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Arrêt
publié le 18 juin 2002

Extrait de l'arrêt n° 68/2002 du 28 mars 2002 Numéro du rôle : 2323 En cause : la question préjudicielle concernant l'article 7 de la loi du 26 juillet 1962 relative à la procédure d'extrême urgence en matière d'expropriation pour cause d'uti La Cour d'arbitrage, composée du président A. Arts et du juge L. François, faisant fonction de p(...)

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COUR D'ARBITRAGE


Extrait de l'arrêt n° 68/2002 du 28 mars 2002 Numéro du rôle : 2323 En cause : la question préjudicielle concernant l'article 7 de la loi du 26 juillet 1962Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/07/1962 pub. 26/02/2010 numac 2010000080 source service public federal interieur Loi relative à la procédure d'extrême urgence en matière d'expropriation pour cause d'utilité publique. - Coordination officieuse en langue allemande fermer relative à la procédure d'extrême urgence en matière d'expropriation pour cause d'utilité publique, posée par le juge de paix du canton de Westerlo.

La Cour d'arbitrage, composée du président A. Arts et du juge L. François, faisant fonction de président, et des juges R. Henneuse, L. Lavrysen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman et E. Derycke, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président A. Arts, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle Par jugement du 11 janvier 2002 en cause de la s.c. Intercommunale Ontwikkelingsmaatschappij voor de Kempen contre A. Helsen, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour d'arbitrage le 22 janvier 2002, le juge de paix du canton de Westerlo a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 7, alinéa 2, de la loi du 26 juillet 1962Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/07/1962 pub. 26/02/2010 numac 2010000080 source service public federal interieur Loi relative à la procédure d'extrême urgence en matière d'expropriation pour cause d'utilité publique. - Coordination officieuse en langue allemande fermer relative à la procédure d'extrême urgence en matière d'expropriation pour cause d'utilité publique viole-t-il le principe constitutionnel d'égalité et le principe de non-discrimination contenus dans les articles 10 et 11 de la Constitution considérés isolément et lus conjointement avec les articles 13 et 160 de la Constitution et avec les articles 6, paragraphe 1, et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme, en ce que l'article 7, alinéa 2, précité, instaure, au sein d'un seul et même groupe de justiciables (à savoir les personnes visées aux articles 3 et 6 de la loi du 26 juillet 1962Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/07/1962 pub. 26/02/2010 numac 2010000080 source service public federal interieur Loi relative à la procédure d'extrême urgence en matière d'expropriation pour cause d'utilité publique. - Coordination officieuse en langue allemande fermer), une différence de traitement pour laquelle il n'existe pas de justification raisonnable et qui ne repose pas sur un critère objectif, cette différence de traitement consistant en ce que, suite à une décision subjective, totalement unilatérale et choisie arbitrairement dans le temps, prise par l'expropriant seul, de faire débuter la phase judiciaire, une catégorie de justiciables a la possibilité de faire procéder par le Conseil d'Etat au contrôle de légalité interne et externe d'un arrêté d'expropriation, cependant que l'autre catégorie de justiciables est obligée de faire procéder à ce contrôle de légalité interne et externe d'un arrêté d'expropriation par le juge de paix, alors qu'il est établi et ne saurait être contesté que les deux formes de contrôle de légalité ne sauraient être équivalentes, compte tenu de la manière dont le contrôle de légalité exercé par le juge de paix est organisé par l'article 7, alinéa 2, précité, et que ces deux formes de contrôle de légalité ne sont pas non plus analogues ? » (...) IV. En droit (...) B.1. Par sa question préjudicielle, le juge a quo demande à la Cour si l'article 7, alinéa 2, de la loi du 26 juillet 1962Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/07/1962 pub. 26/02/2010 numac 2010000080 source service public federal interieur Loi relative à la procédure d'extrême urgence en matière d'expropriation pour cause d'utilité publique. - Coordination officieuse en langue allemande fermer relative à la procédure d'extrême urgence en matière d'expropriation pour cause d'utilité publique viole les articles 10 et 11 de la Constitution considérés isolément et lus conjointement avec les articles 13 et 160 de la Constitution et avec les articles 6.1 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme, en laissant au juge de paix le soin d'exercer le contrôle de légalité d'un arrêté d'expropriation, à l'égard des expropriés et des tiers intéressés visés à l'article 6, à partir du moment où l'expropriant a introduit une demande d'expropriation auprès du juge de paix, alors qu'à l'égard des mêmes personnes, avant que l'expropriant ait introduit une demande d'expropriation auprès du juge de paix, le Conseil d'Etat est compétent pour soumettre le même arrêté d'expropriation à un contrôle de légalité.

B.2. Il ressort de la question préjudicielle et des attendus qui la précèdent que le juge a quo conteste la jurisprudence de la Cour.

Celle-ci a dit pour droit, dans les arrêts nos 51/95 et 66/95 datés respectivement du 22 juin et du 28 septembre 1995, que les articles 3, 6, 7 et 16, alinéa 2, de la loi du 26 juillet 1962Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/07/1962 pub. 26/02/2010 numac 2010000080 source service public federal interieur Loi relative à la procédure d'extrême urgence en matière d'expropriation pour cause d'utilité publique. - Coordination officieuse en langue allemande fermer relative à la procédure d'extrême urgence en matière d'expropriation pour cause d'utilité publique et les articles 14 et 17 des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat ne violent pas les articles 10 et 11 de la Constitution lus isolément ou en combinaison avec les articles 13, 16 et 160 de la Constitution, avec les articles 6.1 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme et avec l'article 1er du Premier Protocole additionnel à ladite Convention, en tant que les expropriés et les tiers intéressés visés à l'article 6 de la loi du 26 juillet 1962Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/07/1962 pub. 26/02/2010 numac 2010000080 source service public federal interieur Loi relative à la procédure d'extrême urgence en matière d'expropriation pour cause d'utilité publique. - Coordination officieuse en langue allemande fermer précitée ne disposent pas d'un recours direct contre l'arrêté d'expropriation ou en ce que le recours qu'ils auraient introduit directement au Conseil d'Etat est rendu caduc dès lors que l'expropriant a cité à comparaître devant le juge de paix. Ces décisions étaient fondées sur les motifs suivants (arrêt n° 51/95) : « B.3. Conformément à l'article 14 des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat, toute personne justifiant d'un intérêt peut introduire un recours en annulation contre les actes et règlements des diverses autorités administratives '.

L'article 17 des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat permet en outre à la partie requérante de demander la suspension de l'exécution de l'acte ou du règlement attaqué.

Cette compétence générale du Conseil d'Etat se trouve toutefois exclue lorsqu'il est organisé un recours judiciaire spécifique contre un acte administratif déterminé.

B.4.1. En vertu des dispositions de la loi du 26 juillet 1962Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/07/1962 pub. 26/02/2010 numac 2010000080 source service public federal interieur Loi relative à la procédure d'extrême urgence en matière d'expropriation pour cause d'utilité publique. - Coordination officieuse en langue allemande fermer, le juge de paix a pour mission, lorsque l'expropriant a introduit devant lui l'action en expropriation, d'examiner la légalité tant interne qu'externe des décisions de l'autorité expropriante requises pour l'expropriation.

Cette compétence du juge ordinaire exclut celle du Conseil d'Etat de connaître d'un recours en annulation contre ces actes, si ce recours est introduit par l'exproprié ou par un tiers intéressé visé à l'article 6 de la loi du 26 juillet 1962Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/07/1962 pub. 26/02/2010 numac 2010000080 source service public federal interieur Loi relative à la procédure d'extrême urgence en matière d'expropriation pour cause d'utilité publique. - Coordination officieuse en langue allemande fermer.

Cette exclusion de compétence vaut à partir de la citation à comparaître devant le juge ordinaire et à l'égard des personnes qui ont accès à cette procédure. Elle se réalise également pour les demandes de suspension et d'annulation introduites au Conseil d'Etat avant que le juge de paix ait été saisi. Le Conseil d'Etat n'est plus compétent pour se prononcer sur les recours ou demandes introduits par l'exproprié ou par un tiers intéressé dès que l'expropriant cite le propriétaire à comparaître devant le juge de paix. Il le reste toutefois à l'égard des tiers ordinaires. Il est également compétent à l'égard des personnes visées aux articles 3 et 6 de la loi du 26 juillet 1962Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/07/1962 pub. 26/02/2010 numac 2010000080 source service public federal interieur Loi relative à la procédure d'extrême urgence en matière d'expropriation pour cause d'utilité publique. - Coordination officieuse en langue allemande fermer, aussi longtemps que l'expropriant n'a pas cité le propriétaire devant le juge ordinaire.

B.4.2. Pour les raisons déjà exposées dans les arrêts nos 57/92 (B.7 à B.12), 80/92 (B.7 à B.12) et 75/93 (B.10 à B.16), la Cour considère que la comparaison des procédures dont disposent, d'une part, le propriétaire et les tiers intéressés et, d'autre part, les tiers ordinaires fait apparaître que ces catégories de justiciables bénéficient d'une protection juridictionnelle équivalente.

B.5.1. Le droit de propriété est, en matière d'expropriation, garanti par l'article 16 de la Constitution et par l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, dispositions mentionnées dans la question préjudicielle. Il s'agit d'un droit auquel sont applicables les dispositions de l'article 6 de la Convention européenne précitée.

B.5.2. L'article 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme dispose que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil. Ce droit doit, aux termes de l'article 14 de la Convention, être assuré sans discrimination.

S'il est vrai que les dispositions précitées exigent que le propriétaire et les tiers intéressés disposent d'un droit d'accès à un juge indépendant et impartial pour contester la légalité d'un arrêté d'expropriation, elles n'empêchent pas que la juridiction qu'ils ont saisie doive décliner sa compétence au bénéfice d'une autre juridiction saisie par l'expropriant, lorsque ces deux juridictions satisfont aux exigences de l'article 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme et que le contrôle de légalité qu'elles exercent est équivalent.

Dès lors que l'article 6.1 de la Convention n'est pas violé, il ne saurait être question d'une violation du principe constitutionnel d'égalité lu en combinaison avec cette disposition.

B.6. Le juge a quo soulève aussi la question de savoir s'il n'est pas porté atteinte de manière discriminatoire aux articles 13 et 160 de la Constitution. L'article 13 de la Constitution dispose que nul ne peut être distrait, contre son gré, du juge que la loi lui assigne.

L'article 160 de la Constitution dispose qu'il y a pour toute la Belgique un Conseil d'Etat. L'article 13 garantit à toutes les personnes qui se trouvent dans la même situation le droit d'être jugées selon les mêmes règles en ce qui concerne la compétence et la procédure. Rien n'empêche que le législateur confie, comme dans les dispositions examinées, certains litiges à une juridiction déterminée et d'autres à une autre juridiction, même s'il en résulte que, dans le cours de la procédure, un des juges perd sa compétence au bénéfice de l'autre.

Les dispositions en cause ne violent pas les articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec les articles 13 et 160 de la Constitution ».

B.3. Le juge a quo oppose les objections suivantes à cette jurisprudence.

Tout d'abord, la différence de traitement ne serait pas fondée sur un critère objectif. En raison d'une décision unilatérale de l'expropriant - la décision d'introduire une demande d'expropriation auprès du juge de paix -, le Conseil d'Etat n'est plus compétent pour se prononcer sur un recours en annulation introduit par un exproprié ou un tiers intéressé visé à l'article 6 de la loi du 26 juillet 1962Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/07/1962 pub. 26/02/2010 numac 2010000080 source service public federal interieur Loi relative à la procédure d'extrême urgence en matière d'expropriation pour cause d'utilité publique. - Coordination officieuse en langue allemande fermer.

Ensuite, les contrôles de légalité opérés par le Conseil d'Etat, d'une part, et le juge de paix, d'autre part, ne sauraient être équivalents, en particulier parce que la disposition en cause impose au juge de paix de statuer sur le tout par un seul jugement rendu au plus tard 48 heures après la comparution.

Enfin, ces contrôles de légalité ne seraient pas de même nature, en ce que l'action devant le juge de paix a un autre objet que le recours en annulation introduit devant le Conseil d'Etat.

B.4. Il peut être constaté objectivement si une demande d'expropriation a été introduite ou non auprès du juge de paix. Le fait que la décision d'introduire cette demande soit prise unilatéralement par l'expropriant ne porte pas atteinte au caractère objectif du critère de distinction.

B.5. Pour apprécier l'équivalence de la protection juridique dont bénéficient les catégories de personnes en cause, il ne peut être fait abstraction de la possibilité, offerte par l'article 16 de la loi du 26 juillet 1962Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/07/1962 pub. 26/02/2010 numac 2010000080 source service public federal interieur Loi relative à la procédure d'extrême urgence en matière d'expropriation pour cause d'utilité publique. - Coordination officieuse en langue allemande fermer au propriétaire et aux tiers intéressés, d'intenter une action en révision, d'autant qu'une telle voie de recours n'est pas prévue dans la procédure ouverte à la catégorie de personnes avec laquelle les personnes susdites sont comparées.

B.6. S'agissant de la différence de protection juridique ainsi conçue, il y a lieu de renvoyer aux motifs suivants de l'arrêt n° 75/93 (voy. aussi les B.7 à B.12 des arrêts nos 57/92 et 80/92) : « B.10. En premier lieu, une différence de traitement est explicitement énoncée dans la première partie de la question préjudicielle en ce que les tiers ordinaires disposent, devant le Conseil d'Etat, d'un recours en annulation de l'arrêté d'expropriation tandis que, une fois la procédure judiciaire engagée, le propriétaire et les tiers intéressés ne peuvent contester la légalité d'un tel arrêté que par voie d'exception devant le juge ordinaire. Il ne peut cependant être déduit de cette différence de procédure qu'elle constituerait un traitement inégal. En vertu de l'article 107 de la Constitution, la compétence attribuée au juge ordinaire de vérifier si les formalités prescrites par la loi ont été observées s'étend à tous les vices de légalité externes et internes. Si les procédures offertes aux uns et aux autres sont différentes, le contrôle de légalité qu'elles organisent est équivalent.

B.11. De la comparaison des dispositions citées dans la question préjudicielle, il se déduit qu'une autre différence de traitement y est implicitement dénoncée en ce que les procédures prévues ne permettraient pas aux parties d'organiser leur défense en bénéficiant de garanties comparables à celles de la procédure prévue aux articles 14 et 17 des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat.

En effet, lorsque le propriétaire et les tiers intéressés sont cités devant le juge de paix, ils ont l'obligation, en vertu de l'article 7, alinéa 2, de la loi du 26 juillet 1962Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/07/1962 pub. 26/02/2010 numac 2010000080 source service public federal interieur Loi relative à la procédure d'extrême urgence en matière d'expropriation pour cause d'utilité publique. - Coordination officieuse en langue allemande fermer, de proposer en une fois toutes les exceptions qu'ils croiraient pouvoir opposer ' et le juge de paix est tenu de statuer dans les quarante-huit heures. Les tiers ordinaires, qui peuvent obtenir un arrêt d'annulation du Conseil d'Etat même si la procédure judiciaire est engagée, disposent, quant à eux, de délais qui leur permettent, pendant soixante jours, de préparer leur requête et d'invoquer ultérieurement des moyens nouveaux s'ils sont fondés sur des éléments révélés par la lecture du dossier administratif que l'expropriant est tenu de déposer dans un délai de trente jours. Ils ont également la faculté de déposer un dernier mémoire après avoir reçu le rapport établi par l'auditeur-rapporteur au terme d'une instruction menée selon une procédure inquisitoire.

B.12. En ce qui concerne la loi du 26 juillet 1962Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/07/1962 pub. 26/02/2010 numac 2010000080 source service public federal interieur Loi relative à la procédure d'extrême urgence en matière d'expropriation pour cause d'utilité publique. - Coordination officieuse en langue allemande fermer, le recours à la procédure dérogatoire se justifie exclusivement par des raisons d'intérêt général et n'est permis que si la prise de possession immédiate de l'immeuble par l'autorité expropriante est indispensable.

Le juge de paix doit donc vérifier si l'autorité n'a pas commis d'excès ou de détournement de pouvoir en méconnaissant la notion juridique d'extrême urgence. Il rejettera la demande de l'autorité expropriante si, lorsqu'il en est saisi, l'extrême urgence invoquée dans l'arrêté d'expropriation n'existe pas ou n'existe plus.

En outre, le propriétaire et les tiers intéressés peuvent, après le jugement fixant les indemnités provisoires, exercer devant le tribunal de première instance une action en révision qu'en vertu de l'article 16, alinéa 2, ils pourront notamment fonder sur l'irrégularité de l'expropriation. Dans l'interprétation qu'en a donnée la Cour de cassation par son arrêt du 7 décembre 1990 rendu en audience plénière, cette disposition autorise le propriétaire et les tiers intéressés à fonder leur action en révision sur des motifs qu'ils n'avaient pas invoqués devant le juge de paix, ce qui leur permet de recommencer tout le procès. Ainsi interprété, l'article 16, alinéa 2, corrige les conséquences excessives que pourrait avoir l'article 7, alinéa 2 : c'est seulement devant le juge de paix que les défendeurs présents sont tenus, à peine de déchéance, de présenter en une fois toutes les exceptions qu'ils croient pouvoir opposer.

L'article 16, alinéa 2, précise encore que l'action en révision est instruite par le tribunal conformément aux règles du Code de procédure civile '. Le propriétaire et les tiers intéressés qui agissent en révision disposent ainsi des délais, des mesures d'instruction et des voies de recours que leur offre le Code judiciaire.

B.13. Il est vrai qu'en prévoyant que le jugement qui fait droit à la demande de l'expropriant n'est susceptible d'aucun recours (article 8, alinéa 2), en permettant à l'expropriant de prendre possession du bien dès qu'il a procédé à la signification de ce jugement (article 11) et en ne permettant à l'exproprié de contester à nouveau la légalité de l'expropriation qu'après qu'aura été rendu le jugement fixant les indemnités provisoires (articles 14 à 16), le législateur permet à l'expropriant de disposer d'un immeuble alors qu'il sera peut-être jugé ultérieurement que l'exproprié en a été illégalement dépossédé.

Cette prise de possession peut avoir des conséquences irréversibles lorsqu'entre-temps l'expropriant a procédé à des travaux de démolition ou de construction qui ne permettront pas la restitution intégrale en nature du bien dont il a illégalement disposé.

Ces conséquences ne peuvent cependant être considérées comme étant manifestement disproportionnées à l'objectif poursuivi.

Le législateur peut estimer que, pour autant que le juge de paix ait autorisé la poursuite de l'expropriation après avoir vérifié, en vertu de l'article 107 de la Constitution, la légalité tant interne qu'externe de l'arrêté d'expropriation, l'utilité publique exige que, en cas d'extrême urgence, l'expropriant soit mis immédiatement en possession du bien exproprié.

La constatation ultérieure de l'illégalité de l'expropriation permettra au propriétaire d'obtenir la réparation intégrale de son préjudice, soit en nature, soit par équivalent. Le risque qu'il court de ne pas obtenir la restitution en nature de son bien n'est pas un effet disproportionné de la procédure d'expropriation d'extrême urgence, par rapport au préjudice que pourrait subir l'intérêt général si la prise de possession par l'expropriant était retardée jusqu'à l'épuisement des voies de recours offertes à l'exproprié.

Il n'appartient pas à la Cour d'apprécier si la procédure d'extrême urgence est utilisée dans des cas qui ne la justifient pas, ni d'examiner si la phase judiciaire de la procédure d'expropriation est menée dans des délais raisonnables.

B.14. Depuis qu'en application de l'article 17 nouveau des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat, celui-ci s'est vu reconnaître un pouvoir de suspension, le voisin d'un immeuble exproprié peut, s'il remplit les deux conditions exigées par ledit article, obtenir un arrêt suspendant l'arrêté d'expropriation, arrêt qui s'impose au juge de paix devant lequel la procédure judiciaire est pendante. Un tiers ordinaire pourrait ainsi faire échec à cette procédure, alors même qu'il ne peut y prendre part, jusqu'à ce que le Conseil d'Etat ait statué sur sa demande d'annulation, tandis qu'à l'égard du propriétaire et des tiers intéressés le Conseil d'Etat doit décliner sa compétence dès que la procédure judiciaire est engagée.

Il convient cependant d'observer que, conformément à l'interprétation donnée par la Cour, dans son arrêt n° 42/90, aux articles 7 et 16, alinéa 2, de la loi du 26 juillet 1962Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/07/1962 pub. 26/02/2010 numac 2010000080 source service public federal interieur Loi relative à la procédure d'extrême urgence en matière d'expropriation pour cause d'utilité publique. - Coordination officieuse en langue allemande fermer ainsi qu'à l'article 14 des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat, le propriétaire, les tiers intéressés et les tiers ordinaires sont également traités avant la phase judiciaire de l'expropriation puisque tous ont accès au Conseil d'Etat. Ce n'est que pendant les quelques jours qui séparent la citation, prévue à l'article 5 de la loi du 26 juillet 1962Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/07/1962 pub. 26/02/2010 numac 2010000080 source service public federal interieur Loi relative à la procédure d'extrême urgence en matière d'expropriation pour cause d'utilité publique. - Coordination officieuse en langue allemande fermer, du jugement visé à l'article 7 de cette loi qu'un tiers ordinaire pourrait, par le biais d'un arrêt de suspension, faire échec à la procédure judiciaire, tandis que le propriétaire et les tiers intéressés sont alors privés de cette voie de droit. Ceux-ci peuvent toutefois, pendant la même période, obtenir du juge de paix qu'il refuse de rendre exécutoire un arrêté d'expropriation illégal. Ne s'en tenant pas à ce qu'on appelle le privilège du préalable, le législateur a ainsi subordonné l'expropriation à un contrôle juridictionnel, de telle sorte que le propriétaire et les tiers intéressés, d'une part, les tiers ordinaires, de l'autre, disposent chacun d'une procédure rapide qui leur permet de résister à une expropriation irrégulière.

B.15. Sans doute [...] la combinaison des deux régimes juridictionnels peut aboutir à ce que l'exproprié puisse obtenir en révision ou en appel la constatation de l'illégalité de l'expropriation après que l'action d'un tiers a abouti alors qu'il ne pourrait pas l'obtenir devant le Conseil d'Etat. Une telle conséquence ne peut avoir pour effet de rendre discriminatoire une différence de régimes juridictionnels qui ne l'est pas, d'autant qu'il s'agit là d'une garantie supplémentaire quant à l'exécution de l'arrêt d'annulation du Conseil d'Etat.

B.16. Il résulte de la comparaison des procédures offertes au propriétaire et aux tiers intéressés, d'une part, aux tiers ordinaires, d'autre part, que les uns et les autres bénéficient d'une protection juridictionnelle équivalente.

Sans doute la coexistence des deux procédures peut-elle provoquer des interférences anormales et conduire à des solutions contraires. Mais ce n'est pas à la Cour qu'il appartient d'y remédier ».

Les arguments produits dans la présente affaire ne sont pas de nature à réfuter les considérations qui précèdent.

B.7. Du reste, une différence de traitement entre certaines catégories de personnes qui découle de l'application de règles procédurales différentes dans des circonstances différentes n'est pas discriminatoire en soi. Il ne pourrait être question de discrimination que si la différence de traitement qui découle de l'application de ces règles de procédure entraînait une limitation disproportionnée des droits des personnes concernées.

Pour les raisons mentionnées dans les considérants reproduits ci-dessus de l'arrêt n° 75/93, les droits de l'exproprié et des tiers intéressés visés à l'article 6 ne sont pas limités de manière disproportionnée.

B.8. Enfin, il convient d'observer que l'objet d'un recours en annulation devant le Conseil d'Etat et celui d'une demande d'expropriation devant le juge de paix sont certes différents, mais que l'objet du contrôle de légalité exercé par ces juges respectifs - à savoir l'arrêté d'expropriation - est le même.

B.9. La question préjudicielle appelle une réponse négative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 7, alinéa 2, de la loi du 26 juillet 1962Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/07/1962 pub. 26/02/2010 numac 2010000080 source service public federal interieur Loi relative à la procédure d'extrême urgence en matière d'expropriation pour cause d'utilité publique. - Coordination officieuse en langue allemande fermer relative à la procédure d'extrême urgence en matière d'expropriation pour cause d'utilité publique ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution, considérés isolément et combinés avec les articles 13 et 160 de la Constitution et avec les articles 6.1 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme.

Ainsi prononcé en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 28 mars 2002.

Le greffier, Le président, P.-Y. Dutilleux A. Arts

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