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Arrêt
publié le 05 décembre 2018

Extrait de l'arrêt n° 63/2018 du 31 mai 2018 Numéro du rôle : 6618 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 216bis, § 2, alinéa 1 er , du Code d'instruction criminelle, tel qu'il a été modifié par l'article 98 d La Cour constitutionnelle, composée des présidents J. Spreutels et A. Alen, et des juges L. Lavr(...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 63/2018 du 31 mai 2018 Numéro du rôle : 6618 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 216bis, § 2, alinéa 1er, du Code d'instruction criminelle, tel qu'il a été modifié par l'article 98 de la loi du 5 février 2016Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/02/2016 pub. 19/02/2016 numac 2016009064 source service public federal justice Loi modifiant le droit pénal et la procédure pénale et portant des dispositions diverses en matière de justice fermer modifiant le droit pénal et la procédure pénale et portant des dispositions diverses en matière de justice, posée par la Cour d'appel de Liège.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents J. Spreutels et A. Alen, et des juges L. Lavrysen, T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, T. Giet et R. Leysen, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président J. Spreutels, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par arrêt du 15 février 2017 en cause de M.-J. J. contre M.-F. C., dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 20 février 2017, la Cour d'appel de Liège a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 216bis, § 2, alinéa 1er, du Code d'instruction criminelle, tel qu'il a été modifié par la loi du 5 février 2016Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/02/2016 pub. 19/02/2016 numac 2016009064 source service public federal justice Loi modifiant le droit pénal et la procédure pénale et portant des dispositions diverses en matière de justice fermer, en tant qu'il dispose que la faculté accordée au procureur du Roi de proposer une transaction ne peut avoir lieu que pour autant qu'aucun jugement ou arrêt définitif n'ait été rendu au pénal, viole-t-il les articles 12 et 14 de la Constitution, combinés le cas échéant, avec les articles 10 et 11 de la Constitution, en ce qu'il ne prévoit aucune disposition transitoire pour les transactions qui ont été conclues avant le 29 février 2016, date d'entrée en vigueur de la loi du 5 février 2016Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/02/2016 pub. 19/02/2016 numac 2016009064 source service public federal justice Loi modifiant le droit pénal et la procédure pénale et portant des dispositions diverses en matière de justice fermer, mais dont le contrôle est fixé devant une juridiction d'appel après cette date en telle sorte que dans le chef de l'auteur qui a accepté et observé la transaction proposée par la partie publique, il pourrait être porté atteinte aux principes de prévisibilité de la procédure et aux attentes légitimes d'une catégorie de justiciables ? ». (...) III. En droit (...) B.1. La question préjudicielle porte sur l'article 216bis, § 2, alinéa 1er, du Code d'instruction criminelle, qui traite de la transaction pénale.

B.2.1. L'article 216bis du Code d'instruction criminelle, avant sa modification par l'article 98 de la loi du 5 février 2016Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/02/2016 pub. 19/02/2016 numac 2016009064 source service public federal justice Loi modifiant le droit pénal et la procédure pénale et portant des dispositions diverses en matière de justice fermer modifiant le droit pénal et la procédure pénale et portant des dispositions diverses en matière de justice (ci-après : la loi du 5 février 2016Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/02/2016 pub. 19/02/2016 numac 2016009064 source service public federal justice Loi modifiant le droit pénal et la procédure pénale et portant des dispositions diverses en matière de justice fermer), disposait : « § 1er. Lorsque le procureur du Roi estime que le fait ne paraît pas être de nature à devoir être puni d'un emprisonnement correctionnel principal de plus de deux ans ou d'une peine plus lourde, y compris la confiscation le cas échéant, et qu'il ne comporte pas d'atteinte grave à l'intégrité physique, il peut inviter l'auteur à verser une somme d'argent déterminée au Service public fédéral Finances.

Le procureur du Roi fixe les modalités et le délai de paiement et précise, dans l'espace et dans le temps, les faits pour lesquels il propose le paiement. Ce délai est de quinze jours au moins et de trois mois au plus. Le procureur du Roi peut prolonger ce délai quand des circonstances particulières le justifient, ou l'écourter si le suspect y consent.

La proposition et la décision de prolongation interrompent la prescription de l'action publique.

La somme visée à l'alinéa 1er ne peut être supérieure au maximum de l'amende prescrite par la loi, majorée des décimes additionnels et doit être proportionnelle à la gravité de l'infraction. Pour les infractions visées au Code pénal social, la somme prévue à l'alinéa 1er ne peut être inférieure à 40 % des montants minima de l'amende administrative, le cas échéant multipliés par le nombre de travailleurs, candidats travailleurs, indépendants, stagiaires, stagiaires indépendants ou enfants concernés.

Lorsque l'infraction a donné lieu à des frais d'analyse ou d'expertise, la somme pourra être augmentée du montant ou d'une partie du montant de ces frais; la partie de la somme versée pour couvrir ces frais sera attribuée à l'organisme ou à la personne qui les a exposés.

Le procureur du Roi invite l'auteur de l'infraction passible ou susceptible de confiscation à abandonner, dans un délai qu'il fixe, les biens ou avantages patrimoniaux saisis ou, s'ils ne sont pas saisis, à les remettre à l'endroit qu'il fixe.

Les paiements, abandon et remise effectués dans le délai indiqué éteignent l'action publique.

Les préposés du Service public fédéral Finances informent le procureur du Roi du versement effectué. § 2. La faculté accordée au procureur du Roi au paragraphe 1er peut également être exercée lorsque le juge d'instruction est déjà chargé d'instruire ou lorsque le tribunal ou la cour est déjà saisi du fait, si le suspect, l'inculpé ou le prévenu manifeste sa volonté de réparer le dommage causé à autrui, pour autant qu'aucun jugement ou arrêt ne soit intervenu qui a acquis force de chose jugée. L'initiative peut aussi émaner du procureur du Roi.

Le cas échéant, le procureur du Roi se fait communiquer le dossier répressif par le juge d'instruction, qui peut rendre un avis sur l'état d'avancement de l'instruction.

Soit à la demande du suspect, soit d'office, le procureur du Roi, s'il estime que le présent paragraphe peut être appliqué, informe le suspect, la victime et leurs avocats qu'ils peuvent prendre connaissance du dossier répressif, pour autant qu'ils n'aient pas encore pu le faire.

Le procureur du Roi fixe le jour, l'heure et le lieu de la convocation du suspect, de l'inculpé ou du prévenu et de la victime et de leurs avocats, il explique son intention et il indique les faits, décrits dans le temps et dans l'espace, auxquels le paiement de la somme d'argent se rapportera.

Il fixe le montant de la somme d'argent et des frais et indique les objets ou avantages patrimoniaux à abandonner ou à remettre, selon les modalités précisées au paragraphe 1er.

Il fixe le délai dans lequel le suspect, l'inculpé ou le prévenu et la victime peuvent conclure un accord relatif à l'importance du dommage causé et à l'indemnisation.

Si les parties susmentionnées sont parvenues à un accord, elles en avisent le procureur du Roi, qui actera l'accord dans un procès-verbal.

Conformément au paragraphe 1er, l'action publique s'éteint dans le chef de l'auteur qui aura accepté et observé la transaction proposée par le procureur du Roi. Toutefois, la transaction ne porte pas atteinte à l'action publique contre les autres auteurs, coauteurs ou complices, ni aux actions des victimes à leur égard. Les personnes condamnées du chef de la même infraction sont solidairement tenues aux restitutions et aux dommages et intérêts et, sans préjudice de l'article 50, alinéa 3, du Code pénal, au paiement des frais de justice, même si l'auteur qui a accepté la transaction s'en est déjà libéré.

Quand une transaction est exécutée dans une affaire pendante et que l'action publique n'a pas encore fait l'objet d'un jugement ou d'un arrêt passé en force de chose jugée, le procureur du Roi ou le procureur général près la cour d'appel ou la cour du travail, selon le cas, en avise officiellement sans délai le tribunal de police, le tribunal correctionnel et la cour d'appel saisis et, le cas échéant, la Cour de Cassation.

Sur réquisition du procureur du Roi et après avoir vérifié s'il est satisfait aux conditions d'application formelles du § 1er, alinéa 1er, si l'auteur a accepté et observé la transaction proposée, et si la victime et l'administration fiscale ou sociale ont été dédommagées conformément au § 4 et au § 6, alinéa 2, le juge compétent constate l'extinction de l'action publique dans le chef de l'auteur.

S'il n'y a pas d'accord à acter par le procureur du Roi, les documents établis et les communications faites lors de la concertation ne peuvent être utilisés à charge de l'auteur dans une procédure pénale, civile, administrative, arbitrale ou dans toute autre procédure visant à résoudre des conflits et ils ne sont pas admissibles comme preuve, même comme aveu extrajudiciaire. § 3. Le droit prévu aux paragraphes 1er et 2 appartient aussi, pour les mêmes faits, à l'auditeur du travail, au procureur fédéral et au procureur général en degré d'appel et, pour les personnes visées aux articles 479 et 483 du Code d'instruction criminelle, au procureur général près la cour d'appel. § 4. Le dommage éventuellement causé à autrui doit être entièrement réparé avant que la transaction puisse être proposée. Toutefois, elle pourra aussi être proposée si l'auteur a reconnu par écrit, sa responsabilité civile pour le fait générateur du dommage, et produit la preuve de l'indemnisation de la fraction non contestée du dommage et des modalités de règlements de celui-ci. En tout état de cause, la victime pourra faire valoir ses droits devant le tribunal compétent.

Dans ce cas, le paiement de la somme d'argent par l'auteur constitue une présomption irréfragable de sa faute. § 5. Les demandes visées au présent article se font par pli ordinaire. § 6. La transaction telle que décrite ci-dessus n'est pas applicable aux infractions sur lesquelles il peut être transigé conformément à l'article 263 de l'arrêté royal du 18 juillet 1977 portant coordination des dispositions générales relatives aux douanes et accises.

Pour les infractions fiscales ou sociales qui ont permis d'éluder des impôts ou des cotisations sociales, la transaction n'est possible qu'après le paiement des impôts ou des cotisations sociales éludés dont l'auteur est redevable, en ce compris les intérêts, et moyennant l'accord de l'administration fiscale ou sociale ».

B.2.2. Par l'article 98 de la loi du 5 février 2016Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/02/2016 pub. 19/02/2016 numac 2016009064 source service public federal justice Loi modifiant le droit pénal et la procédure pénale et portant des dispositions diverses en matière de justice fermer (Moniteur belge, 19 février 2016), le législateur a remplacé, dans le paragraphe 2, alinéa 1er, de l'article 216bis du Code d'instruction criminelle, les mots « pour autant qu'aucun jugement ou arrêt ne soit intervenu qui a acquis force de chose jugée » par les mots « pour autant qu'aucun jugement ou arrêt définitif n'ait été rendu au pénal », de manière à ce qu'aucune transaction ne puisse plus être conclue lorsqu'un jugement ayant épuisé la juridiction du juge a été rendu au fond quant aux dispositions pénales (Doc. parl., Chambre, 2015-2016, DOC 54-1418/001, p. 101).

L'article 216bis, § 2, alinéa 1er, du Code d'instruction criminelle, tel qu'il a été modifié par l'article 98 de la loi du 5 février 2016Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/02/2016 pub. 19/02/2016 numac 2016009064 source service public federal justice Loi modifiant le droit pénal et la procédure pénale et portant des dispositions diverses en matière de justice fermer, dispose désormais : « La faculté accordée au procureur du Roi au paragraphe 1er peut également être exercée lorsque le juge d'instruction est déjà chargé d'instruire ou lorsque le tribunal ou la cour est déjà saisi du fait, si le suspect, l'inculpé ou le prévenu manifeste sa volonté de réparer le dommage causé à autrui, pour autant qu'aucun jugement ou arrêt définitif n'ait été rendu au pénal. L'initiative peut aussi émaner du procureur du Roi ».

B.2.3. Cette modification a été justifiée comme suit : « De lege lata, la faculté d'extension de l'extinction de l'action publique moyennant le paiement d'une somme d'argent (EEAPS) peut être exercée par le ministère public ' pour autant qu'aucun jugement ou arrêt ne soit intervenu qui a acquis force de chose jugée ', soit même lorsque l'affaire est pendante devant la Cour de cassation, sur pourvoi contre un arrêt définitif de la cour d'appel.

L'expérience a montré que quelles que soient les bonnes raisons que peut avoir le ministère public de conclure une transaction jusqu'à un stade avancé de la procédure (notamment la crainte d'une prescription de l'action publique ou un dépassement du délai raisonnable), cette faculté peut heurter le sentiment de justice, pouvant donner l'impression qu'un condamné a ' acheté ' l'accord qui lui permet d'éviter une condamnation prononcée par un tribunal, au mépris de l'égalité des citoyens devant la loi.

L'article 99 du présent projet (cf. commentaire supra) vise dès lors à ne plus permettre de conclure une telle transaction après qu'un jugement définitif - et non interlocutoire - a été rendu au fond quant aux dispositions pénales.

Il n'aurait pas été opportun de retenir plutôt le moment de la clôture des débats, une réouverture des débats pouvant encore être suivie d'une longue période avant que ne soit rendu le jugement définitif.

La compétence du procureur général en degré d'appel (art. 216bis, § 3) ne doit pas être supprimée pour autant, car il continuera à pouvoir l'exercer notamment quand l'affaire est pendante devant la chambre des mises en accusation au stade du règlement de la procédure ou en cas d'évocation par la cour d'appel.

L'inscription au casier judiciaire des décisions constatant ce type d'extinction de l'action publique fait l'objet des modifications aux articles 590 et 594 du Code (cf. infra) » (Doc. parl., Chambre, 2015-2016, DOC 54-1418/001, p. 101; voy. aussi DOC 54-1418/005, p. 18).

B.3. La Cour est invitée à se prononcer sur la compatibilité avec les articles 12 et 14, combinés le cas échéant avec les articles 10 et 11, de la Constitution, de l'article 216bis, § 2, alinéa 1er, du Code d'instruction criminelle, tel qu'il a été modifié par l'article 98 de la loi du 5 février 2016Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/02/2016 pub. 19/02/2016 numac 2016009064 source service public federal justice Loi modifiant le droit pénal et la procédure pénale et portant des dispositions diverses en matière de justice fermer, « en ce qu'il ne prévoit aucune disposition transitoire pour les transactions qui ont été conclues avant le 29 février 2016, date d'entrée en vigueur de la loi du 5 février 2016Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/02/2016 pub. 19/02/2016 numac 2016009064 source service public federal justice Loi modifiant le droit pénal et la procédure pénale et portant des dispositions diverses en matière de justice fermer, mais dont le contrôle est fixé devant une juridiction d'appel après cette date en telle sorte que dans le chef de l'auteur qui a accepté et observé la transaction proposée par la partie publique, il pourrait être porté atteinte aux principes de prévisibilité de la procédure et aux attentes légitimes d'une catégorie de justiciables ».

B.4. Il ressort des éléments du dossier que la question est posée par la Cour d'appel dans le cadre de la citation du ministère public tendant à faire constater l'extinction de l'action publique à la suite d'une transaction pénale intervenant après un jugement du 21 janvier 2015 du tribunal correctionnel condamnant la prévenue du chef de plusieurs infractions. Proposée en degré d'appel, cette transaction pénale a fait l'objet d'un procès-verbal signé le 7 septembre 2015 et le dernier paiement échelonné a eu lieu le 30 août 2016.

Le juge a quo considère qu'« au moment de sa saisine par l'acte d'appel et à la date de la conclusion de l'accord transactionnel, [il] était compétent pour procéder à un contrôle juridictionnel de la transaction pénale élargie » mais que, à la suite de la modification apportée à la disposition en cause par l'article 98 de la loi du 5 février 2016Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/02/2016 pub. 19/02/2016 numac 2016009064 source service public federal justice Loi modifiant le droit pénal et la procédure pénale et portant des dispositions diverses en matière de justice fermer, qui n'est pas assortie de dispositions transitoires, il « ne dispose plus de base légale pour agir de la sorte » dans le cas d'espèce, « dès l'instant où un jugement définitif a été rendu par le tribunal correctionnel de Liège et que la faculté accordée à la partie publique a été mise en oeuvre après ce jugement ».

B.5. Il appartient en règle au juge a quo d'interpréter les dispositions qu'il applique, sous réserve d'une lecture manifestement erronée de la disposition en cause.

B.6.1. Les lois de procédure étant d'application immédiate, la modification opérée par la loi du 5 février 2016Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/02/2016 pub. 19/02/2016 numac 2016009064 source service public federal justice Loi modifiant le droit pénal et la procédure pénale et portant des dispositions diverses en matière de justice fermer s'applique à partir de la date de son entrée en vigueur, soit dix jours après sa publication au Moniteur belge.

Cette modification s'applique dès lors aux procédures en cours le 29 février 2016, notamment dans le cadre de la procédure qui a donné lieu à la question dont la Cour est saisie en l'espèce.

B.6.2. Il convient toutefois de déterminer l'incidence sur le litige pendant devant le juge a quo de l'application immédiate de la disposition en cause, telle qu'elle a été modifiée par la loi du 5 février 2016Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/02/2016 pub. 19/02/2016 numac 2016009064 source service public federal justice Loi modifiant le droit pénal et la procédure pénale et portant des dispositions diverses en matière de justice fermer.

B.7.1. La modification apportée par la loi du 5 février 2016Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/02/2016 pub. 19/02/2016 numac 2016009064 source service public federal justice Loi modifiant le droit pénal et la procédure pénale et portant des dispositions diverses en matière de justice fermer à l'article 216bis, § 2, alinéa 1er, du Code d'instruction criminelle vise la faculté, pour le procureur du Roi, d'inviter l'auteur de l'infraction à payer une somme d'argent au SPF Finances conformément à l'article 216bis, § 1er, du même Code. Cette modification concerne donc le stade de la procédure où le ministère public peut proposer de conclure une transaction pénale.

B.7.2.1. L'article 216bis, § 2, alinéa 10, du Code d'instruction criminelle prévoit que le juge compétent constate l'extinction de la transaction pénale « après avoir vérifié s'il est satisfait aux conditions d'application formelles du § 1er, alinéa 1er, si l'auteur a accepté et observé la transaction proposée, et si la victime et l'administration fiscale ou sociale ont été dédommagées conformément au § 4 et au § 6, alinéa 2 ».

B.7.2.2. Par son arrêt n° 83/2016 du 2 juin 2016, la Cour a jugé : « L'article 216bis, § 2, du Code d'instruction criminelle viole les articles 10 et 11 de la Constitution, combinés avec le droit à un procès équitable et avec le principe de l'indépendance du juge, consacré par l'article 151 de la Constitution, et par l'article 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme, et l'article 14, paragraphe 1, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques en ce qu'il habilite le ministère public à mettre fin à l'action publique par la voie d'une transaction pénale, après l'engagement de l'action publique, sans qu'existe un contrôle juridictionnel effectif ».

La Cour a censuré l'absence de contrôle juridictionnel effectif de la transaction pénale pour les motifs suivants : « B.10.2. Pour les motifs liés à la célérité de la procédure et au désengorgement des tribunaux, mentionnés en B.4.2, il peut être admis dans son principe que le législateur prévoit la possibilité de conclure une transaction pénale alors qu'un juge d'instruction a été saisi du dossier. Le ministère public pourrait en effet, disposer à ce stade, à la lumière des résultats de l'instruction, d'éléments plus nombreux lui permettant de mieux évaluer l'opportunité de proposer une transaction pénale.

Comme il est dit en B.9.4, le juge d'instruction n'est pas habilité, au terme de l'instruction, à ordonner le non-lieu ou à renvoyer l'affaire devant le juge du fond, cette décision relevant de la seule compétence des juridictions d'instruction.

De la même manière, le droit à un procès équitable et l'indépendance du juge d'instruction, inhérente à ce droit, exigent qu'il ne puisse être mis fin à l'action publique par la voie d'une transaction pénale qu'à la condition que, lors du règlement de la procédure, la chambre du conseil ou la chambre des mises en accusation puisse, comme elle le fait dans les deux autres hypothèses susvisées, exercer un contrôle sur la transaction pénale envisagée. Ce contrôle ne peut être considéré comme un contrôle juridictionnel effectif que si la décision relative à la transaction est motivée.

B.11. Dès lors, en ce qu'il habilite le ministère public à mettre fin à l'action publique par la voie d'une transaction pénale alors qu'un juge d'instruction a été saisi du dossier, sans qu'existe un contrôle juridictionnel effectif sur cette proposition de transaction, l'article 216bis, § 2, du Code d'instruction criminelle n'est pas compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution, combinés avec le droit à un procès équitable et avec le principe de l'indépendance du juge, garanti par l'article 151 de la Constitution et par l'article 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme et l'article 14, paragraphe 1, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

B.12.1. La Cour doit encore contrôler l'article 216bis, § 2, du Code d'instruction criminelle en ce qu'il prévoit que la transaction pénale ' étendue ' peut aussi être conclue durant la procédure au fond, pour autant ' qu'aucun jugement ou arrêt définitif n'ait été rendu au pénal '.

La compatibilité de la réglementation de la transaction pénale ' étendue ' avec la Constitution et avec, notamment, le principe de l'indépendance du juge et le principe de la séparation des pouvoirs ayant déjà été mise en cause au cours des travaux préparatoires de la loi du 14 avril 2011Documents pertinents retrouvés type loi prom. 14/04/2011 pub. 06/05/2011 numac 2011201824 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi portant des dispositions diverses fermer (Doc. parl., Sénat, 2010-2011, n° 5-869/4, pp. 30 et 33-35), l'article 216bis du Code d'instruction criminelle a une nouvelle fois été modifié par la loi du 11 juillet 2011Documents pertinents retrouvés type loi prom. 11/07/2011 pub. 01/08/2011 numac 2011009542 source service public federal justice Loi modifiant les articles 216bis et 216ter du Code d'instruction criminelle et l'article 7 de la loi du 6 juin 2010 introduisant le Code pénal social fermer, par l'ajout, au § 2, alinéa 10, de cet article, d'une condition selon laquelle le juge compétent constate, sur réquisition du procureur du Roi, l'extinction de l'action publique, ' après avoir vérifié s'il est satisfait aux conditions d'application formelles du § 1er, alinéa 1er, si l'auteur a accepté et observé la transaction proposée, et si la victime et l'administration fiscale ou sociale ont été dédommagées conformément au § 4 et au § 6, alinéa 2 '. [...] B.12.3. Bien que le législateur ait entendu remédier aux griefs d'inconstitutionnalité qui avaient déjà été exprimés lors des travaux préparatoires de la loi du 14 avril 2011Documents pertinents retrouvés type loi prom. 14/04/2011 pub. 06/05/2011 numac 2011201824 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi portant des dispositions diverses fermer, la disposition en cause n'est pas compatible avec les dispositions constitutionnelles et de droit international mentionnées dans les questions préjudicielles, qui garantissent le droit à un procès équitable et l'indépendance du juge, étant donné que le législateur a expressément limité le pouvoir d'appréciation du juge compétent aux ' conditions d'application formelles du § 1er, alinéa 1er ' et à la question de savoir si ' l'auteur a accepté et observé la transaction proposée, et si la victime et l'administration fiscale ou sociale ont été dédommagées conformément au § 4 et au § 6, alinéa 2 '.

B.12.4. S'il est vrai qu'en ce qui concerne le droit à un procès équitable, la Cour européenne des droits de l'homme admet que, dans le cadre d'une réduction de peine en échange d'une reconnaissance de culpabilité (plea bargaining), suffisamment comparable à la transaction pénale lorsque l'action publique a été intentée, un inculpé puisse négocier avec le ministère public au cours de la procédure pénale au fond, ce n'est qu'à la condition que l'inculpé accepte volontairement la transaction en parfaite connaissance des faits de la cause ainsi que des effets juridiques s'attachant à ce type de transaction, mais aussi à la condition que le juge puisse exercer un contrôle suffisant quant au contenu de la transaction et à l'équité de la procédure ayant mené à sa conclusion (CEDH, 29 avril 2014, Natsvlishvili et Togonidze c. Géorgie, § 92).

Une fois que les faits ont été soumis au juge pénal, l'incidence d'une transaction pénale sur l'indépendance de ce juge, à qui il appartient en principe de se prononcer sur le bien-fondé des poursuites engagées, ne peut donc être compatible avec le droit à un procès équitable et avec l'indépendance du juge inhérente à ce droit qu'à la condition que l'inculpé agisse volontairement et en parfaite connaissance du contenu et des effets d'un accord avec le parquet et que le juge compétent puisse exercer un contrôle suffisant, tant en ce qui concerne la proportionnalité de la transaction pénale envisagée qu'en ce qui concerne sa légalité, en particulier le respect des conditions légales de la transaction, visées par l'article 216bis du Code d'instruction criminelle, des directives contraignantes de politique criminelle, visées à l'article 151, § 1er, de la Constitution et à l'article 143quater du Code judiciaire, et le cas échéant, des lois qui limitent dans certains cas le pouvoir d'appréciation du ministère public (voy. l'arrêt n° 182/2004 du 16 novembre 2004, B.5.1-B.6). Ainsi qu'il est dit en B.10.2, ce contrôle juridictionnel n'est effectif que si la décision relative à la transaction est motivée.

B.13. En ce que l'article 216bis, § 2, du Code d'instruction criminelle permet, après l'intentement de l'action publique, de conclure une transaction pénale pour autant qu'aucun jugement ou arrêt définitif n'ait été rendu et en ce qu'il limite le rôle du juge compétent à constater l'extinction de l'action publique ' après avoir vérifié s'il est satisfait aux conditions d'application formelles du § 1er, alinéa 1er, si l'auteur a accepté et observé la transaction proposée, et si la victime et l'administration fiscale ou sociale ont été dédommagées conformément au § 4 et au § 6, alinéa 2 ', cette disposition porte une atteinte discriminatoire au droit à un procès équitable et n'est dès lors pas compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution, combinés avec son article 151, avec l'article 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme et avec l'article 14, paragraphe 1, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

B.14. Dans la mesure indiquée en B.11 et B.13, les première et quatrième questions préjudicielles appellent une réponse affirmative ».

B.7.2.3. La Cour a décidé de maintenir les effets de l'article 216bis, § 2, du Code d'instruction criminelle jusqu'à la publication de l'arrêt n° 83/2016 au Moniteur belge, soit le 1er juillet 2016 : « B.24. Compte tenu du principe de la légalité en matière pénale et de la nécessité d'éviter les conséquences excessives qu'aurait l'effet des constats d'inconstitutionnalité effectués en B.11 et B.13 sur les procédures dans lesquelles l'action publique a été éteinte à la suite d'une transaction conclue sur la base de la disposition en cause, il convient de maintenir les effets de cette disposition jusqu'à la date de la publication du présent arrêt au Moniteur belge ».

B.7.2.4. En l'espèce, l'action publique n'ayant pas été éteinte à la suite d'une transaction conclue sur la base de la disposition en cause, le maintien des effets décidé par l'arrêt précité ne s'applique pas à l'affaire pendante devant le juge a quo.

B.7.3. La circonstance que la disposition en cause, telle qu'elle a été modifiée par la loi du 5 février 2016Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/02/2016 pub. 19/02/2016 numac 2016009064 source service public federal justice Loi modifiant le droit pénal et la procédure pénale et portant des dispositions diverses en matière de justice fermer, s'applique, en l'absence de dispositions transitoires, immédiatement aux procès en cours ne concerne que le stade de la procédure où le procureur du Roi peut proposer de conclure une transaction pénale et non l'étendue du contrôle juridictionnel effectif de la transaction pénale, tel qu'il découle de l'arrêt n° 83/2016 précité.

L'application immédiate de la disposition en cause n'implique dès lors pas que le juge a quo soit privé d'une base légale pour exercer un contrôle juridictionnel de la transaction pénale.

B.7.4. Une loi de procédure s'applique immédiatement aux procès en cours, sans toutefois remettre en cause la validité des actes valablement accomplis sous l'empire de la loi antérieure (Cass., 17 juin 1971, Pas., 1971, I, p. 994).

L'application immédiate de la disposition en cause a pour conséquence qu'à dater du 29 février 2016, date d'entrée en vigueur de la loi du 5 février 2016Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/02/2016 pub. 19/02/2016 numac 2016009064 source service public federal justice Loi modifiant le droit pénal et la procédure pénale et portant des dispositions diverses en matière de justice fermer, une transaction pénale ne peut plus être proposée par le procureur du Roi lorsqu'un jugement définitif a été rendu au pénal, sans toutefois remettre en cause les transactions valablement conclues sous l'empire de la loi antérieure.

Il en résulte que, dans l'exercice de son contrôle juridictionnel, le juge compétent apprécie, notamment, la légalité de la transaction pénale au regard de la loi en vigueur au moment où la transaction pénale a été proposée par le ministère public.

B.8. En conséquence, la disposition en cause, en l'absence de mesure transitoire, ne porte pas d'atteinte excessive au principe de prévisibilité de la procédure ou aux attentes légitimes d'une catégorie de justiciables.

B.9. La question préjudicielle appelle une réponse négative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 216bis, § 2, alinéa 1er, du Code d'instruction criminelle, tel qu'il a été modifié par l'article 98 de la loi du 5 février 2016Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/02/2016 pub. 19/02/2016 numac 2016009064 source service public federal justice Loi modifiant le droit pénal et la procédure pénale et portant des dispositions diverses en matière de justice fermer modifiant le droit pénal et la procédure pénale et portant des dispositions diverses en matière de justice, ne viole pas les articles 12 et 14, combinés ou non avec les articles 10 et 11, de la Constitution.

Ainsi rendu en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 31 mai 2018.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux Le président, J. Spreutels

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