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Arrêt
publié le 19 juillet 2004

Extrait de l'arrêt n° 76/2004 du 5 mai 2004 Numéro du rôle : 2786 En cause : les questions préjudicielles concernant les articles 79 et 82 de la loi du 8 août 1997 sur les faillites, posées par le Tribunal de première instance de Bruxelles. La Cour d'arbitrage, composée des présidents A. Arts et M. Melchior, et des juges P. Martens, R.(...)

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Extrait de l'arrêt n° 76/2004 du 5 mai 2004 Numéro du rôle : 2786 En cause : les questions préjudicielles concernant les articles 79 et 82 de la loi du 8 août 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/08/1997 pub. 28/10/1997 numac 1997009766 source ministere de la justice Loi sur les faillites fermer sur les faillites, posées par le Tribunal de première instance de Bruxelles.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents A. Arts et M. Melchior, et des juges P. Martens, R. Henneuse, L. Lavrysen, J.-P. Snappe et E. Derycke, assistée du greffier L. Potoms, présidée par le président A. Arts, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des questions préjudicielles et procédure Par jugement du 12 septembre 2003 en cause de M. Renders contre F. David, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour d'arbitrage le 19 septembre 2003, le Tribunal de première instance de Bruxelles a posé les questions préjudicielles suivantes : 1. « L'article 79 de la loi du 8 août 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/08/1997 pub. 28/10/1997 numac 1997009766 source ministere de la justice Loi sur les faillites fermer sur les faillites viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution en ce que la caution, qui n'a payé qu'après la déclaration d'ouverture de la faillite et qui n'avait donc pas la possibilité de faire une déclaration dans la faillite, est privée de la possibilité de donner un avis sur l'excusabilité du failli et de fixer la décharge de ce dernier, alors que la caution qui a déjà payé avant la déclaration d'ouverture de la faillite possède cette possibilité ? » 2.« L'article 82 de la loi du 8 août 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/08/1997 pub. 28/10/1997 numac 1997009766 source ministere de la justice Loi sur les faillites fermer sur les faillites viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'il établit une différence de traitement entre respectivement la caution qui a payé la dette au créancier avant la déclaration d'excusabilité du débiteur principal et la caution qui a payé la dette après la déclaration d'excusabilité du débiteur principal, en ce sens que la première caution ne peut plus exercer son droit de recours à l'égard du débiteur principal et que la deuxième caution peut, elle, encore exercer son droit de recours à l'égard du débiteur principal ? » (...) III. En droit (...) B.1. Les articles 79 et 82 de la loi du 8 août 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/08/1997 pub. 28/10/1997 numac 1997009766 source ministere de la justice Loi sur les faillites fermer sur les faillites, tels qu'ils étaient applicables aux faits soumis au juge du fond, c'est-à-dire avant la modification de la loi par la loi du 4 septembre 2002, disposaient : «

Art. 79.Lorsque la liquidation de la faillite est terminée, le failli et les créanciers sont convoqués par les curateurs, sur ordonnance du juge-commissaire, rendue au vu des comptes des curateurs. Le compte simplifié des curateurs reprenant le montant de l'actif, les frais et honoraires des curateurs, les dettes de la masse et la répartition aux différentes catégories de créanciers, est joint à cette convocation.

Dans cette assemblée, le compte est débattu et arrêté. Les créanciers donnent leur avis sur l'excusabilité du failli.

Le reliquat du compte fait l'objet d'une dernière répartition. Lorsque le compte définitif présente un solde positif, celui-ci revient de droit au failli. » «

Art. 82.Si le failli est déclaré excusable, il ne peut plus être poursuivi par ses créanciers.

Si le failli n'est pas déclaré excusable, les créanciers recouvrent le droit d'exercer individuellement leur action sur ses biens. » Quant à la question préjudicielle portant sur l'article 79 B.2. Il est demandé à la Cour si l'article 79 de la loi sur les faillites viole les articles 10 et 11 de la Constitution en ce que la caution qui a payé la dette après l'ouverture de la faillite et qui n'était pas, selon le juge a quo, en mesure d'introduire une déclaration de créance, est privée de la possibilité de donner son avis sur l'excusabilité du failli, alors que la caution qui a payé la dette avant l'ouverture de la faillite peut donner son avis sur cette excusabilité.

B.3. Aux termes de l'article 11 de la loi sur les faillites, le jugement qui déclare la faillite ordonne aux créanciers du failli de faire au greffe du tribunal de commerce la déclaration de leurs créances dans un délai qui ne peut excéder trente jours à compter du jugement déclaratif de faillite. Le même jugement désigne les lieu, jour et heure auxquels il sera procédé à la clôture du procès-verbal de la vérification des créances. Entre l'expiration du délai accordé pour la déclaration des créances et la clôture du procès-verbal de vérification, il doit s'écouler cinq jours au moins et trente jours au plus.

Le jugement déclaratif de la faillite est, par les soins des curateurs et dans les cinq jours de sa date, publié par extraits au Moniteur belge et dans au moins deux journaux ou périodiques ayant une diffusion régionale (article 38 de la même loi).

Pour participer à une répartition ou pour exercer personnellement un droit de préférence quelconque, les créanciers sont tenus, conformément à l'article 62 de la loi, de déposer au greffe du tribunal de commerce la déclaration de leurs créances, au plus tard le jour indiqué par le jugement déclaratif de faillite. Cette obligation vaut également pour les créanciers hypothécaires, privilégiés et gagistes (Doc. parl., Chambre, 1991-1992, n° 631/1, p. 29). A défaut de déclaration et d'affirmation de leurs créances, les défaillants connus ou inconnus ne sont en principe pas compris dans les répartitions (article 72, alinéa 1er).

Bien qu'en vertu de l'alinéa 1er de la disposition en cause, cette déclaration doive en principe avoir lieu dans le délai fixé par le jugement déclaratif de la faillite, l'alinéa 2 de la même disposition autorise les créanciers à agir en admission jusqu'à l'assemblée de clôture visée à l'article 79 de la même loi, au cours de laquelle les curateurs, les créanciers et le failli débattent et arrêtent le compte de la faillite et au cours de laquelle les créanciers donnent leur avis sur l'excusabilité du failli. Le droit d'agir en admission se prescrit en tout cas par trois ans à dater du jugement déclaratif, sauf pour la créance constatée dans le cadre d'une action en intervention ou garantie, poursuivie ou intentée en cours de liquidation (article 72, alinéa 3). La demande d'admission émanant des créanciers retardataires ne peut suspendre les répartitions ordonnées.

En outre, les créanciers retardataires ne peuvent prétendre à un dividende que sur l'actif non encore réparti et les frais et dépenses auxquels la vérification et l'admission de leurs créances donnent lieu restent à leur charge (article 72, alinéa 2).

La différence de traitement en cause découle donc de la lecture conjointe de l'article 79 et de l'article 72 de la loi sur les faillites.

B.4. Il ressort des faits de la cause que la question préjudicielle est limitée à la situation dans laquelle, au moment du paiement par la caution, le délai prévu à l'article 72 de la loi sur les faillites pour demander l'admission d'une créance est écoulé. La Cour limite dès lors son examen à cette situation.

B.5. En vertu de l'article 87 de la loi sur les faillites, la caution qui a fait un paiement partiel est comprise dans la masse pour tout ce qu'elle a payé à la décharge du failli. Il s'ensuivrait, selon le Conseil des ministres, que si le créancier a introduit une déclaration de créance, la caution qui a payé la dette après l'ouverture de la faillite peut donner son avis sur l'excusabilité du failli au cours de la réunion visée à l'article 79.

Même si l'on peut se rallier à ce point de vue, il est toujours possible que le créancier n'ait pas introduit de déclaration de créance dans la faillite ou qu'il l'ait fait mais que, au moment du paiement par la caution, la réunion visée à l'article 79 ait déjà eu lieu. Dans ces circonstances, la différence de traitement des cautions alléguée dans la question préjudicielle subsiste.

B.6. La disposition litigieuse s'inscrit dans la législation sur les faillites, qui vise essentiellement à réaliser un juste équilibre entre les intérêts du débiteur et ceux des créanciers.

La déclaration d'excusabilité constitue pour le failli une mesure de faveur qui lui permet de reprendre ses activités sur une base assainie et ceci, non seulement dans son intérêt, mais aussi dans celui de ses créanciers ou de certains d'entre eux qui peuvent avoir intérêt à ce que leur débiteur reprenne ses activités sur une telle base (Doc. parl., Chambre, 1991-1992, n° 631/1, p. 35). Les travaux préparatoires précisent que « l'excusabilité reste une mesure de faveur accordée au débiteur qui, nonobstant sa faillite, peut être un partenaire commercial fiable dont le maintien en activité commerciale ou industrielle sert l'intérêt général » (ibid., p. 36).

Jugeant que « la faculté de se redresser est [...] utopique si [le failli] doit conserver la charge du passif », le législateur a estimé que « rien ne justifie que la défaillance du débiteur, conséquence de circonstances dont il est victime, l'empêche de reprendre d'autres activités » (Doc. parl., Chambre, 1991-1992, n° 631/13, p. 50).

Il ressort des travaux préparatoires que le législateur s'est soucié de tenir « compte, de manière équilibrée, des intérêts combinés de la personne du failli, des créanciers, des travailleurs et de l'économie dans son ensemble » et d'assurer un règlement humain qui respecte les droits de toutes les parties intéressées (ibid., p. 29).

B.7. L'avis des créanciers sur l'excusabilité du failli a été prévu afin, « d'un point de vue moral, d'impliquer les créanciers dans la procédure », mais aussi parce que « leur apport contribuera à ce que le tribunal prononce un jugement réfléchi » (Doc. parl., Chambre, 1995-1996, n° 329/17, p. 150).

B.8. Par ailleurs, il ressort des travaux préparatoires de la loi du 8 août 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/08/1997 pub. 28/10/1997 numac 1997009766 source ministere de la justice Loi sur les faillites fermer sur les faillites qu'en généralisant l'obligation pour tous les créanciers de déclarer leurs créances, le législateur entendait permettre à toutes les parties intéressées à la liquidation, à savoir le curateur, le failli, les créanciers et tous les tiers intéressés, de se faire plus rapidement une idée la plus complète possible de l'état de la faillite (Doc. parl., Chambre, 1991-1992, n° 631/1, p. 29). Avec la nouvelle loi sur les faillites, le législateur visait, de façon générale du reste, à un règlement rapide et aisé de la procédure de faillite, afin de perturber le moins possible les mécanismes normaux du marché et afin de clarifier le plus rapidement possible la situation de toutes les personnes concernées et avant tout celle des créanciers (ibid., p. 28).

L'article 72 de la loi sur les faillites est conforme à cet objectif : en incitant les créanciers à introduire leur déclaration dans les délais et en limitant à trois ans à dater du jugement déclaratif de la faillite le droit d'agir en admission de leur créance, le législateur entendait inviter les créanciers à plus de vigilance, espérant organiser ainsi un règlement plus rapide des faillites.

B.9. La distinction entre les cautions, selon qu'elles ont payé avant ou après l'expiration du délai fixé par l'article 72 de la loi sur les faillites pour demander l'admission d'une créance, repose sur un critère objectif et pertinent au regard du but du législateur, qui est d'accélérer le règlement de la faillite, et ceci, notamment, dans l'intérêt des créanciers, pour permettre à tous les créanciers connus au moment de l'ordre donné d'opérer une répartition, de prendre part à la répartition, sans devoir tenir compte à cette occasion de créanciers qui, par hypothèse, seraient encore inconnus à ce moment.

B.10. En ce qui concerne l'application de l'article 79 de la loi sur les faillites, la différence de traitement peut certes avoir pour effet que les cautions qui ont payé une dette après l'écoulement du délai fixé à l'article 72 ne peuvent donner leur avis sur l'excusabilité du failli. Toutefois, l'avis ne lie pas le tribunal, il n'y a pas de vote permettant un calcul de majorité mais une délibération tenant compte des avis exprimés, et les créanciers disposent d'un recours en tierce opposition contre la décision du tribunal relative à la clôture de la faillite et à l'excusabilité du failli. Dans ces conditions, la disposition en cause ne porte pas une atteinte disproportionnée aux droits des intéressés.

B.11. La question appelle une réponse négative.

Quant à la question préjudicielle portant sur l'article 82 B.12. Il est demandé à la Cour si l'article 82 de la loi sur les faillites viole les articles 10 et 11 de la Constitution en tant qu'il crée une différence de traitement entre la caution qui a payé avant la déclaration d'excusabilité, qui ne peut réclamer la dette au débiteur principal, et la caution qui a payé après la déclaration d'excusabilité, qui peut se retourner contre le débiteur principal.

B.13. En vertu de l'article 82, tel qu'il était applicable devant le juge du fond, la déclaration d'excusabilité a pour effet que le failli ne peut plus être poursuivi par ses créanciers. Cette disposition est applicable aux dettes subsistant après la clôture de la faillite.

B.14. A la lumière de l'objectif du législateur, qui est de permettre au failli de reprendre ses activités sur une base assainie, il se justifie objectivement et raisonnablement que l'excusabilité porte exclusivement sur les dettes dans la masse qui subsistent après la clôture de la faillite et que les actions nées après que le failli déclaré excusable a repris une activité sur de nouvelles bases puissent être exercées contre lui.

B.15. La question appelle une réponse négative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : Les articles 79 et 82 de la loi du 8 août 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/08/1997 pub. 28/10/1997 numac 1997009766 source ministere de la justice Loi sur les faillites fermer sur les faillites, tels qu'ils étaient applicables avant leur modification par la loi du 4 septembre 2002, ne violent pas les articles 10 et 11 de la Constitution en tant qu'ils créeraient une différence de traitement en fonction du moment du paiement effectué par la caution.

Ainsi prononcé en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 5 mai 2004.

Le greffier, L. Potoms.

Le président, A. Arts.

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