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Arrêt
publié le 04 juin 2003

Extrait de l'arrêt n° 62/2003 du 14 mai 2003 Numéro du rôle : 2393 En cause : le recours en annulation de l'article 7 de la loi du 10 août 2001 portant réforme de l'impôt des personnes physiques, introduit par F. Van Den Broecke et autres. La Cour d'arbitrage, composée des présidents A. Arts et M. Melchior, et des juges P. Martens, R(...)

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2003200642
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04/06/2003
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Extrait de l'arrêt n° 62/2003 du 14 mai 2003 Numéro du rôle : 2393 En cause : le recours en annulation de l'article 7 de la loi du 10 août 2001Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/08/2001 pub. 20/09/2001 numac 2001003402 source ministere des finances Loi portant réforme de l'impôt des personnes physiques fermer portant réforme de l'impôt des personnes physiques, introduit par F. Van Den Broecke et autres.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents A. Arts et M. Melchior, et des juges P. Martens, R. Henneuse, E. De Groot, L. Lavrysen et J.-P. Snappe, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président A. Arts, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours et procédure Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 18 mars 2002 et parvenue au greffe le 19 mars 2002, un recours en annulation de l'article 7 de la loi du 10 août 2001Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/08/2001 pub. 20/09/2001 numac 2001003402 source ministere des finances Loi portant réforme de l'impôt des personnes physiques fermer portant réforme de l'impôt des personnes physiques (publiée au Moniteur belge du 20 septembre 2001) a été introduit par F. Van Den Broecke et A. De Pauw, demeurant à 9260 Wichelen, Wetterensteenweg 15, I. Boosten et C. De Clercq, demeurant à 9340 Lede, Molenhoek 53, G. De Backer et G. Van Holsbeeck, demeurant à 9320 Alost, Kluizendreef 10, et K. Paemeleire, demeurant à 9070 Destelbergen, Burgemeester Meirsonstraat 21. (...) II. En droit (...) B.1.1. L'article 49 du Code des impôts sur les revenus 1992 (C.I.R. 1992) dispose : « A titre de frais professionnels sont déductibles les frais que le contribuable a faits ou supportés pendant la période imposable en vue d'acquérir ou de conserver les revenus imposables et dont il justifie la réalité et le montant au moyen de documents probants ou, quand cela n'est pas possible, par tous autres moyens de preuve admis par le droit commun, sauf le serment. Sont considérés comme ayant été faits ou supportés pendant la période imposable, les frais qui, pendant cette période, sont effectivement payés ou supportés ou qui ont acquis le caractère de dettes ou pertes certaines et liquides et sont comptabilisés comme telles. » B.1.2. L'article 51 du même Code, avant sa modification par la disposition attaquée, était libellé comme suit : « Pour ce qui concerne les rémunérations et les profits autres que les indemnités obtenues en réparation totale ou partielle d'une perte temporaire de rémunérations ou de profits, les frais professionnels autres que les cotisations et sommes visées à l'article 52, 7o et 8o, sont, à défaut de preuves, fixés forfaitairement en pourcentages du montant brut de ces revenus préalablement diminués desdites cotisations.

Ces pourcentages sont : 1o pour les rémunérations des travailleurs : a) 20 p.c. de la première tranche de 3.750 EUR; b) 10 p.c. de la tranche de 3.750 EUR à 7.450 EUR; c) 5 p.c. de la tranche de 7.450 EUR à 12.400 EUR; d) 3 p.c. de la tranche excédant 12.400 EUR; 2o pour les rémunérations des dirigeants d'entreprise : 5 p.c.; 3o [...]; 4o pour les profits : les pourcentages fixés au 1o.

Le forfait ne peut, en aucun cas, dépasser 2500 EUR pour l'ensemble des revenus d'une même catégorie visée à l'alinéa 2, 1o à 4o.

En ce qui concerne les rémunérations des travailleurs, le forfait est majoré, pour tenir compte des frais exceptionnels qui résultent de l'éloignement du domicile par rapport au lieu de travail, d'un montant déterminé suivant une échelle fixée par le Roi. » B.2. Les parties requérantes demandent l'annulation de l'article 7 de la loi du 10 août 2001Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/08/2001 pub. 20/09/2001 numac 2001003402 source ministere des finances Loi portant réforme de l'impôt des personnes physiques fermer portant réforme de l'impôt des personnes physiques, qui dispose : «

Art. 7.A. Dans l'article 51, alinéa 2, 1o, du même Code, remplacé par la loi du 6 juillet 1994 et modifié par les arrêtés royaux des 20 décembre 1996 et 20 juillet 2000, les mots ' 20 p.c. ' sont remplacés par les mots ' 23 p.c. '.

B. Dans le même article, les mots ' 23 p.c. ' sont remplacés par les mots ' 25 p.c. ' ».

En vertu de l'article 65 de la loi précitée du 10 août 2001, l'article 7.A entre en vigueur à partir de l'exercice d'imposition 2003 et l'article 7.B entre en vigueur à partir de l'exercice d'imposition 2004.

Quant à l'intérêt B.3.1. Le Conseil des ministres conteste l'intérêt des parties requérantes qui perçoivent une rémunération de travailleur parce qu'elles ont elles-mêmes choisi de ne pas faire usage de la déduction forfaitaire dont la disposition attaquée prévoit l'augmentation.

Le Conseil des ministres conteste également l'intérêt des autres parties requérantes, parce que la disposition attaquée ne fait que modifier une règle qui, antérieurement, ne leur était pas applicable.

B.3.2. Lorsqu'une disposition législative privilégie une catégorie de citoyens, ceux par rapport à qui cette catégorie est privilégiée peuvent avoir un intérêt suffisamment direct à l'attaquer.

B.3.3. La disposition attaquée, en augmentant le montant forfaitaire des frais professionnels, réduit la pression fiscale en faveur d'une catégorie de contribuables. Les parties requérantes qui ne bénéficient pas de cet avantage justifient de l'intérêt requis pour attaquer cette disposition.

Quant au fond B.4. Les parties requérantes soutiennent que la disposition attaquée est contraire aux articles 10, 11 et 172 de la Constitution, parce qu'elle accorde un avantage fiscal aux bénéficiaires de rémunérations et profits qui ne justifient pas leurs frais professionnels et dont lesdits frais ne dépassent pas le plafond de 2.500 euros, alors que ce même avantage fiscal n'est pas accordé à d'autres catégories de contribuables, à savoir (1) les bénéficiaires de rémunérations et profits qui prouvent leurs frais réels, (2) les dirigeants d'entreprise, (3) ceux qui touchent des bénéfices et (4) les bénéficiaires de rémunérations et profits dont les frais à déduire dépassent le plafond de 2.500 euros.

B.5. Les règles constitutionnelles de l'égalité et de la non-discrimination n'excluent pas qu'une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu'elle repose sur un critère objectif et qu'elle soit raisonnablement justifiée.

L'existence d'une telle justification doit s'apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause; le principe d'égalité est violé lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.

B.6. Les articles 10 et 11 de la Constitution ont une portée générale.

Ils interdisent toute discrimination, quelle qu'en soit l'origine. Ils sont également applicables en matière fiscale, ce que confirme d'ailleurs l'article 172 de la Constitution, lequel fait une application particulière du principe d'égalité formulé à l'article 10.

B.7. Lorsqu'il établit l'assiette d'un impôt, le législateur doit pouvoir faire usage de catégories qui, nécessairement, n'appréhendent la diversité des situations qu'avec un certain degré d'approximation.

Le recours à ce procédé n'est pas déraisonnable en soi; il convient néanmoins d'examiner s'il en va de même, dans chaque cas individuel, pour la manière dont le procédé a été utilisé.

B.8. La disposition attaquée fait partie d'une réforme générale de l'impôt des personnes physiques. Il ressort des travaux préparatoires que l'un des axes de cette réforme réside dans la diminution de la pression fiscale sur les revenus du travail : « Cet axe comprend les quatre mesures suivantes : - introduction d'un crédit d'impôt remboursable de 500 EUR (environ 20 000 BEF) par an, ciblé sur les bas revenus du travail; - augmentation de 20 à 25 p.c. du taux de la première tranche de revenus dans le barème des frais professionnels forfaitaires; - réduction de la pression fiscale sur les revenus moyens par une modification du barème; - suppression des taux les plus élevés d'imposition, à savoir ceux de 52,5 et 55 p.c.

La première mesure - l'introduction d'un crédit d'impôt remboursable ciblé sur les bas revenus du travail - est la plus novatrice.

Le crédit d'impôt conduit à une revalorisation substantielle des revenus professionnels les plus bas. Il favorise en outre l'accès des jeunes et des femmes au marché du travail.

La deuxième mesure vise à réduire par le biais d'une révision des frais professionnels forfaitaires, la charge fiscale pesant sur le travail pour les revenus situés au-delà des limites d'octroi du crédit d'impôt.

La troisième mesure du premier axe - la révision du barème - est plus générale. Elle touche 83 p.c. des contribuables. Elle compense partiellement les hausses d'impôts résultant de la non-indexation des barèmes jusqu'en 1999.

La dernière mesure du premier axe - la suppression des taux les plus élevés de 52,5 et 55 p.c. - répond au double objectif de réduction du nombre de taux du barème et de diminution de la pression fiscale sur les revenus supérieurs. Elle permet de réduire le handicap de compétitivité dont souffre la Belgique en ce qui concerne les travailleurs les plus qualifiés. » (Doc. parl. , Chambre, 2000-2001, Doc. 50 1270/1, pp. 5-6) B.9. Compte tenu de l'objectif de la réforme fiscale, il est raisonnablement justifié de réduire davantage la pression fiscale là où elle est plus forte et de la réduire moins là où elle semble plus faible.

B.10. On peut raisonnablement considérer que les bénéficiaires de rémunérations et profits qui ne justifient pas leurs frais professionnels et qui ne dépassent pas le plafond de 2.500 euros subissent généralement une pression fiscale plus importante que les bénéficiaires de rémunérations et profits bénéficiant des mêmes revenus professionnels qui justifient leurs frais professionnels réels.

Le législateur a aussi pu supposer que les bénéficiaires de rémunérations et profits qui ne justifient pas leurs frais professionnels et qui ne dépassent pas le plafond de 2.500 euros subissent généralement une pression fiscale plus importante que les dirigeants d'entreprise et les bénéficiaires de bénéfices. Les parties requérantes n'apportent aucun élément qui tendrait à prouver le contraire.

Enfin, concernant le traitement différent des bénéficiaires de rémunérations et profits dont la déduction des frais dépasse le plafond de 2.500 euros, la Cour observe qu'à la différence des bénéficiaires de rémunérations et profits qui ne justifient pas leurs frais professionnels et qui ne dépassent pas le plafond de 2.500 euros, cette catégorie de contribuables est soumise aux taux d'imposition les plus élevés. Elle bénéficie par conséquent de la diminution de la pression fiscale résultant de l'abaissement des taux d'imposition les plus élevés.

B.11. Il découle de ce qui précède qu'en adoptant la disposition attaquée, le législateur n'a pas pris une mesure discriminatoire.

Par ces motifs, la Cour rejette le recours.

Ainsi prononcé en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 14 mai 2003.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux.

Le président, A. Arts.

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