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Arrêt
publié le 18 septembre 2002

Extrait de l'arrêt n° 118/2002 du 3 juillet 2002 Numéro du rôle : 2138 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 115bis du Code des droits d'enregistrement, d'hypothèque et de greffe, tel qu'il a été inséré par la loi du 30 ma La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et A. Arts, et des juges P. Martens, L.(...)

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COUR D'ARBITRAGE


Extrait de l'arrêt n° 118/2002 du 3 juillet 2002 Numéro du rôle : 2138 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 115bis du Code des droits d'enregistrement, d'hypothèque et de greffe, tel qu'il a été inséré par la loi du 30 mars 1994Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/03/1994 pub. 25/07/2011 numac 2011000468 source service public federal interieur Loi portant des dispositions sociales Coordination officieuse en langue allemande d'extraits type loi prom. 30/03/1994 pub. 07/02/2012 numac 2012000056 source service public federal interieur Loi portant des dispositions sociales type loi prom. 30/03/1994 pub. 27/01/2015 numac 2015000029 source service public federal interieur Loi portant des dispositions sociales. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer, posée par le Tribunal de première instance de Charleroi.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et A. Arts, et des juges P. Martens, L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Snappe et E. Derycke, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président M. Melchior, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle Par jugement du 1er mars 2001 en cause de la s.a. Résidence Le Bon Séjour contre l'Etat belge, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour d'arbitrage le 6 mars 2001, le Tribunal de première instance de Charleroi a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 115bis de l'arrêté royal n° 64 du 30 novembre 1939 contenant le Code des droits d'enregistrement, d'hypothèque et de greffe, inséré par l'article 45 de la loi du 30 mars 1994Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/03/1994 pub. 25/07/2011 numac 2011000468 source service public federal interieur Loi portant des dispositions sociales Coordination officieuse en langue allemande d'extraits type loi prom. 30/03/1994 pub. 07/02/2012 numac 2012000056 source service public federal interieur Loi portant des dispositions sociales type loi prom. 30/03/1994 pub. 27/01/2015 numac 2015000029 source service public federal interieur Loi portant des dispositions sociales. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer, est-il conforme aux articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'il soumet au taux de 12,5 % l'apport à une société d'un immeuble affecté à des fins professionnelles dès lors que cette activité professionnelle consiste dans l'hébergement durable de personnes âgées et soumet au taux de 0,5 % l'apport d'un immeuble affecté à des fins professionnelles autres que cette activité ? » (...) IV. En droit (...) B.1.1. Les actes contenant apport de biens à des sociétés possédant la personnalité juridique doivent être enregistrés dans les quatre mois (articles 19 et 32 du Code des droits d'enregistrement, d'hypothèque et de greffe).

Les transmissions à titre onéreux de biens immeubles sont en principe soumises à un droit d'enregistrement de 12,5 p.c. (article 44 du même Code).

Toutefois, afin d'encourager la création de sociétés et de contribuer ainsi au développement économique, l'apport de biens immobiliers dans des sociétés civiles ou commerciales a toujours été soumis à un droit d'enregistrement réduit qui s'élève actuellement à 0,5 p.c. (article 115 du même Code).

B.1.2. La loi du 30 mars 1994Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/03/1994 pub. 25/07/2011 numac 2011000468 source service public federal interieur Loi portant des dispositions sociales Coordination officieuse en langue allemande d'extraits type loi prom. 30/03/1994 pub. 07/02/2012 numac 2012000056 source service public federal interieur Loi portant des dispositions sociales type loi prom. 30/03/1994 pub. 27/01/2015 numac 2015000029 source service public federal interieur Loi portant des dispositions sociales. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer portant exécution du plan global en matière de fiscalité a inséré un article 115bis dans le Code des droits d'enregistrement, d'hypothèque et de greffe, qui dispose : « Sont assujettis au droit de 0,50 p.c., les apports à des sociétés civiles ou commerciales ayant soit leur siège de direction effective en Belgique, soit leur siège statutaire en Belgique et leur siège de direction effective hors du territoire des Etats membres de la Communauté européenne de biens immeubles autres que ceux affectés ou destinés partiellement ou totalement à l'habitation et apportés par une personne physique. [...] ».

B.2.1. Tant l'Administration de l'enregistrement que le juge a quo ont, dans l'affaire soumise à la Cour, estimé qu'un immeuble abritant une maison de repos au moment de son apport à une société anonyme devait être considéré comme une habitation, de sorte que le droit d'enregistrement à percevoir s'élevait à 12,5 p.c. de la valeur de l'immeuble.

B.2.2. Le juge a quo demande à la Cour si l'article 115bis du Code des droits d'enregistrement, d'hypothèque et de greffe viole les articles 10 et 11 de la Constitution en tant qu'il a pour effet que l'apport d'un immeuble utilisé comme home pour personnes âgées est exclu du tarif avantageux de 0,5 p.c.

La question invite donc à comparer deux catégories de sociétés dans lesquelles un bien immobilier est apporté, selon que le bien est apporté à une société ayant pour objet social le logement durable de personnes âgées ou à une société ayant un autre objet social.

La Cour limite son examen à cet aspect de la disposition en cause.

Elle ne peut étendre la portée de la question préjudicielle, comme le souhaite la partie demanderesse devant le juge a quo, à l'apport de biens immobiliers dans d'autres sociétés ayant pour objet de fournir un logement.

B.3. Les règles constitutionnelles de l'égalité et de la non-discrimination n'excluent pas qu'une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu'elle repose sur un critère objectif et qu'elle soit raisonnablement justifiée.

L'existence d'une telle justification doit s'apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause; le principe d'égalité est violé lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.

B.4. Interrogé au cours des travaux préparatoires sur les raisons de la différence envisagée entre les droits d'enregistrement perçus sur l'apport de biens immeubles affectés totalement ou partiellement à une habitation (soumis à un droit de 12,5 p.c.) et ceux perçus sur les autres biens immeubles (soumis à un droit de 0,5 p.c.), le ministre des Finances a répondu que « la modification proposée vise à décourager l'apport en société de l'habitation personnelle en mettant sur pied d'égalité l'apport en nature et l'acquisition ultérieure du bien par utilisation des capitaux récoltés » (Doc. parl., Chambre, 1993-1994, n° 1290/1, pp. 36-37). Pendant la discussion en commission, il a précisé que « la ratio legis de la disposition nouvelle consiste par ailleurs à pénaliser la création de sociétés de patrimoine par l'apport, par une personne physique, de sa maison d'habitation dans une société : cet apport sera en effet soumis au droit de mutation applicable aux transactions à titre onéreux » (ibid., pp. 99-100).

B.5. Le critère de distinction que le législateur a utilisé a pour effet, dans l'interprétation du juge a quo, que les biens immobiliers qui sont destinés au logement et qui sont apportés dans une société ayant pour objet, comme en l'espèce, d'exploiter une maison de repos pour personnes âgées sont soumis au droit d'enregistrement de 12,5 p.c.

Le critère n'est pas pertinent en tant qu'il exclut du taux avantageux l'apport d'un immeuble dont la destination est un home pour personnes âgées. L'affectation comme logement du bien immobilier n'est en effet pas liée à l'objet susmentionné de la mesure lorsque ce logement est indissociablement lié à l'activité économique de la société.

B.6. Il faut encore examiner si la disposition en cause n'est pas susceptible d'une autre interprétation la rendant compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution. La Cour remarque à cet égard que le ministre des Finances a répondu à une question parlementaire « que l'apport d'une maison de repos n'est en principe pas soumis au droit proportionnel du 12,5 p.c. au titre d'apport d'une habitation quand il s'agit de l'immeuble abritant une institution qui accueille des personnes âgées nécessitant des soins » (Questions et réponses, Sénat, 1995-1996, 26 mars 1996, n° 1-13, pp. 641-642).

Dans cette interprétation, qui est conforme aux objectifs précités consistant à encourager la création de sociétés (B.1.1), mais à décourager en revanche la création de sociétés de patrimoine (B.4), il n'y a pas de différence de traitement et les articles 10 et 11 de la Constitution ne sont dès lors pas violés.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : - L'article 115bis du Code des droits d'enregistrement, d'hypothèque et de greffe, interprété comme excluant du droit d'enregistrement avantageux de 0,5 p.c. l'apport d'un immeuble utilisé comme maison de repos à une société dont l'objet social consiste en l'hébergement durable de personnes âgées, viole les articles 10 et 11 de la Constitution. - L'article 115bis du Code des droits d'enregistrement, d'hypothèque et de greffe, interprété comme n'excluant pas du droit d'enregistrement avantageux de 0,5 p.c. l'apport d'un immeuble utilisé comme maison de repos à une société dont l'objet social consiste en l'hébergement durable de personnes âgées, ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution.

Ainsi prononcé en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 3 juillet 2002.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux Le président, M. Melchior

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