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Arrêt
publié le 07 novembre 2019

Extrait de l'arrêt n° 145/2019 du 17 octobre 2019 Numéro du rôle : 6953 En cause : le recours en annulation des articles 94, 111, 133 et 151 du décret de la Région flamande du 8 décembre 2017 « modifiant diverses dispositions en matière d'amé La Cour constitutionnelle, composée des présidents A. Alen et F. Daoût, et des juges L. Lavrysen(...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 145/2019 du 17 octobre 2019 Numéro du rôle : 6953 En cause : le recours en annulation des articles 94, 111, 133 et 151 du décret de la Région flamande du 8 décembre 2017 « modifiant diverses dispositions en matière d'aménagement du territoire, d'écologie, d'environnement et d'aménagement du territoire », introduit par l'ASBL « Natuurpunt » et autres.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents A. Alen et F. Daoût, et des juges L. Lavrysen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke, T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, T. Giet, R. Leysen, J. Moerman et M. Pâques, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président A. Alen, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours et procédure Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 18 juin 2018 et parvenue au greffe le 19 juin 2018, un recours en annulation des articles 94, 111, 133 et 151 du décret de la Région flamande du 8 décembre 2017 « modifiant diverses dispositions en matière d'aménagement du territoire, d'écologie, d'environnement et d'aménagement du territoire [lire : en matière d'aménagement du territoire, d'écologie et d'environnement] » (publié au Moniteur belge du 20 décembre 2017, deuxième édition) a été introduit par l'ASBL « Natuurpunt », l'ASBL « Bond Beter Leefmilieu Vlaanderen », l'ASBL « Greenpeace Belgium », l'ASBL « World Wide Fund for Nature Belgium », l'ASBL « Bos+ Vlaanderen », l'ASBL « Vogelbescherming Vlaanderen », l'ASBL « Ademloos », l'ASBL « Straatego », l'ASBL « Milieufront Omer Wattez », l'ASBL « Aktiegroep Leefmilieu Rupelstreek » et l'ASBL « Limburgse Milieukoepel », assistées et représentées par Me J. Verstraeten, avocat au barreau de Louvain. (...) II. En droit (...) B.1. Les parties requérantes demandent l'annulation des articles 94, 111, 133 et 151 du décret de la Région flamande du 8 décembre 2017 « modifiant diverses dispositions en matière d'aménagement du territoire, d'écologie, d'environnement et d'aménagement du territoire [lire : en matière d'aménagement du territoire, d'écologie et d'environnement] » (ci-après : le décret du 8 décembre 2017).

Quant à la recevabilité B.2. Comme l'observe le Gouvernement flamand, les divers griefs formulés par les parties requérantes sont uniquement dirigés contre le régime instauré par l'article 94 en ce qui concerne la « zone agricole d'intérêt paysager » (premier moyen), contre la modification, opérée par l'article 111, 1°, de la notion de « décision définitive » au sens du décret du 25 avril 2014 « relatif au permis d'environnement » (ci-après : le décret du 25 avril 2014) (deuxième moyen) et contre la règle, instaurée par les articles 133, 2°, et 151, 3°, du décret du 8 décembre 2017, selon laquelle, sauf les exceptions mentionnées dans les dispositions attaquées, un membre du public concerné ne peut introduire un recours administratif ou juridictionnel que s'il a formulé un point de vue, une remarque ou une objection motivés durant l'enquête publique (troisième moyen).

B.3. En ce qui concerne le troisième moyen, les articles 133, 2°, et 151, 3°, attaqués, ont été annulés par la Cour dans son arrêt n° 46/2019 du 14 mars 2019.

Par conséquent, le troisième moyen est sans objet.

B.4.1. En ce qui concerne les deux autres moyens, le Gouvernement flamand soulève l'incompétence de la Cour, du fait du contrôle direct au regard de dispositions internationales et de principes généraux du droit, et pour cause d'absence d'exposé des griefs.

B.4.2. Pour satisfaire aux exigences de l'article 6 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, les moyens de la requête doivent faire connaître, parmi les règles dont la Cour garantit le respect, celles qui auraient été violées ainsi que les dispositions qui violeraient ces règles et exposer en quoi ces règles auraient été transgressées par ces dispositions.

B.4.3. Les dispositions internationales et principes généraux au regard desquels la Cour ne peut effectuer un contrôle direct sont invoqués en combinaison avec des dispositions constitutionnelles au regard desquelles la Cour peut exercer un contrôle direct, de sorte que toutes ces dispositions doivent être lues conjointement.

Il ressort en outre des mémoires introduits par le Gouvernement flamand qu'il a pu répondre adéquatement aux divers griefs formulés par les parties requérantes.

B.4.4. L'exception n'est pas fondée.

Quant au fond En ce qui concerne le premier moyen (article 94 du décret du 8 décembre 2017) B.5.1. L'article 94 du décret du 8 décembre 2017 dispose : « Dans [le Code flamand d'aménagement du territoire], modifié en dernier lieu par le décret du 3 février 2017, il est ajouté au chapitre VII, ajouté sous l'article 93, un article 5.7.1 libellé comme suit : ' Art. 5.7.1. § 1er. La prescription, visée à l'article 15, 4.6.1, de l'arrêté royal du 28 décembre 1972 relatif à la présentation et à la mise en oeuvre des projets de plans et des plans de secteur, est modifiée comme suit. Dans ces zones peuvent être exécutés tous les actes et travaux qui correspondent à l'usage prévu indiqué en couleur de base, ainsi que les actes et travaux destinés au développement ou à l'édification du paysage.

Lors de l'évaluation des demandes de permis, il est tenu compte des éléments paysagers caractéristiques et du développement paysager actuellement présents dans la zone. Dans ces zones, des actes et travaux ne peuvent être réalisés que s'il est démontré, sur la base d'une évaluation, que la demande est compatible avec la zone du point de vue paysager. Cette évaluation peut comprendre une description des mesures visant à promouvoir l'intégration paysagère, le cas échéant en ce qui concerne l'implantation, le gabarit, l'architecture, la nature des matériaux utilisés et l'habillement paysager, et peut également tenir compte des caractéristiques paysagères de l'atlas paysager établi, visé à l'article 4.1.1 du décret sur le patrimoine immobilier du 12 juillet 2013, et de la mesure dans laquelle le paysage est caractérisé par la présence de grappes de complexes industriels ou de bâtiments épars ou par la présence d'infrastructures linéaires. § 2. Si les zones visées au paragraphe 1er font partie d'un paysage patrimonial ou d'un paysage historico-culturel protégé au sens de l'article 2.1, 14° du Décret sur le patrimoine immobilier du 12 juillet 2013, des actes et travaux ne peuvent y être réalisés que s'il est démontré, sur la base d'une évaluation, que la demande ne met pas en danger les éléments paysagers caractéristiques et le développement paysager présents dans la zone. Cette évaluation comprend une analyse actuelle des éléments paysagers et patrimoniaux de la zone et une description des mesures visant à promouvoir l'intégration paysagère, le cas échéant en ce qui concerne l'emplacement, le gabarit, l'architecture, la nature des matériaux utilisés et l'habillement paysager. § 3. Si des mesures sont prévues dans la demande pour les zones visées aux paragraphes 1 ou 2, ou si des conditions d'intégration paysagère sont imposées dans le permis, il ne s'ensuit pas pour autant que la demande ne peut pas être intégrée dans la zone ou que la demande met en péril les éléments paysagers caractéristiques et le développement paysager de la zone. ' ».

B.5.2. L'article attaqué modifie la prescription du plan de secteur « zone agricole d'intérêt paysager » (article 15, 4.6.1., de l'arrêté royal du 28 décembre 1972 « relatif à la présentation et à la mise en oeuvre des projets de plans et des plans de secteur » (ci-après : l'arrêté royal du 28 décembre 1972)).

Cette modification porte exclusivement sur le contrôle de la compatibilité avec les prescriptions urbanistiques et laisse intact le contrôle de la compatibilité avec le bon aménagement du territoire. Il est donc nécessaire que l'administration qui délivre les autorisations indique deux motivations distinctes dans sa décision, l'une concernant l'aspect esthétique et l'autre l'aspect de l'aménagement du territoire.

L'article 15, 4.6.1., de l'arrêté royal du 28 décembre 1972 dispose : « 4.6. La zone rurale peut faire l'objet des indications supplémentaires suivantes : 4.6.1. Les zones d'intérêt paysager sont des zones soumises à certaines restrictions destinées à la sauvegarde ou à la formation du paysage. Dans ces zones peuvent être accomplis tous les actes et travaux correspondant à la destination donnée par la teinte de fond pour autant qu'ils ne mettent pas en péril la valeur esthétique du paysage ».

Il s'agit donc d'une prescription du plan de secteur qui constitue une indication supplémentaire pour les zones rurales, dont relèvent les zones agricoles, les zones forestières, les zones d'espaces verts, les zones de parcs et les zones d'isolement (article 2, 4.0., de l'arrêté royal du 28 décembre 1972), laquelle prévoit que peuvent être accomplis tous les travaux et actes autorisés dans des zones rurales ordinaires, pour autant qu'ils ne mettent pas en péril la valeur esthétique du paysage.

B.5.3. La jurisprudence du Conseil d'Etat et du Conseil pour les contestations des autorisations déduit un double critère de l'article 15, 4.6.1., de l'arrêté royal du 28 décembre 1972, au regard duquel devait être contrôlée l'admissibilité de travaux de construction réalisés dans des zones agricoles d'intérêt paysager. Ce double critère comprend un critère planologique sur la base duquel l'autorité vérifie si les travaux à autoriser correspondent à la destination « zone agricole » et un critère esthétique sur la base duquel l'autorité vérifie si les travaux à autoriser correspondent aux exigences visant à la préservation du paysage.

B.5.4. Le législateur décrétal estimait que tant le Conseil d'Etat que le Conseil pour les contestations des autorisations interprétaient la prescription du plan de secteur « de manière très conservatrice » (Doc. parl., Parlement flamand, 2016-2017, n° 1149/1, p. 19), bien que la prescription du plan de secteur citée plus haut n'interdise pas l'autorisation de travaux et actes déterminés dans ces zones.

Selon le législateur décrétal, la « zone agricole d'intérêt paysager » ne doit « nullement être considérée comme une zone exempte de constructions », mais « différents permis (y compris les autorisations écologiques) sont tout de même annulés » (ibid., p. 19). Il est dès lors « devenu de facto pratiquement impossible de délivrer encore des permis d'urbanisme en vue de l'exécution de travaux de construction dans une zone agricole d'intérêt paysager » (ibid., p. 117). « Le présent décret tend donc à se rapprocher davantage de l'objectif initial du législateur » (ibid., p. 19).

B.5.5. Les travaux préparatoires établissent comme principe général que « peuvent être exécutés tous les actes et travaux qui correspondent à l'usage prévu indiqué en couleur de base, ainsi que les actes et travaux destinés au développement ou à l'édification du paysage. Lors de l'évaluation de demandes de permis, il doit être démontré, sur la base d'une évaluation, que les actes et travaux sont compatibles avec la zone [...]. Cette évaluation peut comprendre une description des mesures visant à promouvoir l'intégration paysagère, le cas échéant en ce qui concerne l'implantation, le gabarit, l'architecture, la nature des matériaux utilisés et l'habillement paysager, et peut également tenir compte de la mesure dans laquelle le paysage est caractérisé par la présence de grappes de complexes industriels ou de bâtiments épars ou par la présence d'infrastructures linéaires. Les bâtiments épars comprennent également les bâtiments industriels existants du demandeur du permis. Il est évident que s'il ne s'agit pas d'un des cas énumérés, cela ne signifie pas automatiquement que la demande ne peut pas être compatible avec la zone. Le paragraphe 1er renvoie à l'atlas paysager établi, tel qu'il est mentionné dans le décret relatif au patrimoine immobilier, comme l'un des éléments dont il peut être tenu compte lors de l'évaluation de la compatibilité paysagère.

Concernant les zones qui font partie d'un paysage patrimonial ou d'un paysage historico-culturel, un critère plus strict destiné à protéger au maximum ces paysages est utilisé lors de l'évaluation par rapport à celui qui est prévu par le paragraphe 1er, alinéa 2, en ce sens qu'il faut démontrer que la demande ne met pas en péril les éléments paysagers caractéristiques et le développement paysager présents dans la zone [...].

Il est également indiqué explicitement que le fait de prévoir des mesures dans la demande ou le fait d'imposer des conditions d'intégration paysagère dans le permis n'impliquent pas que la demande ne puisse pas être compatible avec la zone » (ibid., pp. 117-118).

B.6. Le premier moyen est pris de la violation, par l'article 94 du décret du 8 décembre 2017, des articles 10, 11 et 23 de la Constitution, lus en combinaison avec les articles 2, 3, 5, 6 et 11 de la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001 « relative à l'évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l'environnement » (ci-après : la directive 2001/42/CE), avec l'article 11 de la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 « concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement » (ci-après : la directive 2011/92/UE) et avec les articles 7 et 8 de la Convention d'Aarhus du 25 juin 1998 « sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement » (ci-après : la Convention d'Aarhus).

L'article 94, attaqué, du décret du 8 décembre 2017 modifie la prescription du plan de secteur « zone agricole d'intérêt paysager » et cette modification serait apportée à la suite de la jurisprudence défavorable des juridictions administratives en ce qui concerne l'application de cette prescription du plan de secteur.

Les parties requérantes font valoir qu'avant de modifier une prescription de plan de secteur, une autorité planificatrice devrait, en principe, élaborer un plan d'exécution spatial. Cette procédure offre des garanties tant matérielles que procédurales. En précisant la prescription du plan de secteur non pas dans un plan d'exécution spatial, mais par une modification décrétale, le législateur décrétal a traité le développement de la « zone agricole d'intérêt paysager » différemment du développement de zones relevant d'autres prescriptions du plan de secteur.

Dans les première et deuxième branches, les parties requérantes font valoir que cette disposition décrétale relève de l'application de la directive 2001/42/CE et que son adoption devait faire l'objet d'une évaluation préalable des incidences sur l'environnement conformément aux directives précitées et de la participation visée aux articles 7 et 8 de la Convention d'Aarhus.

Dans les troisième, quatrième et cinquième branches, les parties requérantes font en particulier valoir que la disposition attaquée viole, en ce qui concerne son contenu, les dispositions invoquées dans le moyen. Dans la troisième branche, les parties requérantes font valoir qu'une modification d'une prescription de plan de secteur qui n'est pas concernée par l'article 94 se fait au moyen d'un plan d'exécution spatial et que, conformément aux dispositions en vigueur, elle est soumise à un rapport d'incidences sur l'environnement, afin que les justiciables soient informés des incidences sur l'environnement du changement d'affectation, alors que tel n'est pas le cas avec la disposition attaquée, de sorte que les justiciables ayant des intérêts dans la zone agricole d'intérêt paysager perdent les droits qu'implique l'établissement d'un plan d'exécution spatial en ce qui concerne l'évaluation des incidences sur l'environnement, sans que la réduction du niveau de protection contribue à l'objectif fixé. Ceci ferait naître une différence de traitement qui ne repose pas sur un critère objectif et qui n'est pas raisonnablement justifiée. Dans la quatrième branche, les parties requérantes allèguent que le fait de soustraire la modification d'une prescription de plan de secteur à l'évaluation des incidences sur l'environnement entraîne un recul significatif du niveau de protection en matière d'environnement, sans qu'existent pour ce faire des motifs d'intérêt général. Dans la cinquième branche, les parties requérantes invoquent qu'est ainsi instaurée, en ce qui concerne la participation du public, une différence de traitement qui ne repose pas sur un critère objectif et qui n'est pas raisonnablement justifiée.

B.7. Les dispositions mentionnées en B.6 contiennent des obligations relatives à l'élaboration d'un rapport sur les incidences environnementales ou à la participation du public.

La directive 2001/42/CE concerne l'évaluation environnementale des plans et programmes susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement. Il s'agit en particulier de plans et programmes, ainsi que de leurs modifications, qui sont élaborés et/ou adoptés par une instance au niveau national, régional ou local, et exigés par des dispositions législatives, réglementaires ou administratives, pour autant qu'ils relèvent de l'application de cette directive.

L'article 7 de la Convention d'Aarhus impose de soumettre « l'élaboration des plans et des programmes relatifs à l'environnement » à une procédure de participation du public, dont il fixe certaines modalités. Plus précisément, des dispositions pratiques et/ou autres adéquates doivent être prises, en vue de la participation du public, dans un cadre transparent et équitable, après qu'auront été fournies à ce public les informations nécessaires. L'article 8 de la même Convention prévoit que les parties s'emploient à promouvoir une participation effective du public à un stade approprié - et tant que les options sont encore ouvertes - durant la phase d'élaboration par des autorités publiques de dispositions réglementaires et autres règles juridiquement contraignantes d'application générale qui peuvent avoir un effet important sur l'environnement; il est dit que les résultats de la participation du public doivent être pris en considération dans toute la mesure du possible.

B.8. Les parties requérantes font valoir, en particulier dans les première et deuxième branches du moyen, que la procédure d'adoption de la disposition attaquée devait faire l'objet d'une évaluation des incidences sur l'environnement conformément aux directives mentionnées plus haut et de la participation visée aux articles 7 et 8 de la Convention d'Aarhus.

B.9.1. La disposition attaquée fait partie du chapitre VII (« Prescriptions du plan de secteur »), du titre V, inséré par le décret du 8 décembre 2017 dans le Code flamand de l'aménagement du territoire.

Comme il est dit en B.5.2, cette disposition attaquée modifie ainsi les prescriptions d'affectation des zones agricoles d'intérêt paysager figurant dans les plans de secteur, telles qu'elles avaient été interprétées jusqu'alors par le Conseil d'Etat et par le Conseil pour les contestations des autorisations.

Même si la disposition attaquée a donc des répercussions sur les plans de secteur applicables, elle ne saurait être considérée, qu'elle soit examinée séparément ou lue dans son contexte, comme un acte qui établit, « en définissant des règles et des procédures de contrôle applicables au secteur concerné, un ensemble significatif de critères et de modalités pour l'autorisation et la mise en oeuvre d'un ou de plusieurs projets susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement », comme la Cour de justice de l'Union européenne a précisé la notion de « plans et programmes » visée à l'article 2, a), de la directive 2001/42/CE (CJUE, 11 septembre 2012, C-43/10, Nomarchiaki Aftodioikisi Aitoloakarnanias e.a., point 95; 27 octobre 2016, C-290/15, D'Oultremont e.a., point 49; 7 juin 2018, C-671/16, Inter-Environnement Bruxelles ASBL e.a., point 53; 7 juin 2018, C-160/17, Thybaut e.a., point 54). A cet égard, la disposition est comparable à celle que la Cour a dû examiner dans son arrêt n° 33/2019 du 28 février 2019.

B.9.2. Le Code flamand de l'aménagement du territoire, dont la disposition attaquée ne constitue qu'une petite partie, ne saurait en effet être comparé aux mesures mentionnées dans l'arrêt n° 33/2019 au sujet desquelles la Cour de justice de l'Union européenne a jugé qu'elles doivent être considérées comme un « plan » ou un « programme » au sens de la directive 2001/42/CE, qu'il s'agisse d'une réglementation relative à la gestion durable de l'azote en agriculture (B.20.2 de cet arrêt), qui comprend un programme d'action pour des zones vulnérables adopté en vertu de la directive 91/676/CEE, d'un plan spécial visant l'aménagement des sols (B.20.3 de cet arrêt), d'un plan d'aménagement des sols destiné à une agglomération métropolitaine (B.20.5 de cet arrêt), d'un arrêté fixant pour une région des normes techniques, des conditions d'exploitation (notamment, les ombres stroboscopiques), des conditions relatives à la prévention des accidents et des incendies (entre autres, la mise à l'arrêt de l'éolienne), les normes de niveau sonore, la remise en état ainsi que la constitution d'une sûreté pour les éoliennes en tant qu'élément d'un cadre de référence plus large (B.20.6 de cet arrêt), d'un arrêté qui supprime et remplace dans les limites du périmètre défini dans un plan annexé le titre d'un règlement régional d'urbanisme relatif aux caractéristiques des constructions et de leurs abord (B.20.7 de cet arrêt), ou d'un arrêté déterminant le périmètre de remembrement urbain relatif à une zone déterminée (B.20.8 de cet arrêt).

B.9.3. Bien que le champ d'application de la directive 2001/42/CE doive être interprété largement dès lors que cette directive tend à garantir un haut niveau de protection de l'environnement et bien que, dans des circonstances particulières, certains actes de nature réglementaire doivent être considérés comme des « plans » ou des « programmes » relevant du champ d'application de cette directive, il n'en reste pas moins que ni la réglementation en tant que telle, ni la législation en tant que telle n'entrent dans son champ d'application.

Considérer que le Code flamand de l'aménagement du territoire ou certaines de ses parties relèvent de l'application de la directive reviendrait à dire que toutes les législations et toutes les réglementations susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement doivent être soumises à une évaluation environnementale conformément à la directive.

Comme la Cour l'a indiqué dans son arrêt n° 33/2019, une telle conclusion ne correspond pas à l'objectif du législateur européen, qui visait ce que, « conformément à la [...] directive, certains plans et programmes susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement soient soumis à une évaluation environnementale » (article 1er).

En effet, dans les développements de la proposition d'une directive du Conseil relative à l'évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l'environnement, il est mentionné : « 1.2. La proposition définit la procédure d'évaluation relative aux plans et programmes publics définis à l'article 2 de la directive.

Elle se limite par conséquent au niveau de la planification et de la programmation du processus décisionnel et ne s'applique donc pas au niveau politique plus général de prise de décision, au sommet de la hiérarchie décisionnelle. S'il est important que les décisions politiques générales prennent l'environnement en compte, les exigences de procédure de la présente proposition peuvent s'avérer inadéquates pour réaliser cet objectif. Les décisions de politique générale se développent très souplement et une approche différente pourrait être requise pour y intégrer les considérations environnementales. La Commission poursuit l'étude de cette question » (COM(96) 511 déf., p. 2).

Cette conception n'a pas changé dans la suite du processus législatif.

Le rapport sur la proposition d'une directive du Conseil relative à l'évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l'environnement (COM(96)0511 - C4-0191/97 - 96/0304(SYN)), rédigé par la Commission de l'environnement, de la santé publique et de la protection des consommateurs du Parlement européen, donne encore des précisions utiles quant aux définitions des termes « plan » et « programme », en se référant à la littérature spécialisée : « Plan : un ensemble d'objectifs coordonnés et fixés dans le temps pour appliquer la politique;

Programme : un ensemble de projets dans un domaine déterminé » (Parlement européen, Doc. A4-0245/98, PE 226.408/def., p. 26).

B.9.4. La disposition attaquée est également étrangère à l'article 11 de la directive 2011/92/UE, qui traite de l'accès au juge en ce qui concerne toute décision, tout acte, ou toute omission relevant des dispositions sur la participation du public prévues par cette directive relative à l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement. La disposition en cause n'est nullement un « projet » au sens de cette directive, à savoir « la réalisation de travaux de construction ou d'autres installations ou ouvrages [ou] d'autres interventions dans le milieu naturel ou le paysage, y compris celles destinées à l'exploitation des ressources du sol ».

B.9.5. Les articles 7 et 8 de la Convention d'Aarhus ne s'appliquent pas davantage à l'adoption de la disposition attaquée, puisqu'il ne s'agit ni d'un plan, ni d'un programme au sens de l'article 7 de cette Convention, ni d'une disposition réglementaire élaborée par une « autorité publique » ou d'une autre « [règle] juridiquement contraignante d'application générale qui [peut] avoir un effet important sur l'environnement », telle qu'elle est visée à l'article 8. Cette dernière disposition ne vise pas des dispositions décrétales, puisque, par la notion d'« autorités publiques », il ne faut pas entendre des organes ou des institutions agissant en qualité de pouvoir législatif. B.9.6. Par conséquent, le moyen, en particulier en ses troisième, quatrième et cinquième branches, ne doit être examiné qu'en ce qu'il est pris de la violation des articles 10, 11 et 23 de la Constitution par le contenu de la disposition attaquée.

B.10.1. La différence de traitement exposée dans le moyen entre les différentes catégories de justiciables repose sur un critère objectif, celui de savoir si les actes ou travaux sont ou non réalisés dans une « zone agricole d'intérêt paysager ». Seuls les justiciables qui subissent les conséquences de la modification de la prescription du plan de secteur pour la « zone agricole d'intérêt paysager » n'ont pas eu la possibilité d'exercer leur droit de participation, alors que cette possibilité existe pour les justiciables qui subissent les conséquences de modifications apportées à des prescriptions de plan de secteur dans une autre zone de destination, et alors que cette possibilité de participation leur garantit la sauvegarde du droit à la protection d'un environnement sain (article 23, alinéa 3, 4°, de la Constitution).

B.10.2. Par l'article 94, attaqué, du décret du 8 décembre 2017, le législateur décrétal souhaitait se rapprocher davantage de l'objectif initial de l'autorité réglementaire, pour qu'il soit à nouveau possible de décerner des permis d'urbanisme pour l'exécution de travaux de construction dans une « zone agricole d'intérêt paysager » : « Il est érigé en principe général que peuvent être exécutés tous les actes et travaux qui correspondent à l'usage prévu indiqué en couleur de base, ainsi que les actes et travaux destinés au développement ou à l'édification du paysage » (Doc. parl., Parlement flamand, 2016-2017, n° 1149/1, p.117).

B.10.3. De ce fait, il a prévu une diminution générique du niveau de protection de toutes les « zones agricoles d'intérêt paysager », sans faire de distinction entre les extensions et les nouvelles implantations et sans prévoir une approche en profondeur et ciblée, ce qui peut avoir des répercussions considérables sur l'environnement.

B.10.4. Certes, il est prévu, que pour l'examen des demandes de permis, il faut démontrer, sur la base d'une évaluation, que les actes et travaux sont compatibles avec la zone, l'autorité qui accorde les permis devant tenir compte des éléments paysagers caractéristiques et du développement paysager actuellement présents dans la zone.

L'évaluation précitée « peut comprendre une description des mesures visant à promouvoir l'intégration paysagère, le cas échéant en ce qui concerne l'implantation, le gabarit, l'architecture, la nature des matériaux utilisés et l'habillement paysager, et peut également tenir compte des caractéristiques paysagères de l'atlas paysager établi, visé à l'article 4.1.1. du décret relatif au patrimoine immobilier du 12 juillet 2013, et de la mesure dans laquelle le paysage est caractérisé par la présence de grappes de complexes industriels ou de bâtiments épars ou par la présence d'infrastructures linéaires » (article 5.7.1., § 1er, alinéa 2, du Code flamand de l'aménagement du territoire).

En vue de protéger au maximum ces paysages, un critère d'évaluation plus strict est appliqué en ce qui concerne les zones qui font partie d'un paysage patrimonial ou d'un paysage historico-culturel. Les actes ou travaux demandés ne peuvent pas mettre en péril les éléments et le développement paysagers caractéristiques présents dans la zone. Cette évaluation « comprend une analyse actuelle des éléments paysagers et patrimoniaux de la zone et une description des mesures visant à promouvoir l'intégration paysagère, le cas échéant en ce qui concerne l'emplacement, le gabarit, l'architecture, la nature des matériaux utilisés et l'habillement paysager » (article 5.7.1., § 2, du Code flamand de l'aménagement du territoire).

Il est aussi explicitement prévu que, si le permis impose le respect de conditions d'intégration paysagère, cela ne signifie pas que la demande ne peut être intégrée dans la zone ou que la demande met en péril les éléments et le développement paysagers caractéristiques de la zone (article 5.7.1., § 3, du Code flamand de l'aménagement du territoire).

B.10.5. Malgré ces garanties, l'article attaqué cause cependant un recul à ce point considérable en ce qui concerne l'environnement qu'il n'est pas raisonnablement justifié de ne pas prévoir des possibilités de participation. La différence de traitement qui en découle est d'autant moins justifiée que les modifications aux prescriptions d'affectation sont, en règle, opérées par l'élaboration d'un plan d'exécution spatial qui prévoit effectivement des possibilités de participation, comme le précise le chapitre II (« Plans d'exécution spatiaux ») du Code flamand de l'aménagement du territoire. Aucun motif d'intérêt général n'est valablement invoqué pour justifier ce recul significatif dans le droit à la protection d'un environnement sain.

B.11. Le premier moyen est fondé. Par conséquent, l'article 5.7.1 du Code flamand de l'aménagement du territoire, tel qu'il a été inséré par l'article 94 du décret du 8 décembre 2017, doit être annulé.

Quant au deuxième moyen (article 111 du décret du 8 décembre 2017) B.12.1. L'article 111 du décret du 8 décembre 2017 dispose : « A l'article 2 du décret du 25 avril 2014 relatif au permis d'environnement, modifié par le décret du 15 juillet 2016, les modifications suivantes sont apportées : 1° Au premier alinéa, il est ajouté au point 4° le membre de phrase ' et qui, en ce qui concerne le droit de poursuivre l'exploitation de l'établissement ou de l'activité classés tel que visé à l'article 70, paragraphe 1er, deuxième alinéa, et à l'article 390, paragraphe 6, n' [a] pas été une première fois [annulée] en tout ou en partie par le Conseil pour les contestations des autorisations en matière de permis d'environnement et pour autant que les décisions en première et deuxième instance administrative aient autorisé la poursuite de l'exploitation.Le droit d'exploitation prend fin définitivement si le Conseil pour les contestations des autorisations prononce la suspension du permis ou après un délai maximum de cinq mois à compter de la première décision du Conseil pour les contestations des autorisations '. [...] ».

Actuellement, l'article 2, alinéa 1er, 4°, du décret du 25 avril 2014 dispose donc : « décision définitive : une décision à l'encontre de laquelle aucun recours administratif ne peut plus être introduit et qui, en ce qui concerne le droit de poursuivre l'exploitation de l'établissement ou de l'activité classés tel que visé à l'article 70, paragraphe 1er, deuxième alinéa, et à l'article 390, paragraphe 6, n' [a] pas été une première fois [annulée] en tout ou en partie par le Conseil pour les contestations des autorisations en matière de permis d'environnement et pour autant que les décisions en première et deuxième instance administrative aient autorisé la poursuite de l'exploitation. Le droit d'exploitation prend fin définitivement si le Conseil pour les contestations des autorisations prononce la suspension du permis ou après un délai maximum de cinq mois à compter de la première décision du Conseil pour les contestations des autorisations ».

B.12.2. En vertu des articles 16, § 3, et 18, § 3, alinéas 3 et 4, du décret du 28 juin 1985 « relatif à l'autorisation écologique », il était déjà possible, si la demande d'autorisation écologique ou la demande de renouvellement était introduite à temps, de poursuivre l'exploitation d'un établissement existant pour lequel une autorisation était devenue obligatoire à la suite d'une modification apportée à la liste de classification ou dont l'autorisation écologique était périmée du fait de l'expiration du délai d'autorisation, jusqu'à ce que la demande d'autorisation écologique fasse l'objet d'une « décision définitive ».

Cette réglementation a été reprise dans le décret du 25 avril 2014 et s'applique aux exploitations pour lesquelles un permis d'environnement devient obligatoire en raison de modifications apportées à la liste de classification et pour lesquelles une demande d'obtention d'un permis d'environnement est introduite (article 51, dernier alinéa), aux demandes de prolongation du permis d'environnement (article 70, § 1er, alinéa 2) et aux demandes de conversion d'une autorisation écologique d'une durée déterminée en un permis d'environnement d'une durée indéterminée (article 390, § 6).

B.12.3. Il ressort toutefois des travaux préparatoires que, par le passé, le moment où une décision relative à une autorisation écologique acquérait un caractère définitif n'était pas clairement établi, en particulier après un arrêt de suspension ou d'annulation du Conseil d'Etat qui obligeait l'autorité administrative compétente à recommencer la procédure. Il s'est avéré que plusieurs entreprises qui avaient finalement reçu un permis après de longues procédures avaient, dans l'intervalle, subi de gros revers financiers, par suite de la cessation temporaire de leurs activités et qu'elles avaient même été contraintes de mettre un terme définitif à leurs activités (Doc. parl., Parlement flamand, 2016-2017, n° 1149/1, pp. 130-131).

Les travaux préparatoires précisent les circonstances dans lesquelles la poursuite d'une exploitation est possible : « Dans les seuls cas où il existait déjà un permis Un exploitant qui a demandé à temps le renouvellement/la conversion du permis et auquel un permis a été accordé en première et en deuxième instance administrative obtient un droit décrétal de poursuivre l'exploitation jusqu'à ce qu'une décision définitive soit prise au sujet de la demande. [...].

Limitation aux situations dans lesquelles le renouvellement (article 70) ou la conversion (article 390, § 6) ont été demandés à temps. Il y a lieu, à cet égard, de souligner qu'il s'agit en l'espèce d'établissements autorisés pour lesquels l'exploitant a demandé à temps un renouvellement/une conversion du permis. Dans la pratique, il est apparu qu'un certain nombre d'entreprises qui avaient finalement reçu un permis après de longues procédures avaient dans l'intervalle subi de gros revers financiers par suite de la cessation temporaire de leurs activités au cours de la procédure et qu'elles avaient même été contraintes de mettre un terme à leurs activités.

Respect des conditions environnementales générales et sectorielles et des conditions environnementales particulières, en vigueur jusque-là, définies dans le permis.

Les articles 70 et 390 du décret du 25 avril 2014 soulignent que la poursuite de l'exploitation s'effectue dans le respect des conditions environnementales générales et sectorielles et des conditions environnementales particulières, en vigueur jusque-là, définies dans le permis. [...] En outre, toutes les exploitations autorisées qui ont demandé à temps un renouvellement de permis sont traitées de la même manière. Tel est déjà le cas également en ce qui concerne la procédure administrative.

Après une première annulation L'exploitation peut être poursuivie au cours de la procédure devant le Conseil pour les contestations des autorisations, sauf dans les cas où celui-ci a prononcé la suspension et après une première annulation par le Conseil.

Il n'est question d'une décision définitive qu'après une deuxième annulation.

Lorsque le Conseil pour les contestations des autorisations a prononcé la suspension du permis, l'exploitation ne peut être poursuivie parce que la décision souligne un caractère urgent et des conséquences graves dues à l'exploitation.

Une première annulation par le Conseil laisse toutefois subsister le droit d'exploitation.

L'autorité compétente doit, à l'issue d'une annulation, prendre une nouvelle décision (dans le délai, imposé par le Conseil, ou dans les délais prévus par le décret du 25 avril 2014). Si cette décision est à nouveau annulée, l'exploitation ne peut plus être poursuivie.

Un équilibre est ainsi recherché entre les droits de l'exploitant dont le permis peut être annulé en raison de vices de procédure et les droits du public concerné, qui doit, en cas de conséquences graves dues à exploitation, pouvoir saisir un juge.

Rapport avec possibilité de suspension du Conseil pour les contestations des autorisations Le public concerné peut toujours demander au Conseil de suspendre l'exploitation.

Si celui-ci suspend le permis, l'exploitation ne peut plus être poursuivie. Après la deuxième décision d'annulation, l'exploitation ne peut pas être poursuivie non plus.

Ceci vaut également lorsqu'aucune nouvelle décision n'est prise dans les 5 mois de la première décision du Conseil » (Doc. parl., Parlement flamand, 2016-2017, n° 1149/1, pp. 131-132).

B.13. Le deuxième moyen est pris de la violation, par l'article 111 du décret du 8 décembre 2017, des articles 10, 11 et 23, alinéa 3, 4°, de la Constitution, lus en combinaison avec les articles 6 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme, avec les articles 2 et 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, avec les articles 4, paragraphe 1, et 25, paragraphe 1, de la directive 2010/75/UE du Parlement européen et du Conseil du 24 novembre 2010 « relative aux émissions industrielles » (ci-après : la directive 2010/75/UE) et avec les principes généraux de l'Etat de droit, parmi lesquels le droit à une exécution effective de décisions de justice.

La disposition attaquée autoriserait la poursuite de l'exploitation de l'établissement incommode après un premier arrêt d'annulation prononcé par le Conseil pour les contestations des autorisations, soit dans le délai dans lequel l'autorité compétente reçoit du Conseil pour les contestations des autorisations l'ordre de prendre une nouvelle décision. Ce n'est qu'après un second arrêt d'annulation prononcé par le Conseil pour les contestations des autorisations ou en l'absence d'une nouvelle décision de la part de l'autorité compétente dans les cinq mois à compter de la première décision du Conseil pour les contestations des autorisations que le droit de poursuivre l'exploitation s'éteint. Les parties requérantes allèguent que cette différence de traitement déroge au principe de la force de chose jugée d'un arrêt du Conseil pour les contestations des autorisations (première branche) et qu'un droit, tiré du décret, de poursuivre l'exploitation est contraire à la directive 2010/75/UE (seconde branche).

B.14.1. Le Gouvernement flamand fait valoir que la situation dans laquelle l'article 111 s'applique et dans laquelle l'exploitant qui exerce déjà des activités soumises à autorisation, pour lesquelles il a introduit à temps une demande de renouvellement ou de conversion de permis et a reçu une décision à cet égard, n'est pas comparable à celle d'un justiciable qui n'exécute pas encore des actes soumis à autorisation et qui a introduit une demande de permis ou qui fait l'objet d'un autre acte administratif.

B.14.2. Lorsqu'une violation du principe d'égalité et de non-discrimination est invoquée en combinaison avec un autre droit fondamental garanti par la Constitution ou par une disposition de droit international, ou découlant d'un principe général de droit, la catégorie des personnes à l'égard desquelles ce droit fondamental est violé est automatiquement comparée à la catégorie des personnes à l'égard desquelles ce droit fondamental est garanti.

B.15.1. La disposition attaquée porte exclusivement sur le cas du renouvellement d'un permis d'environnement ou de la conversion d'une autorisation écologique en un permis d'environnement. Dans les deux cas, la demande doit être introduite dans les délais.

Le renouvellement du permis d'environnement ou d'une partie du permis d'environnement qui est octroyé pour une durée déterminée peut, aux termes de l'article 70, § 1er, alinéa 1er, du décret du 25 avril 2014, être demandé au plus tôt 24 mois avant l'expiration du permis d'environnement. Si la demande de permis est introduite au moins douze mois avant l'expiration d'un permis d'environnement à durée déterminée, l'acte urbanistique peut être maintenu ou l'exploitation de l'installation ou de l'activité classée peut être poursuivie après l'expiration, dans l'attente d'une décision définitive concernant la demande. L'exploitation s'effectue dans le respect des conditions environnementales générales et sectorielles et des conditions environnementales spéciales, en vigueur jusque-là, définies dans le permis (article 70, § 1er, alinéa 2).

La conversion d'une autorisation écologique délivrée pour un délai de vingt ans en un permis d'environnement à durée indéterminée peut être demandée par l'exploitant entre 48 et 36 mois avant l'expiration de l'autorisation écologique (article 390, § 1er, 1°, du décret du 25 avril 2014). L'exploitation de l'installation ou activité classée pour laquelle la demande de conversion de l'autorisation écologique à durée déterminée en un permis d'environnement à durée indéterminée est traitée de manière conforme peut se poursuivre après la date d'expiration de l'autorisation écologique, dans l'attente d'une décision définitive sur la question de la conversion. L'exploitation s'effectue dans le respect des conditions environnementales générales et sectorielles et des conditions environnementales particulières, en vigueur jusque-là, définies dans le permis (article 390, § 6, du décret du 25 avril 2014).

B.15.2. Il est en outre requis qu'un permis ait été délivré, tant en première qu'en seconde instances administratives, et que, dans l'attente de la décision définitive, le cas échéant après l'annulation par le Conseil pour les contestations des autorisations d'une décision prise en seconde instance administrative, les conditions environnementales générales et sectorielles et les conditions environnementales particulières, en vigueur jusqu'alors, définies dans le permis, soient respectées.

B.15.3. Lorsque le Conseil pour les contestations des autorisations suspend le permis attaqué, il y a lieu de mettre un terme à l'exploitation. Dans ce cas, les problèmes soulevés par les parties requérantes ne se posent donc pas.

Lorsque le Conseil pour les contestations des autorisations n'a pas suspendu une telle décision, mais procède à l'annulation totale ou partielle, et qu'il s'agit de la première décision d'annulation, l'exploitation peut être poursuivie jusqu'à ce qu'une nouvelle décision soit prise en dernière instance administrative sur la demande de renouvellement ou de conversion et pour autant qu'une nouvelle décision d'accorder le permis ne soit pas suspendue ou annulée pour la deuxième fois. Le droit d'exploitation s'éteint en tout cas après un délai de cinq mois au maximum après la première décision du Conseil pour les contestations des autorisations.

B.15.4. Cette appréciation doit se faire compte tenu de l'article 37 du décret de la Région flamande du 4 avril 2014 « relatif à l'organisation et à la procédure de certaines juridictions administratives flamandes », qui s'applique au Conseil pour les contestations des autorisations.

Après l'annulation totale ou partielle, le Conseil pour les contestations des autorisations peut, conformément à l'article 37, § 1er, du décret précité du 4 avril 2014, ordonner à la partie défenderesse de prendre une nouvelle décision ou de poser un autre acte, en respectant les considérations reprises dans son jugement. Il peut imposer les conditions suivantes : (1) des règles de droit ou des principes de droit déterminés doivent être appliqués lors de la formation de la nouvelle décision; (2) des actes procéduraux déterminés doivent être effectués préalablement à la nouvelle décision; (3) des motifs irréguliers ou manifestement déraisonnables ne peuvent pas être invoqués lors de la formation de la nouvelle décision. Le Conseil peut attacher à pareille injonction un délai d'ordre en vue de son exécution.

En outre, l'article 36 du décret du 4 avril 2014, précité, dispose : « Une juridiction administrative flamande telle que visée à l'article 2, 1°, a) et b), peut juger, sur la demande d'une partie ou d'initiative, que les effets juridiques de la décision entièrement ou partiellement annulée sont maintenus en tout ou en partie ou sont maintenus provisoirement pour un délai qu'elle détermine.

La mesure prévue à l'alinéa premier ne peut être ordonnée que pour des raisons exceptionnelles justifiant une violation du principe de légalité, sur décision spécialement motivée et après un débat contradictoire. Cette décision peut tenir compte des intérêts des tiers.

Le Gouvernement flamand arrête les règles procédurales relatives à l'application du présent article ».

Cette disposition permet au Conseil pour les contestations des autorisations, de maintenir, sous certaines conditions, provisoirement pour le délai qu'il détermine, tout ou partie des effets des décisions qu'il annule totalement ou partiellement, pour autant qu'il constate la présence de circonstances exceptionnelles.

Au cas où l'annulation totale ou partielle d'une décision, prise en dernière instance administrative, portant renouvellement d'un permis d'environnement ou portant conversion d'une autorisation écologique en un permis d'environnement à durée indéterminée n'exclut nullement que l'autorité compétente prenne une nouvelle décision impliquant l'autorisation de poursuivre l'exploitation, le législateur décrétal a pu estimer que la poursuite temporaire de l'exploitation de l'installation concernée, dans l'attente d'une décision définitive, est de nature à éviter des conséquences disproportionnées pour l'exploitant.

Il est toutefois souhaitable, pour que la disposition attaquée, qui a une portée générale, ne viole pas les dispositions visées au moyen, compte tenu de l'article 36, du décret, précité, du 4 avril 2014, qui ne permet au Conseil pour les contestations d'autorisations de maintenir les effets d'une décision annulée qu'après un examen spécifique, que la disposition attaquée ne soit applicable que dans les cas dans lesquels le Conseil pour les contestations des autorisations applique concrètement la compétence qu'il tire de l'article 37 du même décret en donnant à l'administration l'ordre de prendre une nouvelle décision.

Eu égard aux conditions cumulatives précitées auxquelles il doit être satisfait, il n'apparaît pas que les dispositions invoquées au moyen seraient violées. En ce qui concerne la directive 2010/75/UE, il convient d'observer en particulier que cette directive ne limite pas dans le temps les permis concernés, mais prescrit uniquement un permis complémentaire en cas de modification substantielle de l'installation (article 20) et prévoit le réexamen périodique et l'actualisation des conditions d'autorisation (article 21). La directive ne s'oppose pas à ce que l'exploitation d'un établissement pour lequel un permis limité dans le temps a été accordé soit poursuivie durant la période nécessaire pour prendre une décision définitive en vue du renouvellement ou de la conversion en un permis à durée indéterminée, dans le respect des conditions environnementales générales, sectorielles et particulières.

L'article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne des droits de l'homme exige certes l'exécution effective d'une décision de justice (voy. notamment arrêt n° 56/2014 du 27 mars 2014, B.5), mais ce principe ne garantit pas le droit à une exécution immédiate en toutes circonstances. Dans certains cas, l'exécution peut être reportée lorsqu'il existe pour ce faire un motif impérieux d'intérêt général (voy. notamment CEDH, 13 décembre 2018, Casa di Cura Valle Fiorita S.r.l. c. Italie, § 69).

En introduisant un recours en annulation, le requérant tend non seulement à l'annulation de l'acte administratif attaqué, mais également à la levée des conséquences de celui-ci. L'avantage pour le requérant qui découle de l'annulation peut, dans certains cas, être disproportionné aux perturbations qu'impliquerait l'annulation pour l'ordre juridique. Tel est en particulier le cas lorsque l'annulation ne fait pas obstacle à un nouvel acte administratif en vigueur dont la validité aurait été établie. En pareil cas, il n'est pas sans justification raisonnable que le législateur prévoie un régime de maintien provisoire, à condition que le juge ordonne à l'administration de prendre une nouvelle décision. Les exigences strictes qui sont contenues dans le régime attaqué et le report maximum de cinq mois ne font pas apparaître que ce régime porte une atteinte disproportionnée au droit à l'exécution effective de la décision.

B.15.5. Le Conseil pour les contestations des autorisations peut en outre, conformément à l'article 37, § 2, du décret précité du 4 avril 2014, si la nouvelle décision à prendre est la conséquence d'une compétence liée de la partie défenderesse, substituer l'arrêt à cette décision. Si l'arrêt contient dans ce cas un refus de renouvellement ou de conversion, il découle de cet arrêt qu'aucune exploitation légale n'est plus possible et, dans ce cas, il n'est pas justifié que l'exploitation puisse encore être poursuivie.

B.16. Le deuxième moyen est fondé dans cette seule mesure. Il convient dès lors d'annuler l'article 2, alinéa 1er, 4°, du décret du 25 avril 2014, tel qu'il a été modifié par l'article 111, 1°, du décret du 8 décembre 2017, dans la mesure indiquée dans le dispositif.

Par ces motifs, la Cour - annule l'article 5.7.1 du Code flamand de l'aménagement du territoire, inséré par l'article 94 du décret de la Région flamande du 8 décembre 2017 « modifiant diverses dispositions en matière d'aménagement du territoire, d'écologie, d'environnement et d'aménagement du territoire »; - annule l'article 2, alinéa 1er, 4°, du décret de la Région flamande du 25 avril 2014 « relatif au permis d'environnement », modifié par l'article 111, 1°, du décret de la Région flamande du 8 décembre 2017 « modifiant diverses dispositions en matière d'aménagement du territoire, d'écologie, d'environnement et d'aménagement du territoire », mais exclusivement pour les cas dans lesquels le Conseil pour les contestations des autorisations soit ne fait pas injonction à l'administration de prendre une nouvelle décision, par application de l'article 37, § 1er, soit refuse, par application de l'article 37, § 2, du décret de la Région flamande du 4 avril 2014 « relatif à l'organisation et à la procédure de certaines juridictions administratives flamandes », le renouvellement ou la conversion du permis.

Ainsi rendu en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 17 octobre 2019.

Le greffier, F. Meersschaut Le président, A. Alen

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