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Arrêt
publié le 05 mai 2001

Extrait de l'arrêt n° 19/2001 du 14 février 2001 Numéro du rôle : 1834 En cause : les questions préjudicielles relatives à l'article 35quinquies decies, § 3, alinéas 1 er et 2, et § 4, de la loi du 26 mars 1971 sur la prot La Cour d'arbitrage, composée des présidents G. De Baets et M. Melchior, et des juges H. Boel, L(...)

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COUR D'ARBITRAGE


Extrait de l'arrêt n° 19/2001 du 14 février 2001 Numéro du rôle : 1834 En cause : les questions préjudicielles relatives à l'article 35quinquies decies, § 3, alinéas 1er et 2, et § 4, de la loi du 26 mars 1971 sur la protection des eaux de surface contre la pollution, inséré par l'article 5 du décret de la Région flamande du 6 juillet 1994 contenant diverses mesures d'accompagnement de l'ajustement du budget 1994, posées par la Cour d'appel de Gand.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents G. De Baets et M. Melchior, et des juges H. Boel, L. François, P. Martens, J. Delruelle, A. Arts, R. Henneuse, M. Bossuyt et E. De Groot, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président G. De Baets, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des questions préjudicielles Par arrêt du 1er décembre 1999 en cause de la s.a. Meplapack contre la « Vlaamse Milieumaatschappij », dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour d'arbitrage le 8 décembre 1999, la Cour d'appel de Gand a posé les questions préjudicielles suivantes : « 1. L'article 35quinquies decies, § 3, alinéa 1er, de la loi du 26 mars 1971 sur la protection des eaux de surface contre la pollution, inséré par l'article 5 du décret du 6 juillet 1994 contenant diverses mesures d'accompagnement de l'ajustement du budget 1994 (Moniteur belge du 23 septembre 1994, p. 24.246) et libellé comme suit : ' La personne qui a déposé une réclamation visée au § 1er ou un avocat autorisé par lui [par elle] peut interjeter appel de la décision du fonctionnaire de la Société visé au § 2 devant la Cour d'appel du ressort où est établi le bureau par lequel la redevance est perçue ou doit être perçue. ', viole-t-il les articles 13 et 146 de la Constitution, à savoir en tant que l'article 35quinquies decies, § 3, alinéa 1er, de la loi précitée détermine la compétence matérielle et territoriale des tribunaux et règle ainsi une matière qui relève de la compétence du législateur national, sans que puisse être invoqué l'article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles ? 2. L'article 35quinquies decies, § 3, alinéa 2, de la loi du 26 mars 1971 sur la protection des eaux de surface contre la pollution, inséré par l'article 5 du décret du 6 juillet 1994 contenant diverses mesures d'accompagnement de l'ajustement du budget 1994 (Moniteur belge du 23 septembre 1994, p.24.246) et libellé comme suit : ' L'appelant peut soumettre à la Cour d'appel des objections qui n'ont ni été formulées dans la réclamation ni été examinées d'office par le directeur ou le fonctionnaire délégué par lui, à condition qu'elles invoquent une infraction à la loi ou une violation des formes des procédures à respecter sous peine de nullité. ', viole-t-il l'article 146 de la Constitution, à savoir en tant que l'article 35quinquies decies, § 3, alinéa 2, de la loi précitée détermine les règles de procédure devant les cours et tribunaux et règle ainsi une matière qui relève de la compétence résiduaire du législateur national, sans que puisse être invoqué l'article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles? 3. L'article 35quinquies decies, § 4, de la loi du 26 mars 1971 sur la protection des eaux de surface contre la pollution, inséré par l'article 5 du décret du 6 juillet 1994 contenant diverses mesures d'accompagnement de l'ajustement du budget 1994 (Moniteur belge du 23 septembre 1994, p.24.246), viole-t-il l'article 146 de la Constitution, à savoir en tant que l'article 35quinquies decies, § 4, de la loi précitée détermine la compétence matérielle des tribunaux et règle ainsi une matière qui relève de la compétence du législateur national, sans que puisse être invoqué l'article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles ? ». (...) IV. En droit (...) Sur les dispositions en cause B.1. Les questions préjudicielles portent sur l'article 5 du décret du 6 juillet 1994 contenant diverses mesures d'accompagnement de l'ajustement du budget 1994, en tant que cet article insère dans l'article 35quinquies decies de la loi du 26 mars 1971 sur la protection des eaux de surface contre la pollution les dispositions suivantes : « § 3. La personne qui a déposé une réclamation visée au § 1er ou un avocat autorisé par lui [lire : par elle] peut interjeter appel de la décision du fonctionnaire de la Société visé au § 2 devant la Cour d'appel du ressort où est établi le bureau par lequel la redevance est perçue ou doit être perçue.

L'appelant peut soumettre à la Cour d'appel des objections qui n'ont ni été formulées dans la réclamation ni été examinées d'office par le directeur ou le fonctionnaire délégué par lui, à condition qu'elles invoquent une infraction à la loi ou une violation des formes des procédures à respecter sous peine de nullité. [ . ] § 4. L'appelant qui souhaite invoquer des pièces nouvelles est tenu de les déposer accompagnées d'un inventaire au greffe de la Cour d'appel, dans les soixante jours à compter de la date du dépôt de l'expédition et des pièces visées au § 3, alinéa 5, par le fonctionnaire délégué de la Société.

Les nouvelles objections visées au § 3, alinéa 2, peuvent être formulées dans l'acte d'appel ou dans un écrit remis, sous peine de nullité, au greffe de la Cour d'appel, avant l'expiration du délai fixé à l'alinéa 1er du présent paragraphe. Le fonctionnaire délégué de la Société a le droit de faire prendre connaissance du dossier et des nouvelles pièces au greffe de la Cour d'appel dans les trente jours qui suivent les délais accordés aux alinéas 1er et 2 du présent paragraphe.

Il est tenu de remettre au greffe, dans le même délai de trente jours, les mémoires, les pièces et les documents qu'il estime devoir présenter en réponse.

L'appelant peut en prendre connaissance.

A la seule condition qu'il y soit autorisé par la Cour d'appel, l'appelant peut répliquer à son tour, en déposant des pièces et des documents. Dans la demande relative à cette autorisation, il précisera quelles pièces et quels documents il entend encore invoquer dans le cours des débats. [ . ] » B.2. La Cour constate que de nouvelles règles relatives au contentieux en matière fiscale ont été instaurées par la loi du 15 mars 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/03/1999 pub. 27/03/1999 numac 1999003180 source ministere des finances Loi relative au contentieux en matière fiscale fermer relative au contentieux en matière fiscale et par la loi du 23 mars 1999 relative à l'organisation judiciaire en matière fiscale, règles qui s'appliquent en principe à tous les impôts et donc également aux impôts instaurés par les régions.

La question préjudicielle porte toutefois sur la situation juridique antérieure à l'entrée en vigueur de la nouvelle procédure fiscale, en sorte que cette dernière n'est pas prise en compte pour l'examen de la compétence de la Région flamande.

Sur la compétence de la Région flamande B.3. La première question préjudicielle porte sur le fait que la cour d'appel du ressort où est établi le bureau par lequel la redevance est ou doit être perçue est désignée en tant que juridiction compétente pour le traitement des litiges en matière de redevances sur la pollution des eaux.

Dans les deuxième et troisième questions préjudicielles, il est demandé à la Cour si la Région flamande était compétente pour inscrire dans le décret une règle qui autorise l'appelant devant la cour d'appel à formuler dans certains cas de nouveaux griefs et à produire de nouvelles pièces.

B.4.1. Le prélèvement en matière de protection des eaux de surface contre la pollution que prévoit la loi du 26 mars 1971 a été instauré par la Région flamande en vertu de la compétence fiscale générale que l'article 170 de la Constitution attribue aux régions.

B.4.2. Cette compétence fiscale générale ne permet pas à la région d'édicter des règles relatives à la compétence des juridictions et à la procédure applicable devant celles-ci. En vertu des articles 145 et 146 de la Constitution, c'est au législateur fédéral seul qu'il appartient de définir les compétences des juridictions. Le pouvoir de fixer les règles de procédure devant les juridictions appartient à ce dernier en vertu de sa compétence résiduaire.

B.4.3. Toutefois, en vertu de l'article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980, les décrets peuvent porter des dispositions de droit relatives à des matières pour lesquelles les Conseils ne sont pas compétents, dans la mesure où ces dispositions sont nécessaires à l'exercice de leur compétence. Depuis la modification de l'article 19, § 1er, de la loi spéciale du 8 août 1980 par la loi spéciale du 16 janvier 1993, les régions peuvent invoquer aussi l'article 10 pour régler des matières que la Constitution a réservées au législateur fédéral. Il est requis à cette fin que la réglementation adoptée soit nécessaire à l'exercice des compétences de la région, que la matière se prête à un régime différencié et que l'incidence des dispositions en cause sur cette matière ne soit que marginale.

B.5.1. Lors de la modification de la loi du 26 mars 1971 sur la protection des eaux de surface contre la pollution par le décret du 25 juin 1992 contenant diverses mesures d'accompagnement du budget 1992, le législateur décrétal avait déjà exprimé l'intention d'établir pour la procédure contentieuse un parallélisme avec le Code des impôts sur les revenus. Etant donné toutefois qu'il était réputé ne pas détenir le pouvoir de désigner la juridiction compétente, il s'était alors borné à faire une référence générale au Code des impôts sur les revenus (C.I.R.). Ainsi qu'il est expliqué de façon détaillée dans les travaux préparatoires des dispositions en cause et comme il est apparu aussi dans la pratique, cette réglementation a engendré la confusion en ce qui concerne le tribunal compétent et différentes juridictions ont été saisies, parfois simultanément, entraînant une grande insécurité juridique (voy. Doc., Conseil flamand, 1993-1994, n° 549/1, pp. 3-10, et n° 549/8, pp. 3 et 4).

B.5.2. Après la modification de l'article 19, § 1er, de la loi spéciale du 8 août 1980 par la loi du 16 juillet 1993Documents pertinents retrouvés type loi prom. 16/07/1993 pub. 25/03/2016 numac 2016000195 source service public federal interieur Loi ordinaire visant à achever la structure fédérale de l'Etat. - Coordination officieuse en langue allemande d'extraits fermer, le législateur décrétal, en vue de faire disparaître la confusion existante, a adopté, le 6 juillet 1994, une nouvelle réglementation dans laquelle la cour d'appel est explicitement désignée comme juridiction compétente.

B.5.3. Faisant référence à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, le Conseil d'Etat a indiqué, dans son avis relatif aux dispositions en cause, que le manque de cohérence et l'imprécision d'une réglementation étaient susceptibles de violer le droit à un accès effectif au juge (Doc., Conseil flamand, 1993-1994, n° 549/1, pp. 49 et 50).

B.5.4. Le législateur décrétal a pu considérer qu'en vue de garantir la sécurité juridique et la cohérence de la réglementation du domaine concerné, il était nécessaire de désigner explicitement le juge compétent. La désignation de la cour d'appel s'inscrit du reste dans le droit fil de la majorité des procédures fiscales et était, pour ce qui concerne la compétence territoriale, conforme à la réglementation fédérale alors en vigueur, contenue dans l'article 632 du Code judiciaire. La disposition en cause n'avait donc aucune influence sur les compétences réservées au législateur fédéral et le législateur décrétal, en désignant la juridiction compétente, n'a pas outrepassé les limites fixées par l'article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles.

B.6.1. Les dispositions en cause règlent également la manière dont des griefs nouveaux peuvent être invoqués devant la cour d'appel et dont de nouvelles pièces peuvent être introduites. Elles déterminent ainsi certains aspects de la procédure applicable devant cette juridiction.

B.6.2. L'article 807 du Code judiciaire, qui, en vertu de l'article 1042 du même Code, est également applicable en degré d'appel, disposait, au moment de l'adoption du décret du 6 juillet 1994, qu'une demande en justice peut être étendue ou modifiée, si des conclusions nouvelles, contradictoirement prises, sont fondées sur un fait ou un acte invoqué dans la citation, même si leur qualification juridique est différente.

Par contre, dans l'ancien article 377, alinéa 2, du C.I.R. 1992, la possibilité de soumettre de nouveaux griefs a été limitée en ce sens que ne pouvaient être soumises à la cour d'appel que de nouvelles contestations en droit et non en fait. La nécessité de prévoir, pour le droit procédural fiscal, un régime spécifique dérogeant au droit commun de la procédure a donc aussi été ressentie au niveau fédéral.

B.6.3. Le législateur décrétal, en vue d'obtenir le parallélisme recherché avec les règles du C.I.R. 1992 et animé par le même souci d'une législation claire et cohérente, a pu considérer qu'il était nécessaire d'adopter une règle similaire pour l'imposition régionale concernée. En outre, ce n'est qu'en inscrivant dans le décret la réglementation visée qu'il était en mesure d'indiquer les modalités particulières concernant le prélèvement qu'il avait établi et qui se rattachent à la procédure de réclamation préalable au recours.

L'incidence sur la compétence réservée au législateur pour régler la procédure devant les juridictions est de surcroît marginale, étant donné que le législateur décrétal s'est borné à des adaptations purement terminologiques et n'a en aucune manière porté atteinte au contenu de la réglementation fédérale. La Région flamande n'a pas outrepassé ses compétences en adoptant les dispositions en cause.

B.7. Ainsi qu'il a été dit plus haut, la loi du 15 mars 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/03/1999 pub. 27/03/1999 numac 1999003180 source ministere des finances Loi relative au contentieux en matière fiscale fermer relative au contentieux en matière fiscale et la loi du 23 mars 1999 relative à l'organisation judiciaire en matière fiscale ont instauré, en matière de droit procédural fiscal, des règles nouvelles qui valent en principe pour toutes les impositions.

La Cour n'est toutefois pas interrogée sur l'applicabilité du décret du 6 juillet 1994 pour la période postérieure à l'entrée en vigueur de la nouvelle procédure fiscale fixée dans les lois des 15 et 23 mars 1999.

Les questions préjudicielles appellent une réponse négative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 35quinquies decies, § 3, alinéas 1er et 2, et § 4, de la loi du 26 mars 1971 sur la protection des eaux de surface contre la pollution, inséré par l'article 5 du décret du 6 juillet 1994 contenant diverses mesures d'accompagnement de l'ajustement du budget 1994, tel qu'il s'applique aux litiges qui étaient pendants avant l'entrée en vigueur de la nouvelle procédure fiscale fixée dans la loi du 15 mars 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/03/1999 pub. 27/03/1999 numac 1999003180 source ministere des finances Loi relative au contentieux en matière fiscale fermer relative au contentieux en matière fiscale et dans la loi du 23 mars 1999 relative à l'organisation judiciaire en matière fiscale, ne viole pas les règles déterminant les compétences respectives de l'Etat, des communautés et des régions.

Ainsi prononcé en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 14 février 2001.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux.

Le président, G. De Baets.

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