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Arrêt
publié le 27 novembre 2018

Extrait de l'arrêt n° 131/2018 du 4 octobre 2018 Numéro du rôle : 6985 En cause : la demande de suspension de l'article 7 du décret de la Région wallonne du 29 mars 2018 modifiant le Code de la démocratie locale et de la décentralisation en v La Cour constitutionnelle, composée des présidents F. Daoût et A. Alen, et des juges L. Lavrysen(...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 131/2018 du 4 octobre 2018 Numéro du rôle : 6985 En cause : la demande de suspension de l'article 7 du décret de la Région wallonne du 29 mars 2018 modifiant le Code de la démocratie locale et de la décentralisation en vue de renforcer la gouvernance et la transparence dans l'exécution des mandats publics au sein des structures locales et supra-locales et de leurs filiales, introduite par Frédéric Sevrin.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents F. Daoût et A. Alen, et des juges L. Lavrysen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke et P. Nihoul, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président F. Daoût, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la demande et procédure Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 13 juillet 2018 et parvenue au greffe le 16 juillet 2018, Frédéric Sevrin, assisté et représenté par Me E. Lemmens, avocat au barreau de Liège, a introduit une demande de suspension de l'article 7 du décret de la Région wallonne du 29 mars 2018 modifiant le Code de la démocratie locale et de la décentralisation en vue de renforcer la gouvernance et la transparence dans l'exécution des mandats publics au sein des structures locales et supra-locales et de leurs filiales (publié au Moniteur belge du 14 mai 2018).

Par requête séparée, la partie requérante demande également l'annulation de la même disposition décrétale. (...) II. En droit (...) Quant à la disposition attaquée et à son contexte B.1.1. L'article 7, attaqué, du décret de la Région wallonne du 29 mars 2018 « modifiant le Code de la démocratie locale et de la décentralisation en vue de renforcer la gouvernance et la transparence dans l'exécution des mandats publics au sein des structures locales et supra-locales et de leurs filiales » dispose : « A l'article L1125-1 du même Code, les modifications suivantes sont apportées : 1° le texte actuel qui formera le paragraphe 1er, est complété par un paragraphe 2 rédigé comme suit : ' § 2.Ne peuvent être président du conseil communal ou membre du collège communal : 1° les titulaires d'une fonction dirigeante locale et les titulaires d'une fonction de direction au sein d'une intercommunale, d'une association de pouvoirs publics visée à l'article 118 de la loi du 8 juillet 1976Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/07/1976 pub. 18/04/2016 numac 2016000231 source service public federal interieur Loi organique des centres publics d'action sociale. - Coordination officieuse en langue allemande de la version applicable aux habitants de la région de langue allemande fermer organique des centres publics d'action sociale, d'une régie communale ou provinciale, d'une ASBL communale ou provinciale, d'une association de projet, d'une société de logement, d'une société à participation publique locale significative.Par titulaire d'une fonction de direction, il faut entendre les personnes qui occupent une fonction d'encadrement, caractérisée par l'exercice d'une parcelle d'autorité, un degré de responsabilité et un régime pécuniaire traduisant la place occupée au sein de l'organigramme; 2° les gestionnaires tels que définis à l'article 2 du décret du 12 février 2004 relatif au statut de l'administrateur public et à l'article 2 du décret du 12 février 2004 relatif au statut de l'administrateur public pour les matières réglées en vertu de l'article 138 de la Constitution; 3° les titulaires d'une fonction dirigeante et d'une fonction de direction au sein d'une fondation d'utilité publique pour autant que la participation totale des communes, C.P.A.S., intercommunales ou provinces, seules ou en association avec l'entité régionale wallonne y compris ses unités d'administration publique, directement ou indirectement, atteigne un taux de plus de 50 pourcent de subventions régionales, communales, provinciales, d'intercommunales ou de CPAS sur le total de leurs produits. '; 2° au paragraphe 1er, 11°, les mots ' les secrétaires et receveurs ' sont remplacés par les mots ' les directeurs généraux et financiers ' ». B.1.2. Il résulte de l'article 86 du décret de la Région wallonne du 29 mars 2018 précité que la disposition attaquée entre en vigueur après le renouvellement intégral des conseils communaux et provinciaux issus des élections locales du 14 octobre 2018.

B.1.3. Après sa modification par l'article 7 du décret de la Région wallonne du 29 mars 2018 précité, l'article L1125-1 du Code de la démocratie locale et de la décentralisation (ci-après CDLD) dispose : « § 1er. Ne peuvent faire partie des conseils communaux ni des collèges communaux : 1° les gouverneurs de province, le gouverneur et le vice-gouverneur de l'arrondissement administratif de Bruxelles-Capitale et le gouverneur adjoint de la province du Brabant flamand;2° les membres du collège provincial et les membres du collège institué par l'article 83quinquies, § 2, de la loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux institutions bruxelloises;3° les directeurs généraux;4° les commissaires d'arrondissement; 5° [...]; 6° toute personne qui est membre du personnel ou qui reçoit un subside ou un traitement de la commune, à l'exception des pompiers volontaires;7° les employés de l'administration forestière, lorsque leur compétence s'étend à des propriétés boisées soumises au régime forestier et appartenant à la commune dans laquelle ils désirent exercer leurs fonctions;8° toute personne qui exerce une fonction ou un mandat équivalent à celui de conseiller communal, échevin ou bourgmestre dans une collectivité locale de base d'un autre Etat membre de l'Union européenne.Le Gouvernement dresse une liste non exhaustive des fonctions ou mandats considérés comme équivalents; 9° les membres des cours, tribunaux, parquets et les greffiers de l'Ordre judiciaire;10° les conseillers du Conseil d'Etat;11° les directeurs généraux et financiers du centre public d'action sociale du ressort de la commune;12° les parents ou alliés jusqu'au deuxième degré inclusivement avec le directeur général, le directeur général adjoint et le directeur financier et les personnes unies par les liens du mariage ou de la cohabitation légale avec le directeur général, le directeur général adjoint ou le directeur financier de la commune. Les dispositions de l'alinéa 1er, 1° à 11°, sont également applicables aux ressortissants non belges de l'Union européenne résidant en Belgique pour l'exercice par ceux-ci dans un autre Etat membre de l'Union européenne de fonctions équivalentes à celles qui sont visées dans ces dispositions. § 2. Ne peuvent être président du conseil communal ou membre du collège communal : 1° les titulaires d'une fonction dirigeante locale et les titulaires d'une fonction de direction au sein d'une intercommunale, d'une association de pouvoirs publics visée à l'article 118 de la loi du 8 juillet 1976Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/07/1976 pub. 18/04/2016 numac 2016000231 source service public federal interieur Loi organique des centres publics d'action sociale. - Coordination officieuse en langue allemande de la version applicable aux habitants de la région de langue allemande fermer organique des centres publics d'action sociale, d'une régie communale ou provinciale, d'une ASBL communale ou provinciale, d'une association de projet, d'une société de logement, d'une société à participation publique locale significative.Par titulaire d'une fonction de direction, il faut entendre les personnes qui occupent une fonction d'encadrement, caractérisée par l'exercice d'une parcelle d'autorité, un degré de responsabilité et un régime pécuniaire traduisant la place occupée au sein de l'organigramme; 2° les gestionnaires tels que définis à l'article 2 du décret du 12 février 2004 relatif au statut de l'administrateur public et à l'article 2 du décret du 12 février 2004 relatif au statut de l'administrateur public pour les matières réglées en vertu de l'article 138 de la Constitution; 3° les titulaires d'une fonction dirigeante et d'une fonction de direction au sein d'une fondation d'utilité publique pour autant que la participation totale des communes, C.P.A.S., intercommunales ou provinces, seules ou en association avec l'entité régionale wallonne y compris ses unités d'administration publique, directement ou indirectement, atteigne un taux de plus de 50 pourcent de subventions régionales, communales, provinciales, d'intercommunales ou de CPAS sur le total de leurs produits ».

B.2. Il ressort des travaux préparatoires du décret attaqué que le législateur décrétal a entendu fixer « de nouvelles règles en matière de gouvernance et de transparence au sein des structures locales, supra-locales ou dans leurs filiales » (Doc. parl., Parlement Wallon, 2017-2018, n° 1047/1, p. 3) : « Le présent projet de décret traduit les orientations du Gouvernement énoncées dans sa Déclaration de politique régionale 2017-2019 ainsi que les recommandations formulées par le rapport de la Commission d'enquête parlementaire chargée d'examiner la transparence et le fonctionnement du Groupe PUBLIFIN du 6 juillet 2017 » (ibid.). « Le présent projet de décret vise également à assurer la transparence quant aux responsabilités exercées par les mandataires auxquels les citoyens ont confié des missions publiques » (ibid., p. 4).

A propos de la disposition attaquée, l'exposé des motifs précise : « La disposition étend l'interdiction d'être président du conseil communal ou membre du collège communal aux titulaires d'une fonction dirigeante locale telle que définie à l'article L5111-1 et [aux] titulaires d'une fonction de direction, aux gestionnaires tels que définis à l'article 2 du décret du 12 février 2004 relatif au statut de l'administrateur public ainsi qu'aux titulaires d'une fonction dirigeante locale et d'une fonction de direction au sein d'une fondation d'utilité publique qui bénéficient d'un subventionnement public local et régional wallon dont le Gouvernement déterminera le taux.

Une fonction de direction constitue une fonction d'encadrement, caractérisée par l'exercice d'une parcelle d'autorité. L'article L1523-27, § 2 prévoit que le régime pécuniaire et les échelles de traitement soient fixés notamment selon l'importance des attributions, le degré de responsabilité et les aptitudes générales et professionnelles requises, compte tenu notamment de la place occupée par les agents dans l'organigramme de l'intercommunale. L'organigramme de l'institution identifiera dès lors ces fonctions de direction. Il est évident que ces éléments (place occupée, niveau de rémunérations et niveau de responsabilités) constituent un tout et sont déterminants dans la qualification de la fonction de direction. S'il devait s'avérer qu'une rémunération conséquente équivalent à l'exercice d'une fonction d'encadrement d'un certain niveau est attribuée, la personne concernée serait de facto considérée comme exerçant une fonction de direction et se trouverait soumise au régime d'incompatibilité.

L'objectif de cette disposition est en effet d'éviter la survenance de situations de conflit d'intérêts nuisibles aux principes entourant la gouvernance. En outre, la modification vise à se conformer à la nouvelle appellation des grades légaux » (ibid., p. 5).

Devant la Commission des pouvoirs locaux, du logement et des infrastructures sportives, la ministre a précisé que la fonction de direction n'est pas limitée aux intercommunales. La fonction de direction doit être appréciée par l'exercice d'une parcelle d'autorité : « L'article L1523-27, § 2, prévoit que le régime pécuniaire et les échelles de traitement sont fixés, notamment selon l'importance des attributions, le degré de responsabilité et les aptitudes générales et professionnelles requises, compte tenu également de la place occupée par les agents dans l'organigramme. C'est l'organigramme qui identifiera les fonctions de direction » (Doc. parl., Parlement Wallon, 2017-2018, n° 1047/27, p. 31).

Quant à l'intérêt B.3. La demande de suspension étant subordonnée au recours en annulation, la recevabilité de celui-ci, et en particulier l'existence de l'intérêt requis, doit être abordée dès l'examen de la demande de suspension.

B.4. La Constitution et la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle imposent à toute personne physique ou morale qui introduit un recours en annulation de justifier d'un intérêt. Ne justifient de l'intérêt requis que les personnes dont la situation pourrait être affectée directement et défavorablement par la norme attaquée.

B.5. La partie requérante est directeur de la régie communale autonome immobilière de la ville de Herstal (URBEO).

La disposition attaquée interdit notamment au directeur d'une régie communale d'être président du conseil communal ou membre du collège communal d'une commune, même si cette commune n'est pas associée à la régie communale dont il est le directeur.

La partie requérante peut donc être affectée directement et défavorablement par la disposition attaquée, mais uniquement dans la mesure où l'article L1125-1 du CDLD, § 2, 1°, vise les titulaires d'une fonction de direction au sein d'une régie communale.

La Cour limite donc son examen à l'article L1125-1 du CDLD, § 2, 1°, en ce qu'il ne permet pas aux titulaires d'une fonction de direction au sein d'une régie communale d'être président du conseil communal ou membre du collège communal d'une commune.

B.6. L'examen limité de la recevabilité du recours en annulation auquel la Cour a pu procéder dans le cadre de la demande de suspension ne fait pas apparaître que le recours en annulation - et donc la demande de suspension - doive être considéré comme irrecevable.

Quant aux conditions de la suspension B.7. Aux termes de l'article 20, 1°, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, deux conditions de fond doivent être remplies pour que la suspension puisse être décidée : - des moyens sérieux doivent être invoqués; - l'exécution immédiate de la règle attaquée doit risquer de causer un préjudice grave difficilement réparable.

Les deux conditions étant cumulatives, la constatation que l'une de ces deux conditions n'est pas remplie entraîne le rejet de la demande de suspension.

Quant au risque de préjudice grave difficilement réparable B.8. Une suspension par la Cour doit permettre d'éviter, pour la partie requérante, qu'un préjudice grave, qui ne pourrait pas ou qui pourrait difficilement être réparé par l'effet d'une annulation éventuelle, résulte de l'application immédiate de la norme attaquée.

En vertu de l'article 22 de la loi spéciale du 6 janvier 1989, la partie qui demande la suspension doit, pour satisfaire à la seconde condition de l'article 20, 1°, de cette loi, produire à la Cour, dans sa requête, des données précises qui prouvent à suffisance que l'application de la disposition attaquée risque de lui causer, à la date de son entrée en vigueur, un préjudice grave difficilement réparable.

B.9. La partie requérante allègue qu'elle est candidate tête de liste aux élections communales qui se tiendront le 14 octobre 2018, qu'elle a des chances d'être élue et d'être éventuellement amenée à former la prochaine majorité. Or, la disposition attaquée lui interdit de faire partie du collège communal ou d'occuper la fonction de président du conseil communal, sauf si elle renonce à son emploi au sein d'URBEO, ce qui l'obligerait à renoncer aussi à exercer un droit politique fondamental. Elle invoque également l'incidence négative de la disposition attaquée sur le résultat électoral qu'elle pourrait réaliser et le risque de ne pas être élue, alors que le droit d'être élu constitue un droit fondamental. La partie requérante ajoute que, conformément à l'article L1123-4 du CDLD, la renonciation éventuelle et contrainte au poste de bourgmestre - dans l'hypothèse où elle réaliserait le meilleur score de sa liste qui constituerait, en outre, le groupe le plus important de la majorité - l'empêcherait définitivement de faire partie du collège communal.

B.10. La disposition attaquée n'empêche pas la partie requérante de se présenter aux élections communales ni d'être élue conseiller communal.

Elle ne porte donc pas atteinte à son droit d'être élue.

Elle lui impose cependant, dans l'hypothèse où elle serait présentée comme membre du collège communal ou comme président du conseil communal, de faire un choix entre cette fonction et celle de directeur d'une régie communale, dès lors que ces fonctions sont désormais incompatibles. Il résulte des travaux préparatoires cités en B.2 que le législateur décrétal a voulu renforcer la gouvernance et la transparence dans l'exercice des mandats publics au sein des structures locales en instaurant de nouvelles incompatibilités et qu'il a entendu ainsi éviter, de manière plus large, les conflits d'intérêts liés à l'exercice de plusieurs mandats, donnant ainsi suite aux recommandations formulées par la commission d'enquête parlementaire chargée d'examiner la transparence et le fonctionnement du Groupe « Publifin », dans son rapport dénonçant les abus liés à ces conflits.

La partie requérante ne démontre pas à suffisance le bien-fondé du préjudice, par ailleurs, trop hypothétique qu'elle invoque en telle manière que le préjudice invoqué ne permet pas de justifier la suspension de la norme et qu'il ne présente pas le caractère de gravité requis par l'article 20, 1°, de la loi spéciale du 6 janvier 1989.

La suspension de la norme attaquée n'est donc pas nécessaire pour éviter à la partie requérante le préjudice qu'elle invoque.

B.11. Etant donné que l'une des conditions requises par l'article 20, 1°, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle n'est pas remplie, la demande de suspension doit être rejetée.

Par ces motifs, la Cour rejette la demande de suspension.

Ainsi rendu en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 4 octobre 2018.

Le greffier, F. Meersschaut Le président, F. Daoût

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