Etaamb.openjustice.be
Arrêt
publié le 10 mars 2005

Extrait de l'arrêt n° 23/2005 du 26 janvier 2005 Numéro du rôle : 2956 En cause : les questions préjudicielles relatives à l'article 51 de la loi du 8 août 1997 sur les faillites, posées par le Tribunal de commerce de Gand. La Cour d'arb composée des présidents A. Arts et M. Melchior, et des juges P. Martens, R. Henneuse, E. De Groot, (...)

source
cour d'arbitrage
numac
2005200717
pub.
10/03/2005
prom.
--
moniteur
https://www.ejustice.just.fgov.be/cgi/article_body(...)
Document Qrcode

COUR D'ARBITRAGE


Extrait de l'arrêt n° 23/2005 du 26 janvier 2005 Numéro du rôle : 2956 En cause : les questions préjudicielles relatives à l'article 51 de la loi du 8 août 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/08/1997 pub. 28/10/1997 numac 1997009766 source ministere de la justice Loi sur les faillites type loi prom. 08/08/1997 pub. 24/08/2001 numac 2001009578 source ministere de la justice Loi relative au Casier judiciaire central fermer sur les faillites, posées par le Tribunal de commerce de Gand.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents A. Arts et M. Melchior, et des juges P. Martens, R. Henneuse, E. De Groot, L. Lavrysen et J.-P. Snappe, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président A. Arts, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des questions préjudicielles et procédure Par jugement du 26 février 2004 en cause de la s.a. Buwacom, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour d'arbitrage le 23 mars 2004, le Tribunal de commerce de Gand a posé les questions préjudicielles suivantes : 1. « L'article 51 de la loi du 8 août 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/08/1997 pub. 28/10/1997 numac 1997009766 source ministere de la justice Loi sur les faillites type loi prom. 08/08/1997 pub. 24/08/2001 numac 2001009578 source ministere de la justice Loi relative au Casier judiciaire central fermer sur les faillites viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'il oblige les curateurs, sous peine d'intérêts de retard, à verser les deniers provenant des ventes et recouvrements à la Caisse des dépôts et consignations, alors que d'autres personnes qui sont appelées à gérer les deniers de tiers en bon père de famille, comme les notaires (entre autres, article 34 de la loi du 6 [lire : 16] mars 1803), les tuteurs de mineurs (article 407, § 1er, 4°, du Code civil), les tuteurs de personnes déclarées sous statut de minorité prolongée (article 487octies du Code civil), les administrateurs provisoires (article 488bis, f, du Code civil), les tuteurs des interdits (article 489 du Code civil) et les médiateurs de dettes (articles 1675/2 et suivants du Code judiciaire) n'ont pas cette obligation et peuvent choisir, pour la gestion des deniers qui leur sont confiés, entre la Caisse des dépôts et consignations- qui réclame cependant, pour les deniers des mineurs, des interdits et des déments, des taux d'intérêt spécifiques, différents des taux d'intérêt applicables aux fonds de faillites - et un établissement de crédit au sens de la loi du 22 mars 1993 ? » 2.« L'article 51 de la loi du 8 août 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/08/1997 pub. 28/10/1997 numac 1997009766 source ministere de la justice Loi sur les faillites type loi prom. 08/08/1997 pub. 24/08/2001 numac 2001009578 source ministere de la justice Loi relative au Casier judiciaire central fermer sur les faillites viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'il impose aux curateurs une obligation de réparation plus que purement indemnitaire, alors que l'obligation de réparation qui incombe aux autres citoyens est, en revanche, de nature purement indemnitaire ? » (...) III. En droit (...) B.1.1. L'article 51 de la loi du 8 août 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/08/1997 pub. 28/10/1997 numac 1997009766 source ministere de la justice Loi sur les faillites type loi prom. 08/08/1997 pub. 24/08/2001 numac 2001009578 source ministere de la justice Loi relative au Casier judiciaire central fermer sur les faillites, applicable au litige devant le juge a quo, disposait : « Les curateurs recherchent et recouvrent sur leurs quittances, toutes les créances ou sommes dues au failli.

Les deniers provenant des ventes et recouvrements faits par les curateurs sont versés à la Caisse des dépôts et consignations dans les huit jours de la recette. Le juge-commissaire peut toutefois, sur requête autoriser le curateur à conserver sur un compte bancaire un montant limité, destiné à financer les opérations courantes. Dans son ordonnance, le juge-commissaire fixe le montant maximum que le curateur est autorisé à conserver sur le compte.

En cas de retard, les curateurs doivent les intérêts commerciaux des sommes qu'ils n'ont pas versées, sans préjudice de l'application de l'article 31. » B.1.2. Cette même disposition, remplacée par la loi du 4 septembre 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 04/09/2002 pub. 21/09/2002 numac 2002009854 source service public federal justice Loi modifiant la loi du 8 août 1997 sur les faillites, le Code judiciaire et le Code des sociétés fermer, énonce : « Les curateurs recherchent et recouvrent sur leurs quittances, toutes les créances ou sommes dues au failli.

Les deniers provenant des ventes et recouvrements faits par les curateurs sont versés à la Caisse des dépôts et consignations dans le mois de leur réception. Afin de financer les opérations courantes, le curateur peut conserver un montant limité sur un compte bancaire individualisé par faillite, sous la surveillance du juge-commissaire, qui fixe le montant maximum.

En cas de retard, les curateurs sont redevables des intérêts de retard, équivalents aux intérêts légaux, sur les sommes qu'ils n'ont pas versées, sans préjudice de l'application de l'article 31. » Cette modification de loi n'a pas d'influence sur la portée des questions préjudicielles.

Quant à la première question préjudicielle B.2. Le juge a quo demande en premier lieu à la Cour si la disposition précitée viole les règles d'égalité et de non-discrimination en ce qu'elle oblige les curateurs à verser les deniers provenant des ventes et recouvrements à la Caisse des dépôts et consignations, alors que d'autres personnes qui sont appelées à gérer les deniers de tiers, comme les notaires, les tuteurs de mineurs ou de personnes déclarées sous statut de minorité prolongée, les administrateurs provisoires, les tuteurs des interdits et les médiateurs de dettes, ont le choix entre la Caisse des dépôts et consignations et un établissement de crédit au sens de la loi du 22 mars 1993 relative au statut et au contrôle des établissements de crédit.

B.3. Le curateur concerné par le litige au fond demande à la Cour d'associer également dans son examen certains articles du traité C.E. au motif que la disposition en cause ferait naître une position de monopole et entraverait la libre circulation des services et la liberté d'établissement.

Les parties ne peuvent toutefois modifier ou étendre la portée de la question préjudicielle.

B.4. Les règles constitutionnelles de l'égalité et de la non-discrimination n'excluent pas qu'une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu'elle repose sur un critère objectif et qu'elle soit raisonnablement justifiée.

L'existence d'une telle justification doit s'apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause; le principe d'égalité est violé lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.

B.5.1. Le Conseil des ministres objecte que la situation des curateurs ne saurait être comparée à celle des autres personnes qui gèrent des fonds de tiers, mentionnées dans la question préjudicielle.

B.5.2. L'allégation selon laquelle des situations ne sont pas suffisamment comparables ne peut tendre à ce que les articles 10 et 11 de la Constitution ne soient pas appliqués. Elle ne peut avoir pour effet que d'abréger la démonstration d'une compatibilité avec ces dispositions lorsque les situations sont à ce point éloignées qu'il est immédiatement évident qu'un constat de discrimination ne saurait résulter de leur comparaison minutieuse.

B.5.3. Par le jugement qui déclare la faillite, le tribunal de commerce nomme, parmi ses membres, un juge-commissaire et désigne un ou plusieurs curateurs. La mission du curateur consiste notamment à réaliser l'actif du failli et à en répartir le produit parmi les créanciers. Le curateur est un mandataire judiciaire qui exerce les pouvoirs prévus par la loi dans l'intérêt commun des créanciers comme dans celui du failli. Il est tenu de gérer la faillite en bon père de famille, sous la surveillance du juge-commissaire.

B.5.4. Il ressort des travaux préparatoires des lois citées en B.1.1 et B.1.2 que, tant en 1997 qu'en 2002, le législateur a examiné l'obligation faite au curateur de verser les fonds de faillite à la Caisse des dépôts et consignations, qu'il a pesé les arguments favorables et défavorables, déduits tantôt d'intérêts particuliers, tantôt de l'intérêt général, qui ont fait les uns et les autres l'objet de discussions, d'interventions et d'amendements (Doc. parl., Chambre, 1991-1992, n° 631/1, pp. 26 et 27; n° 631/4, pp. 9 et 10; n° 631/8, p. 4; Doc. parl., Chambre, 1994-1995, n° 631/13, pp. 67, 76, 110, 119, 122, 144 et 276; Doc. parl., Chambre, 1995-1996, n° 330/7, pp. 11 et 12; n° 330/10, pp. 4 et 5; n° 330/23, p. 4; n° 330/24, p. 14; Doc. parl., Chambre, 1995-1996, n° 329/17, pp. 145 et 146; Doc. parl., Sénat, 1996-1997, n° 1-498/11, pp. 130 à 133, 221 et 222; n° 1-499/4, pp. 6 et 7; n° 1-499/5, pp. 13 et 14; n° 1-499/8, p. 3). Il a opté pour un maintien de cette obligation, tout en assouplissant la faculté laissée au curateur de conserver sur un compte bancaire individualisé les sommes nécessaires au financement des opérations courantes (Doc. parl., Chambre, 2000-2001, DOC 50-1132/003, pp. 4 et 5; DOC 50-1132/008, pp. 14 et 15; DOC 50-1132/010, p. 9; DOC 50-1132/013, pp. 68 à 81, 141 et 146).

B.5.5. Lorsque, spécialement dans une matière qui touche à des intérêts économiques divergents, le législateur a choisi à deux reprises la solution qu'il a considérée comme étant la plus favorable à l'intérêt général et à celui des créanciers en particulier, la Cour ne pourrait censurer ce choix que s'il portait une atteinte manifestement disproportionnée aux intérêts d'une catégorie de personnes.

B.5.6. Eu égard aux intérêts en cause, l'option du législateur visant à faire verser les deniers provenant des ventes et recouvrements à la Caisse des dépôts et consignations ne saurait être considérée comme manifestement déraisonnable, compte tenu notamment de ce que les deniers versés y bénéficient d'une garantie de l'Etat. Sans doute le législateur pourrait-il faciliter la mission des curateurs si ceux-ci pouvaient verser les deniers reçus sur un compte en banque individualisé, mais il peut estimer, dans le cadre de l'objectif de la législation sur les faillites qui vise en substance à mettre en oeuvre un équilibre équitable entre les intérêts du débiteur et ceux des créanciers, que l'intérêt des curateurs est subordonné aux autres intérêts en cause.

B.5.7. Le curateur de faillite exerce en effet une mission légale dont les répercussions sur la situation du failli, sur celle des créanciers, sur l'emploi et sur l'économie générale est souvent d'une ampleur telle qu'elle ne peut être comparée à tous égards à celle qui est confiée aux catégories de personnes citées dans la question préjudicielle. Le curateur est clairement averti, par l'article 51 de la loi sur les faillites, de l'obligation qui pèse sur lui et de la mesure qui sanctionne sa méconnaissance.

B.5.8. Il ressort de ce qui précède que l'article 51 de la loi sur les faillites ne peut être considéré en faisant abstraction de la réglementation dont il fait partie et que la différence de traitement entre les curateurs et les autres personnes mentionnées dans la question préjudicielle, sans que ces catégories doivent être comparées de manière précise, se fonde sur un critère objectif et pertinent.

Dès lors que la disposition en cause permet au curateur - fût-ce uniquement, avant la modification de loi du 4 septembre 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 04/09/2002 pub. 21/09/2002 numac 2002009854 source service public federal justice Loi modifiant la loi du 8 août 1997 sur les faillites, le Code judiciaire et le Code des sociétés fermer, moyennant habilitation explicite par le juge-commissaire - de conserver un montant limité sur un compte en banque individualisé par faillite, utile pour les opérations en cours, sous la surveillance du juge-commissaire qui en fixe le montant maximum, elle ne saurait être réputée avoir des effets disproportionnés.

B.6. La question préjudicielle appelle une réponse négative.

Quant à la deuxième question préjudicielle B.7. Le juge a quo demande en second lieu à la Cour si la disposition en cause viole les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'elle impose aux curateurs « une obligation de réparation plus que purement indemnitaire, alors que l'obligation de réparation qui incombe aux autres citoyens est, en revanche, de nature purement indemnitaire ».

B.8. Par l'« obligation de réparation plus que purement indemnitaire », le juge fait référence à l'obligation faite aux curateurs de payer, en vertu de la disposition en cause, des intérêts de retard, égaux aux intérêts légaux, sur les sommes qu'ils n'ont pas versées ou qu'ils n'ont pas versées à temps à la Caisse des dépôts et consignations. Par l'« obligation de réparation purement indemnitaire », le juge désigne l'obligation d'indemnisation de droit commun, contractuelle ou extracontractuelle, qui s'étendrait tout au plus à l'indemnisation du dommage réellement subi ou à la perte réellement subie et au manque à gagner.

B.9. L'obligation de payer les intérêts légaux vise à inciter les curateurs à respecter l'obligation de verser à la Caisse des dépôts et consignations les deniers provenant des ventes et recouvrements. Il relève du pouvoir d'appréciation du législateur de lier une sanction à la méconnaissance d'une obligation qu'il impose. Sans que la situation des curateurs doive être comparée de manière précise à celle des autres citoyens, la nature dissuasive de la mesure peut justifier la différence de traitement en cause. En outre, l'obligation de payer les intérêts légaux ne saurait être considérée comme une sanction manifestement déraisonnable.

B.10. La question préjudicielle appelle une réponse négative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 51 de la loi du 8 août 1997Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/08/1997 pub. 28/10/1997 numac 1997009766 source ministere de la justice Loi sur les faillites type loi prom. 08/08/1997 pub. 24/08/2001 numac 2001009578 source ministere de la justice Loi relative au Casier judiciaire central fermer sur les faillites ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution.

Ainsi prononcé en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 26 janvier 2005.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux.

Le président, A. Arts.

^