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Arrêt
publié le 05 juin 2003

Extrait de l'arrêt n° 63/2003 du 14 mai 2003 Numéro du rôle : 2395 En cause : le recours en annulation de l'article 23 de la loi du 10 août 2001 portant réforme de l'impôt des personnes physiques, introduit par P. Vankrunkelsven. La Co composée des présidents A. Arts et M. Melchior, et des juges L. François, P. Martens, R. Henneuse, (...)

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cour d'arbitrage
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2003200643
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05/06/2003
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Extrait de l'arrêt n° 63/2003 du 14 mai 2003 Numéro du rôle : 2395 En cause : le recours en annulation de l'article 23 de la loi du 10 août 2001Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/08/2001 pub. 20/09/2001 numac 2001003402 source ministere des finances Loi portant réforme de l'impôt des personnes physiques fermer portant réforme de l'impôt des personnes physiques, introduit par P. Vankrunkelsven.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents A. Arts et M. Melchior, et des juges L. François, P. Martens, R. Henneuse, M. Bossuyt, E. De Groot, L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman et E. Derycke, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président A. Arts, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours et procédure Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 19 mars 2002 et parvenue au greffe le 20 mars 2002, P. Vankrunkelsven, demeurant à 2430 Laakdal, Lindestraat 9, a introduit un recours en annulation de l'article 23 de la loi du 10 août 2001Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/08/2001 pub. 20/09/2001 numac 2001003402 source ministere des finances Loi portant réforme de l'impôt des personnes physiques fermer portant réforme de l'impôt des personnes physiques (publiée au Moniteur belge du 20 septembre 2001). (...) II. En droit (...) B.1. Le requérant demande l'annulation de l'article 23 de la loi du 10 août 2001Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/08/2001 pub. 20/09/2001 numac 2001003402 source ministere des finances Loi portant réforme de l'impôt des personnes physiques fermer portant réforme de l'impôt des personnes physiques.

La disposition entreprise énonce : «

Art. 23.A. Dans l'article 131, 2o, du même Code, modifié par la loi du 4 mai 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 04/05/1999 pub. 12/06/1999 numac 1999003331 source ministere des finances Loi portant des dispositions fiscales diverses type loi prom. 04/05/1999 pub. 04/06/1999 numac 1999003329 source ministere des finances Loi portant des dispositions fiscales et autres type loi prom. 04/05/1999 pub. 01/07/1999 numac 1999009647 source ministere de la justice Loi modifiant certaines dispositions relatives au mariage fermer et par l'arrêté royal du 20 juillet 2000, le montant de 3.250 EUR est remplacé par le montant de 3.390 EUR. B. Le même article est remplacé par la disposition suivante : '

Art. 131.Pour le calcul de l'impôt, un montant de base de 4.095 EUR est exempté d'impôt.

Ce montant est majoré de 870 EUR lorsque le contribuable est atteint d'un handicap. ' » En vertu de l'article 65, alinéa 4, de la loi précitée du 10 août 2001, l'article 23.A entre en vigueur à partir de l'exercice d'imposition 2004. En vertu de l'article 65, alinéa 5, de la même loi, l'article 23.B entre en vigueur à partir de l'exercice d'imposition 2005.

B.2.1. La Cour doit déterminer l'étendue du recours en annulation en fonction du contenu de la requête, et notamment sur la base de l'exposé des moyens. Elle limite son examen aux dispositions dont il est exposé en quoi elles violeraient les dispositions invoquées aux moyens.

B.2.2. Selon le requérant, la disposition entreprise, lue en combinaison avec l'article 65 de la loi du 10 août 2001Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/08/2001 pub. 20/09/2001 numac 2001003402 source ministere des finances Loi portant réforme de l'impôt des personnes physiques fermer, viole le principe d'égalité et de non-discrimination en ce qu'elle réduit, à partir de l'exercice d'imposition 2004, la différence de traitement, pour ce qui est du montant de base exempté d'impôt, entre, d'une part, les isolés et, d'autre part, les conjoints et cohabitants, et en ce qu'elle supprime cette différence à partir de l'exercice d'imposition 2005, de sorte que les deux catégories de contribuables sont traitées de manière égale, alors qu'elles se trouvent dans des situations fondamentalement différentes.

B.2.3. Le grief du requérant selon lequel les catégories de contribuables précitées sont injustement traitées de manière égale ne vaut qu'en tant qu'il porte sur le littera B de l'article 23 entrepris. En effet, le littera A de l'article 23 ne prévoit pas de traitement égal de catégories de contribuables, mais il se limite à réduire cette différence, sans toutefois la supprimer.

En outre, le requérant n'expose pas en quoi l'alinéa 2 de l'article 23.B, selon lequel le montant de base exempté d'impôt est majoré de 870 euros lorsque le contribuable est atteint d'un handicap, violerait les articles 10 et 11 de la Constitution.

B.2.4. La Cour limite par conséquent son examen à l'alinéa 1er de l'article 23.B en ce que cette disposition fixe à partir de l'exercice d'imposition 2005 le même montant de base exempté d'impôt de 4.095 euros pour toutes les catégories de contribuables auxquelles s'applique la disposition entreprise.

B.3.1. Les travaux préparatoires de la loi du 10 août 2001Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/08/2001 pub. 20/09/2001 numac 2001003402 source ministere des finances Loi portant réforme de l'impôt des personnes physiques fermer portant réforme de l'impôt des personnes physiques font apparaître qu'un des axes du projet consiste à poursuivre un but de « neutralité à l'égard des choix de vie » (Doc. parl. , Chambre, 2000-2001, Doc. 50 1270/001, pp. 7, 68; ibid. , 1270/006, p. 7; Doc. parl. , Sénat, 2000-2001, no 2-832/3, p. 3). La réforme fiscale vise à « supprimer les mesures défavorables aux couples mariés et envisage de permettre aux cohabitants qui ont conclu une déclaration de cohabitation légale de bénéficier des avantages liés au mariage.

Concrètement, la réforme implique : des tranches exonérées d'impôt identiques pour les mariés, les cohabitants et les isolés; [...] » (Doc. parl. , Chambre, 2000-2001, Doc. 50 1270/001, p. 7; ibid. , 1270/006, pp. 9-10). « L'assimilation au niveau du droit fiscal a pour conséquence que les avantages fiscaux dont bénéficiaient les personnes mariées par rapport aux cohabitants sont dès à présent accordés aux cohabitants légaux. » (ibid. , 1270/001, p. 8) B.3.2. A propos de l'article 23 attaqué, l'exposé des motifs précise : « L'article 23 modifie l'article 131, C.I.R. 1992 qui prévoit que le montant de base de la quotité du revenu exemptée d'impôt est identique pour tous les contribuables; il est fixé à 4.095 EUR tant pour les personnes mariées que pour les isolés ou les cohabitants (de fait ou légaux). [...] » (ibid. , 1270/001, pp. 19-20) « La modification légale précitée est mise à profit pour adapter les articles 131 à 134, C.I.R. 1992. La quotité du revenu exemptée d'impôt correspond à la somme, par contribuable, des différents montants exonérés d'impôt. Ce résultat se compose du montant de base visé à l'article 131, C.I.R. 1992, éventuellement majoré pour handicap et des suppléments pour charges de famille repris aux articles 132 et 133, C.I.R. 1992.

Il résulte de ce qui précède une structure plus logique des articles 131 à 134, C.I.R. 1992 où l'on retrouve : - à l'article 131, le montant de base; - à l'article 132, les suppléments pour personnes à charge; - à l'article 133, les suppléments pour certaines situations de famille; - et à l'article 134, la manière dont est composée la quotité du revenu exemptée d'impôt. [...] Conformément au schéma budgétaire, l'adaptation du montant de base de la quotité du revenu exemptée d'impôt pour les conjoints s'effectue en 2 étapes. L'article 23, A précise que ce montant est majoré dans l'article existant. La mesure s'applique de manière définitive par le biais de l'article 23, B. [...] » (ibid. , pp. 20-21).

B.3.3. Il fut déposé un amendement visant à remplacer l'article 23.B en projet en ce sens que le montant de base proposé de 4.095 euros serait « majoré de 870 EUR lorsque l'imposition est établie séparément et que le contribuable est isolé. Il y a lieu d'entendre par isolé dans le présent chapitre le contribuable qui, pendant la période imposable, n'a fait partie à aucun moment d'un ménage avec un autre contribuable qui a eu des ressources qui, selon le cas, ont été supérieures à celles visées aux articles 136 et 141. [...] » (Doc. parl. , Chambre, 2000-2001, Doc. 50 1270/003, p. 2) Cet amendement était justifié comme suit : « Il est évident que les possibilités financières d'un véritable isolé sont moins fortes que la moitié de celles de deux cohabitants (mariés ou non). C'est la raison pour laquelle, le principe de la réforme fiscale de 1988 est maintenu et un isolé a droit à une quotité minimale exonérée plus importante. Le fait qu'après la réforme, cette augmentation a également profité, sans qu'on le veuille, aux cohabitants qui ont été imposés séparément, est toutefois supprimé. Il est désormais établi une distinction entre ' vrais ' cohabitants et cohabitants de fait.

Cet amendement tend à accorder une augmentation supplémentaire de 870 EUR aux vrais cohabitants. La notion d'' isolé ' est à présent clairement définie et est plus restrictive que par le passé. En effet, actuellement toute personne non mariée est un isolé. La notion d'isolé est désormais liée à la situation dans laquelle l'intéressé supporte réellement seul les charges du ménage.

Cela signifie qu'il est réellement tout seul ou qu'aucun membre du ménage n'a des revenus qui dépassent le plafond de ressources fixé pour être considéré comme personne à charge. [...] » (ibid. , Doc. 50 1270/003, p. 2) Lors de la discussion de cet amendement en commission à la Chambre, le ministre a observé que « le fisc n'est pas à même de contrôler si un contribuable est ou non véritablement un isolé » (Doc. parl. , Chambre, 2000-2001, Doc. 50 1270/006, p. 92). A l'observation selon laquelle en sécurité sociale aussi, il est fait usage de la notion d'« isolé », le ministre a répliqué « que ce contrôle ne va pas non plus sans poser de problèmes, notamment en matière d'allocations de chômage ». L'amendement a été rejeté par la commission compétente de la Chambre (ibid. ).

Un nouvel amendement ayant la même portée a été déposé au Sénat (Doc. parl. , Sénat, 2000-2001, no 2-832/2, pp. 3-4); il a été rejeté tant en commission (ibid. , no 2-832/3, p. 45) qu'en assemblée plénière (Ann. , Sénat, 19 juillet 2001, no 2-142, pp. 93-94).

B.4.1. La disposition entreprise s'inscrit dans un ensemble de mesures grâce auxquelles le législateur entendait assurer, dans le domaine des impôts sur les revenus, la neutralité à l'égard des modes de vie. En ce qui concerne le montant exempté d'impôt, l'objectif que le législateur poursuit actuellement diffère essentiellement de celui, précisé dans l'arrêt no 140/2001, B.4, qu'il poursuivait antérieurement. Il relève du pouvoir d'appréciation du législateur de poursuivre pareil objectif et d'adopter des dispositions de nature à le réaliser.

B.4.2. Afin d'atteindre cet objectif, le législateur a, à partir de l'exercice d'imposition 2005, instauré un même montant de base exempté d'impôt - 4.095 euros - pour les personnes mariées, les cohabitants qui ont déposé une déclaration de cohabitation légale, les cohabitants de fait et les isolés.

B.5. Les règles constitutionnelles de l'égalité et de la non-discrimination n'excluent pas qu'une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu'elle repose sur un critère objectif et qu'elle soit raisonnablement justifiée. Les mêmes règles s'opposent, par ailleurs, à ce que soient traitées de manière identique, sans qu'apparaisse une justification raisonnable, des catégories de personnes se trouvant dans des situations qui, au regard de la mesure considérée, sont essentiellement différentes.

L'existence d'une telle justification doit s'apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause; le principe d'égalité est violé lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.

B.6. Lorsque le législateur fixe un montant de base exempté d'impôt, comme le fait la disposition entreprise, il ne viole pas le principe d'égalité par cela seul qu'il instaure un régime identique pour différentes catégories de contribuables concernés. Une adéquation complète à des situations individuelles, qui peuvent être officieuses et changeantes, ne peut être exigée d'une réglementation qui, procédant par voie de disposition générale, peut, sans comporter pour autant une erreur manifeste, appréhender la diversité de ces situations individuelles en faisant usage de catégories qui, nécessairement, ne correspondent aux réalités qu'avec un certain degré d'approximation.

Sans doute les frais fixes de subsistance sont-ils, dans le cas d'un isolé, généralement supérieurs, par personne, à ceux de conjoints ou de cohabitants. Toutefois, lorsqu'il décide d'adopter une attitude de neutralité à l'égard des modes de vie, le législateur fiscal peut renoncer à établir des distinctions pouvant amener l'administration à faire des vérifications qui portent sur la vie privée et qui peuvent entraîner des frais importants.

B.7. En fixant un même montant de base exempté d'impôt pour les conjoints, les cohabitants et les isolés, le législateur a pris une mesure qui n'est pas sans justification raisonnable.

Par ces motifs, la Cour rejette le recours.

Ainsi prononcé en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 14 mai 2003.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux.

Le président, A. Arts.

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