Etaamb.openjustice.be
Arrêt
publié le 20 mars 2002

Extrait de l'arrêt n° 14/2002 du 17 janvier 2002 Numéros du rôle : 2054, 2058, 2069, 2075, 2081, 2083, 2084 et 2100. En cause : les questions préjudicielles relatives à l'article 57, § 2, de la loi du 8 juillet 1976 organique des centres La Cour d'arbitrage, composée des présidents A. Arts et M. Melchior, et des juges R. Henneuse, M(...)

source
cour d'arbitrage
numac
2002021076
pub.
20/03/2002
prom.
--
moniteur
https://www.ejustice.just.fgov.be/cgi/article_body(...)
Document Qrcode

COUR D'ARBITRAGE


Extrait de l'arrêt n° 14/2002 du 17 janvier 2002 Numéros du rôle : 2054, 2058, 2069, 2075, 2081, 2083, 2084 et 2100.

En cause : les questions préjudicielles relatives à l'article 57, § 2, de la loi du 8 juillet 1976Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/07/1976 pub. 18/04/2016 numac 2016000231 source service public federal interieur Loi organique des centres publics d'action sociale. - Coordination officieuse en langue allemande de la version applicable aux habitants de la région de langue allemande fermer organique des centres publics d'aide sociale, tel qu'il a été modifié par l'article 65 de la loi du 15 juillet 1996, posées par le Tribunal du travail de Courtrai, par le Tribunal du travail de Gand et par la Cour du travail d'Anvers.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents A. Arts et M. Melchior, et des juges R. Henneuse, M. Bossuyt, L. Lavrysen, A. Alen et J.-P. Moerman, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président A. Arts, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des questions préjudicielles a. Par six jugements des 4, 11 et 25 octobre et 8 et 22 novembre 2000 en cause respectivement de S.Amasihohu, M. Lindner, M. Doe, M. Robleh Reali, M. Benouadah et M. Abderrahim contre divers centres publics d'aide sociale, dont les expéditions sont parvenues au greffe de la Cour d'arbitrage les 13 et 17 octobre et les 3, 16 et 29 novembre 2000, le Tribunal du travail de Courtrai a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 57, § 2, de la loi du 8 juillet 1976Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/07/1976 pub. 18/04/2016 numac 2016000231 source service public federal interieur Loi organique des centres publics d'action sociale. - Coordination officieuse en langue allemande de la version applicable aux habitants de la région de langue allemande fermer organique des centres publics d'aide sociale viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution en tant qu'il s'applique à des étrangers auxquels a été notifié un ordre de quitter le territoire et qui ont introduit une demande de régularisation par laquelle, conformément à l'article 14 de la loi du 22 décembre 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 22/12/1999 pub. 10/01/2000 numac 1999000985 source ministere de l'interieur Loi relative à la régularisation de séjour de certaines catégories d'étrangers séjournant sur le territoire du Royaume fermer relative à la régularisation de séjour de certaines catégories d'étrangers séjournant sur le territoire du Royaume, ils ne peuvent être éloignés du territoire dans la période comprise entre l'introduction de la demande et le jour où une décision négative est prise ? » b. Par jugement du 17 novembre 2000 en cause de G.Do contre le centre public d'aide sociale de Gand, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour d'arbitrage le 27 novembre 2000, le Tribunal du travail de Gand a posé la question préjudicielle suivante : « La réglementation légale établie par l'article 57, § 2, de la loi organique des C.P.A.S. du 8 juillet 1976 et modifiée par l'article 65 de la loi du 15 juillet 1996 viole-t-elle les principes d'égalité et de non-discrimination contenus aux articles 10 et 11 de la Constitution, combinés avec l'article 23 de la Constitution, avec l'article 11.1 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et avec l'article 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 1. en ce que l'article 57, § 2, instaure une différence de traitement non justifiée en ce qui concerne le droit à l'aide sociale à l'égard, d'une part, des candidats réfugiés auxquels un ordre de quitter le territoire a été notifié et qui ont introduit un recours auprès du Conseil d'Etat contre une décision confirmative du Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides ou contre une décision négative de la Commission permanente de recours des réfugiés et auxquels, dans l'attente de la décision à rendre par le Conseil d'Etat, une aide sociale autre que l'aide médicale urgente continue à être accordée et, d'autre part, des candidats réfugiés qui, conformément à la loi du 22 décembre 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 22/12/1999 pub. 10/01/2000 numac 1999000985 source ministere de l'interieur Loi relative à la régularisation de séjour de certaines catégories d'étrangers séjournant sur le territoire du Royaume fermer relative à la régularisation de séjour de certaines catégories d'étrangers séjournant sur le territoire du Royaume (Moniteur belge, 10 janvier 2000), ont introduit dans les délais une demande de régularisation et auxquels, dans l'attente de la décision à prendre, une aide sociale autre que l'aide médicale urgente n'est pas accordée;2. en ce que l'article 57, § 2, utilise sans justification l'exclusion de l'aide sociale autre que l'aide médicale urgente, comme moyen de pression sur les candidats réfugiés auxquels, par suite de leur demande de régularisation et en vertu de l'article 14 de la loi du 22 décembre 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 22/12/1999 pub. 10/01/2000 numac 1999000985 source ministere de l'interieur Loi relative à la régularisation de séjour de certaines catégories d'étrangers séjournant sur le territoire du Royaume fermer, aucune contrainte ne peut légalement être imposée en vue de les éloigner du territoire ? » c.Par arrêt du 13 décembre 2000 en cause de M. Rahaoui contre le centre public d'aide sociale d'Anvers, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour d'arbitrage le 20 décembre 2000, la Cour du travail d'Anvers a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 57, § 2, de la loi organique des C.P.A.S. viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution en ce que cette disposition est donc applicable aux étrangers qui ont introduit une demande de régularisation conformément à la loi du 22 décembre 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 22/12/1999 pub. 10/01/2000 numac 1999000985 source ministere de l'interieur Loi relative à la régularisation de séjour de certaines catégories d'étrangers séjournant sur le territoire du Royaume fermer relative à la régularisation de séjour de certaines catégories d'étrangers séjournant sur le territoire du Royaume, par laquelle, en vertu de l'article 14 de cette loi, ils ne peuvent être renvoyés tant que leur demande est examinée, alors qu'une aide peut être accordée aux étrangers qui séjournent légalement dans le Royaume et aux étrangers dont la demande d'asile a été rejetée et qui ont introduit un recours auprès du Conseil d'Etat contre la décision négative du Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides ou de la Commission permanente de recours ? » Les affaires mentionnées sous (a) sont inscrites sous les numéros 2054, 2058, 2069, 2075, 2083 et 2084, celle mentionnée sous (b) sous le numéro 2081 et celle mentionnée sous (c) sous le numéro 2100. (...) IV. En droit (...) La disposition en cause B.1.1. Aux termes de l'article 57, § 1er, de la loi du 8 juillet 1976Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/07/1976 pub. 18/04/2016 numac 2016000231 source service public federal interieur Loi organique des centres publics d'action sociale. - Coordination officieuse en langue allemande de la version applicable aux habitants de la région de langue allemande fermer organique des centres publics d'aide sociale (ci-après : loi sur les C.P.A.S.), le centre public d'aide sociale a pour mission d'assurer aux personnes et aux familles l'aide due par la collectivité. Cette aide n'est pas nécessairement financière, mais peut être matérielle, sociale, médicale, médico-sociale ou psychologique.

B.1.2. L'article 57, § 2, de la loi sur les C.P.A.S., remplacé par l'article 65 de la loi du 15 juillet 1996 « modifiant la loi du 15 décembre 1980Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/12/1980 pub. 20/12/2007 numac 2007000992 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 15/12/1980 pub. 12/04/2012 numac 2012000231 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers et la loi du 8 juillet 1976Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/07/1976 pub. 18/04/2016 numac 2016000231 source service public federal interieur Loi organique des centres publics d'action sociale. - Coordination officieuse en langue allemande de la version applicable aux habitants de la région de langue allemande fermer organique des centres publics d'aide sociale » et partiellement annulé par l'arrêt de la Cour n° 43/98 du 22 avril 1998, dispose : « § 2. Par dérogation aux autres dispositions de la présente loi, la mission du centre public d'aide sociale se limite à l'octroi de l'aide médicale urgente, à l'égard d'un étranger qui séjourne illégalement dans le Royaume.

Le Roi peut déterminer ce qu'il y a lieu d'entendre par aide médicale urgente.

Un étranger qui s'est déclaré réfugié et a demandé à être reconnu comme tel, séjourne illégalement dans le Royaume lorsque la demande d'asile a été rejetée et qu'un ordre de quitter le territoire a été notifié à l'étranger concerné.

L'aide sociale accordée à un étranger qui était en fait bénéficiaire au moment où un ordre de quitter le territoire lui a été notifié, est arrêtée, à l'exception de l'aide médicale urgente, le jour où l'étranger quitte effectivement le territoire et, au plus tard, le jour de l'expiration du délai de l'ordre de quitter le territoire.

Il est dérogé aux dispositions de l'alinéa précédent pendant le délai strictement nécessaire pour permettre à l'étranger de quitter le territoire, pour autant qu'il ait signé une déclaration attestant son intention explicite de quitter le plus vite possible le territoire, sans que ce délai ne puisse en aucun cas excéder un mois.

La déclaration d'intention précitée ne peut être signée qu'une seule fois. Le centre informe sans retard le Ministre qui a l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers dans ses compétences, ainsi que la commune concernée, de la signature de la déclaration d'intention. » B.1.3. Les questions préjudicielles portent toutes sur la compatibilité avec les articles 10 et 11 de la Constitution, de la disposition en cause interprétée comme s'appliquant aux personnes qui ont introduit une demande de régularisation conformément à la loi du 22 décembre 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 22/12/1999 pub. 10/01/2000 numac 1999000985 source ministere de l'interieur Loi relative à la régularisation de séjour de certaines catégories d'étrangers séjournant sur le territoire du Royaume fermer relative à la régularisation de séjour de certaines catégories d'étrangers séjournant sur le territoire du Royaume.

B.1.4. L'article 2 de cette loi dispose : « Sans préjudice de l'application de l'article 9 de la loi du 15 décembre 1980Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/12/1980 pub. 20/12/2007 numac 2007000992 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 15/12/1980 pub. 12/04/2012 numac 2012000231 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers, la présente loi s'applique aux demandes de régularisation de séjour introduites par des étrangers qui séjournaient déjà effectivement en Belgique au 1er octobre 1999 et qui, au moment de la demande : 1° soit ont demandé la reconnaissance de la qualité de réfugié sans avoir reçu de décision exécutoire dans un délai de quatre ans, ce délai étant ramené à trois ans pour les familles avec des enfants mineurs séjournant en Belgique au 1er octobre 1999 et en âge d'aller à l'école;2° soit ne peuvent, pour des raisons indépendantes de leur volonté, retourner ni dans le ou les pays où ils ont séjourné habituellement avant leur arrivée en Belgique, ni dans leur pays d'origine, ni dans le pays dont ils ont la nationalité;3° soit sont gravement malades;4° soit peuvent faire valoir des circonstances humanitaires et ont développé des attaches sociales durables dans le pays.» B.1.5. L'article 14 de la loi du 22 décembre 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 22/12/1999 pub. 10/01/2000 numac 1999000985 source ministere de l'interieur Loi relative à la régularisation de séjour de certaines catégories d'étrangers séjournant sur le territoire du Royaume fermer est libellé comme suit : « Hormis les mesures d'éloignement motivées par l'ordre public ou la sécurité nationale, ou à moins que la demande ne réponde manifestement pas aux conditions de l'article 9, il ne sera pas procédé matériellement à un éloignement entre l'introduction de la demande et le jour où une décision négative a été prise en application de l'article 12. » Quant au fond B.2.1. L'article 57 de la loi sur les C.P.A.S. fait une distinction, en matière d'aide sociale, entre les étrangers, selon que ceux-ci séjournent légalement ou illégalement sur le territoire. Depuis la loi du 30 décembre 1992Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/12/1992 pub. 18/06/2012 numac 2012000355 source service public federal interieur Loi portant des dispositions sociales et diverses. - Coordination officieuse en langue allemande d'extraits fermer, l'article 57, § 2, précise que l'aide sociale accordée aux étrangers séjournant illégalement sur le territoire est limitée à l'aide médicale urgente. Cette mesure tend à harmoniser la législation relative au statut de séjour des étrangers et celle relative à l'aide sociale.

B.2.2. C'est au législateur qu'il appartient de mener une politique concernant l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers et de prévoir à cet égard, dans le respect du principe d'égalité et de non-discrimination, les mesures nécessaires qui peuvent notamment porter sur la fixation des conditions auxquelles le séjour d'un étranger en Belgique est légal ou non. Le fait qu'il en découle une différence de traitement entre étrangers est la conséquence logique de la mise en oeuvre de ladite politique.

B.2.3. Les questions préjudicielles concernent la situation particulière des demandeurs d'une régularisation de séjour fondée sur la loi du 22 décembre 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 22/12/1999 pub. 10/01/2000 numac 1999000985 source ministere de l'interieur Loi relative à la régularisation de séjour de certaines catégories d'étrangers séjournant sur le territoire du Royaume fermer.

Lors de l'adoption de cette loi, il a été souligné à plusieurs reprises dans les travaux préparatoires que la demande de régularisation ne modifiait pas le statut juridique du séjour des intéressés et n'ouvrait pas, en tant que telle, un droit à l'aide sociale. C'est la raison pour laquelle l'article 57, § 2, de la loi sur les C.P.A.S. a été maintenu inchangé (Doc. parl., Chambre, 1999-2000, Doc. 50 0234/001, p. 5, et 0234/005, p. 60; Ann., Chambre, 1999-2000, 24 novembre 1999, HA 50 plen. 017, pp. 7, 8, 18, 31 et 32;

Doc. parl., Sénat, 1999-2000, n° 2-202/3, p. 23).

Il ne résulte pas de ce qui précède que le droit à l'aide sociale de toutes les personnes qui ont introduit une demande de régularisation de séjour serait limité à l'aide médicale urgente durant l'examen de cette demande. Les personnes qui bénéficient de l'aide sociale sur d'autres bases juridiques, conformément à l'article 57, § 1er, de la loi sur les C.P.A.S., conservent ce droit durant la procédure de régularisation.

B.2.4. Les questions préjudicielles se rapportent aux demandeurs de la régularisation de séjour auxquels s'applique, selon les juges a quo, l'article 57, § 2, de la loi sur les C.P.A.S. : elles sont fondées sur l'interprétation selon laquelle le statut de séjour des étrangers concernés est illégal au sens de cette disposition.

B.3.1. Il est demandé à la Cour si l'article 57, § 2, de la loi sur les C.P.A.S. viole les articles 10 et 11 de la Constitution en ce que cette disposition s'applique également à la catégorie des demandeurs d'une régularisation fondée sur la loi du 22 décembre 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 22/12/1999 pub. 10/01/2000 numac 1999000985 source ministere de l'interieur Loi relative à la régularisation de séjour de certaines catégories d'étrangers séjournant sur le territoire du Royaume fermer qui séjournent illégalement sur le territoire mais qui, en vertu de l'article 14 de cette loi, ne seront pas matériellement éloignés durant l'examen de leur demande, alors que l'aide sociale peut être accordée aux étrangers qui séjournent légalement dans le Royaume et aux étrangers dont la demande d'asile a été rejetée et qui ont introduit un recours devant le Conseil d'Etat contre la décision confirmative de refus du Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides ou contre la décision de refus de la Commission permanente de recours des réfugiés.

B.3.2. Il ressort des travaux préparatoires de la loi du 22 décembre 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 22/12/1999 pub. 10/01/2000 numac 1999000985 source ministere de l'interieur Loi relative à la régularisation de séjour de certaines catégories d'étrangers séjournant sur le territoire du Royaume fermer qu'un équilibre a été recherché entre, d'une part, le souci de trouver une solution humaine et définitive pour un grand nombre d'étrangers qui séjournaient illégalement sur le territoire et, d'autre part, le souci de veiller à ce que les demandes puissent être gérées, en vue de la réussite de cette opération d'envergure (Doc. parl., Chambre, 1999-2000, Doc. 50 0234/001, pp. 3-10, et 0234/005, pp. 5-16).

B.3.3. Le législateur n'a pas opté pour une régularisation automatique, mais bien pour une procédure dans laquelle il est examiné, cas par cas, si les conditions fixées par la loi sont remplies. En ne prévoyant pas que l'introduction d'une demande de régularisation ouvrirait, par elle-même, un droit à l'aide sociale, il a entendu éviter l'attrait financier de la demande de régularisation, afin d'écarter les demandes abusives introduites uniquement dans le but d'obtenir l'aide sociale et afin de combattre une immigration illégale supplémentaire (voy. Doc. parl., Chambre, 1999-2000, Doc. 50 0234/001, p. 10, et 0234/005, p. 13, p. 60 et p. 65; Ann., Chambre, 1999-2000, 24 novembre 1999, HA 50 plen. 017, pp. 31 et 32; Doc. parl., Sénat, 1999-2000, n° 2-202/3, pp. 4 et 6).

B.3.4. Le législateur peut adopter des mesures visant à combattre les abus de procédure et peut également être amené à faire certains choix politiques pour des raisons budgétaires. La Cour doit toutefois vérifier si le choix du législateur n'entraîne aucune discrimination.

B.3.5. C'est uniquement pour ceux qui se trouvaient en séjour illégal sur le territoire lors de l'adoption de la loi du 22 décembre 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 22/12/1999 pub. 10/01/2000 numac 1999000985 source ministere de l'interieur Loi relative à la régularisation de séjour de certaines catégories d'étrangers séjournant sur le territoire du Royaume fermer, soit parce qu'ils y avaient accédé sans autorisation et étaient demeurés dans la clandestinité soit parce qu'ils séjournaient sur le territoire après l'expiration de la période pour laquelle ils avaient obtenu l'autorisation requise ou parce qu'ils ont été déboutés de leur demande d'asile et n'ont pas donné suite à l'ordre de quitter le territoire, que le droit à l'aide sociale des demandeurs de régularisation est limité à l'aide médicale urgente.

Il a été dit à plusieurs reprises au cours des travaux préparatoires que la demande de régularisation n'affectait pas le statut juridique du séjour des intéressés (Doc. parl., Chambre, 1999-2000, Doc. 50 0234/005, p. 60, et Doc. parl., Sénat, 1999-2000, n° 2-202/3, pp. 36 et 58). Le fait qu'il ne soit pas procédé « matériellement » à l'éloignement de ceux-ci pendant l'examen de leur demande de régularisation signifie simplement qu'ils sont tolérés sur le territoire, dans l'attente d'une décision, et n'empêche pas qu'ils se trouvent, de leur propre fait, dans une situation de séjour illégale.

Leur situation diffère objectivement de celle des personnes qui, avant l'adoption de la loi du 22 décembre 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 22/12/1999 pub. 10/01/2000 numac 1999000985 source ministere de l'interieur Loi relative à la régularisation de séjour de certaines catégories d'étrangers séjournant sur le territoire du Royaume fermer, avaient obtenu un statut légal de séjour, sur la base des procédures prévues à cet effet, ou dont la demande d'asile était encore pendante devant les instances compétentes.

B.3.6. Lorsque le législateur entend mener une politique des étrangers et impose à cette fin des règles auxquelles il y a lieu de se conformer pour séjourner légalement sur le territoire, il utilise un critère de distinction objectif et pertinent s'il lie des effets aux manquements à ces règles, lors de l'octroi de l'aide sociale.

La politique en matière d'accès au territoire et de séjour des étrangers serait en effet mise en échec s'il était admis que, pour les étrangers qui séjournent illégalement en Belgique, les mêmes conditions devraient être appliquées dans cette matière que pour ceux qui séjournent légalement dans le pays.

B.3.7. Les catégories de personnes mentionnées dans les questions préjudicielles se distinguent également l'une de l'autre, du point de vue des obligations qui incombent à l'autorité à leur égard.

La procédure de reconnaissance du statut de réfugié s'inscrit dans le cadre d'obligations internationales auxquelles l'Etat a souscrit. La procédure de régularisation, en revanche, est une mesure qui relève du pouvoir d'appréciation souverain des autorités belges. Cette différence aussi justifie que l'Etat n'ait pas les mêmes obligations vis-à-vis de ces deux catégories d'étrangers.

B.3.8. La régularisation offre aux étrangers concernés une chance d'obtenir un statut de séjour légal, malgré leur séjour clandestin ou le fait que les procédures existant auparavant ont été épuisées, et donc aussi d'obtenir le droit à l'aide sociale, conformément à l'article 57, § 1er, de la loi sur les C.P.A.S. En attendant, l'aide médicale urgente leur est garantie. Sur la base de la circulaire du 6 avril 2000Documents pertinents retrouvés type circulaire prom. 06/04/2000 pub. 15/04/2000 numac 2000012198 source ministere de l'emploi et du travail Circulaire concernant les autorisations provisoires d'occupation pour les ressortissants étrangers ayant introduit une demande de régularisation de séjour type circulaire prom. 06/04/2000 pub. 24/11/2000 numac 2000000836 source ministere de l'interieur Circulaire concernant les autorisations provisoires d'occupation pour les ressortissants étrangers ayant introduit une demande de régularisation de séjour. - Traduction allemande fermer concernant les autorisations provisoires d'occupation pour les ressortissants étrangers ayant introduit une demande de régularisation de séjour, modifiée par la circulaire du 6 février 2001, ils peuvent en outre obtenir une autorisation provisoire d'occupation et pourvoir ainsi à leur subsistance.

B.4.1. Il est également demandé à la Cour si l'article 57, § 2, de la loi sur les C.P.A.S. viole les articles 10 et 11 de la Constitution, en ce qu'il n'est pas fait de distinction, au sein de la catégorie des étrangers en séjour illégal, entre ceux qui peuvent être éloignés du territoire et ceux qui ne le peuvent matériellement pas, en vertu de l'article 14 de la loi du 22 décembre 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 22/12/1999 pub. 10/01/2000 numac 1999000985 source ministere de l'interieur Loi relative à la régularisation de séjour de certaines catégories d'étrangers séjournant sur le territoire du Royaume fermer.

B.4.2. L'article 14 de la loi du 22 décembre 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 22/12/1999 pub. 10/01/2000 numac 1999000985 source ministere de l'interieur Loi relative à la régularisation de séjour de certaines catégories d'étrangers séjournant sur le territoire du Royaume fermer a pour effet que les étrangers qui ont introduit une demande de régularisation de séjour sont tolérés sur le territoire durant le déroulement de cette procédure, sans que soit accordée à ceux d'entre eux qui séjournent illégalement sur le territoire un titre de séjour. Lorsqu'un ordre de quitter le territoire a été donné précédemment à l'intéressé, celui-ci subsiste, même s'il n'est pas procédé effectivement à son exécution forcée (Doc. parl., Chambre, 1999-2000, Doc. 50 0234/001, p. 18).

B.4.3. Il n'aurait pas été raisonnable d'inviter les étrangers séjournant illégalement sur le territoire et dont le séjour est souvent clandestin à se faire connaître en introduisant une demande de régularisation de séjour, sans leur donner la garantie qu'ils ne seront « matériellement » pas éloignés. Il ne serait pas davantage raisonnable d'affirmer qu'il n'est constitutionnellement possible de leur accorder cette garantie que si elle est accompagnée de l'octroi du droit à l'aide sociale, même s'il n'est pas établi qu'ils remplissent les conditions pour obtenir la régularisation. Les demandeurs de la régularisation de séjour dont l'aide sociale est limitée à l'aide médicale urgente sont des étrangers qui n'ont pas agi conformément à la réglementation existante en matière de séjour, soit qu'ils n'ont pas donné suite à un ordre de quitter le territoire, soit qu'ils n'ont pas obtenu l'autorisation de séjour requise ou qu'ils ne l'avaient pas demandée.

En attendant que la procédure de régularisation soit clôturée, leur situation de séjour ne diffère pas, sur le plan juridique, de celle des autres étrangers qui séjournent illégalement sur le territoire, en sorte qu'il n'est pas déraisonnable qu'ils soient traités de la même manière en ce qui concerne l'aide sociale. La loi du 22 décembre 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 22/12/1999 pub. 10/01/2000 numac 1999000985 source ministere de l'interieur Loi relative à la régularisation de séjour de certaines catégories d'étrangers séjournant sur le territoire du Royaume fermer accorde aux intéressés une chance d'obtenir l'autorisation de séjour exigée, même s'ils ont éventuellement épuisé sans résultat les procédures qui existaient antérieurement.

B.5. Compte tenu de ce qui précède, il n'est pas manifestement déraisonnable qu'en attendant la fin de la procédure de régularisation, soit aussi longtemps qu'il n'est pas établi que les conditions pour obtenir la régularisation sont remplies, l'aide sociale garantie aux demandeurs reste ainsi limitée.

B.6. Aux termes de la question préjudicielle posée dans l'affaire no 2081, il est également demandé à la Cour de contrôler la disposition en cause au regard des articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 23 de la Constitution, avec l'article 11.1 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels ainsi qu'avec l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme. Eu égard aux considérations qui précèdent, ce contrôle conduit en l'espèce à la même conclusion.

B.7. Les questions préjudicielles appellent une réponse négative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 57, § 2, de la loi du 8 juillet 1976Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/07/1976 pub. 18/04/2016 numac 2016000231 source service public federal interieur Loi organique des centres publics d'action sociale. - Coordination officieuse en langue allemande de la version applicable aux habitants de la région de langue allemande fermer organique des centres publics d'aide sociale, modifié par les lois des 30 décembre 1992 et 15 juillet 1996, interprété en ce sens que le droit à l'aide sociale de l'étranger séjournant illégalement sur le territoire et qui a introduit une demande de régularisation de séjour sur la base de la loi du 22 décembre 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 22/12/1999 pub. 10/01/2000 numac 1999000985 source ministere de l'interieur Loi relative à la régularisation de séjour de certaines catégories d'étrangers séjournant sur le territoire du Royaume fermer est limité à l'aide médicale urgente aussi longtemps que son séjour n'est pas régularisé, ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution, lus isolément ou combinés avec l'article 23 de la Constitution, avec l'article 11.1 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et avec l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme.

Ainsi prononcé en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 17 janvier 2002.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux.

Le président, A. Arts.

^