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Arrêt
publié le 01 avril 2019

Extrait de l'arrêt n° 34/2019 du 28 février 2019 Numéro du rôle : 6705 En cause : le recours en annulation des articles 34 et 35 du décret flamand du 23 décembre 2016 « portant des dispositions fiscales diverses et des dispositions relatives La Cour constitutionnelle, composée des présidents A. Alen et F. Daoût, et des juges L. Lavrysen(...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 34/2019 du 28 février 2019 Numéro du rôle : 6705 En cause : le recours en annulation des articles 34 et 35 du décret flamand du 23 décembre 2016 « portant des dispositions fiscales diverses et des dispositions relatives au recouvrement de créances non fiscales » (modification des articles 2.7.1.0.6 et 2.7.3.2.8 du Code flamand de la Fiscalité du 13 décembre 2013), introduit par l'union professionnelle « Assuralia ».

La Cour constitutionnelle, composée des présidents A. Alen et F. Daoût, et des juges L. Lavrysen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke, T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, T. Giet, R. Leysen, J. Moerman et M. Pâques, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président A. Alen, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours et procédure Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 3 juillet 2017 et parvenue au greffe le 6 juillet 2017, l'union professionnelle « Assuralia », assistée et représentée par Me D. Lindemans et Me H. Verstraete, avocats au barreau de Bruxelles, a introduit un recours en annulation des articles 34 et 35 du décret flamand du 23 décembre 2016 portant des dispositions fiscales diverses et des dispositions relatives au recouvrement de créances non fiscales (publié au Moniteur belge du 30 décembre 2016), par lesquels les articles 2.7.1.0.6 et 2.7.3.2.8 du Code flamand de la Fiscalité du 13 décembre 2013 sont modifiés. (...) II. En droit (...) Quant aux dispositions attaquées et à leur contexte B.1. Le recours tend à l'annulation des articles 34 et 35 du décret flamand du 23 décembre 2016 « portant des dispositions fiscales diverses et des dispositions relatives au recouvrement de créances non fiscales » (ci-après : le décret du 23 décembre 2016).

B.2.1. L'article 34, attaqué, du décret du 23 décembre 2016 remplace le paragraphe 1er de l'article 2.7.1.0.6 du Code flamand de la fiscalité du 13 décembre 2013, et ajoute la phrase suivante au paragraphe 2, alinéa 2, du même article : « Cette preuve du contraire ne peut être fournie en démontrant qu'il a été fait don du contrat à cette personne ».

L'article 2.7.1.0.6, ainsi modifié, du Code flamand de la fiscalité du 13 décembre 2013 dispose : « § 1er. Les sommes, rentes ou valeurs qu'une personne peut être appelée à recevoir à titre gratuit en vertu d'une stipulation faite à son profit dans un contrat conclu par le défunt ou par un tiers au profit de cette personne sont considérées comme recueillies à titre de legs par cette personne.

Sont de même considérées comme recueillies à titre de legs les sommes, rentes ou valeurs qu'une personne a été appelée à recevoir à titre gratuit dans les trois ans précédant le décès du défunt, en vertu d'une stipulation faite à son profit dans un contrat conclu par le défunt.

Si le défunt avait conclu un contrat en vertu duquel une indemnité ne peut être versée qu'après le décès du défunt, les sommes, rentes ou valeurs sont supposées avoir été reçues à titre gratuit et à titre de legs, selon le cas : 1° par la personne qui rachète le contrat d'assurance-vie après le décès du défunt, au moment du rachat;2° par la personne qui reçoit réellement les sommes, rentes ou valeurs après le décès du défunt, au moment où une indemnité est versée. Lorsque le défunt était marié sous un régime de communauté, les dispositions des premier, second et troisième alinéas s'appliquent également aux sommes, rentes ou valeurs que le conjoint survivant est appelé à recevoir à titre gratuit en vertu d'un contrat d'assurance-vie ou d'un contrat avec établissement d'une rente conclu par le conjoint survivant. § 2. Le présent article est applicable aux sommes ou valeurs qu'une personne est appelée à recevoir à titre gratuit au décès de celui qui a contracté une assurance sur la vie à ordre ou au porteur.

La personne, mentionnée dans le présent article, est présumée recevoir à titre gratuit, sauf preuve contraire. Cette preuve du contraire ne peut être fournie en démontrant qu'il a été fait don du contrat à cette personne.

Le présent article n'est pas applicable : 1° aux sommes, rentes ou valeurs recueillies en vertu d'une stipulation qui a été assujettie aux droits de donation ou au droit d'enregistrement établi pour les donations entre vifs;2° aux rentes et capitaux constitués en exécution d'une obligation légale;3° aux capitaux et rentes constitués à l'intervention de l'employeur du défunt au profit du conjoint survivant du défunt ou, à défaut, au profit de ses enfants n'ayant pas atteint l'âge de vingt et un ans, en exécution soit d'un contrat d'assurance de groupe souscrit en vertu d'un règlement obligatoire de l'entreprise et répondant aux conditions déterminées par la réglementation relative au contrôle de ces contrats, soit du règlement obligatoire d'un fonds de prévoyance institué au profit du personnel de l'entreprise;4° aux sommes, rentes ou valeurs recueillies au décès du défunt en vertu d'un contrat renfermant une stipulation faite par un tiers au profit du bénéficiaire, quand il est établi que ce tiers a stipulé à titre gratuit au profit du bénéficiaire ». B.2.2. L'article 35, attaqué, du décret du 23 décembre 2016 ajoute un paragraphe 2 à l'article 2.7.3.2.8 du Code flamand de la fiscalité du 13 décembre 2013, qui s'énonce comme suit : « Dans le cas d'un contrat d'assurance-vie, la base imposable des sommes, rentes ou valeurs pouvant revenir à la personne visée à l'article 2.7.1.0.6 [est] diminuée du montant ayant servi de base imposable pour le prélèvement des droits de donation si le contrat a fait l'objet d'une donation à cette personne par le défunt ».

B.3.1.1. Les dispositions attaquées se rapportent à l'impôt successoral, aux successions (legs), aux prestations résultant d'un contrat d'assurance-vie et à l'impact du don de ce contrat sur la débition dudit impôt successoral sur les prestations d'assurance-vie recueillies par le bénéficiaire.

B.3.1.2. Le testateur peut arrêter dans un acte, pour le temps où il n'existera plus, des dispositions de dernières volontés sous la forme d'un legs, afin de disposer de tout ou partie de ses biens (articles 895 et 967 du Code civil). Les biens ainsi recueillis par un tiers bénéficiaire sont soumis à l'impôt successoral (article 2.7.1.0.2 du Code flamand de la fiscalité du 13 décembre 2013).

B.3.1.3. Un contrat d'assurance-vie fait naître différents rapports juridiques entre différents acteurs.

Il ressort de ces rapports juridiques que les prestations d'assurance ne sont octroyées par l'assureur au bénéficiaire que lors du décès et qu'elles ne sont donc pas directement recueillies à partir de la succession du preneur d'assurance. Afin que ces prestations d'assurance-vie n'échappent pas aux droits de succession, il a été prévu un régime permettant de soumettre de telles prestations d'assurance-vie à l'impôt successoral.

B.3.2. Le Code des droits de succession énonçait dès lors une fiction légale qui permet de soumettre à l'impôt successoral les sommes recueillies gratuitement par un bénéficiaire en vertu d'une stipulation pour autrui en assimilant leur versement à un legs provenant de la succession du défunt. La fiction légale implique l'ajout de prestations à la succession du défunt s'il s'agit de sommes, rentes ou valeurs obtenues gratuitement de la part d'un défunt en vertu de stipulations pour autrui.

Par décret de la Région flamande du 19 décembre 2014 « portant modification du Code flamand de la fiscalité du 13 décembre 2013 », le législateur décrétal a codifié les règles existantes en matière de droits de succession afin de mieux coordonner la structure du Code flamand de la fiscalité du 13 décembre 2013 et d'y apporter des adaptations d'ordre linguistique, sans modifier le contenu des dispositions de droit matériel. L'article 8 du Code des droits de succession a ainsi été repris dans les articles 2.7.1.0.6 et 2.7.3.2.8 du Code flamand de la fiscalité du 13 décembre 2013.

Un contrat d'assurance-vie avec un assureur énonce généralement une stipulation faite par le preneur d'assurance en faveur d'un tiers bénéficiaire, qui prévoit qu'au décès du preneur d'assurance, le bénéficiaire percevra des fonds sans contrepartie d'aucune sorte.

Ainsi, des prestations d'assurance-vie sont en principe soumises à l'impôt successoral en vertu de la fiction légale.

B.3.3. Pour échapper à ladite fiction légale, le bénéficiaire doit démontrer qu'il a recueilli les prestations d'assurance-vie à titre onéreux ou qu'il n'est nullement question d'une stipulation pour autrui.

B.3.4. L'administration fiscale fédérale a estimé par lettre n° EE/105.349 du 9 avril 2013 qu'en cas de don de l'assurance-vie par le preneur d'assurance, les prestations que le bénéficiaire recueille au décès du donateur ne constituent pas un legs au sens de l'article 8 du Code des droits de succession parce qu'à la suite du don de la police, la stipulation pour autrui s'est mue en une stipulation pour soi-même.

Le Service fédéral des décisions anticipées a confirmé ce point de vue dans sa décision anticipée n° 2016.813 du 6 juillet 2017.

B.3.5. L'administration fiscale flamande (Vlaamse belastingdienst) n'a pas partagé le point de vue mentionné en B.3.4 et a abouti à une appréciation différente dans ses positions nos 15 133 du 12 octobre 2015 et 15 142 du 21 décembre 2015. Ainsi, le don d'un contrat d'assurance-vie localisé fiscalement en Région flamande, nonobstant sa présentation à l'enregistrement et son assujettissement à l'impôt sur les donations, ne permettrait pas d'éviter que les prestations d'assurance-vie tombent sous l'application des fictions légales. De même, la réalisation d'une donation n'enlèverait rien au fait qu'il s'agit toujours d'une prestation à la suite de la stipulation effectuée par le preneur d'assurance initial en faveur du bénéficiaire. L'administration fiscale flamande estime qu'il faut faire abstraction de la donation. L'article 2.7.1.0.6, § 2, alinéa 3, 1°, du Code flamand de la fiscalité du 13 décembre 2013 ne serait pas applicable et les prestations d'assurance versées devraient également être ajoutées à la masse héritée. Elles seraient dès lors soumises à l'impôt successoral, même si un impôt sur les donations a été perçu sur le don du contrat d'assurance-vie.

Ces points de vue ont été critiqués.

Le législateur décrétal a ensuite précisé que « la personne, mentionnée dans le présent article, est présumée recevoir à titre gratuit, sauf preuve contraire. Cette preuve du contraire ne peut être fournie en démontrant qu'il a été fait don du contrat à cette personne ». Il a également précisé que les prestations d'assurance sont soumises à l'impôt successoral si le don de l'assurance-vie a déjà été soumis à l'impôt sur les donations (article 2.7.3.2.8, § 2, du Code flamand de la fiscalité du 13 décembre 2013, lu en combinaison avec l'article 2.7.1.0.6 du même Code).

B.3.6. Le législateur décrétal entendait ainsi mettre un terme aux discussions et à l'incertitude survenues à la suite de la position adoptée par l'administration fiscale flamande, qui estimait que le bénéficiaire de l'indemnité versée au décès du preneur d'assurance, en cas de don d'une assurance-vie à ce bénéficiaire, avait encore à payer un impôt successoral, même si le don avait été précédemment soumis à l'impôt sur les donations (Doc. parl., Parlement flamand, 2016-2017, n° 928/1, p.19; ibid., n° 928/3, p. 8). Il a décidé de confirmer ledit point de vue par voie décrétale (article 34, 2°, du décret du 23 décembre 2016). Le législateur décrétal a également cherché, compte tenu de ce qui a été dit en B.3.3, à empêcher que l'on puisse échapper, par un don d'assurance-vie, à l'impôt successoral sur les prestations d'assurance-vie. Il s'avère poursuivre à cet égard un objectif consistant à soumettre de manière égale à l'impôt successoral tous les contribuables-bénéficiaires par rapport aux prestations d'assurance, qu'il y ait eu ou non un don de l'assurance-vie.

Par souci d'équité et de justice, il a en même temps cherché, par l'article 35 du décret du 23 décembre 2016, à éviter les conséquences de l'éventuelle double imposition économique en ne réclamant l'impôt successoral que sur la différence entre l'indemnité en cas de décès et la valeur de la police d'assurance-vie au moment de la donation (Doc. parl., Parlement flamand, 2016-2017, n° 928/3, pp. 8-9).

Quant à la recevabilité B.4.1. Le Gouvernement flamand fait valoir que le recours introduit par la partie requérante ne serait pas recevable à défaut d'intérêt.

B.4.2. La partie requérante est une union professionnelle reconnue qui défend les intérêts des entreprises d'assurance et qui, en vertu de la loi du 31 mars 1898Documents pertinents retrouvés type loi prom. 31/03/1898 pub. 11/10/2011 numac 2011000638 source service public federal interieur Loi sur les Unions professionnelles Coordination officieuse en langue allemande fermer sur les unions professionnelles, a la qualité requise pour attaquer des dispositions qui affectent directement et défavorablement les intérêts de ses membres.

Dans la mesure où les dispositions attaquées pourraient rendre les produits d'assurance-vie moins attrayants, la situation des membres de la partie requérante peut être directement et défavorablement affectée par les dispositions attaquées. La partie requérante dispose dès lors de l'intérêt requis.

Quant au premier moyen B.5. La partie requérante prend un premier moyen de la violation, par les articles 34 et 35, attaqués, du décret du 23 décembre 2016, de l'article 177 de la Constitution, lu en combinaison avec l'article 3, alinéa 1er, 4°, et avec l'article 4, § 1er, de la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des communautés et des régions, en ce qu'ils régleraient la matière imposable des droits de succession, alors qu'en matière de droits de succession, les régions sont seulement compétentes pour régler le taux d'imposition, la base d'imposition et les exonérations.

B.6.1. L'article 177 de la Constitution dispose : « Une loi adoptée à la majorité prévue à l'article 4, dernier alinéa, fixe le système de financement des régions.

Les Parlements de région déterminent, chacun pour ce qui le concerne, l'affectation de leurs recettes par les règles visées à l'article 134 ».

B.6.2. En exécution de l'article 177, alinéa 1er, de la Constitution, l'article 1er, § 2, de la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des communautés et des régions (ci-après : la loi spéciale de financement) dispose : « Sans préjudice de l'article 170, § 2, de la Constitution, le financement du budget de la Région wallonne, de la Région flamande et de la Région de Bruxelles-Capitale est assuré par : 1° des recettes non fiscales;2° des recettes fiscales visées par la présente loi;3° des recettes de l'exercice de l'autonomie fiscale en matière d'impôt des personnes physiques visées au titre III/1;4° des parties attribuées du produit d'impôts et de perceptions;5° des dotations fédérales;6° un mécanisme de solidarité nationale;7° pour la période de 2015 jusqu'à 2033, un mécanisme de transition;8° des emprunts ». B.6.3. L'article 3 de la loi spéciale de financement dispose : « Les impôts suivants sont des impôts régionaux : [...] 4° les droits de succession d'habitants du Royaume et les droits de mutation par décès de non-habitants du Royaume; [...] Ces impôts sont soumis aux dispositions des articles 4, 5, 8 et 11 ».

B.6.4. L'article 4, § 1er, de la loi spéciale de financement dispose : « Les régions sont compétentes pour modifier le taux d'imposition, la base d'imposition et les exonérations des impôts visés à l'article 3, alinéa 1er, 1° à 4° et 6° à 9° ».

B.7. La matière imposable est l'élément générateur de l'impôt, la situation ou le fait qui donne lieu à la débition de l'impôt. La matière imposable se distingue de la base imposable (« base d'imposition »), qui est la base sur laquelle l'impôt est calculé.

En matière d'impôt successoral, la matière imposable est constituée par les biens transférés à la suite du décès, et la base d'imposition concerne la valeur de tous les biens recueillis à la suite d'un décès.

B.8.1. Une stipulation pour autrui dans un contrat d'assurance-vie a quasiment les mêmes effets en droit civil qu'une donation de biens mobiliers à la condition suspensive du décès du donateur et qu'un legs. Les dispositions attaquées ne modifient pas les caractéristiques civiles de la donation du contrat d'assurance-vie. Il s'agit seulement de dispositions créant une fiction juridique, qui consiste à assimiler à un legs en droit fiscal, en vue de la perception de l'impôt successoral, une indemnité versée en vertu d'une stipulation pour autrui dans une police d'assurance-vie, la valeur de l'indemnité étant ajoutée à cette fin à la masse héritée.

B.8.2. En excluant que la donation de la police d'assurance-vie au bénéficiaire de l'indemnité d'assurance-vie ait pour conséquence que l'indemnité d'assurance-vie ne soit plus assimilée à une somme recueillie à titre de legs du défunt, le législateur décrétal a précisé la portée de la fiction déjà créée dans le droit successoral fiscal quand une indemnité d'assurance-vie est payée à l'occasion du décès de l'assuré.

Malgré la donation, l'indemnité d'assurance demeure perçue à l'occasion du décès du preneur d'assurance. Le législateur décrétal dispose qu'elle constitue un bien transféré à la suite du décès. La précision donnée par le législateur décrétal intervient donc bien dans le champ de la matière imposable qui lui a été attribuée par la loi spéciale précitée.

B.8.3. Quand la donation du contrat d'assurance-vie est soumise au droit fiscal sur la donation, la base de cet impôt est la valeur du contrat au moment de la donation, c'est-à-dire sa valeur de rachat en cas de résiliation anticipée par le preneur. En décidant que la base du droit de succession sur l'indemnité d'assurance-vie est diminuée du montant qui a servi de base au calcul du droit de donation pour lequel le législateur décrétal est également compétent (article 3, alinéa 1er, 8°, de la loi spéciale de financement), le législateur décrétal précise la base du droit fiscal de succession.

B.9. Ainsi donc, les dispositions attaquées concernent la base d'imposition de l'impôt successoral et relèvent de la compétence des régions sur la base de l'article 4, § 1er, de la loi spéciale de financement.

B.10. Quant à l'argument subsidiaire pris de la violation du principe de proportionnalité, il n'est pas établi que le législateur décrétal rende exagérément difficile l'exercice de ses propres compétences par le législateur fédéral.

Le premier moyen n'est pas fondé.

Quant au deuxième moyen B.11. La partie requérante prend un second moyen de la violation des articles 10, 11 et 172 de la Constitution. Elle fait valoir que les articles attaqués établissent une différence de traitement entre deux catégories de contribuables qui ont reçu une donation plus de trois ans avant le décès du de cujus. Lorsque la donation porte sur un contrat d'assurance-vie, les contribuables sont redevables, au décès de l'assuré-donateur, d'un impôt successoral. Cet impôt est calculé sur l'indemnité versée en vertu du contrat d'assurance-vie à la suite du décès, diminuée de la part de l'indemnité qui a déjà servi d'assiette pour la perception de l'impôt sur les donations au moment du don du contrat d'assurance-vie. L'impôt frappe donc la totalité de l'indemnité lorsque la donation n'a pas été soumise à l'impôt sur les donations. Ces contribuables sont, en d'autres termes, redevables d'un impôt successoral sur un montant correspondant à la plus-value de l'assurance-vie qui a enregistré un accroissement entre le moment de la donation de l'assurance-vie et le décès de l'assuré-donateur. Les contribuables qui ont reçu d'autres biens meubles en donation plus de trois ans avant le décès du de cujus ne sont en revanche, au décès du donateur, pas redevables d'un impôt successoral sur la plus-value des biens donnés réalisée entre le moment de la donation de ces biens et le décès du donateur.

B.12. Conformément à l'article 2.7.1.0.2, alinéa 1er, du Code flamand de la fiscalité du 13 décembre 2013, un impôt successoral est en principe dû sur la transmission de biens d'une succession, qu'ils aient été acquis par le contribuable par dévolution légale, par legs ou par institution contractuelle.

En ce qui concerne cette succession dans le cadre de l'impôt successoral, l'article 2.7.1.0.5, § 1er, du même Code dispose : « Les biens dont l'entité compétente de l'administration flamande établit que le défunt a disposé à titre gratuit dans les trois années précédant son décès, sont considérés comme faisant partie de sa succession si la libéralité n'a pas été assujettie aux droits de donation ou au droit d'enregistrement établi pour les donations entre vifs. Les héritiers ou légataires possèdent un droit de recours contre le donataire pour les droits de succession acquittés à raison desdits biens.

Lorsque l'entité compétente de l'administration flamande ou les héritiers et légataires démontrent que la libéralisation valait pour une personne particulière, celle-ci est considérée comme légataire de la donation.

Pour l'application du présent paragraphe, une libéralisation faisant l'objet d'une exonération du droit d'enregistrement est assimilée à une [libéralité] assujettie aux droits de donation ou au droit d'enregistrement établi pour les donations entre vifs ».

B.13.1. Il ressort de l'article 2.7.1.0.5 du Code flamand de la fiscalité du 13 décembre 2013 qu'aucun impôt successoral n'est en principe dû sur une donation de biens (par exemple de l'argent, des actions ou un tableau) si le donateur est resté en vie pendant encore au moins trois ans après la donation, ou si un impôt sur les donations a été payé sur cette donation, et qu'aucun impôt successoral n'est également dû sur l'accroissement de valeur du bien entre le moment de la donation et celui du décès.

B.13.2. Par contre, conformément à l'article 2.7.1.0.6 du Code flamand de la fiscalité du 13 décembre 2013, en cas de donation d'une assurance-vie, les prestations d'assurance recueillies sont en principe bien soumises à un impôt successoral, même si un impôt sur les donations a été payé sur le don de l'assurance-vie ou si le donateur est encore resté en vie pendant au moins trois ans après la donation.

Si un impôt sur les donations a été payé, la base imposable de l'impôt successoral est seulement diminuée de celle sur laquelle l'impôt sur les donations a été perçu, conformément à l'article 2.7.3.2.8 du Code flamand de la fiscalité du 13 décembre 2013. La base d'imposition en ce qui concerne le don d'une assurance-vie est sa valeur de rachat, soit l'indemnité que le preneur d'assurance obtient en cas de résiliation anticipée de l'assurance-vie.

Combinées entre elles, ces dispositions ont pour conséquence que le bénéficiaire-contribuable est redevable d'un impôt successoral sur l'accroissement de valeur d'une assurance-vie, contrairement à l'accroissement de valeur d'autres biens, entre le moment du décès du de cujus donateur-assuré et le moment du don de la police d'assurance à son bénéficiaire.

C'est sur cette différence de traitement entre les contribuables-bénéficiaires que la Cour doit se prononcer.

B.14. Il faut tenir compte en l'espèce de la nature spécifique de l'objet de la donation. La nature spécifique d'un produit d'investissement implique qu'après la donation, l'objet de la donation continue également à procurer un avantage qui dépasse la valeur de rachat, même sans que le bénéficiaire de la donation en tant que preneur d'assurance fournisse lui-même des prestations quelconques.

Au moment de la donation, le bénéficiaire de celle-ci acquiert ainsi les droits nés de la relation juridique du preneur d'assurance initial, dont le droit de rachat et le droit de désignation ou de modification d'un bénéficiaire. Pour le transfert de ces droits d'assurance, si ceux-ci sont soumis à l'impôt sur les donations, l'on prend en compte la valeur de rachat du contrat d'assurance. Cette valeur de rachat correspond au montant versé au preneur d'assurance en cas de résiliation anticipée du contrat.

Le bénéficiaire du contrat d'assurance-vie ne recueille qu'au décès du de cujus-preneur d'assurance les prestations qui résultent de la relation juridique avec l'assureur.

Compte tenu des objectifs d'égalité, d'équité et de justice poursuivis par le législateur décrétal dans le cadre de l'assujettissement de prestations d'assurance-vie à l'impôt successoral, mentionnés en B.3.6, il n'est pas sans justification raisonnable que l'accroissement de valeur, entre le moment de la donation et celui de l'enrichissement effectif du bénéficiaire, de prestations d'assurance-vie soit soumis à l'impôt successoral.

B.15. Les dispositions attaquées ne sont dès lors pas incompatibles avec les articles 10 et 11 de la Constitution.

Le second moyen n'est pas fondé.

Par ces motifs, la Cour rejette le recours.

Ainsi rendu en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 28 février 2019.

Le greffier, F. Meersschaut Le président, A. Alen

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