre-temps abrogée et des articles 7, 8 et 52 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne sont irrecevables.

En outre, le grief pris de l'éventuelle violation des articles 10, 11 et 22 de la Constitution, combinés avec l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, avec l'article 17 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et avec l'article 16 de la Convention relative aux droits de l'enfant, parce que l'échange d'informations ne serait pas assorti de garanties suffisantes, est également irrecevable étant donné qu'il s'agit, en l'espèce, d'un moyen nouveau, qui ne saurait être considéré comme une observation au sens de l'article 87, § 2, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle.

B.20.1. Selon le Gouvernement flamand, le second moyen de la partie requérante est partiellement irrecevable en ce qu'il est pris d'une éventuelle violation de l'article 16 de la Convention du 20 novembre 1989 relative aux droits de l'enfant, étant donné que la partie requérante n'apporte pas le moindre argument à l'appui de cette thèse.

B.20.2. Faute d'exposé, le second moyen est irrecevable pour ce qui concerne la violation alléguée de l'article 16 de la Convention relative aux droits de l'enfant.

B.21. Le droit au respect de la vie privée, tel qu'il est garanti par les dispositions constitutionnelles et conventionnelles précitées, a pour but essentiel de protéger les personnes contre les ingérences dans leur vie privée.

Ce droit a une portée étendue et englobe, entre autres, la protection des données à caractère personnel et des informations personnelles, à savoir notamment : les nom, adresse, activités professionnelles, relations personnelles, empreintes digitales, images filmées, photographies, communications, données ADN, données judiciaires (condamnations ou inculpations), données financières et informations concernant des biens (voy. notamment CEDH, 23 mars 1987, Leander c.

Suède, § § 47-48; grande chambre, 4 décembre 2008, S. et Marper c.

Royaume-Uni, § § 66-68; 17 décembre 2009, B.B. c. France, § 57; 10 février 2011, Dimitrov-Kazakov c. Bulgarie, § § 29-31; 18 octobre 2011, Khelili c. Suisse, § § 55-57; 18 avril 2013, M.K. c. France, § 26; 18 septembre 2014, Brunet c. France, § 31; 7 décembre 2017, Yonchev c. Bulgarie, § § 45 et 49).

B.22.1. Les droits garantis par l'article 22 de la Constitution et par l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme ne sont toutefois pas absolus.

Ils n'excluent pas une ingérence d'une autorité publique dans l'exercice du droit au respect de la vie privée, mais exigent que cette ingérence soit prévue par une disposition législative suffisamment précise, qu'elle réponde à un besoin social impérieux dans une société démocratique et qu'elle soit proportionnée à l'objectif légitime qu'elle poursuit. Ces dispositions engendrent de surcroît l'obligation positive, pour l'autorité publique, de prendre des mesures qui assurent le respect effectif de la vie privée, même dans la sphère des relations entre les individus.

B.22.2. Le législateur décrétal dispose en la matière d'une marge d'appréciation. Cette marge n'est toutefois pas illimitée : pour qu'un régime légal soit compatible avec le droit au respect de la vie privée, il faut que le législateur ait ménagé un juste équilibre entre tous les droits et intérêts en cause.

B.22.3. En outre, le législateur décrétal doit avoir égard à l'article 22, alinéa 1er, de la Constitution, en vertu duquel seul le législateur fédéral peut déterminer de manière générale dans quels cas et à quelles conditions le droit au respect de la vie privée et familiale peut être limité.

Certes, la circonstance qu'une ingérence dans la vie privée résulte de la réglementation d'une matière déterminée attribuée au législateur décrétal n'affecte pas cette compétence, mais ce dernier est tenu de respecter la réglementation fédérale générale, qui a valeur de réglementation minimale pour toute matière. En ce que les dispositions attaquées visent l'échange de données personnelles, le législateur décrétal est lié par les garanties minimales prévues par le règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 « relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données) ».

B.23.1. L'article 6, 4°, attaqué, du décret du 14 octobre 2016 complète l'article 2 du Code flamand du logement par les paragraphes 6 et 7. Les dispositions précitées prévoient un échange d'informations permettant de lutter contre la fraude au domicile. Conformément au paragraphe 6, les inspecteurs du logement et les contrôleurs sont chargés de communiquer les informations qu'ils ont reçues lors de leur enquête aux agents chargés du contrôle d'une autre législation ou en application d'une autre législation, si et pour autant que ces informations puissent intéresser lesdits agents dans l'exercice de leurs missions légales, ainsi qu'aux bailleurs sociaux, si et pour autant que les inspecteurs du logement ou les contrôleurs l'estiment nécessaire. Conformément au paragraphe 7, les autres services de la Région flamande, la Communauté flamande, les provinces, les communes, les associations intercommunales et les bailleurs sociaux sont chargés de fournir aux inspecteurs du logement ou aux contrôleurs, si et pour autant que ceux-ci en fassent la demande, toutes les informations qu'ils jugent utiles dans l'exercice du contrôle du respect de la législation dont ils sont chargés.

B.23.2. Par le décret attaqué, le législateur décrétal souhaitait notamment renforcer la lutte contre la fraude au domicile. Selon les travaux préparatoires, la fraude au domicile peut se présenter sous deux formes : « Premièrement, il y a la situation dans laquelle le locataire n'occupe pas le logement social comme résidence principale ou n'y est pas domicilié. D'un point de vue social, ceci est inacceptable. De cette manière, le logement social est détourné de son objectif, à savoir l'hébergement d'un groupe-cible vulnérable pour un loyer social correct et adapté. Le fait de ne pas occuper le logement social a également pour effet que les listes d'attente s'allongent : si le locataire social n'utilise de toute façon pas le logement social pour se loger, mieux vaut attribuer ce logement social à une personne ou à un ménage qui en ont davantage besoin. Deuxièmement, il y a la situation dans laquelle le locataire permet à des personnes de cohabiter dans son logement de manière durable, sans que ces personnes figurent sur le contrat de location. Ceci aussi est inacceptable.

L'occupation maximale du logement social peut être dépassée sans que le bailleur en soit informé et le calcul du loyer est faussé, de sorte que le bailleur social perd des revenus locatifs. Un loyer inadéquat compromet aussi le sentiment de justice et de solidarité parmi les locataires.

La recherche, la poursuite et la répression de la fraude au domicile relèvent déjà de l'ensemble des tâches attribuées au contrôleur du logement social et à l'inspecteur du logement, mais, dans la pratique, force est de constater que ces tâches sont chronophages et difficiles à réaliser. Il convient d'apporter un certain nombre d'adaptations dans le Code flamand du logement en vue de faciliter et de renforcer l'efficacité de l'exercice de ces tâches » (Doc. parl. Parlement flamand, 2015-2016, n° 814/1, pp. 3-4).

B.23.3. L'article 6, 4°, attaqué, du décret du 14 octobre 2016 instaure, par analogie avec les articles 54 et 55 du Code pénal social, un régime visant à faciliter et à clarifier l'échange d'informations; une dérogation au principe de droit commun du secret de l'enquête pénale est prévue. A cet égard, les travaux préparatoires mentionnent : « Par rapport au Code d'instruction criminelle, les dispositions du Code pénal social sont considérées comme une lex specialis qui prévoit des dispositions spécifiques et dérogatoires en ce qui concerne le secret de l'enquête, lesquelles priment dès lors le régime général du Code d'instruction criminelle (' lex specialis derogat lex generali ').

En ajoutant les paragraphes 6 et 7, le législateur décrétal inscrit dans le Code flamand du logement des dispositions analogues aux articles 54 et 55 du Code pénal social. En effet, la lutte contre la fraude au domicile dans le logement social repose par excellence, tout comme la lutte contre la fraude sociale, sur une coopération entre les contrôleurs, les verbalisants de la police locale (agents de quartier) et les bailleurs sociaux.

Le paragraphe 6 en projet règle la transmission d'informations par les inspecteurs du logement et par les contrôleurs à d'autres agents chargés du contrôle d'une autre législation ou en application d'une autre législation, dans la mesure où ces informations peuvent intéresser ces derniers dans l'exercice du contrôle dont ils sont chargés ou pour l'application d'une autre législation. Il ne s'agit pas ici d'un échange de données électroniques systématique et organisé, mais d'un transfert occasionnel de données liées à un dossier. [...] Il ressort de la formulation du paragraphe en projet que la compétence de transmission des informations est bien délimitée.

Les inspecteurs du logement et les contrôleurs agissent chacun dans le cadre de leurs compétences décrétales respectives et ne peuvent dès lors transmettre que les informations qu'ils ont obtenues dans ce cadre. Ils ne peuvent collecter des informations que si celles-ci sont nécessaires pour l'exercice de leurs tâches. En outre, les informations ne peuvent être transmises qu'à d'autres fonctionnaires et pour autant que ces informations intéressent ces derniers. Les informations transmises ne sortent donc pas de la sphère des pouvoirs publics. [...] L'échange d'informations visé sert l'intérêt général. Afin de maintenir la viabilité de notre Etat providence et de permettre aux personnes qui en ont réellement besoin de continuer à recevoir l'aide de cet Etat providence social, il faut également lutter efficacement contre les recours abusifs à l'Etat providence. La mesure est en outre proportionnée, étant donné que la transmission d'informations est limitée aux données qui peuvent être utiles pour ces services publics.

Les inspecteurs du logement et les contrôleurs ne sont donc pas autorisés à transmettre des informations autres que celles qui sont pertinentes pour le service public en question.

Ce paragraphe constitue également une base décrétale pour communiquer ces informations aux bailleurs sociaux, étant donné qu'ils jouent également un rôle important dans la lutte contre la fraude au domicile. Les bailleurs sociaux ont pour tâche de lutter en première ligne contre la fraude au domicile. [...] [...] Le paragraphe 7 en projet règle la demande d'informations par les inspecteurs du logement et par les contrôleurs auprès d'autres autorités et instances. L'obligation de fournir des informations aux inspecteurs du logement et aux contrôleurs est ici fixée de manière générale. Bien entendu, les inspecteurs du logement et les contrôleurs ne peuvent faire usage de cette compétence que dans l'exercice de leurs missions. Il sera conclu, entre l'Etat, les autres régions et les autres communautés, un accord de coopération qui réglera la transmission des informations à l'inspecteur du logement et au contrôleur par les services de l'Etat fédéral, y compris les parquets et les greffes des cours et de toutes les juridictions, les autres régions et les autres communautés, les institutions publiques qui en dépendent, les coûts que cela représente, ainsi que les autres formes d'aide mutuelle et de collaboration. [...] Ici aussi, il est précisé que les informations qui sont collectées à la demande expresse de la justice ne peuvent être communiquées à l'inspecteur du logement ou au contrôleur qu'avec l'autorisation explicite de la justice » (ibid., pp. 18-20).

B.23.4. En permettant l'échange d'informations en vue de sanctionner plus facilement la fraude au domicile, l'article 6, 4°, attaqué permet une ingérence dans la vie privée des personnes concernées par cette collecte et par cet échange d'informations.

Conformément à l'article 6, paragraphe 1, b) et e), du Règlement (UE) 2016/679 précité, cet échange d'informations est autorisé, étant donné que le traitement est nécessaire à l'exécution d'un contrat auquel la personne concernée est partie, et il est également nécessaire à l'exécution d'une mission d'intérêt public dont est investi le responsable du traitement.

B.24.1. La portée de l'échange d'informations est explicitement délimitée, comme le confirment les travaux préparatoires précités.

Ainsi, les informations éventuelles qui ont été obtenues ou collectées à charge de l'autorité judiciaire ne peuvent être communiquées qu'après autorisation explicite de l'autorité judiciaire (article 2, § 6, alinéa 2, et § 7, alinéa 2, du Code flamand du logement). Par ailleurs, l'instance qui reçoit les informations obtenues ne peut utiliser celles-ci que pour exercer la mission légale dont elle est chargée (article 2, § 6, alinéa 3, et § 7, alinéa 3, du Code flamand du logement). En outre, la transmission d'informations de la part des autres services de la Région flamande, de la Communauté flamande, des provinces, des communes, des associations intercommunales et des bailleurs sociaux aux inspecteurs du logement et aux contrôleurs ne peut porter atteinte à l'application de l'article 44/1 de la loi du 5 août 1992Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/08/1992 pub. 21/10/1999 numac 1999015203 source ministere des affaires etrangeres, du commerce exterieur et de la cooperation internationale Loi portant approbation du Protocole modifiant l'article 81 du Traité instituant l'Union économique Benelux du 3 février 1958, fait à Bruxelles le 16 février 1990 fermer sur la fonction de police (article 2, § 7, alinéa 1er, du Code flamand du logement).

B.24.2. La disposition attaquée n'étend pas les compétences d'enquête des instances qui peuvent s'échanger des informations (Doc. parl., Parlement flamand, 2015-2016, n° 814/1, p. 4). L'échange d'informations concerne uniquement les données que peuvent déjà obtenir actuellement les instances concernées, dans les limites de leurs compétences d'enquête existantes et compte tenu du cadre légal relatif au traitement des données à caractère personnel.

En outre, la disposition attaquée n'étend nullement la façon dont les informations reçues peuvent être utilisées par le destinataire.

L'instance qui reçoit les informations peut uniquement utiliser celles-ci pour exercer la mission légale dont elle est chargée (article 2, § 6, alinéa 3, et § 7, alinéa 3, du Code flamand du logement). De son côté, l'instance qui fournit les informations doit vérifier si les informations susceptibles d'être fournies sont réellement pertinentes et utiles pour l'instance qui les reçoit, dans l'exercice de sa mission légale.

B.24.3. La réglementation relative à l'échange d'informations, qui est attaquée, a dès lors pour seule et unique conséquence que les informations dont dispose déjà l'autorité publique ne doivent plus être une nouvelle fois vérifiées auprès du justiciable par une autre instance publique qui ferait usage de son pouvoir d'enquête.

Cette réglementation tend à optimiser les instruments existants : « En prévoyant une meilleure circulation des données, elle permet de lutter, d'une part, plus efficacement et, d'autre part, de manière plus adéquate contre la fraude au domicile » (Doc. parl., Parlement flamand, 2015-2016, n° 814/1, pp. 20-21).

B.25. Le législateur décrétal a pu estimer que la collecte et l'échange des données sont nécessaires à l'objectif poursuivi par le décret du 14 octobre 2016, à savoir permettre de mieux détecter et sanctionner la fraude au domicile.

En réglant l'échange des données qui doivent être communiquées, l'article 6, 4°, attaqué, du décret du 14 octobre 2016 permet d'atteindre cet objectif par un moyen qui est pertinent.

L'échange de données est proportionné, étant donné que le texte même du décret dispose explicitement que l'instance qui reçoit les informations ne peut utiliser ces données que pour exercer la mission légale dont elle est chargée et que l'instance qui fournit les informations, de son côté, doit vérifier si les informations susceptibles d'être fournies sont réellement pertinentes et utiles pour permettre à l'instance qui reçoit ces données d'exercer sa mission légale.

B.26. Le second moyen n'est pas fondé.

Par ces motifs, la Cour rejette le recours, sous réserve des interprétations mentionnées en B.15.4 et B.16.3.

Ainsi rendu en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 19 juillet 2018.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux Le président, A. Alen

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